M. le président. Je vais mettre aux voix l'ensemble du projet de loi.
M. François Gerbaud, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Gerbaud, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous avons fait un très long voyage et nous sommes arrivés au terminus. Je pourrai vous dire, en parodiant ce que l'on entend dire dans les trains par une voix suave ou par celle d'un agent de la SNCF : « RFF et la SNCF sont heureux de vous avoir accompagnés pendant ce voyage et espèrent vous retrouver prochainement sur leur réseau ».
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas mal !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ce ne sera pas le dernier voyage !
M. François Gerbaud, rapporteur. Ce voyage s'est passé sur des voies qui, comme je l'ai dit tout à l'heure à Mme Luc, étaient parallèles...
M. Claude Estier. Heureusement qu'elles l'étaient ! (Sourires.)
M. François Gerbaud, rapporteur. ... parce qu'y circulaient des trains qui n'avaient pas la même logique, mais celui qu'avaient pris les membres du groupe communiste républicain et citoyen correspond bien à l'argumentation technique qu'ils ont développée.
Avant de quitter votre siège, vérifiez bien que vous n'avez rien oublié. En particulier, n'oubliez pas la signification de ce projet de loi, à savoir que la SNCF, avec RFF, est au rendez-vous du transport ferroviaire de demain. Réseau ferré de France est né.
Mme Hélène Luc. Pas si vite !
M. François Gerbaud, rapporteur. Saluons-le, car c'est, je pense, l'essentiel.
Pour le reste, j'aurai fait ce que j'ai pu, modestement. J'ai beaucoup travaillé. J'ai été victime, ici ou là, de quelques sarcasmes, mais le monde parlementaire m'a appris à guerroyer, aussi, tout cela m'importe peu.
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est dommage !
M. François Gerbaud, rapporteur. Au cours de la discussion, certains m'ont reproché de n'avoir pas répondu très longuement. Le travail que j'ai accompli en commission et le rapport écrit portent témoignage, je crois, du sérieux et de la conviction avec lesquels j'ai abordé ce sujet essentiel. De surcroît, que cela vous plaise ou non, j'ai depuis très longtemps, parce que ce milieu m'est proche et cher, beaucoup d'attachement pour la SNCF. Je ne vois pas pourquoi j'aurais accepté de rapporter un texte aussi important si je n'avais eu l'intime conviction que je participais, très humblement, à une oeuvre essentielle pour notre pays, et notamment pour l'aménagement du territoire, auquel nous avons, les uns et les autres, consacré beaucoup de temps.
Je voudrais aussi assurer nos collègues que j'ai fait ce que j'ai pu pour les rejoindre sur ce qui constituait peut-être l'essentiel de notre démarche commune.
Ce qu'il faut retenir de ce premier débat, c'est l'attachement que le Parlement porte, même s'il existe plusieurs manières d'appréhender les choses, au transport ferroviaire. Si nos débats ont parfois relevé de la litanie, reconnaissez que j'ai fait de mon mieux pour que cela ne s'accompagne pas, comme disait Edgar Faure, de léthargie. Cela n'a pas été le cas.
L'essentiel, je le répète, c'est que RFF soit créé. Que RFF puisse, dans la complémentarité, dans une sorte d'unité sublimée, collaborer pleinement avec la SNCF ! C'est l'intérêt de tout le monde.
A RFF d'être, à travers ses infrastructures, la vitrine de notre construction ferroviaire. Comme l'a été le TGV qui a permis de nous valoriser dans le monde. Nous confions à RFF le soin de se situer dans le prolongement de cette innovation technologique.
A la SNCF, qui n'est pas brisée, qui n'est pas démantelée, qui reste unie dans ses missions principales, de reconquérir la clientèle de voyageurs et de chargeurs.
J'en suis profondément convaincu, la SNCF n'est pas coupée en deux. Au contraire, grâce de ce projet de loi, qui est une sorte de SAMU, elle est libérée de l'asphyxie de la dette et elle pourra donc retrouver son énergie, compléter son travail et réussir ce à quoi le président Gallois l'a invitée par le projet industriel auquel il a associé l'ensemble des personnels.
Je voudrais remercier les ministres présents au banc du Gouvernement. Je sais l'attachement de M. Bernard Pons à la SNCF. En effet, il a connu, au début de notre premier mandat commun, les matins blêmes de Souillac, ce qu'il s'est plu à rappeler.
Monsieur le ministre, je vous ai dit que vous aviez innové et que nous vous en remerciions. Vous avez en effet été à l'origine d'un projet de loi très important. Il n'était pas facile d'appréhender un tel sujet, compte tenu des sensibilités qui se manifestent ici ou là et qui, parfois à tort, ont tendance à s'exacerber.
Vous avez innové de deux manières : d'abord, en nous communiquant les décrets d'application, et je voudrais, comme je vous l'ai dit, que cela fasse jurisprudence à l'échelon gouvernemental ; ensuite - et je voudrais vous en remercier - en faisant arrêter le train de la réforme d'abord sur le quai du Sénat ; c'est la reconnaissance du travail préalable dont M. Haenel a été, en quelque sorte, l'initiateur.
Madame le secrétaire d'Etat, je voudrais vous remercier de la part que vos collaborateurs et vous-même avez prise dans l'élaboration de ce projet de loi. Je suis heureux de constater que vous réalisez, vous à qui cette maison rappelle tant de souvenirs, la synthèse entre un passé qui vous est cher et une technicité qui vous honore.
