M. le président. « Art. 26. _ L'abondement de l'employeur aux plans d'épargne retraite n'est pas pris en compte dans le plafond visé au cinquième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. Il est exclu de l'assiette des cotisations mentionnée au premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans une limite annuelle définie par décret.
« Pour l'application de la présente loi, les dispositions de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale ne sont pas applicables. »
Sur l'article, la parole est à M. Autain.
M. François Autain. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus à la discussion de l'article 26, qui a fait couler beaucoup d'encre dans la presse ces derniers jours.
La question que je me pose est de savoir si cette discussion et l'amendement que nous présentera M. Jean-Pierre Fourcade valaient vraiment tout ce tapage.
Que nous propose M. Fourcade ?
D'abord et avant tout, de nous sortir du méchant piège de la non-compensation par l'Etat des pertes de recettes pour la sécurité sociale. Car enfin ! que l'on retienne la solution de l'article 26 ou celle de son amendement, il y a bien pertes de recettes pour la sécurité sociale dès lors qu'il y a abondement patronal !
La seule différence entre l'amendement de la commission et le texte qui nous est soumis pourrait être que, dans le premier cas, le cadre juridique choisi pour l'exonération préexisterait à la loi de 1994 et échapperait donc à l'obligation que s'est fixée le législateur de compenser toute exonération nouvelle, tandis qu'au contraire le texte de l'Assemblée nationale trahirait cette obligation.
Permettez-moi d'émettre quelques doutes quant à cette assertion, qui ne me convainc absolument pas. Dans tous les cas, il s'agit d'un effet d'optique, et seulement d'un effet d'optique.
Car enfin, du point de vue institutionnel, dans un cas comme dans l'autre la solution retenue affecte directement les recettes de la sécurité sociale et donc les conditions générales de son équilibre, alors même que la loi organique réserve à la seule loi de financement de la sécurité sociale la définition de ces conditions générales.
C'est la raison pour laquelle nous saisirons d'ailleurs le Conseil constitutionnel afin de connaître son sentiment sur ce point.
Il est une autre différence entre l'amendement de la commission et le texte de l'Assemblée nationale. Avec l'amendement de la commission, pour un salaire supérieur à un million de francs pour lequel le plein est déjà fait de prestations complémentaires, rien n'est plus possible.
C'est là effectivement que le bât blesse - M. Marini nous l'a amplement expliqué -, en ce sens que les gros salaires ne pouvant plus bénéficier de cette déduction, l'épargne retraite ne se développera pas.
Alors, en vérité, quel est l'objectif poursuivi dans cette affaire ?
S'il est de permettre aux classes moyennes, et d'ailleurs à la plus grande part des cadres supérieurs eux-mêmes, de bénéficier de ces plans, il n'est pas douteux que l'enveloppe prévue par le code de la sécurité sociale est pour la plupart d'entre eux amplement suffisante puisqu'elle est loin d'être utilisée par les salariés, au point d'ailleurs qu'il conviendra très certainement, à l'intérieur de cette enveloppe, de contingenter celle qui est réservée à l'épargne retraite. Cela fera l'objet d'un amendement que nous présenterons tout à l'heure.
On voit donc bien que l'objectif des assureurs n'est pas d'apporter leur pierre à la construction de la sécurité sociale, mais qu'il est bien, au contraire, d'enlever la pierre qui en assure la solidité.
On voit bien comment va donc s'instaurer une compétition, à l'intérieur de l'enveloppe, entre les compléments de retraite par répartition et les compléments de retraite par capitalisation.
On voit bien encore que l'objectif n'est par conséquent pas de nature sociale, mais qu'il est de nature purement économique. Il s'agit ni plus ni moins de permettre de réorienter la structure de notre épargne en tablant sur l'appétit des hauts salaires pour ces produits financiers attractifs accompagnés de privilèges sociaux et fiscaux exorbitants, sans lesquels, ajoute-t-on toujours, les intéressés, comme les titulaires des grandes fortunes, partiraient bientôt à Londres ou ailleurs, en tout cas à l'étranger.
