M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 197, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le dernier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-96 du code de procédure pénale :
« La voie de l'opposition est ouverte au condamné qui n'a pas comparu. L'opposition s'exerce dans les cinq jours de la signification de l'arrêt faite à sa personne ou à son domicile. Le tribunal statue sur cette opposition. »
Par amendement n° 26, M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit la dernière phrase du dernier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 231-96 du code de procédure pénale : « L'appel est porté devant la chambre des appels correctionnels. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 197.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je voudrais que M. le garde des sceaux ne nous en veuille pas d'avoir l'outrecuidance de ne pas accepter aveuglément la modification qu'il propose au système actuel.
L'article 231-96 du code de procédure pénale prévoit le cas dans lequel un témoin cité ne comparaît pas. Jusqu'à présent, le tribunal peut condamner le témoin qui ne comparaît pas ou qui refuse de prêter serment ou de faire sa déposition. Le témoin condamné a le droit de faire opposition et, s'il a, par exemple, simplement été retardé par un accident de la route, la cour relève immédiatement la condamnation. La procédure est simple. Devant la cour d'assises, c'est elle-même qui est juge de cette opposition.
Le tribunal qui nous est proposé va être permanent. Est-il normal de supprimer cette opposition - c'est ce que prévoit le texte du Gouvernement - pour la remplacer par un appel qui sera jugé par la cour d'appel ? Le tribunal a son siège dans le département, alors que la cour d'appel, souvent, se tient hors du département. Ainsi, le malheureux témoin qui sera arrivé en retard et qui aura été condamné ne pourra pas faire opposition immédiatement, il sera obligé de faire appel et de se déplacer devant des magistrats qui ne connaîtront pas le contexte de l'affaire et qui ne pourront pas savoir pourquoi il a été condamné de cette manière et pourquoi, éventuellement, il a refusé de témoigner.
Là encore, mes collègues et moi-même avons cherché des explications, mais nous n'en avons pas trouvée. Est-ce pour gagner du temps, monsieur le garde des sceaux, que vous supprimez cette opposition ? Ce n'est sûrement pas le témoin qui gagnera du temps.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 26 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 197.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. L'amendement n° 26 vise à confier à la chambre des affaires correctionnelles, et non à la chambre d'accusation, l'appel d'une condamnation à une contravention de cinquième classe à l'égard d'un témoin défaillant. Cela paraît plus naturel.
Par ailleurs, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 197. Elle a jugé préférable que le témoin défaillant puisse faire appel, plutôt qu'opposition, de la condamnation prononcée à son encontre. L'appel est, en effet, porté devant la chambre des appels correctionnels. En revanche, l'opposition alourdirait la tâche de la juridiction d'assises.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 197 et 26 ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 26. J'ai déjà eu l'occasion de le dire hier, dans mon intervention au cours de la discussion générale.
En revanche, il est défavorable à l'amendement n° 197 pour les raisons que vient d'expliciter M. le rapporteur. En effet, cet amendement a pour objet de revenir purement et simplement à l'article 326 en vigueur actuellement. C'est exactement le même débat que celui que nous avons eu voilà quelques instants avec MM. Dreyfus-Schmidt et Badinter.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 197.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je comprends mieux ce qui se passe. Nous déposons des amendements qui nous paraissent de bon sens, voire de nature à rétablir quelque erreur. Nous sommes donc évidemment sidérés d'entendre le Gouvernement reconnaître que l'idée est bonne, puis s'y opposer.
M. le garde des sceaux aurait-il la conviction que nos amendements sont uniquement déposés pour l'ennuyer, pour gagner du temps, et donc lui en faire perdre ? Il a donc un préjugé défavorable sur nos amendements.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je ne suis pas aussi égocentrique et narcissique que d'autres, monsieur Dreyfus-Schmidt !
M. Emmanuel Hamel. Que la paix soit avec vous ! (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En l'occurrence, je n'ai pas entendu d'explication. J'ai donné un exemple qui me semble tout de même parlant, celui du témoin qui arrive en retard, qui apprend qu'il est condamné et qui fait opposition immédiatement ; immédiatement, la cour relève la condamnation. C'est ce qui se passe aujourd'hui. Demain, lorsqu'il arrivera, s'il apprend qu'il a été condamné, on lui dira qu'il peut faire appel. Le Gouvernement proposait que ce soit devant « la chambre d'appel de l'instruction », nom provisoire pour la chambre d'accusation, on se demande pourquoi. La commission considère qu'il est préférable d'aller devant la chambre des appels correctionnels ; le Gouvernement donne son accord, mais il ne dit pas pourquoi. Voilà un instant, il a dit : vous proposez de revenir au texte ancien, je ne suis pas d'accord. Mais il ne nous explique pas pour quelles raisons il propose de supprimer le système de l'opposition. C'est un mauvais service.
Nous en reparlerons en cours de la navette. L'Assemblée nationale sera éclairée sur un texte que, visiblement, elle a voté un peu rapidement. Il n'y aura donc pas de vote conforme au Sénat.
Vous ne voulez pas nous donner d'explication sur le fond. Vous ne voulez pas répondre à l'argumentation charpentée que nous nous efforçons, modestement, d'établir. Libre à vous ! Si telle est votre conception du débat parlementaire, ce n'est - excusez-nous de vous le dire - là non plus, pas la nôtre !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 197, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 231-96 du code de procédure pénale.

