M. le président. « Art. 8. - L'article 35 bis de la même ordonnance est ainsi modifié :
« 1° Il est inséré, après le quatrième alinéa, un 4° ainsi rédigé :
« 4° Soit, ayant fait l'objet d'une décision de maintien au titre de l'un des cas précédents, n'a pas déféré à la mesure d'éloignement dont il est l'objet dans un délai de sept jours suivant le terme du précédent maintien » ;
« 2° Aux septième et dixième alinéas, les mots : "vingt-quatre heures" sont remplacés par les mots : "quarante-huit heures".
« Dans le dixième alinéa, les mots : "fixé au présent alinéa" sont remplacés par les mots : "fixé au huitième alinéa" ;
« Au onzième alinéa, les mots : "six jours" sont remplacés par les mots : "cinq jours" ;
« 3° Il est inséré, après le neuvième alinéa, un alinéa ainsi rédigé :
« L'intéressé est maintenu à la disposition de la justice, pendant le temps strictement nécessaire à la tenue de l'audience et au prononcé de l'ordonnance ; ».
« 3° bis Au douzième alinéa, les mots : "au septième alinéa" sont remplacés par les mots : "au huitième alinéa" ;
« 3° ter Au douzième alinéa, les mots : "au septième et au onzième alinéas" sont remplacés par les mots : "au huitième et au treizième alinéas" ;
« 4° Après le douzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, le procureur de la République peut demander au premier président de la cour d'appel ou à son délégué de déclarer le recours suspensif lorsqu'il lui apparaît que l'intéressé ne dispose pas de garanties de représentation effectives. Dans ce cas, l'appel, accompagné de la demande, est formé dans les quatre heures à compter du prononcé des ordonnances précitées et est immédiatement transmis au premier président ou à son délégué compétent pour y statuer. Celui-ci décide, sans délai, s'il y a lieu de donner à l'appel un effet suspensif, au vu des pièces du dossier, par une ordonnance non motivée qui n'est pas susceptible de recours. L'intéressé est maintenu à la disposition de la justice jusqu'à ce que cette ordonnance soit rendue et, si elle donne un effet suspensif à l'appel, jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond. »
« 5° Supprimé. »
Sur l'article, la parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. A l'orée de l'examen des amendements qui ont été déposés sur cet article 8, qui définit les procédures concernant la reconduite à la frontière et la rétention administrative, je voudrais rappeler à la Haute Assemblée que, dans ce domaine, il existe deux principes constitutionnels dont on ne saurait se départir. Le premier - je l'ai évoqué il y a un instant - est celui qui consacre les droits des étrangers à bénéficier des garanties procédurales fondamentales qui sont reconnues à tout justiciable en France. Le second est celui selon lequel, dans une procédure - ici administrative - on ne saurait bénéficier de garanties de ses droits inférieures à celles que l'on se voit reconnaître dans le cadre d'une procédure judiciaire, notamment en matière pénale.
N'oublions pas que l'étranger qui fait l'objet d'une reconduite à la frontière, qui est donc en séjour irrégulier, ne saurait être en aucune manière comparé, sauf par les pires ennemis de la démocratie, à un délinquant ou à un criminel.
On doit s'en souvenir de cette exigence pour exiger que les garanties qui doivent être reconnues en matière de rétention administrative ne soient en aucune manière inférieures à celles qui sont prévues quand il s'agit de poursuites pénales. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 54 est présenté par M. Pagès, Mme Borvo, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 79 est déposé par MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 92 rectifié est présenté par Mme Dusseau, MM. Baylet et Collin.
Tous trois tendent à supprimer l'article 8.
Par amendement n° 80, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après le 2° du texte présenté par l'article 8 pour modifier l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, deux alinéas ainsi rédigés :
« ... Il est inséré, après le cinquième alinéa de cet article, un alinéa ainsi rédigé :
« Si l'étranger n'a pas fait usage des dispositions prévues au dernier alinéa du même article, lorsque vingt heures se sont écoulées depuis le début de la rétention, l'étranger est appelé à s'entretenir avec un avocat. S'il n'est pas en mesure d'en désigner un ou si l'avocat choisi ne peut être contacté, il peut demander à ce qu'il lui en soit commis un d'office par le bâtonnier. Le bâtonnier est informé de cette demande par tout moyen et sans délai. »
Par amendement n° 4, M. Masson, au nom de la commission, propose, à la fin de la deuxième phrase du texte présenté par le 4° de l'article 8 pour insérer un alinéa après le douzième alinéa de l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, de remplacer les mots : « est formé dans les quatre heures à compter du prononcé des ordonnances précitées et est immédiatement transmis au premier président ou à son délégué compétent pour y statuer. » par les mots : « est formé immédiatement après le prononcé de l'ordonnance et transmis au premier président ou à son délégué. »
Par amendement n° 81, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, à la fin de la deuxième phrase du 4° du texte présenté par l'article 8 pour modifier l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, de remplacer les mots : « pour y statuer » par les mots : « qui statue ».