Quelle étrange politique pour réduire la fracture sociale dans ce pays !
C'est pour cette raison que, bien entendu, nous ne voterons pas cet article. Nous aurons d'ailleurs l'occasion de nous en expliquer à propos des amendements que nous avons déposés. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc enfin parvenus à l'objet de la discorde entretenue entre la commission des finances et la commission des affaires sociales.
Mon intervention sur l'article vaudra d'ailleurs explication de vote sur l'amendement 42 de la commission des affaires sociales.
L'article 26 de la proposition de loi crée un fâcheux précédent. Il tend notamment à exclure du champ d'application des cotisations sociales les versements effectués par l'employeur au titre de l'abondement des fonds de pension.
Une compensation intégrale entraînerait pour le budget de l'Etat un surplus de charges que nous évaluons, pour notre fait, à quelque 20 milliards de francs, portant le déficit du budget de l'Etat à 315 milliards ou 320 milliards de francs. Le beau discours sur la maîtrise des déficits s'envole aussitôt !
Aux 20 milliards de francs de compensation devraient en outre s'ajouter 10 milliards de francs de perte d'impôt sur les sociétés, et de 3 milliards à 5 milliards de francs de perte de recettes liées au caractère différé de l'imposition des rentes, tout cela sans que l'on soit convaincu de l'efficacité économique des dispositions actuellement en discussion.
Si l'on devait laisser la « Sécu » payer seule la facture, cela pourrait, par exemple, se traduire par l'instauration - pourquoi pas ? - d'une quatrième CSG à 0,5 % sur celle des deux valeurs qui sera la plus élevée et qui sera donc au moins équivalente au plafond de 20 % de la sécurité sociale.
Le risque est donc grand de voir exploser la protection sociale du fait du dispositif d'exonération des versements aux fonds de pension.
Par ailleurs, cette exonération à double détente, décrite par les deux phrases du premier alinéa de l'article, n'est pas compensée par l'Etat, et ce en infraction aux dispositions de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale. Et c'est précisément l'objet des courroux de M. Fourcade et de la commission des affaires sociales !
Il est vrai que, si l'Etat devait compenser la somme « astronomique » dont nous avons fait état en cas d'affiliation de tous les salariés du secteur privé, les critères de convergence seraient pour le moins mis à mal, la charge excédant dès lors 150 milliards de francs !
Dans l'hypothèse plus vraisemblable d'une collecte des fonds de pension à hauteur de 50 milliards de francs, cela équivaut à 16 % du plafond de la sécurité sociale. J'ai appliqué ici aux taux de 5 % et de 20 % la répartition 80/20 autorisée par l'article 7 relatif aux modalités des versements des salariés et des employeurs dans le cadre de la proposition de loi que nous sommes en train d'examiner. On se situe donc dans une hypothèse de versements non pris en compte dans le plafond de la sécurité sociale.
Si 100 000 salariés sont concernés par un fonds de pension, on aboutit à une perte d'assiette d'un peu moins de 3 milliards de francs pour la seule sécurité sociale.
Si tous les salariés du secteur privé étaient adhérents et que le niveau des versements de leur entreprise atteigne le plafond des 20 % prévu dans cette proposition de loi, le montant de la perte d'assiette serait alors de 360 milliards de francs...
Et si l'on suit notre rapporteur sur sa rédaction de l'article 25, on aboutit d'ailleurs dans tous les cas à ce chiffre.
Le mode de compensation déterminé par l'amendement n° 42 - je vous le dis, monsieur le rapporteur et monsieur le président de la commission des finances - ne fait pas le compte. Pour prendre une image, c'est un peu comme si l'on voulait, coûte que coûte, mettre trois litres d'eau dans une bouteille qui ne peut en contenir que deux.