(Ce texte est adopté.)
M. le président. Nous sommes parvenus à l'article 231-97 du code de procédure pénale.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, j'avais levé la main pour demander la parole pour explication de vote sur l'amendement n° 26, mais vous ne m'avez pas vu, soit.
L'article 231-97 nécessitant un débat long et important, il ne me paraît pas possible de l'aborder maintenant. Aussi, je vous demande de bien vouloir renvoyer la discussion à la prochaine séance.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Non !
M. Jacques Larché, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. Théoriquement, nous devions lever la séance à vingt et une heures.
Le débat se poursuit selon nos conditions de travail habituelles : sont présents dans cet hémicycle environ un quart des sénateurs qui siègent habituellement en commission lorsque nous examinons des textes de ce genre.
M. Pierre Fauchon. Ce sont les meilleurs ! (Sourires.)
M. Jacques Larché, président de la commission. C'est une procédure contre laquelle je me suis quelquefois élevé, mais sans succès. J'en constate une fois de plus le résultat.
Cela étant dit, le débat en commission s'est déroulé dans une certaine sérénité. Aussi, je souhaiterais que nous puissions retrouver cette sérénité en séance publique.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Jacques Larché, président de la commission. Demain, nous allons devoir aborder encore au moins deux problèmes extrêmement importants. Des solutions devront être trouvées. Le problème qui fait l'objet de l'amendement n° 198, sur lequel la commission n'a pas émis un avis favorable puiqu'elle présente l'amendement n° 283, est très important. Il s'agit, en quelque sorte, de modifier le démarrage de l'audience criminelle ou de l'audience en cour d'assises.
Le souci que nous avions eu, à travers ces dispositions, c'était de redonner un certain caractère contradictoire à ce démarrage de l'audience qui - tous ceux qui ont pratiqué les audiences criminelles le savent - a une très grande importance.
Or, monsieur le président, je ne crois pas que notre état de fraîcheur intellectuelle, si je puis m'exprimer ainsi, soit suffisant pour débattre avec la sérénité requise.
M. le président. J'ai bien noté votre souhait, monsieur Larché.
La commission doit se réunir demain matin à neuf heures et la séance publique est prévue à neuf heures trente. Ce délai d'une demi-heure est-il suffisant ? Ne devrions-nous pas fixer l'ouverture de la séance à dix heures ?
M. Jacques Larché, président de la commission. Cela me parait judicieux, monsieur le président.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, serait-il possible d'ouvrir la séance à neuf heures trente et d'interrompre nos travaux à onze heures, pour une raison très simple, que vous connaissez ? En effet, je dois présider la séance entre onze heures et douze heures - à midi le bureau du Sénat devant se réunir - ce qui m'empêchera de prendre part aux travaux du Sénat.
Au nom des « droits de la défense » (Sourires) , je vous prie d'accepter que la commission se réunisse, afin de poursuivre l'examen des amendements, soit à partir de onze heures trente, soit entre onze heures et midi.
M. Jacques Larché, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. Monsieur le président, nous disposons d'un temps compté. je réunis la commission demain matin non pas aux aurores, mais à neuf heures, ce qui rompt avec les habitudes du Sénat.
Nous ne pouvons pas commencer nos travaux en séance publique à neuf heures trente, les suspendre à onze heures trente et les reprendre ensuite. Je prie notre collègue M. Dreyfuys-Schmidt de bien vouloir m'en excuser. Nous avons tous constaté combien il prend part à ce débat. Je comprends les exigences qui sont les siennes : il doit en effet présider la séance demain, en fin de matinée. Cependant, nous devons nous en tenir au schéma, déjà très tendu, que nous avons arrêté d'un commun accord.
Je rappelle simplement que nous étions « menacés » d'un certain nombre de séances de nuit. Grâce à la bienveillance de M. le président du Sénat, nous les avons évitées.
Nous devons tenir le rythme et nous nous efforçons de conduire le débat dans les meilleures conditions possibles.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Monsieur le président, je voudrais rappeler les conditions dans lesquelles ce débat est organisé, après les décisions qui ont été prises par la conférence des présidents, hier.
Le Gouvernement avait souhaité que se tiennent trois séances de nuit : hier soir, ce soir, et éventuellement, demain soir. Par la bouche de M. Romani, ministre chargé des relations avec le Parlement, il a accédé aux demandes du président de la commission et du président de votre assemblée et a bien voulu que le débat soit organisé de la manière suivante : pas de séance de nuit hier, pas de séance de nuit ce soir, pas de séance de nuit demain, et deux nouvelles journées de débat les 16 et 17 avril, de manière à permettre au Sénat la discussion la plus complète et la plus détendue possible.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Dans ces conditions, il me paraît au moins nécessaire de respecter ce que la conférence des présidents a décidé hier.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il avait effectivement été décidé que, ce soir, nous travaillerions jusqu'à vingt et une heures. En revanche, cela n'avait pas été prévu pour hier soir, et pourtant ce fut le cas.
Ce texte ne sera applicable que dans deux ans ! Deux journées de discussion sont encore prévues. Nous ne sommes sans doute pas à une ou deux heures de débat près en ce moment. Je voudrais tout de même rappeler, monsieur le garde des sceaux, que vous avez déjà gagné du temps hier soir, ou ce matin, en ne répondant pas, contrairement à l'habitude, aux orateurs qui s'étaient exprimés dans la discussion générale.
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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