Je voudrais, bien sûr, remercier aussi tous les collaborateurs de la commission. Je leur sais gré de la manière dont ils m'ont assisté au cours de ce grand voyage.
Le train va maintenant partir pour rejoindre le quai de l'Assemblée nationale. Nos collègues députés vont alors monter dans ce train, et j'espère...
M. Claude Billard. Qu'ils ne rateront pas la marche ! (Sourires.)
M. François Gerbaud, rapporteur. ... que les portières ne se fermeront pas d'une manière automatique. (Nouveaux sourires.)
Je forme en tout cas le voeu que les personnels de la SNCF accueillent avec sérénité le déroulement de la procédure qui, je le comprends, peut être porteuse de doutes pour eux. Nous avons fait en sorte que tous ces doutes soient levés.
L'autre jour, j'ai commencé mon propos en citant Paul Valéry : « L'avenir n'est plus ce qu'il avait l'habitude d'être. » Eh bien, l'avenir, même s'il a changé d'habitude, ouvre de grandes perspectives au transport ferroviaire français.
Comme d'habitude, je succombe, et je vous prie de m'en excuser, à la formule simple. Voici que de nouveau, par ce texte, le train sifflera trois fois : la première pour dire qu'il est encore sur les voies ; la deuxième pour dire qu'il va effectivement répondre aux besoins du présent ; la troisième pour dire que, avec RFF, il franchira, avec des passagers toujours plus nombreux, la frontière du xxie siècle. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Hélas ! trois fois hélas !
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au terme de ce débat, dont la longueur a été proportionnelle à l'importance, je voudrais, de façon moins lyrique que mon excellent collègue et ami François Gerbaud, mais tout aussi sincèrement, rendre quelques hommages et faire une mise au point.
Nous devons tout d'abord féliciter le Gouvernement, singulièrement M. Bernard Pons et Mme Idrac, avec laquelle, je l'ai dit tout à l'heure, mais je le répète, nous avons travaillé sur cette question depuis 1993. En effet, ils ont trouvé, avec leur équipe, la solution française au problème de la SNCF.
La cause des difficultés structurelles de l'entreprise réside, ne l'oublions jamais, dans le financement et la gestion des infrastructures - c'est évident, et tout le monde le reconnaît, depuis le débat national qui a eu lieu, je le rappelle, tout au long de l'année 1996. Le projet de loi l'en délivre. Qui a eu ou a une autre idée ? Qui a formulé d'autres propositions ? Mais le financement et la maîtrise d'ouvrage des infrastructures ne sont pas une mission administrative, voire bureaucratique. Nous avons, pour ce type de mission, une structure parfaitement adaptée, l'établissement public industriel et commercial, service public économique détenu par l'Etat en totalité, par détermination de la loi.
Tous les juristes qui sont présents dans cet hémicycle qualifient les EPIC de « démembrements de l'Etat » pour montrer l'étroitesse de leurs liens avec la puissance publique.
Je veux aussi rendre un hommage particulier à mon collègue François Gerbaud. Depuis quatre mois, il a beaucoup contribué à faire pénétrer dans les esprits la nécessité de la réforme et a largement amélioré cette dernière par l'ensemble des amendements qu'il a présentés.
Je veux, enfin, saluer le travail approfondi de nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen. Ils ont campé sur des positions fermes mais courtoises, et je dois dire, connaissant bien le sujet, toujours bien argumentées. Leur contribution au débat sera utile pour l'avenir de la réforme.
Je ne partage pas leur point de vue...
Mme Hélène Luc. Malheureusement !
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. ... et je crois qu'ils sont dans l'erreur.
Mme Hélène Luc. L'avenir le dira !
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. Mais je crois que nous sommes d'accord au moins sur un point : nos objectifs sont communs. Et c'est pour le prouver que je veux faire une mise au point.
N'ayons pas peur de l'avenir. Qui craint la concurrence ? Les lignes et sillons voyageurs rentables sont aujourd'hui complètement occupés par la SNCF. Techniquement, l'accès d'autres entreprises n'est pas possible, et nous le savons bien. Les lignes désertées, où d'autres entreprises pourraient pénétrer, ne sont pas rentables.
S'agissant des marchandises, il est probable que les entreprises ferroviaires chercheront le partenariat plutôt que la concurrence, comme en témoigne la notion européenne de « regroupements internationaux d'entreprises. »
En réalité, la concurrence est déjà là, avec le transport aérien et, surtout, la route ! Nous avons encore débattu ce matin du problème de l'intermodalité. C'est le défi de la concurrence intermodale qu'il faut relever. Personne, aujourd'hui, n'est obligé de prendre le train. Lorsque l'on traite le client comme un usager - j'entends « usager » non au sens du droit, mais au sens réducteur qui est trop souvent donné à ce terme - il s'en va ! En effet, si l'usager est captif, le client, quant à lui, est libre ! (M. Mélenchon lève les bras au ciel). Les cheminots savent cela, car tout le monde a une voiture : le monopole de la SNCF n'existe pas jusqu'à ce point.
