M. le président. « Art. 14. _ L'article 67 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire est complété par un troisième alinéa ainsi rédigé :
« Les régions concernées par l'expérimentation prévue au présent article sont autorités organisatrices des services régionaux de voyageurs de la Société nationale des chemins de fer français. La délimitation de ces services est fixée conjointement par l'Etat et la région. Chacune des régions reçoit chaque année, directement de l'Etat, une compensation forfaitaire des charges transférées à la date d'entrée en vigueur de l'expérimentation. La consistance, les conditions de fonctionnement et de financement de ces services ainsi que leur évolution sont fixées par une convention passée entre la région et la Société nationale des chemins de fer français. »
Sur l'article, la parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. L'article 14 tend à compléter l'article 67 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, visant à faire des régions des autorités organisatrices des transports.
Il est clair que la question du transport régional est essentielle. Depuis une vingtaine d'années, la concertation urbaine s'est en effet notoirement accélérée.
Dans le même temps, on a assisté à une désertification du centre des agglomérations au profit des banlieues de plus en plus étendues.
Ce double mouvement a conféré aux transports collectifs une responsabilité toute particulière. Du fait de l'allongement de la distance entre le lieu de travail et le lieu de résidence des populations, le trafic ferroviaire urbain et périurbain prend une place prépondérante.
Les récents problèmes de pollution dans les grandes agglomérations rendent la question encore plus aiguë. C'est tout de même un comble que l'on en arrive à interdire la circulation des poids lourds dans l'agglomération lyonnaise !
Pour notre part, nous estimons que l'amélioration des transports collectifs, particulièrement des transports ferroviaires en zone urbaine et périurbaine, est une question de démocratie.
Le droit au transport affirmé dans la LOTI nécessite de nombreux investissements pour les usagers, notamment pour leur déplacement entre le lieu d'habitation et le lieu de travail.
L'audit commandé par l'ANER avait estimé à plus de 40 milliards de francs les besoins d'investissement sur ce segment de transport régional voyageurs.
Aucune région, naturellement, ne saurait investir suffisamment pour répondre à l'ensemble des besoins sociaux et humains dans ce domaine.
C'est pourquoi je voudrais faire des propositions qui, contrairement à une régionalisation conduisant au démantèlement, permettraient une réelle décentralisation du transport ferroviaire, à l'image de ce qui se fait dans le Nord - Pas-de-Calais depuis près de vingt ans et qui mériterait d'être étudié de façon approfondie pour avancer encore à l'avenir.
Plusieurs exigences s'imposent :
D'abord, comme le demande l'avis du Conseil économique et social en date du 24 avril dernier, « l'Etat doit assurer une certaine pérennité des conditions d'utilisation et de mise à niveau du réseau. »
Oui, la première nécessité est bien une aide accrue de la part de l'Etat. De même il faut, dans un souci de cohérence nationale, maintenir toutes les lignes nationales, ainsi que les express d'intérêt régional.
La seconde exigence tient dans la nécessité d'une réelle péréquation tarifaire.
Enfin, la troisième grande exigence est liée au renforcement de la démocratie et de l'intervention citoyenne, par la publication des informations, des enquêtes, des études, par l'intervention des élus concernés, des cheminots, des usagers au sein des comités départementaux des transports, qu'il faut faire vivre.
Voilà qui, à notre sens, serait de nature à assurer une gestion décentralisée du transport ferroviaire public.
Nous illustrerons ces propositions de façon plus détaillée lors de l'examen des amendements déposés sur l'article 14.
M. le président. La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avec cet article 14, nous abordons le délicat problème de l'expérimentation régionale.
On peut lire la phrase suivante, dans le dernier numéro de La Vie du Rail : « Les trains de banlieue de la gare de l'Est exploités non plus par la SNCF mais par une compagnie privée... la scène est inimaginable. »
Pourtant, à la mesure des cinq scénarios combattus par les cheminots à la fin de 1995, ces tiers opérateurs intervenant sur le réseau de la SNCF étaient annoncés à cette même période par le directeur de la région de Paris-Est sur des lignes de la banlieue de Paris.
Dans cette même revue, la CFTA, la compagnie française de transports automobiles, filiale de la CGEA, la compagnie générale d'entreprise automobile, intégrée depuis directement dans la CGE, la compagnie générale des eaux, se positionne comme opérateur de transports ferroviaires.
C'est dans ce contexte que le débat sur la régionalisation du transport ferroviaire est engagée. Nous sommes inquiets.
En effet, nombre de nos collègues, ardents défenseurs si ce n'est du monopole, du moins du statu quo, en la matière, au sein de la Haute Assemblée, argumentent de telle façon dans leurs régions et départements que se trouve fortifiée la proposition de la CFTA de « démontrer qu'il y a entre le tout-public et le tout-privé un moyen terme consistant à confier la gestion d'un service public à un opérateur privé soumis à un cahier des charges ».
Est-ce une coïncidence si L'Expansion du 23 janvier, publication, qui ne passe pas pour avancer ses informations à la légère, confirme que la réforme prépare pour un avenir proche l'ouverture du réseau à des tiers opérateurs ?
S'il fallait être plus clair, la même direction de la CFTA-CGEA-CGE précise - c'est une citation extraite de La Vie du Rail - que : « la plupart des pays européens sont appelés à confier tôt ou tard leur réseau de transports à des opérateurs privés ; les restrictions budgétaires incitent les Etats à abandonner des organisations publiques trop coûteuses. Nous apparaissons, dans certains milieux politiques, comme une alternative crédible ».
Vous comprendrez aisément que notre inquiétude rejoint celle des cheminots, s'agissant en particulier des conditions d'expérimentation avec les six régions volontaires et des conditons de généralisation de la régionalisation qui se produirait en l'an 2000, date butoir de nombreux paramètres qui doivent permettre de passer à une autre phase.
