M. le président. Par amendement n° 3, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les charges incombant à l'Etat du fait des conséquences des attentats commis par des mouvements terroristes corses et visant, dans l'île comme en France continentale, les personnes et les biens publics et privés seront financées, à partir du 1er janvier 1997, par prélèvement à due concurrence sur les dotations financières allouées par l'Etat à la Corse soit au titre du contrat de plan, soit au titre de contrats particuliers, soit au titre des compensations financières spécifiques de toutes natures accordées à cette région. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, comme cela a été rappelé cet après-midi par plusieurs intervenants, on fait la bambula avec joie en Corse - ça saute et ça explose tous les jours et dans tous les sens ! - sans se soucier naturellement des frais de réparation qui incombent à l'Etat, qu'il s'agisse des biens publics ou des biens privés.
On nous dit, bien entendu, que règne en Corse une loi du silence qui fait que personne ne parle. On ne trouve jamais les plastiqueurs, on ne sait jamais d'où viennent les attentats. Bref, personne n'est responsable de rien ! En attendant, l'Etat déverse un flot d'argent, et nous sommes ce soir en train d'en rajouter allègrement.
Les destructions représentaient l'année dernière une charge pour le budget de l'Etat de 617 millions de francs, soit environ, pour une seule année, entre le tiers et le quart d'un contrat de plan moyen pour une région moyenne et pour cinq ans ! Ce n'est pas négligeable.
Je pense que la fête doit s'arrêter à un moment ou à un autre. C'est la raison pour laquelle je propose qu'à partir du 1er janvier 1997 les charges consécutives aux destructions par explosifs ou tout autre moyen soient imputées sur les enveloppes allouées à la Corse à quelque titre que ce soit. Au Gouvernement de faire le tri et de voir sur quel chapitre ou quelle ligne il prélève.
C'est pourquoi notre article additionnel est ainsi rédigé : « Les charges incombant à l'Etat du fait des conséquences des attentats commis par des mouvements terroristes corses et visant, dans l'île comme en France continentale - monsieur le président, vous voyez que je pense à la mairie de Bordeaux !...
M. le président. Je vous remercie de cette pensée, monsieur Charasse !
M. Michel Charasse. ... les personnes et les biens publics et privés seront financées, à partir du 1er janvier 1997, par prélèvement à due concurrence sur les dotations financières allouées par l'Etat à la Corse soit au titre du contrat de plan, soit au titre de contrats particuliers, soit au titre des compensations financières spécifiques de toutes natures accordées à cette région. »
Bref, les casseurs seront les payeurs si cet amendement est adopté !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Monsieur le président, la commission des finances a été naturellement sensible à l'ingéniosité de l'amendement n° 3 présenté par M. Michel Charasse. Toutefois, elle considère que cet amendement contrevient à certaines dispositions de l'ordonnance portant loi organique du 2 janvier 1959.
Par ailleurs, elle estime que la pénalisation de la collectivité territoriale de Corse pour des actes commis par une minorité...
M. Michel Charasse. Non dénoncée !
M. Michel Mercier, rapporteur. ... est déjà suffisante sur le plan économique pour ne pas y ajouter une punition budgétaire.
M. Michel Charasse. C'est fait pour ça !
M. Michel Mercier, rapporteur. En conséquence, elle a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Défavorable.
M. Michel Charasse. Très bien ! 600 millions par an !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 4, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les dispositions de la présente loi entreront en vigueur à une date qui sera fixée par une loi ultérieure, en vertu de laquelle le Parlement constatera que l'ordre public est rétabli en Corse et que les lois de la République y sont appliquées comme dans l'ensemble des territoires de la République. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, il n'est plus l'heure de prolonger cette discussion. Je dirai donc simplement que cet amendement vise, dans l'esprit des travaux de la commission des finances, qui ont été rapportés avec beaucoup d'objectivité par M. le rapporteur, à préciser, puisque, je crois, nous en sommes d'accord les uns et les autres, même si nos votes ont été différents, que la loi qui accorde quelques cadeaux généreux supplémentaires - et pas des moindres puisque M. Minetti rappelait tout à l'heure qu'ils s'élevaient à 3 milliards de francs en cinq ans, soit à 600 millions de francs par an - s'appliquera lorsque l'ordre public aura été rétabli, ce rétablissement de l'ordre public étant constaté par la loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Monsieur le président, l'amendement n° 4 que présente M. Charasse rend compte d'un état d'esprit qui a été assez généralement partagé au sein de la commission des finances. Celle-ci a en effet souhaité vivement que le rétablissement de la paix publique et de l'ordre républicain puisse précéder l'entrée en vigueur de la zone franche en Corse. Toutefois, l'application de cet amendement poserait des problèmes très sérieux : par quels moyens constaterait-on, un beau jour, que l'ordre public est rétabli et que les lois sont respectées ?
C'est la raison pour laquelle la commission des finances, tout en adressant au Gouvernement un appel très solennel pour qu'il tienne la main à l'application des lois sur tout le territoire de la République et donc sur le territoire corse...
M. Emmanuel Hamel. Qu'il la tienne d'une main ferme !
M. Michel Mercier, rapporteur. ... a émis un avis défavorable sur l'amendement de M. Charasse.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gaudin, ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Le Gouvernement émet le même avis que la commission : il est défavorable à l'amendement.
Même si l'on peut être sensible à l'argumentation de M. Charasse, on ne peut pas lier l'octroi d'une aide au retour à la paix civile dans l'île. Nous nous sommes longuement expliqués cet après-midi sur la volonté du Gouvernement de maintenir l'ordre républicain en Corse tout en apportant de quoi permettre à l'économie de la Corse de redémarrer et nous restons sur cette position.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

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