Disons simplement que ce dispositif finira de noyer les institutions de retraite complémentaire obligatoire, que ce soit l'AGIRC ou l'ARRCO, la charge potentielle d'exonération excédant très largement les capacités de prise en charge de l'enveloppe et créant donc d'incommensurables difficultés de trésorerie aux organismes susdits.
De surcroît, je ne suis pas sûr que la charge supplémentaire soit prévue au budget de l'Etat. Si c'est le cas, je vous demande expressément de m'indiquer où se situe cette compensation dans le projet de loi de finances pour 1997. Est-ce dans les charges communes, et sur quelle ligne ?
Dans ces conditions, nous ne pouvons que rejeter cet article, et aussi l'amendement n° 42 de la commission des affaires sociales. Il y va, à travers cet article 26, de la crédibilité de cette proposition de loi, ainsi que de l'avenir de la sécurité sociale.
Nous avons voté récemment, dans cet hémicycle, une loi portant équilibre, ou allant vers l'équilibre des finances de la sécurité sociale. On s'aperçoit qu'aujourd'hui tout cela est mis à mal par cette proposition de loi.
Monsieur le ministre, mesdames, messieurs les membres de la majorité, dites-nous donc où est votre cohérence ? (M. Autain applaudit.)
M. Claude Estier. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 99 est présenté par MM. Massion, Autain, Mélenchon, Masseret, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise, Miquel, Moreigne, Régnault, Richard, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 128 est déposé par M. Loridant, Mmes Beaudeau et Demessine, M. Fischer, Mme Fraysse-Cazalis et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer l'article 6.
Par amendement n° 42, M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, propose de rédiger comme suit l'article 26 :
« Dans le cinquième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, après les mots : "de retraite et de prévoyance", sont insérés les mots : ", y compris les abondements des employeurs aux plans d'épargne retraite,". »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 170, présenté par M. Massion, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise, Masseret, Miquel, Moreigne, Régnault, Richard, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, et visant, dans le texte proposé par cet amendement, après les mots : « y compris les abondements des employeurs aux plans d'épargne retraite », d'insérer les mots : « sans que ceux-ci puissent excéder, annuellement, la moitié du plafond mensuel de sécurité sociale ».
Par amendement n° 129, M. Loridant, Mmes Beaudeau et Demessine, M. Fischer, Mme Fraysse-Cazalis et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de remplacer, dans la première phrase du premier alinéa de l'article 26, les mots : « n'est pas » par le mot : « est ».
Par amendement n° 130, M. Loridant, Mmes Beaudeau et Demessine, M. Fischer, Mme Fraysse-Cazalis et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de remplacer, au début de la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 26, les mots : « exclu de l'assiette » par les mots : « compris dans l'assiette ».
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 100 est présenté par MM. Massion, Autain, Mélenchon, Masseret, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise, Miquel, Moreigne, Régnault, Richard, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 131 est déposé par M. Loridant, Mmes Beaudeau et Demessine, M. Fischer, Mme Fraysse-Cazalis et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer le second alinéa de l'article 26.
La parole est à M. Massion, pour défendre l'amendement n° 99.
M. Marc Massion. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je pense que vous ne serez pas surpris par cet amendement de suppression.
Aux raisons déjà exposées par mon collègue François Autain, j'ajouterai un certain nombre de précisions complémentaires.
L'article 26 adopté par l'Assemblée nationale dispose que les abondements des employeurs sont exclus de l'assiette des cotisations de sécurité sociale à concurrence de 4 000 francs, auxquels doit s'ajouter un montant égal à 2 % du salaire brut. Sans doute pour faire bonne mesure, et au mépris de la loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale et à la toute récente loi de financement, vous aviez prévu que le manque à gagner, pour la sécurité sociale, ne serait pas compensé par le budget de l'Etat.