Par amendement n° 82, MM. Allouche, Autain, Authié, Badinter, Mme ben Guiga, MM. Biarnès, Charzat, Delanoë, Dreyfus-Schmidt, Estier, Mme Durrieu, MM. Mahéas, Mélenchon, Mmes Pourtaud, Printz, M. Rocard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de supprimer la dernière phrase du 4° du texte présenté par l'article 8 pour modifier l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
La parole est à Mme Luc, pour défendre l'amendement n° 54.
Mme Hélène Luc. Cet amendement a pour objet de supprimer l'article 8 du projet de loi, article particulièrement caractéristique de l'esprit répressif qui anime le Gouvernement et sa majorité.
En effet, afin de rendre plus efficace et plus rapide l'exécution des reconduites à la frontière, le Gouvernement n'hésite pas à renforcer les pouvoirs du préfet et du procureur de la République, quitte à remettre en cause les droits de la défense et certains principes essentiels garantissant un procès équitable.
L'allongement de vingt-quatre heures de la première phase de rétention administrative est particulièrement grave, puisqu'il permet à une autorité administrative de priver un individu de sa liberté.
L'objectif du Gouvernement est en effet de reporter aussi longtemps que possible l'intervention du juge judiciaire afin que l'administration ait les mains libres. Cette logique, qui renforce la répression à l'encontre de l'étranger, contourne les pouvoirs du juge et affaiblit ses prérogatives en tant que garant des libertés individuelles, est contraire à tous les principes démocratiques de notre société. Elle ne saurait être tolérée.
L'allongement de la durée de la rétention est d'autant plus préjudiciable que le délai dont dispose par ailleurs l'étranger pour former un recours contre l'arrêté de reconduite à la frontière n'étant, lui, pas systématiquement prolongé, on risque de priver en fait l'intéressé de la possibilité de se défendre. En pratique, et dans la quasi-totalité des cas, c'est en effet seulement lors de sa présentation au juge judiciaire que l'étranger forme un recours contre l'arrêté de reconduite à la frontière, car ce n'est qu'à ce moment-là qu'il peut rencontrer un avocat.
Tous les praticiens du droit et les associations d'aide aux étrangers vous le confirmeront, monsieur le ministre, l'organisation des centres de rétention et les difficultés d'accès rendent bien illusoires les droits théoriques dont disposent les étrangers. Une telle législation devrait d'ailleurs entraîner une condamnation de la France devant la Cour européenne des droits de l'homme pour non-respect de l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui garantit le droit à un recours effectif.
Mais, monsieur le ministre, vous ne m'écoutez pas...
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Si, madame, mais c'est le même discours que précédemment !
Mme Hélène Luc. Alors, tirez-en les conclusions !
Quant à l'appel suspensif, la mesure est, là encore, des plus contestables. Il revient au seul procureur de la République de demander que l'appel soit suspensif, ce qui établit un déséquilibre entre les parties, bien entendu au détriment de l'étranger.
Ce que vous mettez en place, monsieur le ministre, c'est une véritable législation d'exception. Le groupe communiste républicain et citoyen ne saurait, par conséquent, accepter un tel article, qui, une fois de plus, aggrave considérablement les lois Pasqua et bafoue les droits fondamentaux.
C'est la raison pour laquelle nous vous invitons, mes chers collègues, à voter la suppression pure et simple de cet article.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je vous ai écoutée, madame Luc !
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 79.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet article 8 contient beaucoup de choses.