Dire que ce texte prépare à l'avènement de la concurrence d'autres entreprises ferroviaires est un mauvais procès d'intention que rien ne peut étayer. En revanche, il met la SNCF en situation d'affronter les autres modes de transport, dont la concurrence est dès aujourd'hui très vive.
J'ajoute que, pour faciliter cela, les péages acquittés par la SNCF devront vraisemblablement tenir compte pendant quelque temps de la fragilité de sa situation financière.
En outre, une politique multimodale adaptée sera nécessaire au renouveau des chemins de fer. Des mouvements profonds militent en ce sens : le goût de nos contemporains pour le voyage et la nécessité, comme l'a fort bien rappelé M. le rapporteur, d'un développement durable, respectueux de l'environnement. De ce point de vue, on ne peut pas toujours non plus montrer du doigt l'Union européenne ! On doit admettre qu'elle souhaite développer le transport ferroviaire et abolir le fameux « effet-frontière » justement si néfaste aux chemins de fer, même si l'on peut discuter des moyens que, parfois, elle préconise. A l'intérieur de notre territoire, les conseils régionaux joueront également ce rôle quant au développement du transport ferroviaire.
Qui parle aujourd'hui de privatisation ? Une privatisation ne peut se concevoir que dans l'intérêt de l'Etat. Or, je le rappelle, les Français contribuent chaque année pour 50 milliards de francs à leurs chemins de fer. Après la réforme, la SNCF continuera de percevoir près de 40 milliards de francs. Quel investisseur privé pourrait être intéressé ?
La SNCF reste un service public. Il est dangereux de raconter n'importe quoi à ce sujet. N'accordons pas de crédit à certains propos ou écrits, un peu superficiels et souvent erronés.
Enfin, qui parle de scission de l'entreprise ?
Mme Hélène Luc. Le Figaro, ce matin !
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. Je répéterai pour la troisième fois que les infrastructures appartiennent aujourd'hui, et ce depuis 1937, à l'Etat et non à la SNCF ; il en sera de même demain, car le réseau appartiendra à RFF, qui appartient à l'Etat : rien ne change pour l'unité de l'entreprise, sinon que l'on substitue un système efficace à une organisation défaillante.
M. Jean-Luc Mélenchon. Cela reste à voir !
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. Cette réforme est excellente. Si la commission des finances a déposé divers amendements, c'est simplement pour prendre quelques précautions financières - c'était son rôle - notamment pour tenir compte de la précarité de la situation de la SNCF et pour préserver l'avenir.
Le Sénat a aussi bien voulu adopter un nouvel intitulé du projet de loi, qui confirme que l'objet de la réforme est de restaurer le transport ferroviaire public en France, de voir, en conséquence, progresser le chiffre d'affaires de la SNCF, donc l'offre de transport.
Le Sénat a bien voulu également accepter que le Gouvernement effectue un suivi étroit du retour de l'entreprise à l'équilibre. Nous avons adopté un amendement de précision sur la dette reprise par RFF, qui garantit un allégement significatif des charges financières de l'entreprise.
Ainsi, le Sénat, qui est depuis des années au coeur du débat, des réflexions et des propositions sur le transport ferroviaire, les services publics et l'aménagement du territoire, aura, par ses travaux, très largement contribué au redressement du service public ferroviaire de notre pays.
Nous pouvons à mon avis, monsieur le président, mes chers collègues, en être légitimement fiers. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Schosteck, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Schosteck. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je tiens, au nom du groupe du RPR, à rendre hommage au Gouvernement pour cette réforme de la SNCF que la Haute Assemblée vient d'examiner : une réforme tant attendue du transport ferroviaire français, une réforme ambitieuse et déterminée, qui préserve l'unité de l'entreprise publique,...
M. Jean-Luc Mélenchon. Non !
M. Jean-Pierre Schosteck. ... clarifie les responsabilités de l'Etat et de la SNCF sur l'infrastructure, et allège l'entreprise nationale d'une grande partie de sa dette ;...
M. Jean-Luc Mélenchon. Ce n'est pas vrai non plus !
M. Jean-Pierre Schosteck. ... une réforme qui est le fruit d'un débat approfondi que le Gouvernement a su engager avec tous les acteurs concernés voilà maintenant plus d'un an sur le développement et la pérennité de notre transport ferroviaire, tant au niveau local qu'au niveau national.
Je tiens également à rendre hommage tout particulièrement à M. François Gerbaud, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan, et à M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis de la commission des finances, pour la qualité de leur travail. Le texte, tel qu'il va être adopté aujourd'hui, doit beaucoup à leurs compétences, à leurs connaissances, à leur vision globale des problèmes de la SNCF et, plus largement, du transport ferroviaire, ainsi qu'à leur jugement sûr.
Par cette réforme, chacun le sait, le Gouvernement et, aujourd'hui, le Sénat donnent une ultime chance à la SNCF de se réformer en profondeur. C'est d'autant plus vrai que toutes les conditions sont maintenant réunies afin qu'elle se recentre exclusivement et pleinement sur son seul rôle de transporteur public.
Aujourd'hui, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, vous nous montrez toute votre détermination à réformer ce grand service public auquel nous sommes tous attachés ; vous permettez ainsi à la SNCF d'être le mode de transport du xxie siècle.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RPR votera avec plaisir ce texte. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Arzel.