L'importance de l'avantage accordé et les réactions des partenaires sociaux vous ont fait renoncer à ce projet. Il nous est présenté maintenant, à travers l'amendement de M. Vasselle, comme relativement indolore pour la sécurité sociale et les régimes de retraite complémentaire, et neutre pour le budget de l'Etat.
Nous n'allons pas admettre sans réagir ce tour de passe-passe. Car, contrairement à ce qui est dit, il n'y a rigoureusement rien de changé par rapport au projet initial.
Que se passe-t-il aujourd'hui ?
La cotisation employeur à un régime complémentaire de retraite ou de prévoyance ne supporte pas les cotisations de sécurité sociale dès lors qu'elle ne dépasse pas 85 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 137 000 francs.
Qu'est-ce que cela signifie concrètement ?
Pour fixer les idées, je vais prendre l'exemple d'un salarié qui perçoit un salaire brut d'environ 500 000 francs par an, qui cotise aux taux normaux à l'ARRCO et à l'AGIRC et dispose d'une couverture correcte de prévoyance. Il n'a utilisé que la moitié de son disponible social. Son employeur peut encore consacrer pour lui près de 80 000 francs de cotisation à un plan d'épargne retraite. Si je reprends les projets antérieurs, le même employeur ne pouvait lui consacrer en franchise de cotisation de sécurité sociale que 14 000 francs. C'est environ cinq fois mieux qu'avant... Mieux, si l'on peut dire !
Je crains fort que cette nouvelle mesure ne coûte, en fait, sensiblement plus cher à la sécurité sociale et aux régimes de retraite complémentaire.
L'Etat compensera-t-il, comme la loi du 25 juillet 1994 l'y oblige, la perte de recettes pour la sécurité sociale ? J'aimerais que le Gouvernement nous donne son sentiment sur ce point. Si notre analyse est juste, il me semble que cet amendement devrait tomber sous le coup de l'article 40 de la Constitution. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à à M. Loridant, pour défendre l'amendement n° 128.
M. Paul Loridant. Cet amendement vise à supprimer l'article 26, qui est l'un de ceux qui cristallisent les contradictions de la proposition de loi. Je viens de m'en expliquer à l'instant.
Je voudrais maintenant insister sur les dangers que font peser les exonérations prévues par cet article sur le régime de retraite par répartition, en particulier, sur les régimes complémentaires, et je vous demande, mes chers collègues, de ne pas voir dans mes propos un effet de tribune.
Les deux régimes qui gèrent les retraites complémentaires, l'ARGIC et l'ARRCO, ont dénoncé le principe de ce troisième étage de retraite tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale.
Les exonérations entraîneront, selon ces deux organismes, une baisse de ressources susceptible d'affecter le montant des retraites. Au mois d'avril dernier, un accord très important a été conclu sur ces retraites complémentaires, qui, à peine adopté, se trouverait ainsi remis en cause.
Je rappelle que cet accord destiné à « limiter la dérive financière » prévoit une hausse des cotisations des salariés, un relèvement du prix d'achat du point et une baisse des pensions.
Je rappellerai au passage que, si cet accord, signé par une partie des partenaires sociaux, entraînait une baisse des acquis des salariés, c'est que le CNPF refuserait d'assumer ses responsabilités.
Par ailleurs, on peut se demander ce que vaut la signature des représentants du patronat quand, dans le même temps, il pousse à l'instauration de fonds de pension qui remettent en cause ce même accord.
Je partage le souci des gestionnaires des organismes de retraites complémentaires quand ils craignent que les fonds d'épargne ne soient utilisés par les entreprises comme un complément de rémunération pour les salariés, en particulier les cadres, privant ainsi le régime de retraite de cotisations potentielles.
Le président de la CGC, M. Marc Vilbenoit, a chiffré à « environ 20 milliards de francs » la perte d'assiette potentielle pour l'AGIRC.
Le contre-feu proposé par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, comme je l'ai dit précédemment, me paraît bien insuffisant.