Quelle sera cette autre phase ? S'agit-il de celle qui est attendue par Bruxelles et par la CGE ou de celle à laquelle nous souscrivons et qui est demandée par ce que nous appelons le « service public à la française » ?
A l'occasion de l'élaboration du rapport de M. Hubert Haenel, ainsi que lors du débat national qui s'est tenu au cours du premier semestre de l'année 1996, tant dans les conseils économiques et sociaux régionaux qu'au Conseil économique et social, la question d'une péréquation nationale des services régionaux ferroviaires a été avancée, afin de permettre à toutes les régions de répondre aux besoins des services publics de transports et de leur développement, quelles que soient les ressources dont disposent ces régions. Cette proposition nous semble intéressante.
Si, dans la nouvelle configuration proposée, la SNCF, exploitant unique du réseau, est toujours en mesure d'assurer la partie technique et organisationelle de cette péréquation, il vous apparaîtra sans nul doute indispensable d'instaurer un fonds de péréquation national afin d'assurer l'égalité de traitement de chaque citoyen, quelle que soit sa situation sur le territoire national.
M. le président. Sur l'article 14, je suis saisi de treize amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Mais, pour la clarté du débat, je les appellerai successivement.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 66 est présenté par MM. Garcia, Bony, Chervy, Courteau, Fatous, Mélenchon, Peyrafitte et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 254 est déposé par MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer l'article 14.
La parole est à M. Garcia, pour défendre l'amendement n° 66.
M. Aubert Garcia. Cet amendement ne constitue pas une opposition de notre part à l'expérimentation de la régionalisation de services régionaux de voyageurs ; en effet, dans notre esprit, la régionalisation n'est pas une mauvaise chose. La procédure du conventionnement prévue par la LOTI allait d'ailleurs déjà dans ce sens.
La régionalisation peut se révéler utile pour permettre une meilleure adéquation entre l'offre et la demande et un meilleur ajustement aux besoins du public, dans le souci du développement équilibré du territoire.
Néanmoins, le groupe socialiste souhaite affirmer quelques conditions devant être impérativement respectées avant de passer à une généralisation de cette opération.
La régionalisation ne peut être envisagée que si ce transfert de compétences est associé à un réel transfert de moyens prenant en compte l'entretien mais aussi la création de nouvelles infrastructures. Un fonds de péréquation doit être mis en place afin de ne pas voir se dessiner un paysage ferroviaire contrasté selon qu'il s'agit d'une région riche ou non.
La disparité des politiques régionales ne doit pas affecter la cohérence du réseau ferroviaire, et il ne faudrait pas aboutir à transférer massivement au transport routier ce qui, faute de moyens, ne pourrait être assuré par le fer, démultipliant ainsi les risques d'atteinte à l'environnement et à la sécurité.
Enfin, l'unicité de la SNCF, notamment le statut de son personnel, ne doit pas être remise en question. Pour l'heure, on peut avoir quelques inquiétudes.
Aucune des régions laissées quelque peu à l'écart des mouvements économiques porteurs n'est concernée par cette expérimentation. C'est dommage, car cela peut fausser les analyses que l'on pourra porter, dans trois ans, sur ces expérimentations.
Pour l'heure, les régions Alsace, Centre, Nord - Pas-de-Calais, Pays de la Loire, Provence - Alpes - Côtes d'Azur, font l'objet d'une expérimentation. Trois autres régions, dont la région Midi-Pyrénées et Limousin, s'étaient portées candidates. M. Haenel, rapporteur pour avis, précise dans son rapport écrit que ces régions n'ont pas été retenues pour des raisons liées à la charge budgétaire incombant à l'Etat. Il affirme que l'expérimentation n'a pu être étendue. C'est dommage, car, dans ces régions, la politique d'aménagement du territoire prend toute sa dimension.
Dès lors, on ne peut qu'être très prudent. Si l'Etat a augmenté, dans la loi de finances, la dotation en faveur des services régionaux de 800 millions de francs, il faut avoir à l'esprit que, par ailleurs, il a réduit d'autant les montants en faveur des infrastructures.
Il ne faut pas oublier que la généralisation de l'expérimentation nécessiterait la mobilisation de 1,5 à 2 milliards de francs supplémentaires - je cite là encore le rapport de M. Haenel - tandis que la modernisation des infrastructures nécessiterait, pour permettre le développement des services régionaux, 15 milliards de francs pour la période 1995-2004. Ils nous faut donc être prudents.
Je terminerai cette intervention en faisant référence à un article de L'Expansion qui a déjà été beaucoup cité : selon ce dernier, la régionalisation pourrait bien ouvrir les premières brèches, et c'est sur les réseaux régionaux que l'on a le plus de chances de voir apparaître des opérateurs privés.
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet, pour défendre l'amendement n° 254.
Mme Danielle Bidard-Reydet. L'amendement n° 254 tend à supprimer l'article 14 de ce projet de loi, ce qui est cohérent avec la position que nous défendons depuis le début de l'examen de ce texte.
Cet article 14 n'est en effet, à notre avis, d'aucune utilité, puisque l'expérimentation est prévue par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995.
L'article 14 vise avant tout à ne pas laisser croire que le seul objet du projet de loi serait la partition. Aussi évoque-t-on la régionalisation comme moyen de répondre aux besoins des usagers.
Nous avons déjà indiqué que la région est, à notre avis, un échelon pertinent de recensement des besoins des usagers et de la nation. C'est là une question de démocratie et de développement du transport ferroviaire.
Mais le type de régionalisation que vous souhaitez mettre en oeuvre, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, n'équivaut nullement à la décentralisation et à la démocratisation qui seraient nécessaires.
Le texte de cet article 14 appelle un certain nombre de remarques importantes.
Premièrement, le principe d'une dotation forfaitaire de l'Etat transfère toute perspective d'amélioration du réseau et du matériel roulant sous la seule responsabilité des régions.