Nous l'avons déjà dit, mais nous devons le souligner de nouveau à l'appui de notre amendement de suppression, cet article est notamment destiné à tourner la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a jugé qu'il n'est pas possible, au titre d'une même mesure, de retenir administrativement un étranger pendant sept jours, de le libérer puis de le mettre de nouveau en rétention pour sept jours.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. C'est la jurisprudence Rasmi !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous remercie, monsieur le ministre. Nous sommes bien d'accord, c'est en effet cette jurisprudence de la Cour de cassation que vous voulez tourner.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Elle est absurde !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous dites qu'elle est absurde, mais nous estimons, nous, que, le Conseil constitutionnel ayant strictement limité la durée de la rétention administrative, vous ne pouvez pas, vous, la prolonger indéfiniment. Sinon, rien n'empêcherait que le même intéressé, en vertu de la même mesure, se retrouve tous les sept jours jusqu'à la fin des temps en rétention administrative ! Cela ne nous paraît pas possible et c'est une première raison pour supprimer cet article.
Par ailleurs, le délai de rétention de vingt-quatre heures est porté à quarante-huit heures. En a-t-on assez parlé ? Tout à l'heure, vous ne m'avez pas compris, monsieur le juge... (Sourires.)
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Oui, monsieur le procureur ? (Nouveaux sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pardonnez ce lapsus. Je nous rajeunissais !
Je parlais tout à l'heure, monsieur le ministre, non pas du délai de rétention administrative mais du délai de recours.
En allongeant à quarante-huit heures le délai de rétention administrative, vous réduisez de fait, même si vous ne le modifiez pas textuellement, le délai de recours de vingt-quatre heures, qui était déjà bref dans la pratique et qui le sera donc encore plus. En allongeant la durée de la rétention administrative, vous ne faites que reculer le moment auquel l'étranger peut saisir le juge judiciaire, et ce alors que le Conseil constitutionnel a considéré qu'il devait être saisi « dans les meilleurs délais ». Or « les meilleurs délais », ce sont les vingt-quatre heures prévues actuellement ! Encore une raison de supprimer cet article 8.
Bref, nous avons toutes les raisons de vouloir supprimer cet article 8 !
M. le président. L'amendement n° 92 rectifié est-il soutenu ?...
La parole est à M. Badinter, pour présenter l'amendement n° 80.
M. Robert Badinter. Ce n'est pas ce que l'on appelle un amendement-surprise, puisque je l'ai déjà présenté en première lecture.
Il a sa logique.
Puisque l'on a refusé de prolonger de vingt-quatre heures le délai d'appel, le risque est grand que l'étranger ne soit pas précisement et clairement informé de ses droits.
Compte tenu des difficultés matérielles et pratiques, portées à notre connaissance par les avocats les plus qualifiés, ceux qui sont présents sur le terrain, et confirmées par les magistrats eux-mêmes, il importe que, dans toute la mesure possible, les dispositions nécessaires soient prises pour que cet étranger puisse être « appelé » - c'est le mot qui convient - à s'entretenir avec un avocat.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je voudrais éclairer le Sénat sur la jurisprudence Rasmi.
J'ai dit qu'elle était absurde. C'est mon point de vue, et je m'en explique.
La jurisprudence Rasmi paralyse les reconduites à la frontière et les décisions judiciaires d'expulsion.
Que se passe-t-il lorsqu'un individu, à l'issue de sa rétention, n'a pas pu, parfois et même souvent de son propre fait, être reconduit à la frontière ? Eh bien, conformément à la jurisprudence Rasmi, on ne peut plus jamais ni l'expulser, ni le reconduire à la frontière,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et la rétention judiciaire ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. ... ni le remettre en rétention administrative.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il y a la rétention judiciaire !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, laissez parler M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Chacun prend ses responsabilités ! Mais on a là une jurisprudence qui vide la loi de sons sens et paralyse son application. C'est pourquoi, monsieur Dreyfus-Schmidt, bien que magistrat d'origine, je me suis permis de dire que, à mon sens, cette jurisprudence était absurde : le magistrat est là pour appliquer la loi, non pas pour la contourner !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous avez la rétention judiciaire !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, la parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 4, et à lui seul. Cessez de dialoguer ainsi avec M. le ministre !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas un dialogue, c'est un débat ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous savez aussi bien que moi, pour occuper régulièrement le fauteuil de la présidence, que les débats sont organisés par le règlement du Sénat et non pas livrés à l'initiative de chacun.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, cela fait un peu d'animation !
M. Jean Chérioux. Que les vice-présidents montrent le bon exemple !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 4.
M. Paul Masson, rapporteur. Mes chers collègues, cet article est fondamental, les quelques commentaires que nous avons entendus à l'instant le prouvent.