Il ne peut y avoir, selon moi, d'autre position claire que celle de la suppression pure et simple de l'article 26.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales, pour défendre l'amendement n° 42.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Nous voici arrivés à un point important du débat.
Nous nous trouvons en présence de deux lignes de séparation marquant, l'une, la séparation entre ceux qui veulent l'instauration d'un système d'épargne retraite et ceux qui ne le veulent pas, et l'autre, à l'intérieur des premiers, la séparation entre ceux qui veulent que le problème soit réglé en dehors de la sécurité sociale et ceux qui voudraient que soit institué un mécanisme de déduction supplémentaire, au risque de concurrencer les régimes de sécurité sociale.
La commission des affaires sociales propose un amendement n° 42, qui a pour objet de replacer le dispositif d'exonération des plans d'épargne retraite dans le cadre déjà prévu par le législateur au cinquième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.
Cet article prévoit en effet que les contributions des employeurs qui sont destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance sont exclues de l'assiette des cotisations sociales dans une limite fixée à 85 % du plafond de la sécurité sociale.
La commission des affaires sociales propose cet amendement pour trois raisons.
La première raison, c'est que, à l'heure actuelle, cette franchise n'est pas totalement utilisée, loin s'en faut ! Les calculs faits avec les régimes complémentaires - ARRCO, AGIRC et autres - montrent en effet que cette franchise est utilisée à l'heure actuelle à concurrence de 10 %. Elle permet, dans les termes actuels, une déduction qui peut aller jusqu'à 137 000 francs par an et par salarié ; or on peut estimer que cette déduction est aujourd'hui en moyenne comprise entre 10 000 et 15 000 francs par an et par salarié.
Deuxièmement, la solution que nous proposons permet de recentrer le dispositif du plan d'épargne retraite sur les classes moyennes - car ce sont elles qui ont besoin d'être rassurées sur l'avenir de leur retraite et qui sont prêtes, comme tous les sondages le montrent, à épargner pour celle-ci - mais aussi sur les jeunes, dont les rémunérations sont forcément plus limitées.
Pour donner des chiffres de nature à éclairer le débat, je rappelle que, pour un salarié gagnant 240 000 francs par an, la franchise est de l'ordre de 113 000 francs et que, pour un cadre gagnant 650 000 francs par an, le disponible de franchise, une fois déduites les contributions aux régimes de retraite complémentaire et de prévoyance, est encore de l'ordre de 40 000 francs.
Il me semble que le fait d'insérer la déduction à l'intérieur de l'enveloppe actuelle favoriserait le démarrage du système pour des catégories de revenus salariaux importantes qui représentent une grande partie de notre population.
Troisièmement, cette solution vise à éviter les phénomènes de substitution en permettant de prévoir, à l'intérieur du dispositif de déductibilité, la part qui sera réservée à chacun des dispositifs de retraite ou de prévoyance sans que le développement de l'un se fasse au détriment des autres. C'est au Gouvernement qu'il appartiendra de préciser par décret les règles qui seront applicables pour chacun des systèmes de prestations complémentaires. C'est la raison pour laquelle, tout à l'heure, je ne serai pas favorable, monsieur Massion, à votre sous-amendement, qui vise à ce que soit déterminé par la loi le pourcentage de répartition à l'intérieur de la franchise entre tel ou tel système, car cette question relève du domaine réglementaire.
Telles sont, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles la commission des affaires sociales vous propose d'adopter cet amendement qui, je tiens à le préciser au Sénat, a été voté à l'unanimité des membres présents de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Massion, pour défendre le sous-amendement n° 170.
M. Marc Massion. Monsieur le président Fourcade, votre notion des classes moyennes, qui comprendraient des salariés disposant de revenus allant jusqu'à 1 million de francs, est tout de même très extensive... ou restrictive, c'est selon !
Nous avons déposé un sous-amendement tendant à compléter la rédaction de l'amendement n° 42.