Rien n'est prévu dans le cas où RFF imposerait une hausse des péages aux régions par le biais de la SNCF ! Or, dans l'avant-projet de décret sur ce projet de loi, seuls les péages des années 1997 et 1998 sont prévus !
Qu'en sera-t-il en 1999 ?
De plus, le niveau des péages pour les liaisons régionales n'est pas évoquée. Ainsi, personne ne peut écarter la possibilité que RFF pratique un péage plus élevé dès 1999, sans qu'aucune contribution financière n'incombe à l'Etat à l'égard des régions.
De même, rien n'empêche RFF de pratiquer, dès demain, un péage plus élevé sur des sillons nouveaux, à une heure de pointe, ce qui obérerait l'effort des régions qui souhaiteraient renforcer les dessertes.
Une autre question concerne, bien entendu, la péréquation financière entre les régions et l'absence de règlement de la dette des régions autres que celles qui participent à l'expérimentation.
Ainsi, la SNCF supporte plus d'un milliard de francs de dettes de l'exploitation des services régionaux voyageurs. D'ailleurs, l'audit du cabinet KPMG, réalisé au bénéfice de l'association nationale des élus régionaux, l'ANER, devenue l'APCR, reconnaissait implicitement l'insuffisance de compensation par l'Etat.
Alors, monsieur le ministre, la SNCF sera-t-elle encore tenue pour responsable des déficits d'exploitation des quatorze régions non encore expérimentales ? Le respect de l'égalité des citoyens est également remis en cause.
Enfin, la régionalisation que vous proposez risque de peser lourdement sur les effectifs, par des réductions de postes ou une modification de l'organisation du travail. De plus, cela conduirait à affecter du personnel à la seule activité voyageurs régionale ...
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Mais non !
Mme Danielle Bidard-Reydet. ... induisant des gâchis humains et financiers, par la perte des synergies de la production liée.
Vous voyez donc bien, mes chers collègues, que cet article 14 pose des questions essentielles.
Telles sont toutes les raisons pour lesquelles je vous invite à adopter l'amendement de suppression n° 254.
M. le président. Par amendement n° 258, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans la première phrase du texte présenté par l'article 14 pour compléter l'article 67 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, après le mot : « sont » d'insérer les mots : « avec la Société nationale des chemins de fer français. »
La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. Cet amendement vise à confirmer, dans la prise en compte de l'expérimentation de la régionalisation, la nécessaire cohérence du réseau ferré national.
Cet amendement se situe dans le droit-fil de notre amendement n° 88, déposé à l'article 1er du projet de loi, qui visait à préciser que Réseau ferré de France avait pour objet l'aménagement, le développement, la mise en valeur et la cohérence de l'infrastructure du réseau ferré national.
En effet, il est très important que l'ensemble des infrastructures respecte les conditions de réalisation de la production de transport de voyageurs comme de marchandises, en cohérence avec les plans de transport élaborés par la SNCF.
Cette cohérence constituera également un élément de respect du service public et de l'égalité de traitement de chaque usager, quel que soit le service régional voyageurs qu'il utilise.
L'amendement n° 258 vise donc à améliorer utilement l'article 14.
M. le président. Par amendement n° 259, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter in fine la deuxième phrase du texte présenté par l'article 14 pour compléter l'article 67 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire par les mots : « après consultation des autres collectivités territoriales concernées et le cas échéant de leurs communautés avec la Société nationale des chemins de fer français. »
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Afin de vous permettre de bien percevoir le sens de notre amendement, je vous rappelle les termes de l'article 14 :
« L'article 67 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire est complété par un troisième alinéa ainsi rédigé :
« Les régions concernées par l'expérimentation prévue au présent article sont autorités organisatrices des services régionaux de voyageurs de la Société nationale des chemins de fer français. La délimitation de ces services est fixée conjointement par l'Etat et la région. Chacune des régions reçoit chaque année, directement de l'Etat, une compensation forfaitaire des charges transférées à la date d'entrée en vigueur de l'expérimentation. La consistance, les conditions de fonctionnement et de financement de ces services ainsi que leur évolution sont fixées par une convention passée entre la région et la Société nationale des chemins de fer français. »
Notre amendement tend, d'une part, à garantir l'équité entre les régions et, d'autre part, à préserver l'unicité et la nature même du service public.
Je saisis l'occasion de la défense de cet amendement pour souligner le parallèle pour le moins inquiétant entre la volonté d'éclatement de la SNCF - le journal Le Figaro de ce jour ne titre-t-il pas sur plusieurs colonnes : « La SNCF coupée en deux » ? - et la remise en cause de l'entité nationale pour l'Europe de Maastricht, qui privilégie le regroupement de régions riches au détriment d'une politique d'aménagement du territoire égalitaire.
Comme nous l'avons déjà indiqué au cours de ce débat, nous approuvons, bien entendu, la politique de décentralisation, que nous avons appelée de nos voeux.
En revanche, nous nous inquiétons d'une conception de la décentralisation fondée essentiellement sur un transfert de charges et accompagnée des moyens financiers nécessaires. Nous avons bien vu, par exemple, ce qui s'est passé avec les transferts de charges en ce qui concerne les collèges aux départements et les lycées aux régions et, dans le cas présent, ce serait dans des proportions bien plus importantes !
Nous avons souligné que c'est dans cet étranglement financier des régions que réside, à terme, un danger de privatisation de la gestion du réseau, dont la charge serait transférée aux régions.
En effet, au bout de quelques années, l'absence de soutien sur le plan national à la politique régionale des transports conduira malheureusement et fatalement certaines collectivités territoriales - mais ce ne sera pas le cas pour l'ensemble d'entre elles - à céder aux pressions de grands groupes privés qui guettent avidement le moment de faire main basse sur le service public des transports ferroviaires régionaux.
C'est sur ce plan qu'apparaît le lien entre éclatement des politiques nationales et éclatement de la Société nationale des chemins de fer français.