M. Alphonse Arzel. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au terme de ce long débat, passionnant, constructif et essentiel, je tiens à dire, au nom de mes collègues du groupe de l'Union centriste, à quel point nous sommes satisfaits de voir aboutir une réforme aussi attendue, aussi urgente, dont l'enjeu est bien de sauver la SNCF.
Nous nous réjouissons des modifications apportées par la commission des affaires économiques et par la commission des finances. J'en profite pour saluer l'excellent travail de nos rapporteurs et leur détermination, qui, tout au long de l'examen de ce texte, s'est illustrée brillamment. Je salue également le courage du Gouvernement, en particulier de M. Bernard Pons et de Mme Anne-Marie Idrac. La force de leur engagement a permis de faire aboutir, après de multiples obstacles, cette réforme difficile.
Le texte qui résultera des travaux du Sénat est de nature, je crois, à apaiser l'inquiétude des cheminots : leur statut sera préservé et le dialogue social à l'intérieur de l'entreprise sera accentué. Ce texte contribuera aussi à pérenniser l'avenir du transport ferroviaire en France. Il contribuera, enfin, à faire du transport ferroviaire un véritable vecteur de l'aménagement du territoire.
Certes, nous nous sommes légitimement interrogés sur la capacité, d'une part, de RFF à trouver rapidement un équilibre budgétaire avec un héritage de 134,2 milliards de francs de dettes et, d'autre part, de la SNCF à éponger une dette résiduelle de quelque 70 milliards de francs.
L'indispensable tâche d'assainissement d'une situation aussi dégradée ne se fera pas en un jour, comme nous le savons bien. Pour autant, il y a des raisons d'espérer. Les personnels de l'entreprise ferroviaire disposent de ressources qui pourront contribuer à faire du transport ferroviaire un moyen de transport de l'avenir. En plaçant la satisfaction du client au centre de leurs préoccupations, tous les acteurs de la SNCF pourront - nous en sommes convaincus - relever le défi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous parvenons maintenant au terme de ce débat, qui, comme vous avez pu le constater, a passionné le groupe communiste républicain et citoyen. Mais peut-on véritablement parler de débat ?
Je tiens à m'élever une nouvelle fois contre l'attitude de la majorité sénatoriale, laquelle a gardé le silence, ou presque, durant ces quatre jours de discussion, encouragée en cela par le Gouvernement, qui a eu, sur le fond, s'agissant de l'examen des amendements, la même attitude.
La qualité et la précision de nos propositions, reconnues par de nombreux observateurs et par la presse, offraient pourtant une base utile et sérieuse à cette discussion - vous l'avez vous-même reconnu, monsieur le rapporteur pour avis - et auraient pu permettre un véritable débat.
Or, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ont été seuls à porter le débat à la hauteur de l'enjeu : l'avenir du service public des transports ferroviaires, non seulement dans notre pays, mais aussi en Europe.
Cette attitude de silence est dangereuse pour la nature même de la démocratie parlementaire, car elle participe grandement à ravaler le Parlement au simple rôle de chambre d'enregistrement. Les cheminots, les usagers, ainsi que tous les démocrates jugeront !
Par nos multiples interventions, nous avons participé à éclaircir le débat qui, malheureusement, n'a pas vraiment eu lieu. Nous avons tenu à mettre en évidence la volonté qui fonde le projet de loi : l'éclatement de la SNCF et la soumission aux exigences de la Commission européenne, qui prône la déréglementation par l'ouverture à la concurrence entre privé et public dans le domaine des transports.
Nous nous sommes opposés sans équivoque à la manoeuvre, véritable tour de passe-passe, qui consiste pour le Gouvernement à transférer la dette de la SNCF à un nouvel établissement, le RFF, évitant aussi tout engagement de l'Etat dans le désendettement des transports publics ferroviaires.
C'est pourquoi nous avons proposé la suppression de l'article 6 du projet de loi, qui organise le transfert de la dette.
Le fait que nous ayons accepté l'augmentation du montant de ce transfert, qui confirme la responsabilité écrasante de l'Etat dans le déséquilibre financier de la SNCF - c'est d'ailleurs une responsabilité ancienne, qui n'incombe pas au seul gouvernement actuel - n'occulte en aucun cas notre opposition de fond à ce jeu d'écriture, qui ne règle en rien la situation pour l'avenir.
Là non plus, aucun débat n'a eu lieu sur nos multiples propositions alternatives qui permettraient d'envisager le règlement réel de la dette sans toucher pour autant à l'unicité de la SNCF, garante du caractère historique et unique de ce grand service public auquel les Français manifestent leur profond attachement, comme le confirme un sondage publié hier.
Les quatre jours d'interventions constructives de notre groupe ont donc permis de mettre en relief l'objectif d'ouverture à la loi du marché décidée et imposée par les directives de Bruxelles.
La majorité sénatoriale de droite s'apprête à voter comme un seul homme, mais sans presque avoir pipé mot, ce projet de loi si dangereux pour l'avenir de notre pays, pour l'aménagement de son territoire, si dangereux à terme - je le crains - pour les personnels ainsi que pour les usagers qui n'ont bien entendu rien à gagner dans la remise en cause du service public.
Mais le texte ne deviendra pas pour autant celui des cheminots.
Nous apportons notre plein soutien à l'action des cheminots prévue le 30 janvier prochain, action qui sera déterminante pour faire reculer une nouvelle fois le Gouvernement.