Cet amendement présente l'intérêt de supprimer l'exonération de cotisations sociales pour les abondements des employeurs en faveur des salariés disposant de très hauts revenus - entre 700 000 francs et 1 million de francs annuels.
Le problème qu'il pose vient de ce que, comme nous l'avons expliqué lors de notre intervention sur l'article 26, l'inclusion des abondements des employeurs en matière d'épargne retraite dans le plafond des 85 % pourra impliquer pour la sécurité sociale un surcoût plus important encore que celui qui aurait résulté du dispositif proposé par M. Thomas. Notre sous-amendement permet donc d'en réduire l'impact financier pour la sécurité sociale et les régimes complémentaires.
Le frein que nous envisageons, qui consiste à prévoir que les abondements seront limités à la moitié du plafond mensuel moyen de la sécurité sociale, soit environ 7 000 francs, permet de donner un caractère plus limité au dispositif, à la fois par rapport à ce que propose M. Vasselle et à ce que proposait M. Thomas.
M. le président. La parole est à M. Loridant, pour défendre les amendements n°s 129 et 130.
M. Paul Loridant. Ces deux amendements visent à changer la logique de l'article 26 de la proposition de loi. Ils tendent en effet à prendre en compte l'abondement de l'employeur aux plans d'épargne retraite dans le plafond de la sécurité sociale et à l'inclure dans l'assiette des cotisations sociales.
Il s'agit - vous l'avez compris - de revenir complètement sur l'exonération de charges sociales dont bénéficie l'employeur.
Je ne rappelle pas les raisons qui nous font rejeter la logique de l'article 26 : je m'en suis largement expliqué dans mes deux interventions précédentes. Je vous demanderai donc, mes chers collègues, un petit effort de mémoire pour vous y référer, et je vous invite à adopter ces deux amendements, en raison de l'enjeu particulièrement important que représente l'article 26 pour l'équilibre du régime de sécurité sociale.
M. le président. La parole est à M. Massion, pour présenter l'amendement n° 100.
M. Marc Massion. Le principe de la compensation de toute exonération de cotisations de sécurité sociale par le budget de l'Etat a été posé par la loi du 25 juillet 1994. Il doit être maintenu ; il ne doit pas être battu en brèche deux ans seulement après qu'il a été posé.
M. le président. La parole est à M. Loridant, pour défendre l'amendement n° 131.
M. Paul Loridant. Cet amendement se situe dans la logique de notre opposition à la lettre et à l'esprit de l'article 26.
Dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, cet article écarte le principe de la compensation par l'Etat des pertes de recettes résultant de cette exonération nouvelle au profit des organismes de sécurité sociale, compensation qui est pourtant prévue par l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale. Je me suis déjà largement expliqué sur ce point dans mon intervention sur l'article ; je n'y reviens donc pas.
En tout cas, s'il y a exonération de cotisations sociales sur l'abondement des fonds de pension, alors, conformément à la loi, l'Etat doit prendre ses responsabilités et compenser les pertes de recettes pour les régimes de sécurité sociale.
Je trouve regrettable que cette proposition de loi comporte des dispositions prévoyant explicitement que l'Etat puisse se dispenser de cette obligation.
Il y a là une atteinte grave au travail qui a été accompli par le Parlement dans sa recherche de solutions permettant de restituer leur l'équilibre aux comptes de la sécurité sociale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 99, 128, 42, 129, 130, 100 et 131, ainsi que sur le sous-amendement n° 170 ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit indiscutablement d'un point central de nos délibérations sur cette proposition de loi.
Comme nous l'avons fait de manière constante depuis le début de l'examen du texte, nous émettons un avis défavorable sur les deux amendements de suppression, n°s 99 et 128.
J'en viens à l'amendement n° 42, qu'a présenté M. Fourcade, au nom de la commission des affaires sociales.