C'est dans le cadre de ces nouveaux regroupements régionaux européens, bannissant le contrôle national, que se constitueront des regroupements d'entreprises privées, dans le cadre de groupes d'intérêt économique, par exemple, qui auront pour vocation de reprendre des réseaux de chemin de fer régionaux.
Monsieur le ministre, ne risque-t-on pas un jour de voir la Deutsche Bahn arriver en France ? Moi, je pense que ce n'est pas exclu, et les cheminots le craignent aussi. Il faut que vous le sachiez !
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. Elle y vient déjà depuis longtemps !
Mme Hélène Luc. Bien sûr, cela ne se fera pas d'un coup, mais je crois que le danger n'est pas écarté.
C'est au regard de ces menaces, qui se précisent et qui prennent forme, que nous estimons impératif d'adopter les dispositions que nous vous proposons dans cet amendement.
M. le président. Par amendement n° 260, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans la troisième phrase du texte présenté par l'article 14 pour compléter l'article 67 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, après le mot : « l'Etat », d'insérer les mots : « au titre du transport ferroviaire assuré par la Société nationale des chemins de fer français ».
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Notre amendement n° 260 a pour objet de préciser les conditions d'utilisation de la compensation versée par l'Etat pour les services régionaux de voyageurs de la Société nationale des chemins de fer français.
Pour compenser le déséquilibre entre les coûts et les recettes des trafics des services régionaux de voyageurs SNCF, lié à la mission de service public, l'Etat versait jusqu'à présent une contribution d'équilibre directement à la SNCF.
Cette contribution était de plus de 4,4 milliards de francs en 1996.
Avec la mise en oeuvre de l'expérimentation de la régionalisation, cette contribution est versée maintenant à la région administrative.
Je rappelle que cette contribution est prévue à usage exclusivement ferroviaire, et pour la SNCF.
Afin que cette disposition soit effectivement respectée en toute transparence, il convient de préciser que ces fonds ne seront pas utilisés à d'autres fins que celles pour lesquelles ils ont été prévus. Ils doivent alors faire l'objet d'une ligne budgétaire spécifique dans les budgets des conseils régionaux.
Il semble qu'en Alsace, une des six régions qui expérimentent la régionalisation des services régionaux de voyageurs SNCF, la contribution de l'Etat soit intégrée indifféremment dans le budget global des transports de la région. Si ce fait était confirmé, notre amendement n'en serait que plus légitime.
M. le président. Par amendement n° 255, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans la troisième phrase du texte présenté par l'article 14 pour le troisième alinéa de l'article 67 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995, de supprimer le mot : « forfaitaire ».
La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Cet amendement a trait lui aussi à l'expérience de la régionalisation.
L'article 14 prévoyant que la délimitation des services ferroviaires est fixée conjointement par l'Etat et la région, il est illogique que la compensation des charges transférées ne soit que forfaitaire.
En effet, un forfait fixé une fois pour toutes à la date d'entrée en vigueur de l'expérimentation ne tiendrait pas compte de la délimitation conjointe et, surtout, de son éventuelle évolution.
Une telle évolution est d'autant plus envisageable que les régions seront amenées à cerner plus finement les besoins en matière de transport ferroviaire. Au-delà des besoins actuels, des arbitrages devront d'ailleurs intervenir en faveur des transports collectifs autres que routiers. Les récentes alertes à la pollution dans diverses villes le prouvent. A cela s'ajoutent les autres nuisances liées au choix du « tout voiture » et le coût supporté par la collectivité du fait de l'hécatombe routière.
M. le président. Par amendement n° 256, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
A. - Dans la troisième phrase du texte présenté par l'article 14 pour le troisième alinéa de l'article 67 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995, de remplacer le mot : « forfaitaire » par le mot : « intégrale » ;
B. - Pour compenser la perte de ressources résultant du A ci-dessus, de compléter l'article 14 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Le sixième alinéa de l'article 125-OA du code général des impôts est ainsi rédigé :
« d ) A 5 % lorsque la durée du contrat est égale ou supérieure à huit ans. » ;
C. - En conséquence, de faire précéder le premier alinéa de l'article 14 de la mention : « I ».
La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. Les diverses expériences de transferts de charges aux collectivités locales l'ont montré, les compensations ne sont jamais à la hauteur des charges transférées.
Seule une compensation intégrale et réactualisée des charges transférées éviterait de peser sur les finances publiques locales, au risque d'obérer la possibilité de faire des choix différents de celui du « tout routier ».
Les précédentes expériences de transferts nous incitent à la plus grande réserve concernant une compensation qui ne serait que forfaitaire. Les dotations budgétaires de l'Etat correspondant à ces transferts n'ont jamais été à la hauteur de leurs charges réelles : ces transferts n'ont pas, du point de vue budgétaire, pris en compte l'évolution des besoins. Cela s'est traduit par une aggravation de la fiscalité locale, qui pèse de plus en plus lourdement sur les ménages les plus défavorisés.
Seule une compensation intégrale par l'Etat permettra de se placer dans une logique de développement du transport collectif ferroviaire, et donc d'un choix autre que celui du « tout routier » dont nous ne rappellerons pas les nuisances.
A contrario , à quoi aboutirait une compensation autre qu'intégrale ? Les régions devraient prendre en compte, dans le choix des modes de transport, les surcoûts liés au différentiel de charges entre la compensation forfaitaire et les charges réelles supportées.
Pour éviter une aggravation du poids de la fiscalité locale, et ce pour des raisons évidentes, les régions risquent d'être amenées à ne pas se placer dans une optique de développement des transports ferroviaires.
Une telle optique est seule à même de permettre aux populations de faire le choix d'un mode de transport autre que routier. Et cela nécessite du matériel roulant récent et de bonne qualité, des dessertes cadencées et en quantité suffisante, donc des agents de conduite, des gares accueillantes, donc du personnel SNCF dans ces gares.