Par cette action, les salariés se donnent les moyens de peser de manière décisive sur les débats qui doivent se dérouler sur ce texte à l'Assemblée nationale les 4 et 5 février prochain, afin de pousser le Gouvernement non plus au report, mais au retrait de cette réforme !
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ont pris toutes leurs responsabilités sur l'orientation du texte ; mes amis Claude Billard, Félix Leyzour, Marie-Claude Beaudeau, Louis Minetti, Ivan Renar et tous les membres de notre groupe ont activement participé au débat.
C'est une grave décision que vous allez prendre en votant ce texte, mesdames, messieurs de la majorité ! Vous allez devoir l'assumer !
Quant à nous, dans la logique de notre attachement à la souveraineté nationale, contre Maastricht, et en raison de notre attachement au service public de la SNCF, dont nous sommes fiers - ce qui ne nous empêche pas de critiquer ses insuffisances, car nous ne sommes pas pour le statu quo... -
M. le président. Je suis obligé de vous demander de conclure, madame Luc !
Mme Hélène Luc. Je termine, monsieur le président.
Il faut moderniser la SNCF, il faut la développer. Les cheminots sont les premiers à le dire et à vouloir le faire. Les usagers aussi, ainsi que les élus que nous sommes : nous venons de le montrer.
Monsieur le rapporteur,...
M. le président. Madame Luc, il vous faut vraiment conclure !
Mme Hélène Luc. Je termine vraiment, monsieur le président.
M. le président. Je suis navré, mais vous avez déjà dépassé votre temps de parole d'une minute.
Mme Hélène Luc. Monsieur le rapporteur, vous avez annoncé que le train allait partir. Mais, comme il y a danger, je vous annonce que je tire le signal d'alarme.
M. François Gerbaud, rapporteur. Tirez le signal d'alarme, et nous ferons le procès-verbal ! (Sourires.)
Mme Hélène Luc. Soyez assurés que cette bataille du rail que nous venons de livrer depuis plusieurs jours, nous entendons la poursuivre et la mener à bien, parce que c'est la voie de l'avenir. Et, avec les cheminots, nous allons toujours plus vite.
Permettez-moi enfin, en conclusion, de remercier les personnels du Sénat : tous, chacun dans ses fonctions, ils ont effectué un travail important. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste citoyen et républicain, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Depuis la bataille du rail - la vraie, ...
Mme Hélène Luc. Vous avez bien compris mon allusion !
M. Pierre Laffitte. ... celle qui s'est terminée en 1945 et qui a été dirigée en secret par le grand responsable de la SNCF qu'était Louis Armand - le rail est cher au coeur des Français. Sans doute l'était-il avant, et il l'est demeuré depuis.
Je crois qu'il est important de constater que le texte que la majorité de mon groupe et moi-même nous apprêtons à voter est une phase indispensable. En effet, bien que le rail soit cher au coeur des Français, ces derniers ont aussi souvent recours à la voiture et à l'avion. Par ailleurs, les transporteurs de fret ont de plus en plus tendance à faire appel à la route. C'est donc sur les perspectives d'avenir du rail que je centrerai mon intervention.
Madame Luc, si nous n'avons pas eu de débat sur l'essentiel, c'est parce que, précisément sur l'essentiel, c'est-à-dire sur le maintien de la compétitivité et sur l'existence même de la SNCF, il y a consensus : avec vous le Gouvernement, nos deux rapporteurs et la majorité s'accordent à vouloir priviligier la SNCF.
M. Claude Billard. Vous n'avez pas bien entendu !
M. Pierre Laffitte. Nous n'en sommes pas moins préoccupés par des sujets qui s'appellent politique multimodale renforcée ou développement durable.
Sur ce dernier point, je crois que nous pouvons nous inspirer, pour le futur, de l'exemple qui existe en Autriche et en Suisse en matière de ferroutage.
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. Nous sommes tout à fait d'accord !
M. Pierre Laffitte. Le débat n'est pas clos et le problème se posera probablement de plus en plus car, si la route est un symbole de liberté, le fer demeure le symbole du respect de l'environnement, dans la mesure où il ne pollue pas, et de l'efficacité. Par conséquent, la modernité suppose indiscutablement le développement de l'usage des transports en commun, notamment ferroviaires.
Que les infrastructures appartiennent à l'Etat paraît logique. La prise en compte par l'Etat des dépenses correspondantes est donc tout aussi logique, et vous ne me ferez pas croire que le transfert de 200 personnes, face à la masse des effectifs de la SNCF, va menacer l'unité de l'entreprise !
L'expérience de ferroutage qui est en cours dans certaines régions - notamment dans la mienne, la région Provence - Alpes - Côte d'Azur - montre d'ailleurs que les régions s'investissent aussi pour moderniser, faciliter, aménager et renforcer le matériel. C'est là quelque chose de positif.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE, dans sa majorité, votera ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Garcia.
M. Aubert Garcia. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de ce que j'appellerai l'étude de ce projet de loi.
Je dis « étude », car je n'ose qualifier de débat ce que nous venons de vivre pendant trois jours, n'en déplaise au président de la commission des affaires économiques, à qui je répondais à la cantonnade, voilà quelques instants, que, si M. le ministre et moi-même étions tous deux médecins, je n'avais pas plus que lui l'intention de laisser mourir sans soin le malade SNCF mais que nos ordonnances étaient profondément différentes.