L'amendement que la commission des lois vous propose a pour objet de rectifier un texte qui nous vient de l'Assemblée nationale et qui nous paraît porter en lui beaucoup de possibilités de contestations.
Dans quel scénario sommes-nous ? Je le rappelle, nous sommes dans une procédure civile. Le juge, statuant en vertu de l'article 35 ter de l'ordonnance de 1945, a toute latitude pour apprécier à un stade de la procédure, soit au premier stade, soit au deuxième - après quarante-huit heures ou après sept jours de rétention administrative - si l'étranger en cause doit être remis en liberté.
Je rappelle que, dans ce cadre, accepté par le Conseil constitutionnel, on ne peut pas garder la personne plus longtemps que sept jours, sauf cas exceptionnels de prolongation pour trois jours, sur lesquels je ne reviens pas pour ne pas embrouiller le débat. A l'issue des premières quarante-huit heures ou du septième jour, le juge libère la personne parce que l'administration n'a pas apporté de preuve permettant de la maintenir en rétention.
Le texte tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale et tel que nous l'avions modifié en première lecture prévoit que, dans un certain nombre de cas particuliers, le procureur peut faire appel de cette décision du juge auprès du premier président de la cour d'appel. Jusque-là, rien que de très normal. En revanche, et l'exception est tout à fait nouvelle et originale dans notre procédure, le procureur peut demander que cet appel soit suspensif et il interdirait ainsi la remise de l'intéressé en liberté. C'est grave, nous en sommes tout à fait conscients.
L'Assemblée nationale accorde au procureur quatre heures pour demander au premier président de la cour d'appel de donner cet effet suspensif à l'appel qu'il forme contre le refus de prolongation de la rétention administrative prononcé par le juge de première instance. Aussi, pendant quatre heures, l'intéressé se trouverait « à la disposition de la justice ».
Encore une fois, ce dispositif s'inscrit dans une procédure exceptionnelle, puisque, vous l'avez bien compris, le juge a remis l'intéressé en liberté.
Si le procureur fait appel, ce n'est pas pour n'importe quel motif, il le fait parce qu'il estime que l'étranger en question va disparaître, va s'évanouir dans la nature, parce qu'il n'a pas, comme on dit en droit, « de garanties de représentation ».
Par conséquent, pour que le cours de la procédure puisse se dérouler, l'appel doit pouvoir être suspensif, c'est-à-dire que l'on doit pouvoir garder l'étranger en cause malgré la décision du juge de le mettre en liberté.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui !
M. Paul Masson, rapporteur. Je crois que, sur ce point, le Gouvernement partage l'avis de la commission, puisque cette disposition a été modifiée par l'Assemblée nationale - dois-je le dire ? - contre son avis.
La commission estime qu'il est préférable que le procureur soit prêt à former cette demande d'effet suspensif dès le prononcé de l'ordonnance du juge de première instance, immédiatement, instantanément. On m'objectera que c'est une audience civile, que le procureur n'est pas forcément là, et qu'il faut lui donner le temps de réfléchir.
Nous n'avons pas, nous, législateur, à tenir compte de telles considérations, qui sont subsidiaires. L'administration, la magistrature, le parquet, prendront leurs dispositions pour répondre à l'exigence de la loi.
Nous proposons donc, monsieur le ministre, mes chers collègues, que la disposition de l'Assemblée nationale soit réformée et que les quatre heures laissées au procureur pour demander l'appel avec effet suspensif au premier président de la cour d'appel soient remplacées par une disposition beaucoup plus exigeante, beaucoup plus conforme aux exigences constitutionnelles. Il faut que l'appel soit formé immédiatement après le prononcé de l'ordonnance et transmis tout de suite au premier président de la cour ou à son délégué.
Cet amendement que j'ai l'honneur de vous présenter au nom de la commission des lois me paraît donc substantiel.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour présenter les amendements n°s 81 et 82.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Notre amendement n° 81 tomberait si l'amendement n° 4 de la commission était adopté. Toutefois, pour l'instant, subsiste dans le projet de loi, puisque l'Assemblée nationale ne l'a pas supprimé, un extraordinaire « y ».
Je regrette de constater que c'est le Sénat qui a introduit et maintenu, malgré nos réclamations, ce « y », que l'Assemblée nationale a laissé subsister.