Cela a, évidemment, un coût, mais ce coût sera compensé par la diminution des surcoûts générés par le choix du « tout routier », que ce soit en termes de nuisances ou en termes d'accidents sur les routes.
Cela nécessite une politique audacieuse que seule une compensation intégrale des charges ainsi générées permettrait aux régions d'effectuer.
Il faut noter qu'une telle compensation intégrale existe déjà pour une région : il s'agit du mécanisme de l'indemnité compensatrice versée pour les transports régionaux de voyageurs de l'Ile-de-France.
Enfin, en ce qui concerne le gage proposé, il vous appartient, monsieur le ministre, de le lever si, comme je le pense, il ne vous convient pas. Mais, en tout état de cause, ce gage ne saurait être invoqué pour ne pas discuter du fond de cette question.
M. le président. Par amendement n° 263, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter in fine la dernière phrase du texte présenté par l'article 14 pour compléter l'article 67 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire par les mots : « et établie en concertation avec les autres collectivités territoriales concernées et leurs communautés ».
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Même s'il tend également à renforcer la concertation, et contrairement aux apparences qui sont parfois trompeuses, cet amendement n° 263 n'a pas tout à fait le même objet que l'amendement n° 259 que nous avons défendu tout à l'heure.
Avec l'amendement n° 259, nous proposions d'élargir aux départements, communes et communautés urbaines ou de communes la concertation concernant la délimitation des services régionaux de voyageurs dans les régions d'expérimentation.
Avec celui-ci, nous suggérons que la convention région-SNCF portant sur la consistance, les conditions de fonctionnement et de financement des services ainsi que sur leur évolution soit établie en concertation avec les autres collectivités territoriales, les communautés urbaines et de communes qui sont concernées.
C'est donc un amendement important pour que les décisions prises en matière de transports de voyageurs d'intérêt régional correspondent réellement aux besoins de la population et du développement économique des régions. Il va donc dans le sens d'un aménagement et d'un développement équilibré du territoire, qui est absolument indispensable.
Chacun le sait, le réseau de la SNCF souffre, en quelque sorte, d'un certain « parisiano-centrisme » et de l'insuffisance de qualité des liaisons transversales.
Nous avons évoqué, tout au long de ce débat, les liaisons Nantes-Lyon et Bordeaux-Lyon, Strasbourg-Lille, Paris-Bâle et leurs carences. Rassurez-vous, je n'y reviendrai pas à cet instant du débat, car nous avons, à mon sens, été très complets sur ces questions.
J'indiquerai simplement qu'il ne faudrait pas que, dans les régions, la consistance et les conditions de fonctionnement et de financement du réseau soient pensées uniquement à partir des capitales régionales.
Ce serait, à notre avis, très dommage, car il convient, au contraire, de développer et de valoriser le maillage et la fréquence des liaisons ferroviaires entre les différentes villes et bassins d'emplois à l'intérieur des régions.
Les départements, les communautés urbaines et de communes doivent être consultés sur l'aménagement, la modernisation, le développement et le financement des transports d'intérêt régional, qui les concernent au premier chef.
Voilà donc, brièvement exposées, les raisons qui nous ont conduits à déposer cet amendement et qui nous amènent, maintenant, à proposer au Sénat de le voter.
M. le président. Par amendement n° 257, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter in fine le texte présenté par l'article 14 pour le troisième alinéa de l'article 67 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 par une phrase ainsi rédigée : « Les tarifs des services régionaux de voyageurs relèvent de la responsabilité de la SNCF ».
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Cet amendement se situe clairement dans le cadre de l'expérimentation de régionalisation, donc au sein de l'article 14.
Certaines régions ont déjà fait part de leur volonté de mettre en oeuvre la liberté tarifaire. Une telle situation serait tout à fait intolérable. La péréquation tarifaire, garante de l'égalité de traitement des usagers sur l'ensemble du territoire, serait remise en cause, violant un principe constitutif du service public à la française.
Seule une tarification dont la SNCF aurait la maîtrise permettrait de maintenir cette péréquation et d'assurer une continuité tarifaire entre les parcours grandes lignes stricto sensu et des parcours terminaux régionaux.
Tel est l'objet de notre amendement.
M. le président. Par amendement n° 24, M. Gerbaud, au nom de la commission des affaires économiques, propose de compléter in fine le texte présenté par l'article 14 pour le troisième alinéa de l'article 67 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 par les deux phrases suivantes : « L'expérimentation sera close le 31 décembre 1999. Elle pourra toutefois prendre fin, pour chaque région participante, dès la clôture de l'exercice au cours duquel ladite région aura, avant le 1er juin, exprimé sa volonté d'y mettre fin. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Gerbaud, rapporteur. Nous souhaitons apporter deux précisions très importantes.
La première est relative à la durée de l'expérimentation : une période de trois années semblant raisonnable, elle s'étendrait donc jusqu'à la fin de 1999.
La seconde concerne le caractère réversible - nous l'avons dit et redit - de l'expérimentation.
Cet amendement - je le souligne - a été négocié avec l'association des présidents de conseils régionaux, l'APCR, dont je tiens à saluer le rôle qu'elle a joué dans l'amélioration de la convention type à conclure entre l'Etat et les régions expérimentatrices. En quelque sorte, la loi va donc venir consacrer ce qui a été déjà négocié de manière contractuelle.
M. le président. Par amendement n° 67, MM. Garcia, Bony, Chervy, Courteau, Fatous, Mélenchon, Peyrafitte et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter le texte présenté par l'article 14 pour compléter l'article 67 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces expérimentations ne peuvent porter atteinte à la cohérence du réseau ferré national et à l'accessibilité à ce même réseau. »
La parole est à M. Garcia.