Pourquoi le débat, selon moi, n'a-t-il pas eu lieu ? Sans doute parce que je le compare à celui qui nous avait retenus dans l'hémicycle de longues heures sur la loi d'aménagement du territoire, en 1995.
Quel qu'ait pu être, in fine, le vote pour ou contre de chacun de nos groupes politiques, selon que nous avons trouvé satisfaisante ou non la mouture finale - et bien que nous sachions aujourd'hui que cette loi est, hélas ! en panne - j'en garde le souvenir d'un brassage d'idées qui a provoqué sur les travées de notre assemblée des échanges. Ils ont été parfois vifs, certes, mais, quelle que soit la vivacité des propos, l'échange provoque le débat. Et, lorsqu'il y a débat, le Parlement joue son rôle.
M. Claude Estier. Très bien !
M. Aubert Garcia. Votre projet, monsieur le ministre, tel qu'il nous a été présenté, était figé dès le départ. Votre volonté de n'y pas changer un iota s'est manifestée immédiatement, au point que vous n'avez voulu entendre aucune de nos observations, que vous n'avez répondu à nos inquiétudes que par des affirmations péremptoires dont l'avenir nous dira vite la fragilité, et que vous avez refusé d'écouter même les voix qui venaient de temps en temps de chez vous.
Aussi notre travail s'est-il cantonné dans l'opposition pure et simple de deux conceptions de la société de demain : la nôtre, celle des gens de gauche, la société des hommes, et la vôtre.
A partir de là, le débat ne pouvait plus être dans l'hémicycle et le dialogue de sourds évoqué à plusieurs reprises était inévitable. Vous avez manifestement simplement attendu que les heures passent et qu'arrive le moment où, le vote acquis, vous sortiriez du Sénat avec votre loi en poche.
Vous remarquerez que je ne juge même pas utile de vous redire pourquoi - vous le savez très bien - le groupe socialiste votera contre cette loi. Votre volonté de « non-débat », qui traduit une curieuse conception du rôle du Parlement, ne fait que nous conforter dans ce vote négatif.
La démocratie, peut-être, conduira les hommes à s'exprimer ailleurs, là où l'on semble mieux les entendre. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. A la fin de cet important débat, M. le rapporteur a rangé les critiques que nous avons formulées au rang de « sarcasmes », pour nous préciser tout aussitôt qu'il n'en souffrait pas. Tant mieux ! Au demeurant, monsieur le rapporteur, nous ne nous associerons pas au concert de congratulations mielleuses auquel plusieurs d'entre vous ont participé.
Nous ne sommes pas vos partenaires dans une partie de bonneteau, à l'image de celle qui s'est engagée sur cette loi qui ne dit pas ses véritables objectifs.
Nous n'avons rien fait pour mériter vos compliments, quoi que nous ayons noté que, pour y parvenir, le tarif commençait à 230 amendements. C'est une leçon qui servira pour d'autres débats, le cas échéant !
Monsieur le rapporteur, vous pouvez toujours nous annoncer que le train sifflera trois fois ! J'ai bien l'impression que nous ne fréquentons pas les mêmes voies ferrées, car il y a longtemps que les trains ne sifflent plus, sauf dans les parcs d'attractions, dans un monde d'apparences. Dans le monde des réalités, plus prosaïquement, le train que les socialistes voient s'avancer marche par étapes, et je crains qu'il ne donne pas de l'avertisseur à chacune d'entre elles. C'est pourquoi nous sommes, nous, obligés de le faire et de donner de la voix.
Il y avait trois étapes.
La première est franchie aujourd'hui, c'est celle de la séparation en deux établissements, que rien ni personne ne vous obligeait à pratiquer... et certainement pas les directives européennes, quoique je reconnaisse très volontiers que le Livre blanc vous y incitait de bien des manières.
La deuxième sera celle de la concurrence. Au demeurant, elle est déjà dans la place, notamment par le système de la filialisation. Elle sera, demain, organisée en grand par la compétition dans l'utilisation des équipements et, naturellement, par la compétition - certainement peut-être la plus importante - qui sera celle des fournisseurs et des réalisateurs dans le cadre des appels d'offres.
Viendra, à la fin, la troisième étape, la privatisation. Quelle qu'en soit la forme, filialisation ou ouverture aux tiers, peu importe, le résultat sera le même.
Il s'agit donc bien ici d'une loi de transition, qui va être adoptée, comme l'ont dit plusieurs de nos collègues, sous anesthésie. Anesthésie politique : vous avez attendu mollement que le temps passe et qu'il fasse son oeuvre puisque, déclaré d'urgence, ce projet de loi ne passera qu'une fois devant nous. Mais anesthésie sociale aussi, dont j'aurais mauvaise grâce à rendre responsables les principaux acteurs du mouvement social dans ce secteur, tant je connais et mesure avec mes amis les difficultés et déjà les souffrances qu'ils ont endurées dans une période récente.
Je le dis, c'est sans doute ce qui aura manqué ici pour que le débat prenne tout le relief qui aurait permis à quelques-uns de nos collègues de faire mieux que d'attendre, car ils auraient été mis sous la pression : j'ai remarqué que, à plusieurs occasions, cela vous dénouait l'esprit et vous rendait plus réceptifs aux nécessités du débat.