Je veux d'abord souligner que, sur cette affaire, les différences d'appréciation entre la commission des affaires sociales et la commission des finances ont été quelque peu exagérées par certains commentaires extérieurs.
M. Jean Chérioux. C'est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur. Il ne faut pas toujours croire tout ce qui est imprimé ! Le quotidien qui paraît en début d'après-midi, notamment, n'est pas le moniteur de la République !
M. Jean-Pierre Schosteck. Très juste !
M. Philippe Marini, rapporteur. Les décisions de la République se prennent dans les hémicycles, où l'on délibère sans pressions particulières venant d'un côté ou de l'autre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
Sur le fond, le président Fourcade et, je le suppose, une immense majorité de la commission des affaires sociales, tout comme une immense majorité de la commission des finances, souhaitent le succès de cette législation. Nous croyons à ce nouveau dispositif et nous voulons qu'il réussisse. Nous avons d'ailleurs oeuvré depuis le début de cette discussion en faveur d'un dispositif offrant plus de transparence, plus d'équité et plus de sécurité, et nos propositions ont recueilli une large majorité.
Le président Fourcade a raison de rappeler une nouvelle fois que les régimes dont il s'agit, les fonds d'épargne retraite, se situent au troisième niveau de la protection du risque vieillesse : ils s'ajoutent à l'étage complémentaire obligatoire, qu'ils viennent compléter. Nous devons donc tout faire pour prévenir les effets d'éviction d'un système par rapport à un autre.
En d'autres termes, il faut tout faire pour que la répartition demeure le principe de base et pour que, en conséquence, l'équilibre financier des régimes par répartition soit, dans toute la mesure possible, assuré. A ce titre, nous devons veiller à préserver les recettes de ces régimes obligatoires par répartition, cela ne fait pas l'ombre d'un doute, et, sur ce sujet, il n'y a pas l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette entre le président Fourcade et votre serviteur. (Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
Quand on examine les formules qui sont en balance, celle de l'Assemblée nationale et celle qui est proposée par la commission des affaires sociales, il est clair que c'est uniquement sur un plan technique que se porte le débat : sur le fond, il n'y a pas de différence de nature entre une proposition et l'autre.
La commission des affaires sociales a le souci de se placer dans le cadre du plafond général de 85 %. Ce plafond général est un levier plus puissant pour certaines catégories de rémunérations, en particulier pour les salaires moyens, et le président Fourcade a tout à fait raison de le souligner. La formule retenue par l'Assemblée nationale est moins généreuse pour les petits salaires et pour les salaires moyens : les tableaux le montrent très bien. A contrario, elle donne un avantage en ce qui concerne les hauts et les très hauts revenus. Certes, cet avantage n'est pas extrêmement important en valeur relative, il est surtout symbolique, mais c'est tout de même un avantage.
Dans la formule proposée par le président Fourcade, à un certain niveau de rémunération, il n'y a plus d'avantage : ce sont des versements libres et l'abondement de l'employeur ne bénéficie plus de la déductibilité des cotisations sociales.
Dans le souci d'assurer la nécessaire unité de nos vues, unité entre les commissions et unité au sein de la majorité sénatoriale, je voterai, à titre personnel, l'amendement n° 42 de la commission des affaires sociales, étant entendu que la commission des finances l'a examiné et a souhaité s'en remettre à la sagesse du Sénat. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Pour le reste, la commission des finances est défavorable au sous-amendement n° 170, de même qu'aux amendements n°s 129, 130, 100 et 131.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Si je m'en tenais à la stricte analyse juridique, je serais conduit à proposer au Sénat d'adopter les amendements n°s 99 et 128, qui tendent tous deux à supprimer l'article 26.
MM. Paul Loridant et Marc Massion. Très bien ! (Sourires.)
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. En effet, la suppression pure et simple de cet article aboutirait automatiquement à l'application du plafond de droit commun de la sécurité sociale, et donc du système proposé dans l'amendement n° 42.