M. Aubert Garcia. Cet amendement se justifie par son texte même. Il est dicté par le souci d'un aménagement efficace du territoire et par la volonté de ne pas fragiliser le transport ferroviaire, qui doit, au contraire, être valorisé.
Il vise aussi à éviter le démantèlement, que nous craignons, de notre réseau.
M. le président. Par amendement n° 262, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter l'article 14 par un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« Les chambres régionales des comptes contrôlent la bonne utilisation de la compensation prévue à l'alinéa précédent. »
La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Par cet amendement, nous proposons de confier aux chambres régionales des comptes le contrôle de la bonne utilisation de la compensation prévue par le transfert des compétences de la SNCF vers les régions, autorités organisatrices. Nous avions déjà déposé un amendement du même type tendant à ce que la Cour des comptes soit saisie des comptes du nouvel établissement public.
Certes, de telles procédures sont automatiques ; mais, je le répète, cela va toujours mieux en l'écrivant.
Je veux surtout, à l'occasion de cet amendement, évoquer la nécessaire transparence qui doit présider à ce transfert de compétences et de charges. Il est essentiel, pour assurer cette transparence, d'isoler ce compte du budget régional. Ici ou là, on relève, en effet, une volonté d'intégrer la compensation au sein du budget général.
Notre collègue Hubert Haenel, rapporteur pour avis de la commission des finances, pourra sans doute nous éclairer sur le cas de la région Alsace, qui, si je ne me trompe, souhaite procéder à cette intégration.
A notre sens, c'est ainsi que l'on favorise l'opacité. Or, les relations financières entre la SNCF, l'Etat et les régions doivent être parfaitement claires.
M. le président. Par amendement n° 38 rectifié, M. Haenel, au nom de la commission des finances, propose :
I. - De compléter l'article 14 par un paragraphe ainsi rédigé :
« - Après le quatrième alinéa (3°) de l'article L. 4332-5 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les dépenses réalisées en application de l'expérimentation prévue au troisième alinéa de l'article 67 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire n'entrent pas dans l'assiette du prélèvement, à due concurrence de la compensation forfaitaire des charges transférées. »
II. - En conséquence, de faire précéder le début de cet article de la mention : « I. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. L'article 14, qui fait transiter la contribution au fonctionnement des services régionaux de voyageurs par les conseils régionaux, peut poser des problèmes au regard du fonctionnement des fonds de correction des déséquilibres régionaux, tout au moins pendant la phase dite expérimentale. Il convient donc de s'assurer de la neutralité du dispositif sur ce point.
Pour ne pas pénaliser les régions expérimentatrices, il faut exclure de l'assiette de la contribution des régions à ces fonds les dépenses correspondant à la compensation forfaitaire de l'Etat. Cette exclusion vaudra, bien sûr, pour la durée de l'expérience. Après, une fois que le point aura été fait, il faudra sans doute prévoir un dispositif législatif nouveau.
J'en profite pour dire un mot de la contribution de l'Etat au budget des régions qui vont se lancer dans l'expérimentation.
Dans le cas de l'Alsace, ce sont 340 millions de francs, dont 80 millions pour la réhabilitation, le renouvellement du matériel. C'est très important pour la qualité de l'offre de transport.
Nos collègues communistes souhaitent que l'on confie le contrôle de l'utilisation de la compensation aux chambres régionales des comptes. En fait, les chambres régionales des comptes vont nécessairement contrôler l'utilisation par les régions de l'argent que leur donne l'Etat !
Je terminerai en disant publiquement ici ce que l'on n'a peut-être jamais dit ou écrit. A quoi ont servi, la plupart du temps, les quelque quatre milliards de francs que l'Etat versait à la SNCF ? A faire de la grande vitesse !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements déposés à l'article 14 ?
M. François Gerbaud, rapporteur. La commission est évidemment défavorable aux amendements de suppression n°s 66 et 254.
Elle est défavorable à l'amendement n° 258. La SNCF est prestataire de services et non organisatrice. Ne mélangeons pas les rôles.
Pour les mêmes raisons, la commission est défavorable à l'amendement n° 259.
L'amendement n° 260 n'est pas sans intérêt, je le reconnais. Mais est-il bien utile ? Par ailleurs, n'entraînerait-il pas un risque pour le financement des services en région ? Je souhaite, sur ce point, entendre l'avis du Gouvernement.
La commission est défavorable à l'amendement n° 255. Le caractère forfaitaire de la compensation résulte des lois de décentralisation de 1982 et 1983. Le mot « intégrale » serait préférable.
L'amendement n° 256 est intéressant. La notion de compensation intégrale est fidèle à la loi de 1982 et à la position constamment défendue par le Sénat en la matière. La commission émet donc un avis favorable.
La commission est défavorable à l'amendement n° 263, qui ne fait qu'énoncer une évidence.
Elle est également défavorable à l'amendement n° 257, qui relève du domaine réglementaire. Il y aura convention entre les régions et la SNCF.
La commission ne peut que partager le souci des auteurs de l'amendement n° 67. La consistance du réseau relève de la compétence de l'Etat, rappelons-le, pondérée par l'avis des collectivités concernées. La commission suggère donc aux auteurs de l'amendement de bien vouloir le retirer, faute de quoi elle sera amenée à émettre un avis défavorable.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Garcia ?
M. Aubert Garcia. Oui, monsieur le président.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. François Gerbaud, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 262, qui est inutile. Les pouvoirs des chambres régionales des comptes sont de droit.
Enfin, la commission est favorable à l'amendement n° 38 rectifié. L'idée de neutralité financière de l'expérimentation est excellente. Mais, à terme, la notion de péréquation pourrait peut-être être intégrée dans une perspective d'aménagement du territoire.
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. Tout à fait !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces différents amendements ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Le Gouvernement est, bien sûr, défavorable aux amendements de suppression n°s 66 et 254.
