PROTOCOLE
RELATIF À L'ARRANGEMENT DE MADRID
CONCERNANT L'ENREGISTREMENT
INTERNATIONAL DES MARQUES

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 245, 1996-1997), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation d'un protocole relatif à l'arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques. (Rapport 268. 1996-1997.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué, auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les droits de propriété intellectuelle font l'objet de nombreuses conventions internationales, dont la dernière est une annexe à l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC.
Parmi ces droits, la marque est, pour les entreprises, un instrument essentiel de leur stratégie commerciale, en particulier à l'exportation. Simplifier les procédures qui leur permettent de les protéger sur leurs marchés étangers est donc un objectif particulièrement important.
Les entreprises françaises disposent déjà de l'Arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques, dont la France est un Etat fondateur.
Cet accord permet de protéger une marque dans plusieurs pays au moyen d'une seule demande internationale transmise à l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, l'OMPI, dont le siège est à Genève.
Les titulaires de marques françaises utilisent largement cet instrument : ils sont en effet à l'origine de 3 950 demandes internationales en 1995, soit 20,62 % de l'ensemble des enregistrements internationaux effectués par la voie de cet arrangement, ce qui situe la France en seconde position juste derrière l'Allemagne.
Toutefois, l'extension de l'arrangement à de nouveaux Etats, parmi lesquels des Etats industriels importants - la Grande-Bretagne, les Etats-Unis ou le Japon - se heurtait au refus de ces derniers d'en accepter certaines dispositions, dispositions de procédure ou dispositions financières. L'acquisition d'une protection dans ces pays supposait donc l'accomplissement des formalités exigées par leur législation nationale.
L'OMPI a donc entrepris la rédaction d'un protocole à l'arrangement de Madrid. Ce protocole, qui a été signé le 27 juin 1989 et qui vise à lever les obstacles s'opposant à l'extension de l'arrangement, est ouvert à la ratification des Etats tiers ainsi que des Etats membres de l'arrangement, avec lesquels des passerelles sont désormais établies.
Parmi les modifications, trois concernent des questions de procédure et une les émoluments rétrocédés aux Etats membres par l'OMPI.
Le dépôt de la demande internationale peut être fondé sur une simple demande d'enregistrement et non plus seulement sur une marque enregistrée. Cette faculté résout les difficultés rencontrées par les entreprises dans le cas des procédures d'enregistrement trop longues.
Le délai dans lequel les administrations nationales chargées de l'examen de la demande peuvent formuler un refus de protection est allongé. Le délai d'un an était en effet jugé trop bref, pour la raison que je viens d'évoquer.
La troisième modification est l'une des plus importantes. L'arrangement permet, par « l'attaque centrale » sur la marque de base dans ses cinq premières années d'existence, d'anéantir les effets de la marque internationale dans tous les pays désignés. Dans ce cas, le protocole prévoit la transformation de l'enregistrement international radié en autant de demandes nationales, ou régionales, qu'il y avait de pays ou groupes de pays désignés.
Pour ce qui est de la disposition financière, elle va permettre aux Etats dont les offices de propriété industrielle perçoivent des taxes de procédure plus élevées que la moyenne mondiale de recevoir, au lieu des émoluments forfaitaires fixés par l'OMPI, la taxe dite individuelle équivalente à leur taxe d'enregistrement nationale.
Ces modifications ont d'ores et déjà porté leurs fruits car dix-sept Etats sont désormais membres du protocole, dont six n'étaient pas membres de l'arrangement de Madrid, à savoir le Danemark, la Finlande, l'Islande, la Norvège, le Royaume-Uni et la Suède. Les autres Etats déjà parties à l'arrangement, sont l'Allemagne, l'Espagne, la Chine, Cuba, Monaco, la Pologne, le Portugal, la République populaire démocratique de Corée, la République tchèque, la Suisse et la Russie. Le protocole est, de ce fait, en vigueur depuis le 1er décembre 1995 et effectif depuis le 1er avril 1996. Au total, cinquante-deux Etats sont aujourd'hui membres de l'un ou de l'autre des deux instruments.
Le protocole à l'arrangement de Madrid a également pour objectif d'établir des liens avec le système d'enregistrement de la marque communautaire créé par le règlement du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire, en vigueur depuis le 15 mars 1994. C'est pourquoi il prévoit la possibilité pour certaines organisations intergouvernementales de devenir partie au protocole. La Communauté européenne, qui possède un office régional aux fins de l'enregistrement de marques communautaires, l'office de l'harmonisation dans le marché intérieur - marques, dessins et modèles -, pourra ainsi devenir membre de l'Union de Madrid. Cela aura deux conséquences : d'une part, une marque communautaire pourra servir de demande ou d'enregistrement de base pour une extension internationale ; d'autre part, les territoires couverts par la marque communautaire pourront être désignés en bloc dans un enregistrement international.
A cet égard, l'articulation à venir entre le protocole de Madrid et la marque communautaire sera aussi d'un grand intérêt pour les entreprises françaises, qui pourront alors adapter leur stratégie de dépôts de marques en fonction de leurs besoins.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle le protocole relatif à l'arrangement de Madrid qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Maurice Lombard, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le protocole adopté à Madrid le 27 juin 1989 concerne un domaine très précis et très technique, d'une grande importance pour les entreprises : l'enregistrement international des marques.