La meilleure opposition de gauche ne peut donner que ce qu'elle a, et je crois qu'elle a fait ce qu'elle a pu. Maintenant, la parole est ailleurs : elle va être à l'Assemblée nationale et, entre-temps, nous aurons la journée du 30 janvier et l'appel qui a été lancé à cette occasion. Je forme le voeu que, dans ces deux circonstances, il y ait encore un moyen de tout empêcher. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce n'est pas par hasard que le groupe des Républicains et Indépendants m'a demandé de « piper mot », comme dirait Mme Luc, pour expliquer son vote à la fin de ce débat.
Je dois, en effet, à la SNCF d'être ici aujourd'hui, parce qu'elle m'a employé, caché et sauvé dans une période noire de notre histoire. (M. Mélenchon applaudit.)
Par ailleurs, depuis quelque quarante ans, je suis un habitué hebdomadaire des lignes entre Paris et le Morbihan, jusqu'à reconnaître au seul son des aiguillages le point du parcours où je suis parvenu.
Mon attachement à la SNCF tient à ce que je viens de dire, mais aussi à l'extraordinaire souvenir que m'a donné la conscience professionnelle des cheminots. Elle n'est peut-être plus tout à fait - mais c'est une évolution de la société, qui se constate partout ailleurs - ce qu'elle était pendant la période noire que j'évoquais ; il n'en reste pas moins que le cheminot est profondément attaché à son entreprise.
J'ai été très frappé par la contradiction que j'ai relevée entre le propos qu'a tenu Mme Luc à l'instant et l'attitude du groupe qu'elle a l'honneur de présider. Elle a en effet insisté, voilà quelques minutes, sur la situation « fort préoccupante » de la SNCF - j'ai noté au vol ses paroles -...
Mme Hélène Luc. Merci !
M. Christian Bonnet. ... et elle a dit : « Parce qu'elle est préoccupante, il est indispensable d'y porter remède en dépit de la lourde charge que cela peut représenter pour l'Etat et, finalement, pour l'ensemble de la nation. »
C'est indispensable si l'on veut éviter que la SNCF, en son état actuel, aille dans le mur - pardon ! je l'ai dit, j'ai été cheminot, et je connais la terminologie : qu'elle aille sur le butoir - mais il y faut une détermination dont n'a fait preuve jusqu'ici aucun gouvernement, pas même celui auquel appartenait l'un des prédécesseurs de M. Pons, M. Charles Fiterman, - homme d'une grande qualité, d'ailleurs - qui avait connu une situation où déjà la dette pesait lourdement sur la gestion de cette entreprise nationale.
Il y faut aussi beaucoup de courage, dans un pays qui ne cesse de critiquer ce qui existe, mais qui - et c'est, dit-on, l'un des charmes de l'esprit français - ne cesse de protester lorsque l'on veut toucher à ce qui existe et que l'on prononce le seul mot de « réforme ».
Certes, des problèmes demeurent et, dès le premier jour de ce débat, M. François-Poncet a évoqué celui de la charge résiduelle de la dette. Puis, à l'instant, notre excellent collègue, M. Laffitte, a évoqué le problème du maintien de la compétitivité, qui dépendra des pouvoirs publics, certes, mais aussi de chacun des membres de l'entreprise désormais dénommée « Réseau ferré de France » si, comme nous l'espérons, l'Assemblée nationale fait sien l'amendement qui a été voté dans cet hémicycle.
Il y a aussi le problème fondamental de la charge respective du rail et de la route dans le transport des marchandises en France. Disons-le, nous vivons une situation anormale. Le transport routier ne cesse de se développer, et c'est une charge très lourde qui est souvent très mal ressentie par les automobilistes.
M. Jean-Luc Mélenchon. Très juste !
M. Christian Bonnet. Il reste que, sans votre détermination, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, sans votre courage mais aussi votre esprit de conciliation, le texte ne serait pas venu devant le Parlement et n'aurait pas donné à MM. les rapporteurs l'occasion de recevoir des félicitations. Ces félicitations n'avaient rien de mielleux, monsieur Mélenchon ; elles sont allées vers eux parce qu'ils les méritent, du fait de ce qu'ils ont pu apporter pour enrichir ce grand débat national.
Chacun aura compris, après ces brèves explications, que le groupe des Républicains et Indépendants votera cette réforme. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en conclusion de ce débat, je rappellerai d'abord qu'une nouvelle loi sur l'organisation des chemins de fer en France était absolument nécessaire. Chacun reconnaît qu'on ne pouvait laisser perdurer la situation actuelle.
Le Gouvernement s'est attaqué avec courage au problème.
Nous l'en remercions. Nous allons adopter les solutions qu'il a proposées. Nous lui souhaitons bonne chance, car, pour les réaliser, il lui faudra encore beaucoup de patience et de détermination.
Il faut espérer que son plan réussira, car, s'il devait échouer, nous irions au-devant d'une catastrophe humaine et économique dont nous ne pouvons prendre la mesure.
Je veux remercier, moi aussi, nos deux rapporteurs, MM. Gerbaud et Haenel. Le texte issu des travaux du Sénat répond aux deux conditions qui, à nos yeux, étaient essentielles.