Il est également défavorable à l'amendement n° 258. Cette proposition n'est pas conforme à l'esprit de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, qui précise, en son article 7, que les autorités organisatrices sont l'Etat et, dans la limite de leurs compétences, les collectivités locales.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 259 : cette disposition est contraire à l'esprit de l'expérimentation régionale.
Il est également défavorable à l'amendement n° 260, la précision apportée paraissant inutile.
Il est défavorable à l'amendement n° 255 : l'exercice de la responsabilité d'autorité organisatrice par les régions implique une forfaitisation de la dotation de l'Etat, qui doit être neutre dans la relation entre la région et la SNCF.
Pour la même raison, le Gouvernement s'oppose à l'amendement n° 256.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 263, pour les raisons que j'ai déjà évoquées à propos de l'amendement n° 259.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 257. Cette disposition ne paraît pas compatible avec l'esprit de l'expérimentation. En effet, les régions pourront mettre en place, avec la SNCF, des tarifs spécifiques tout en respectant le cadre général de la tarification de la SNCF, qui n'est pas modifiée. En outre, les tarifs sociaux sont inchangés et restent de la responsabilité de l'Etat.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 24. La durée de l'expérimentation est bien de trois ans et le principe de réversibilité sera respecté.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 67, qui est sans objet. L'expérimentation concerne les services de transport et non l'infrastructure. Elle vise les services régionaux de la SNCF, et la question de l'accessibilité ne se pose donc pas, monsieur Garcia.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 262, qui lui paraît inutile.
Enfin, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 38 rectifié. Il est bon d'assurer la neutralité financière de l'expérimentation vis-à-vis du mécanisme de compensation des charges transférées.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission sur l'amendement n° 260 ?
M. François Gerbaud, rapporteur. Après l'explication de M. le ministre, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 66 et 254, repoussés par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 90 : :

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 317159
Pour l'adoption 94
Contre 223

Le Sénat n'a pas adopté.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 258, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 259, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 91 : :

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 317
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 94
Contre 223

Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 260, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 255, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 256, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 263, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 257, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 24.
M. Aubert Garcia. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Garcia.
M. Aubert Garcia. Je prends plus précisément la parole pour m'interroger à haute voix à propos de cet amendement.
Certes, je comprends parfaitement que, dans leur souci de ne pas s'engager, avec cette expérimentation, dans ce qui pourrait devenir une aventure, les présidents de région aient tenu à négocier la possibilité d'en sortir.
Mais si, par hasard, l'expérimentation en venait à ne pas satisfaire une, deux ou trois régions concernées au bout d'un an ou deux quel effet en résulterait pour l'avenir de la régionalisation ? Cela reviendrait à sacrifier une idée qui est précieuse et risquerait de retirer toute valeur à l'expérimentation.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 24, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. François Gerbaud, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Gerbaud, rapporteur. Monsieur le président, il semble qu'il y ait eu un incident de parcours. Peut-être en suis-je le responsable ; je vous prierais alors de me pardonner.
J'avais indiqué que l'amendement n° 256 recevait un avis favorable de la commission, car il correspondait aux lois de décentralisation et faisait notamment allusion à la compensation intégrale, qui, avais-je ajouté, est une position constamment défendue par le Sénat.
M. le président. Monsieur le rapporteur, je vous ai interrogé après l'avis du Gouvernement et vous avez transformé l'avis favorable de la commission en avis défavorable.
M. François Gerbaud, rapporteur. Non, monsieur le président, ce n'est pas sur cet amendement-là ; c'est sur l'amendement n° 260.
M. le président. Je vous ai également interrogé sur l'amendement n° 256, je l'ai noté !
M. François Gerbaud, rapporteur. Non, c'est l'amendement n° 260, après l'explication de M. le ministre...
M. le président. Je vous ai posé la question pour les deux amendements : celui sur lequel vous interrogiez le Gouvernement a d'ailleurs reçu un avis défavorable de celui-ci.
M. François Gerbaud, rapporteur. Je vous prie de me pardonner, monsieur le président, mais je maintiens la position de la commission.
M. le président. Nous en prenons acte a posteriori, car le vote est intervenu.
J'ai suivi exactement les indications qui m'ont été données.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 67, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 262, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 38 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 14.
M. Claude Billard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Je ne vais pas reprendre tous nos arguments qui concourent au refus de cet article.
Oui, nous affirmons qu'une gestion démocratisée et décentralisée des transports régionaux est indispensable.
Mais le cadre dans lequel vous insérez l'expérimentation va placer les régions dans une position de faiblesse.
Elles seront prises entre les populations, qui, à juste titre, refuseront la fermeture de lignes, et une dotation insuffisante de l'Etat. De plus, sur le plan institutionnel, les régions seront soumises à des pressions accrues de la part des opérateurs privés.
Chacun sait que la CGEA, « filiale-transport » de la Compagnie générale des eaux, commence à prospecter auprès de certains élus régionaux.
C'est d'ailleurs M. Christian Stoffaes, directeur à la direction générale d'EDF et rapporteur de l'étude commandée par le Gouvernement en 1994 sur l'avenir du ferroviaire, qui estime que c'est sur les réseaux régionaux que l'on a le plus de chances « de voir apparaître des opérateurs privés ». Je laisse à M. Stoffaes l'appréciation selon laquelle cela serait une chance...
L'article du journal L'Expansion que nous avons déjà cité à plusieurs reprises depuis hier l'explique avec toute la clarté qui s'impose ; je vous en livre les passages les plus importants sur cette question :
« La régionalisation pourrait bien ouvrir les premières brèches..., car les régions auront toute liberté pour transférer à l'autocar les lignes trop coûteuses. Rien n'empêchera alors les opérateurs privés de faire des propositions de reprise et d'exploitation. »
Monsieur le ministre, il ne s'agit plus seulement de propos journalistiques, mais bien de propos émanant d'un spécialiste des questions ferroviaires, et considéré comme tel par le gouvernement de M. Balladur.