Le texte est en effet ainsi rédigé : « Dans ce cas, l'appel, accompagné de la demande, est formé dans les quatre heures à compter du prononcé des ordonnances précitées et est immédiatement transmis au premier président ou à son délégué compétent pour y statuer. »
Cette formulation n'est pas correcte !
Et ne serait-ce que pour faire disparaître ce « y », l'amendement de la commission présente un intérêt certain.
Pour le reste, j'ai du mal à m'expliquer cet amendement ! L'Assemblée nationale a prévu que « l'appel... est formé dans les quatre heures... et est immédiatement transmis » alors que la commission propose : « l'appel... est formé immédiatement après le prononcé de l'ordonnance et transmis au premier président ou à son délégué ».
L'adverbe « immédiatement » ne s'applique donc plus à la transmission, ce qui veut dire que l'intéressé va rester en prison, sur la simple demande du procureur, malgré la décision du juge, non seulement jusqu'à ce que le dossier soit transmis - ce qui peut durer longtemps - mais aussi jusqu'à ce que le premier président ait statué. Comme ce dernier n'a pas de délai pour statuer, cela peut également être long !
Il s'agit là de ce que l'on appelle l'« internement arbitraire ».
Quant à l'amendement n° 82, il tend à supprimer la dernière phrase du 4° du texte proposé par l'article 8 : « L'intéressé est maintenu à la disposition de la justice jusqu'à ce que cette ordonnance soit rendue et, si elle donne un effet suspensif à l'appel, jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond. »
Cette suppression se situe dans le droit-fil de ce que je viens de dire : non seulement on ne sait pas quand est transmis l'appel au premier président, mais, en plus, et bien qu'il se soit trouvé un juge de l'ordre judiciaire pour ordonner la mise en liberté, l'intéressé est maintenu à la disposition de la justice jusqu'à ce que l'ordonnance du premier président soit rendue, c'est-à-dire pendant un laps de temps dont la durée n'est pas admissible, je vous ai rappelé pourquoi.
Vous savez bien, monsieur le ministre, que lorsque le juge d'instruction refuse de placer quelqu'un en détention provisoire, et même si le procureur interjette appel pour que l'application de la décision soit suspendue - il n'est d'ailleurs pas le seul à pouvoir recourir à ce moyen, tout le monde peut le faire, c'est-à-dire qu'il y a égalité des armes - l'intéressé est immédiatement mis en liberté.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. C'était le contraire autrefois !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui, vous avez raison, mais maintenant tout se passe comme je l'ai dit.
Or, le Conseil constitutionnel a indiqué qu'en matière de rétention judiciaire on ne peut être plus mal loti qu'en matière pénale habituelle, et ce qui est vrai pour la rétention judiciaire l'est a fortiori plus encore pour la rétention administrative.
Il n'est donc pas possible de retenir votre système parce que, lorsque le juge a décidé la mise en liberté d'une personne placée en rétention administrative, on n'a pas le droit de la garder en prison jusqu'à ce que le premier président ait bien voulu statuer sur la seule demande du procureur de la République, car il n'a pas de délai pour le faire.
M. Paul Masson, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. M. Paul Masson, rapporteur. L'amendement n° 4 est ainsi libellé : « est formé immédiatement après le prononcé de l'ordonnance et transmis au premier président ou à son délégué ».
M. Dreyfus-Schmidt nous a fait valoir des arguments, et ses observations ne sont pas toujours impertinentes.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Pas toujours !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Ce qui ne veut pas dire qu'elles sont toujours pertinentes !
M. Paul Masson, rapporteur. Je propose donc de rectifier notre amendement et d'ajouter, après les mots : « est formé immédiatement après le prononcé de l'ordonnance et transmis », les mots : « sans délai ».
Ces précisions rendront peut-être cet amendement plus satisfaisant et la redondance dans l'expression satisfera peut-être, au moins sur ce point-là, M. Dreyfus-Schmidt.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 4 rectifié, visant, à la fin de la deuxième phrase du texte proposé par le 4° de l'article 8 pour insérer un alinéa après le douzième alinéa de l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, à remplacer les mots : « est formé dans les quatre heures à compter du prononcé des ordonnances précitées et est immédiatement transmis au premier président ou à son délégué compétent pour y statuer. », par les mots : « est formé immédiatement après le prononcé de l'ordonnance et transmis sans délai au premier président ou à son délégué. ».
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 54, 79, 80, 81 et 82 ?