Je pourrais être d'autant plus tenté de me ranger à cette solution que se pose sérieusement la question de la recevabilité de l'amendement n° 42 au regard de l'article 40 de la Constitution.
Mais, si je procédais ainsi, je crois que je susciterais un trouble politique tout à fait inopportun.
M. Jean-Pierre Fourcade. Assurément !
M. Lucien Neuwirth. Ce n'est rien de le dire !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. En proposant de supprimer l'article 26, les auteurs des amendements n°s 99 et 128 veulent marquer leur opposition aux fonds d'épargne retraite, alors que les auteurs de l'amendement n° 42 veulent marquer à la fois - M. le président de la commission des affaires sociales l'a très clairement indiqué - leur appui à la réforme mettant en place les fonds d'épargne retraite et inscrire dans le texte même de la loi une disposition telle que cette réforme ne puisse pas porter préjudice aux retraites par répartition.
MM. Jean Chérioux et Denis Badré. C'est tout à fait cela !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. C'est donc, monsieur le président, une lecture politique et non exclusivement juridique que je ferai des amendements qui nous sont présentés.
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Le Gouvernement émet, par conséquent, un avis défavorable sur les amendements n°s 99 et 128. En revanche, il émet un avis favorable sur l'amendement n° 42, et je vais m'en expliquer.
Cet amendement a pour objet de faire entrer les versements des employeurs à l'épargne retraite dans le droit commun. Ces versements seront ainsi traités comme toutes les contributions des employeurs au financement des prestations de retraite complémentaire.
L'abondement de l'employeur aux plans d'épargne retraite a vocation à être exclu de l'assiette des cotisations sociales comme toutes les cotisations de retraite des employeurs à des dispositifs facultatifs ou obligatoires. Cette non-imposition aux cotisations sociales est une condition même de l'abondement par les entreprises et donc de l'émergence et du développement de l'épargne retraite.
Dans un premier temps, le premier alinéa de l'article 26 voté par l'Assemblée nationale avait institué, sur la proposition du Gouvernement, une enveloppe spécifique de déductibilité pour les plans d'épargne retraite. En effet, l'épargne retraite étant un produit nouveau et totalement original, il était apparu assez logique d'affecter une enveloppe spécifique de déductibilité, à l'instar de ce qui est prévu en matière fiscale et que le Sénat a voté ce matin.
Cependant, cette disposition a suscité une certaine incompréhension, ou des interrogations, notamment parmi certains partenaires sociaux, ainsi qu'au sein des organismes de retraite complémentaire : certains craignent que, de la création d'une enveloppe nouvelle, il ne résulte une érosion directe ou indirecte de l'assiette des cotisations.
M. Paul Loridant. Ils ont raison !
M. Alain Lamassoure, ministre délégué. Ils avaient raison, monsieur Loridant. Maintenant que nous nous orientons vers une autre solution, ils n'ont plus raison. Dans un souci d'apaisement, le Gouvernement se rallie en effet volontiers à l'amendement présenté par la commission des affaires sociales.
Dès lors, l'abondement de l'épargne retraite s'imputera sur l'enveloppe globale de déductibilité instituée à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et fixée par décret à 85 % du plafond de la sécurité sociale.
Ainsi rédigé - et cela devrait rassurer en particulier M. Loridant - l'article 26 n'institue plus une mesure nouvelle d'exonération de cotisations sociales mais précise utilement que l'abondement de l'employeur au titre de l'épargne retraite est traité selon le droit commun.
A partir de là, le Gouvernement émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 170, qui tend à fixer un sous-plafond : si nous voulons opérer selon le droit commun, il n'est pas besoin d'instituer un sous-plafond.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur les amendements n°s 129, 130, 100 et 131.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 99 et 128, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 170, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 42, accepté par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 26 est ainsi rédigé, et les amendements n°s 129, 130, 100 et 131 n'ont plus d'objet.

Article 27 bis