Le type de régionalisation que vous mettez en oeuvre peut donc bien se révéler être une machine de guerre pour pousser les feux de la déréglementation. Cela est d'autant plus vrai qu'aucun mécanisme de compensation intégrale, de réelle péréquation interrégionale n'est prévu pour que le droit au transport soit assuré sur l'ensemble du territoire et pour l'ensemble des usagers.
En conséquence, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront contre l'article 14.
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. Monsieur Billard, vous devriez vous référer de temps en temps, outre, bien sûr, à la presse, également - et surtout ! - aux travaux officiels que nous avons menés - je vous rappelle que Mme Idrac était alors directeur des transports terrestres - depuis octobre 1993, en concertation avec des élus, des syndicats, des usagers et l'Etat sous toutes ses formes, y compris, donc, avec le Quai-de-Bercy !
A propos de la régionalisation, on entend parler de démantèlement, de privatisation, même, parfois, d'ouverture à la concurrence étrangère. Mais nous, les élus nationaux, nous n'avons pas le droit de donner l'impression à nos concitoyens, notamment au personnel de cette grande entreprise, que nous avons peur de tout, et donc aussi de l'avenir. Nous n'avons pas le droit de les inquiéter.
La SNCF, grâce à la régionalisation, pourra relever le défi qui consiste pour elle à se recentrer sur son métier et à se réformer. Il s'agit là, mes chers collègues, d'un formidable défi, mais je fais confiance, connaissant bien cette maison et l'ensemble de son personnel, aux cheminots pour le relever.
Vous admettez d'ailleurs que la situation actuelle ne peut pas perdurer, sinon les milliers de kilomètres de lignes évoqués par la revue La Vie du rail que vous avez citée n'existeront plus. Nous sommes tous bien conscients des conséquences inéluctables qui en découleraient.
Si rien n'est entrepris, des lignes seront fermées. C'est ce que nous avons voulu éviter grâce à cette réforme de la régionalisation.
Pour ces lignes capillaires, régionales - je n'aime pas employer le terme de « secondaires » car il a une connotation accessoire et l'accessoire peut être supprimé - le danger réside non pas dans la régionalisation mais dans le statu quo . Reconnaissez que, du point de vue de la démocratie, qui a souvent été évoquée dans cet hémicycle, la régionalisation est une démarche particulièrement innovante. Nous avons associé à cette réforme, depuis le mois d'octobre 1993, le maximum de partenaires.
Il s'agit, pour la première fois en France - dois-je le rappeler ? - d'une décentralisation à la fois négociée et expérimentée. Si nous avons choisi le système de l'expérimentation, c'est par prudence. Ainsi, les problèmes pourront être examinés au fur et à mesure qu'ils se poseront et être résolus.
En fait, quel est l'objectif poursuivi ? Nous devons bien y revenir car le débat a souvent porté sur ce point. Il s'agit, grâce à cette réforme, de réunir les conditions pour un renouveau du service public ferroviaire en région, en rapprochant le dispositif de décision des citoyens, des élus...
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas cela qui est en cause !
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. ... et des usagers. En quoi consiste la modernisation ?
Vous avez tous souhaité une meilleure offre de transport. Qu'est-ce qu'une offre de transport ? C'est cette réforme qui permettra, dans les régions, d'obtenir une meilleure offre de transport : fréquence, cadence, confort, sécurité, tarification, intermodalité.
Quant à l'expérimentation, que certains d'entre vous condamnent, elle est d'abord réversible, volontaire, transparente ; de plus, elle n'induit - c'est sûr - aucun transfert de charges.
Prenons pour exemple le Limousin : son président, Robert Savy, qui, au départ, s'opposait à l'expérimentation de la régionalisation - je le sais, nous en avons souvent parlé - eh bien brusquement s'est porté candidat. Cela signifie bien que la régionalisation n'est pas si dangereuse que cela.
En ce qui concerne les instruments de mise en oeuvre de la politique des transports, l'élaboration d'un schéma régional des transports constitue justement un préalable.
Par ailleurs, le groupe technique régional des transports collectifs, le GTRTC, qui sera mis en place abordera le problème de l'offre de transport par une approche intermodale.
Et il y a le conseil des régions - personne n'en a parlé ! Pour la première fois, le président de la SNCF est entouré des présidents des vingt-deux régions, précisément pour aborder l'ensemble de ces questions.
Enfin, pour ce qui est de la péréquation, des pistes existent.
M. Claude Billard. Il faut un peu plus que des pistes !
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. Elle interviendra ultérieurement puisque, pour l'instant, elle n'est pas utile.
Les deux pistes dont nous disposons sont, d'une part, le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, et, d'autre part, le XIIe Plan, qui nous offrira sans doute l'occasion de reparler de tout cela.
Mes chers collègues, n'ayez aucune crainte : tout est bien cadré, tout a été négocié ! Des problèmes se poseront sans doute. C'est normal, la situation est complexe. Mais nous les résoudrons au fur et à mesure qu'ils surviendront.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite rappeler ce que j'ai eu l'occasion de dire dans ma déclaration introductive : la régionalisation est l'un des piliers essentiels du projet de loi, et j'approuve tout à fait les propos que vient de tenir M. Haenel à cet égard.
Il s'agit d'une réforme importante, dont le principe a été décidé par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, laquelle va entrer en application.
Je précise que la péréquation bénéficie d'une triple garantie : l'unité du réseau, l'unité des tarifs, les 800 millions de francs qui ont fait l'objet d'un arbitrage du Premier ministre, sur proposition de Mme Idrac, secrétaire d'Etat aux transports.
Par conséquent, sur ce chapitre qui, je le répète, est l'un des piliers essentiels du projet de loi, toutes les garanties nécessaires ont été prévues.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 14, modifié.

(L'article 14 est adopté.)
M. le président. Le Sénat va interrompre ses travaux ; il les reprendra à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Paul Girod.)