M. Paul Masson, rapporteur. Sur les amendements de suppression n°s 54 et 79, l'avis de la commission est défavorable. Il n'y a pas beaucoup de justifications à donner car nous en avons largement débattu en première lecture et en commission. De plus, si nous modifions l'article 8, ce n'est pas pour le supprimer !
Mme Hélène Luc. Vous n'avez pas peur de la Cour européenne des droits de l'homme ?
M. Paul Masson, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 80, la commission y est défavorable. Il s'agit de la mise en contact systématique avec l'avocat au terme des vingt premières heures de rétention.
Il y a là une assimilation qui me paraît peu pertinente du régime de la rétention administrative avec le régime de droit commun. Or je pense que si l'on a créé la rétention administrative, c'est précisément pour ne pas engager la procédure de droit commun. Sinon, on n'aurait pas inventé cette procédure, qui est un peu exceptionnelle et qui a au moins l'avantage d'être plus rapide.
Je rappelle en outre que l'intéressé qui est placé en rétention administrative peut communiquer avec un avocat dès la première heure ; cela lui a été notifié par écrit - on en a déjà parlé tout à l'heure.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas le cas en droit commun.
M. Paul Masson, rapporteur. Pour ce qui est de l'amendement n° 81, il est, semble-t-il, satisfait par l'amendement n° 4 rectifié de la commission.
Enfin, l'amendement n° 82, supprime le maintien à la disposition de la justice de l'intéressé dans l'attente de la décision sur l'appel. Cette suppression créerait, me semble-t-il, un vide juridique. En effet, on ne sait plus quel serait le statut de l'intéressé. J'ajoute que la formule du maintien à la disposition de la justice est claire pour les praticiens.
De plus, cette suppression priverait l'effet suspensif de sa pleine efficacité à l'égard de l'étranger de mauvaise foi qui ne se représenterait pas, ce qui irait à l'encontre du dispositif modifié par l'amendement n° 4 rectifié.
Nous voulons, je le répète, que l'intéressé puisse être gardé à la disposition de la justice jusqu'à la décision du président de la cour d'appel. Nous pensons que, s'il n'y a pas d'effet suspensif, si la suppression du maintien à la disposition de la justice est votée, il y aura une contradiction par rapport à l'objectif poursuivi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je suis naturellement du même avis que M. le rapporteur.
Je veux ajouter, s'agissant de l'amendement n° 80, présenté par M. Badinter - mais je ne suis pas un spécialiste du droit comme lui - que je ne connais pas un exemple, dans notre droit, d'un système dans lequel on oblige une personne à rencontrer un avocat, pas même au titre de l'article 63-4 du code de procédure pénale relatif à la garde à vue !
Or, aux termes de cet amendement, cela devient une obligation.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas le droit commun, comme le disait M. le rapporteur.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. C'est une exception qu'il est extrêmement curieux de faire entrer dans le droit.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est une voie d'exception.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Il faut laisser à l'individu la faculté de choisir un avocat. Cette obligation, moi, me choque.
Enfin, je suis favorable à l'amendement n° 4 rectifié présenté par M. Masson, puisqu'il tend à revenir au texte du Gouvernement prévoyant que l'appel est formé immédiatement et transmis sans délai.
Toutefois, à partir du moment où l'appel est immédiat, s'il n'est pas transmis, cela constitue, bien évidemment, un détournement de procédure.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, dès lors que l'appel est immédiat, la transmission est également immédiate ! Vous ne pouvez pas imaginer une seconde que l'on garde un appel sous le coude !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oh non !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Les avocats seraient nombreux à le dénoncer.
Ainsi rectifié, l'amendement déposé par M. le rapporteur me convient parfaitement, puisqu'on en revient, je le répète, au texte du Gouvernement.
J'ajoute que, constitutionnellement, il me paraît plus solide, car le délai qui avait été fixé par l'Assemblée nationale, contre mon avis, risquait de provoquer le courroux du Conseil constitutionnel.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 54 et 79.
M. Emmanuel Hamel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. S'agissant de l'amendement n° 79, je tiens à remercier M. Dreyfus-Schmidt d'avoir rappelé au Sénat, soit par inadvertance - il nous arrive parfois d'avoir la langue qui fourche - soit à dessein, en l'appelant M. le juge, que M. le ministre de l'intérieur fut magistrat.
Nous savons, de réputation, quel magistrat il fut ! Il accomplissait sa fonction inspiré par les principes fondamentaux de la République et des droits de l'homme.