Cet enregistrement permet au déposant d'une marque - ce mot étant pris dans un sens relativement large, car une marque, ce sont des dessins déposés, des modèles, des appellations contrôlées - d'en obtenir la protection dans les différents pays qui participent à l'accord multilatéral sans qu'il lui soit nécessaire de solliciter, par une procédure particulière, la protection de la marque dans chacun des pays auxquels il souhaite s'adresser.
L'enregistrement international des marques était jusqu'à présent régi, comme vient de le rappeler M. le ministre, par un traité de 1891, appelé « arrangement de Madrid » et administré par l'Organisation mondiale de la propriété industrielle, que seuls cinquante et un Etats avaient ratifié. Si la France y a adhéré très tôt, des pays aussi importants que les Etats-Unis, le Japon ou le Royaume-Uni en sont restés à l'écart depuis plus d'un siècle, si bien que, pour obtenir la protection d'une marque dans ces pays, les entreprises étrangères doivent recourir, dans chacun d'entre eux, à une procédure de dépôt spécifique.
C'est pour encourager l'adhésion de tels pays qu'a été élaboré le protocole de 1989 que nous examinons aujourd'hui. Il établit, aux côtés de l'arrangement de Madrid, un nouveau système international d'enregistrement des marques, plus souple sur beaucoup de points et correspondant aux demandes de nombreux pays non membres.
C'est ainsi que la demande d'enregistrement international pourra désormais être effectuée avant l'obtention de l'enregistrement national dès lors que celui-ci a été demandé, ce qui accélérera considérablement les procèdures.
De même, le délai laissé à un office national pour examiner les demandes de protection, jugé trop court dans le système antérieur, pourra être porté, si l'Etat contractant le souhaite, d'un an à dix-huit mois et même, sous certaines conditions, à vingt-cinq mois.
Enfin, le lien entre l'enregistrement international et la marque de base pendant cinq ans est assoupli. Si l'enregistrement international vient à être résilié à la suite d'une radiation dans le pays d'origine, un enregistrement sera alors automatiquement demandé dans les différents pays couverts afin de maintenir la protection dont la marque bénéficiait dans ces pays.
En matière de droits, les parties pourront préférer à la taxe uniforme un système de taxe individuelle, qui apportera aux offices nationaux des recettes supérieures à celles qui sont actuellement prévues par l'arrangement de Madrid. Le droit prélevé, je le rappelle, est de 94 francs suisses en vertu de l'arrangement de Madrid.
Il convient d'ajouter que le protocole tire la conséquence de la création d'un système de protection des marques au sein de la Communauté européenne, matérialisé par l'office d'harmonisation dans le marché intérieur - l'OHMI - lequel pourra intervenir au lieu et place de chacun des pays pour obtenir la prise en compte de la protection des marques européennes.
Le présent protocole ne se substitue pas à l'Arrangement de Madrid. Ce sont donc deux systèmes d'enregistrement international des marques, quelque peu différents, qui coexisteront.
Les parties contractantes de l'un ou l'autre texte seront membres d'une même union, appelée Union de Madrid, qui comportera donc trois catégories de pays : les Etats parties au seul arrangement de Madrid, les Etats parties au seul protocole, les Etats parties aux deux instruments, auxquels appartiendra la France si nous ratifions cet accord.
Une clause de sauvegarde précise l'articulation entre les deux systèmes : lorsque l'enregistrement international de la marque émane d'un pays partie aux deux instruments, comme la France, ses effets sont régis par l'arrangement de Madrid sur le territoire des Etats parties à cet arrangement et par le protocole de 1989 sur le territoire des Etats parties au protocole.
Telles sont, mes chers collègues, les principales dispositions de ce protocole ouvert à la signature depuis juin 1989, qui a déjà été ratifié par neuf Etats et qui est entré en vigueur le 1er janvier 1995.
La France a quelque peu tardé à engager sa ratification en l'attente, semble-t-il, de la mise en place du système communautaire de protection des marques. Il importe toutefois de ne pas prolonger ce retard. En effet, les Français sont les premiers instigateurs et les premiers utilisateurs, avec les Allemands, de l'Arrangement de Madrid, puisque plus du quart des enregistrements internationaux ont pour origine un dépôt français.
Ce protocole doit permettre aux marques françaises d'acquérir, dans des conditions simplifiées, un droit exclusif dans un nombre plus important encore de pays. Ainsi, le Royaume-Uni, le Danemark, la Finlande, la Norvège et la Suède, qui n'étaient pas membres de l'arrangement de Madrid, ont adhéré au protocole. Il reste, bien entendu, à convaincre d'adhérer à ce nouveau protocole un certain nombre de pays très importants, en particulier les Etats-Unis.
Ce texte, au contenu très technique, présente pour les sociétés françaises un intérêt économique évident. C'est pourquoi la commission des affaires étrangères souhaite l'approbation du projet de loi, déjà adopté par l'Assemblée nationale le 6 mars dernier.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation d'un protocole relatif à l'arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques, adopté à Madrid le 27 juin 1989, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

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