M. le président. « Art. 1er . _ Les deux premiers alinéas de l'article L. 324-9 du code du travail sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Le travail totalement ou partiellement dissimulé, défini et exercé dans les conditions prévues par l'article L. 324-10, est interdit ainsi que la publicité, par quelque moyen que ce soit, tendant à favoriser, en toute connaissance de cause, le travail dissimulé. Il est également interdit d'avoir recours sciemment, directement ou par personne interposée, aux services de celui qui exerce un travail dissimulé. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 9 est présenté par Mme Dieulangard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 17 est déposé par M. Fischer, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent, dans la seconde phrase du texte présenté par cet article pour remplacer les deux premiers alinéas de l'article L. 324-9 du code du travail, après les mots : « interdit d'avoir recours », à supprimer le mot : « sciemment ».
La parole est à Mme Dieulangard, pour présenter l'amendement n° 9.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. La présence du mot : « sciemment » dans l'article 1er est superflue dans la mesure où, comme vous avez déjà eu l'occasion de le dire, madame le ministre, le code pénal prévoit l'intentionnalité des délits pour que ceux-ci soient punissables. Nous proposons donc, si j'ose dire, une simplification du projet de loi.
Plus sérieusement, comme le débat à l'Assemblée nationale l'a bien montré, ne pas supprimer ce mot reviendrait à permettre à celui qui exerce un travail dissimulé de se disculper facilement en prétendant n'avoir pas connu la réalité de la situation. On imagine mal, avec une telle brèche dans le dispositif que vous prétendez élaborer, quel chef d'entreprise, quel particulier serait assez stupide pour reconnaître avoir eu recours au travail illégal.
Cela vaut particulièrement, bien sûr, dans l'hypothèse du donneur d'ordre dont la bonne foi aura été surprise par un sous-traitant indélicat, sous-traitant auquel on aura bien entendu imposé auparavant des conditions irréalisables pour obtenir le marché, ce qui l'aura conduit à utiliser le travail dissimulé.
Voilà comment de véritables filières de travail illégal, avec à leur tête des entreprises connues de tous, perdurent sans que l'on fasse quoi que ce soit pour les combattre !
Politiquement, nous sommes ici au coeur du projet de loi : ou bien l'on veut vraiment démanteler ces filières, et l'on en donne les moyens juridiques à l'inspection du travail ; ou bien l'on présente un texte d'affichage, qui n'améliore pratiquement rien mais permet de dire que l'on a fait quelque chose pour enrayer le travail illégal.
La question qui se pose en réalité, derrière cette extraordinaire apathie à l'encontre des donneurs d'ordres, c'est de savoir si l'on prétend combattre le travail illégal sous toutes ses formes et à travers ses vrais responsables, ou si l'on s'attaque aux travailleurs clandestins, qui sont pourtant les premières victimes du système.
M. le président. La parole est à Mme Demessine, pour présenter l'amendement n° 17.
Mme Michelle Demessine. L'article 1er modifie la rédaction du premier alinéa de l'article L. 324-9 du code du travail, qui définit le travail « dissimulé », en distinguant explicitement la dissimulation de l'activité et la dissimulation des salariés.
Par rapport au texte du Sénat, le changement est seulement rédactionnel. Mais, par rapport au texte voté en première lecture par l'Assemblée nationale, il y a renversement de la charge de la preuve.
En effet, l'Assemblée nationale a confirmé le vote du Sénat qui supprimait la nécessité de prouver l'intention de fraude en maintenant le mot « sciemment » dans le deuxième alinéa de l'article, qui dispose : « Il est également interdit d'avoir recours sciemment, directement ou par personne interposée, aux services de celui qui exerce un travail dissimulé. »
Nous proposons de supprimer, dans ce texte, le mot « sciemment » et de revenir sur ce point au texte voté par les députés en première lecture. En effet, cela permettrait de faciliter la sanction du délit de travail clandestin en supprimant la nécessité d'apporter la preuve de l'intention de celui qui exerce le travail dissimulé et l'intention de celui qui en bénéficie.
Nous savons la difficulté qu'il y a parfois à apporter la preuve de l'intention de dissimulation, face à des donneurs d'ordres particulièrement bien organisés et qui savent tirer parti des failles de la loi.
Tel est, mes chers collègues, l'objet de l'amendement n° 17.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 9 et 17 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Ces amendements sont contraires à la position que la commission et le Sénat ont prise en première lecture : nous avions souhaité expressément le maintien du caractère intentionnel du délit. En tant que rapporteur, je ne peux demander au Sénat de se déjuger !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements, et il s'est déjà exprimé largement sur ce sujet, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale.
Certes, il va de soi que combattre le travail illégal de façon tout à fait déterminée implique que l'on s'en donne le moyens. Pour autant, on ne peut sanctionner de la même manière celui qui veut enfreindre sciemment et délibérément la loi en se livrant au travail illégal et celui dont la bonne foi peut être surprise.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 9 et 17, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article additionnel après l'article 1er