Nous sommes confortés, nous qui ne sommes pas juristes, dans le devoir de le soutenir car nous savons quel magistrat il fut.
De même, nous qui ne sommes pas juristes, nous sommes confortés dans nos votes par le fait que le président de la commission des lois du Sénat, M. Jacques Larché, fut conseiller d'Etat. Lorsqu'on a appartenu à une telle institution, on n'accepte pas un texte qui viole soit les droits fondamentaux de la personne, soit les intérêts de la République.
Nous nous souvenons aussi que le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, M. Pierre Mazeaud, fut lui aussi conseiller d'Etat.
Comment, mes chers collègues, pouvez-vous tenter d'insinuer en nous le doute, alors que ceux qui proposent ce texte ont, avant d'être élus, assumé avec tant de dignité des fonctions dans lesquelles ils étaient inspirés par le respect des droits de l'homme et le souci des droits fondamentaux de la République ? (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 54 et 79, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 80, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4 rectifié.
M. Robert Badinter. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Cet amendement soulève une interrogation majeure à laquelle je souhaite que M. le rapporteur réponde. Il s'agit là d'une question de droit pur.
Le problème est le suivant. Nous avons une situation dans laquelle un magistrat du siège, dans notre Etat de droit gardien des libertés individuelles, vient de prendre une décision rendant la liberté à un étranger en situation irrégulière. Le procureur de la République interjette appel de cette décision. Le texte prévoit que le ministère public peut, à cet instant, demander au Premier président que l'appel qu'il forme soit déclaré suspensif.
A cet égard, je retrouve sensiblement le dispositif en matière de référé-liberté, et le principe que seul un magistrat du siège peut infirmer la décision d'un autre magistrat du siège qui a rendu la liberté à quiconque. Dès l'instant, en effet, où un magistrat du siège a déclaré, une rétention infondée et a décidé de remettre l'intéressé en liberté, le simple appel du parquet ne saurait à lui seul suspendre la décision du magistrat du siège.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle c'est un autre magistrat du siège qui doit se prononcer sur le caractère suspensif de cet appel, ce qui, par définition, dénie à l'appel du ministère public lui-même son caractère suspensif. Ce qui peut avoir un effet suspensif, c'est la décision du premier président ou de son délégué. Nous sommes d'accord à cet égard !
Mais, le vrai problème, qui ne peut se confondre, monsieur le rapporteur, avec celui de la transmission ou de la formation immédiate de l'appel, réside dans la force exécutoire de la décision du magistrat du siège rendant sa liberté individuelle à quelqu'un. Cette décision, je le rappelle, ne peut être modifiée autrement que par une autre décision d'un magistrat du siège. Elle est exécutoire de plein droit, immédiatement.
La question de savoir si l'appel du parquet doit être formé immédiatement ou dans un délai de quatre heures ne concerne que la possibilité de faire venir le plus vite possible devant le magistrat du siège de la cour la décision du magistrat du tribunal. Mais, entre le moment où la première décision est intervenue et le moment où le second magistrat du siège va se prononcer sur le caractère suspensif ou non de l'appel, il est impossible de paralyser, par le seul appel du parquet, la force exécutoire de la décision rendant la liberté à un justiciable.
Là se trouve le coeur du problème, me semble-t-il.
Telles sont les analyses que m'a inspirées la lecture de l'amendement n° 4 rectifié et que je soumets à l'attention du Sénat.
Au regard des principes de la liberté individuelle, il est une règle fondamentale : la décision du magistrat du siège rendant la liberté individuelle à quelqu'un ne peut être contredite que par une décision d'un autre magistrat du siège lui donnant un caractère suspensif. Mais, je le répète, entre les deux décisions, rien n'est possible. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ceccaldi-Raynaud.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Monsieur Badinder, vous considérez qu'il est anticonstitutionnel, en tout cas qu'il est juridiquement mauvais, que le procureur de la République puisse non pas former un appel suspensif - il n'est pas question de cela ! - mais demander à un magistrat du siège de le rendre suspensif. Cela vous paraît choquant !
M. Robert Badinter. Ce n'est pas ce que j'ai dit !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Si !
M. le président. S'il vous plaît, pas de dialogue !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. C'est ce que nous avons entendu. Nous avons peut-être mal compris, car je n'imagine pas que vous vous soyez mal exprimé.