En premier lieu, il est de nature à apaiser les inquiétudes des cheminots. A cet égard, nous regrettons d'avoir dû entendre encore certains propos qui pourraient les inciter à des manifestations le 30 janvier ou à telle autre date. Mieux vaudrait examiner au fond ce qui a été fait et montrer qu'en aucun cas ce projet de loi ne nuira aux personnels, bien au contraire.
En second lieu, le texte voté nous paraît propre à assurer l'avenir des transports ferroviaires. A ce titre, deux ajouts faits par le Sénat me paraissent importants, parmi d'autres.
Le premier, constitutif d'un article additionnel que nous avons adopté à l'unanimité, énonce que la présente loi « ne porte pas atteinte aux dispositions législatives réglementaires ou collectives régissant les situations des personnels de la SNCF et de ses filiales ». C'est très clair. Avant d'appeler à des grèves ou à des manifestations, qui ne peuvent que compliquer les choses, il conviendrait de rappeler ce texte que, je le répète, nous avons tous voté.
Pour ce qui est de l'avenir, je me référerai, là encore, à un amendement de la commission, qui tendait à préciser l'objectif vers lequel nous marchons et que nous souhaitons tous atteindre : RFF exerce ses activités « conformément aux principes du service public et dans le but de promouvoir les transports ferroviaires en France dans une logique de développement durable ». J'espère que c'est bien là le résultat que nous obtiendrons.
C'est la raison pour laquelle les sénateurs non inscrits voteront le texte tel qu'il ressort des travaux du Sénat. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Ça, c'était bien jeté ! (Sourires.)
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici donc, après un peu plus de vingt-sept heures de débat, au terme de l'examen par votre Haute Assemblée du projet de loi portant réforme de la SNCF.
Je veux, au nom du Gouvernement, en mon nom personnel et au nom de Mme Idrac, secrétaire d'Etat aux transports, qui a beaucoup travaillé sur ce dossier difficile, remercier le Sénat, les présidents de séance, les présidents et les rapporteurs des commissions compétentes et tous les membres de la Haute Assemblée...
M. Jean-Luc Mélenchon. ...et les huissiers...
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. ... qui ont participé à cette importante discussion.
Je souhaite également, sans, naturellement, rouvrir la discussion de fond, livrer deux réflexions à votre assemblée.
La réforme qu'il s'agit de mettre en oeuvre repose sur des mécanismes techniques parfois un peu complexes. Il m'est arrivé cependant d'éprouver à quelques reprises, au cours des séances qui nous ont réunis, le sentiment que certains des orateurs évoquaient plutôt une réforme imaginaire que la réalité de notre projet. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
J'ai entendu évoquer des perspectives de privatisation, alors que chacun sait que personne, ni au sein du Gouvernement ni dans la majorité, n'y a jamais songé. (M. Jean-Luc Mélenchon s'esclaffe.)
J'ai également entendu des emprunts parcellaires à telle ou telle réforme des chemins de fer étrangers par ceux-là mêmes qui récusent, par ailleurs, la philosophie générale des réformes auxquelles ils se sont ainsi référés.
Je crois que les discussions qui viennent de se dérouler ont eu le mérite, à travers nos échanges, de permettre à chacun de se faire une idée plus exacte de notre projet pour le transport ferroviaire.
Nous sommes un pays - il faut naturellement s'en réjouir - où la presse a toute liberté non seulement pour décrire l'action du Gouvernement, mais aussi pour l'interpréter.
M. Jean-Luc Mélenchon. Ce sont des insolents !

M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je ne reviendrai pas ici sur la vieille distinction, pourtant si importante, entre le fait et le commentaire. Chaque citoyen devrait, en effet, être mis en mesure de distinguer à tout moment, dans l'information, le fait, c'est-à-dire, en l'espèce, le texte de loi, et le commentaire, qui, par définition, n'engage que son auteur.
Plusieurs sénateurs se sont référés, au cours de la discussion, à tel ou tel article de tel ou tel organe de presse pour y retrouver le décrytage des intentions cachées du Gouvernement.

M. Claude Estier. Dans Le Figaro !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. En définitive, ce qui compte, et ce qui compte seul, c'est bien la réalité du texte, celle du projet de loi, celle des avant-projets de décret.
Je me réjouis, à cet égard, des amendements introduits par le Sénat, qui améliorent le texte, en particulier de celui qui prévoit l'obligation pour le Gouvernement de déposer un rapport au Parlement sur l'application de la réforme.
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est considérable !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Une telle exigence, outre qu'elle est conforme à l'essence du régime parlementaire, aura le double mérite de prolonger le principe de transparence qui nous anime dans cette affaire depuis l'origine et de permettre à la représentation nationale de vérifier dans la durée la stricte conformité de l'application de la réforme avec les principes énoncés par le Gouvernement.
J'y vois, pour ma part, la meilleure façon de faire en sorte que, face à des interprétations et à des supputations, force reste bien à la loi, à sa lettre et à son esprit, la loi expression de la volonté du peuple, la loi telle que l'a proposée le Gouvernement, la loi telle que l'a enrichie et voulue le Parlement, la loi, enfin, qui sera, demain, la seule et vraie garantie pour tous les acteurs du transport ferroviaire, en particulier pour les cheminots. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission, l'autre, du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 93 : :

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 317
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 223
Contre 94

Le Sénat a adopté.

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