Ce qui vous choque aujourd'hui a existé pendant très longtemps, sous diverses républiques : lorsque le juge d'instruction mettait en liberté un délinquant et que le procureur faisait appel, celui-ci, sans qu'il soit besoin d'aller devant un magistrat du siège, était par lui-même suspensif. Vous l'avez accepté ; tout le monde l'a accepté ; c'est une très longue tradition.
Aujourd'hui, on fait mieux : on dit que l'appel du procureur n'est pas en lui-même suspensif, qu'il faut une décision d'un magistrat du siège. Il y a donc un progrès, que vous ne pouvez contester. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous dites que nous l'avons accepté ! Pas du tout ! C'est pourquoi nous avons supprimé cette disposition dès que cela a été possible.
C'est l'état actuel du droit. Or, nous l'avons dit, nous ne pouvons pas traiter plus mal un étranger en situation prétendument irrégulière - il ne l'est peut-être pas, puisqu'un magistrat vient de décider de le remettre en liberté - que quelqu'un qui est accusé d'un crime !
M. Jean-Jacques Hyest. On ne le remet pas en liberté !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On met fin à la rétention administrative, donc on le remet en liberté !
M. Jean-Jacques Hyest. Il s'agit quand même de quelqu'un qui a été expulsé !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Précisément, il n'est pas expulsé ! Le juge a estimé qu'il ne devait pas être maintenu en rétention, donc il est libéré.
M. Jean-Jacques Hyest. Et on recommence !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'en arrive au texte proposé par l'amendement n° 4 rectifié.
Je ne parle plus de l'égalité des armes, qui existe dans le référé-liberté et qui a été évoquée par M. Badinter et moi-même ; j'en viens aux termes « immédiatement » et « sans délai ».
Je suis très sensible au fait que M. le rapporteur ait retenu mon argument. Le seul malheur, c'est que les mots « sans délai » et « immédiatement » ne signifient rien ! C'est bien connu en droit : « immédiatement » est une notion élastique. Lorsque l'on rend une décision, on ne précise pas l'heure à laquelle on la rend. Il en est de même lorsqu'on interjette l'appel.
Comment saura-t-on que l'appel a été formé « immédiatement » ?
En outre, vous ne donnez pas au premier président de la cour d'appel de délai pour statuer. Même si « immédiatement » et « sans délai » avaient un sens, vous n'avez aucune garantie que la décision sera rendue dans un délai quelconque et, en tout cas, rapidement.
Telles sont les raisons pour lesquelles votre amendement modifie, nous semble-t-il, peu de choses à l'ensemble du système, qui n'est pas admissible, qui est anticonstitutionnel et que nous récusons.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. M. Ceccaldi-Raynaud a raison : c'était le passé ; il n'y avait pas eu de contrôle de constitutionnalité sur cette question. Sauf erreur de ma part, cela n'existe plus depuis 1984. Mais le problème n'est pas là !
Quand je décompose la procédure, je vois un étranger présumé en situation irrégulière placé en rétention administrative. Le magistrat du siège de Nice dira : « Je lève la rétention. » L'appel est formé aussitôt. Le temps que l'appel vienne devant le magistrat d'Aix, il s'écoulera un certain temps. A cet instant-là, qu'est-ce qui pourra faire obstacle à la décision du juge de Nice disant : « Vous ne devez pas maintenir cet étranger en rétention, j'y mets fin ? » L'appel du procureur ? Cela voudrait dire que l'on reconnaît au procureur de la République, par son seul appel, avant que ne se soit prononcé à Nice le premier président, le droit de suspendre la décision rendant la liberté individuelle à l'étranger. Cela ne me paraît pas juridiquement possible.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je formulerai une simple remarque à l'adresse de M. Badinter.
Mon cher collègue, le procureur dispose d'un pouvoir particulièrement significatif, et qui est tout à fait comparable à celui dont nous parlons : c'est la prorogation de la garde à vue.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 81 n'a plus d'objet.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avons au moins satisfaction sur un point !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 82.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur Jacques Larché, j'en profite pour vous répondre.
Dans le cas que j'évoquais tout à l'heure, la situation est bien différente de celle à laquelle vous avez fait allusion : en l'espèce, il vient d'intervenir une décision exécutoire d'un magistrat du siège rendant sa liberté à l'étranger placé en rétention.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 82, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8, modifié.
M. Robert Pagès. Le groupe communiste vote contre.
M. Claude Estier. Le groupe socialiste également.

(L'article 8 est adopté.)

Article additionnel après l'article 9 bis