M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Je commencerai mon propos en protestant contre la manière dont s'est déroulée cette séance. En effet, nous n'avons pas pu poser nos questions pendant l'heure qui nous était impartie et, désormais, la télévision n'assure plus la retransmission de nos débats.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il vous reste le Journal officiel !
M. Charles Descours. J'avais tout d'abord pensé restreindre ma question mais, finalement, je la poserai entièrement.
Monsieur le Premier ministre, dans votre discours de politique générale, vous avez annoncé votre décision de fermer la centrale de Superphénix.
Cette décision entraîne la perte de 3 000 emplois et la ruine d'une région. Comment peut-on s'élever contre la fermeture de l'usine de Vilvorde et décider d'un trait de plume une telle suppression ?
Monsieur le Premier ministre, dans le même discours de politique générale, vous avez déclaré : « Notre attitude à l'égard des Françaises et des Français doit être celle du dialogue continu, de l'attention scrupuleuse, de la disponibilité constante ».
Vous avez poursuivi un peu plus loin : « La décision doit être préparée avec les personnes qu'elle concerne ; cet impératif est particulièrement net s'agissant des implantations de grands équipements aux retombées économiques. »
Ces nobles pensées, monsieur le Premier ministre, vous semblent-elles avoir été respectées dans la décision de fermer Superphénix ?
Le secrétaire d'Etat à l'industrie a déclaré hier à l'Assemblée nationale, en réponse à une question similaire, que le Gouvernement souhaitait préserver les impératifs d'aménagement du territoire et de maintien de l'emploi.
Pouvez-vous nous dire, monsieur le Premier ministre, quelles dispositions concrètes le Gouvernement compte prendre pour atteindre cet objectif dans une région qui, depuis vingt ans, n'a pas d'autres ressources importantes ?
Comment comptez-vous concilier cette décision de fermeture avec les dispositions de la loi du 30 décembre 1991 sur les déchets nucléaires, à la suite de laquelle le surgénérateur devait être transformé en sous-générateur, décision approuvée par M. Strauss-Kahn, alors ministre de l'industrie ?
Ne pensez-vous pas que les quelque 40 milliards de francs nécessaires à l'arrêt de Superphénix - 20 milliards de francs pour dédommager nos partenaires européens, 6 milliards de francs si on ne produit pas de l'énergie avec les produits fissiles actuellement stockés dans la centrale, auxquels s'ajoutent 12 milliards de francs au moins pour l'arrêt et le démantèlement de cette centrale - sont un énorme gaspillage, alors que nous sommes dans ce domaine les meilleurs du monde et que, au Japon, pays pourtant très antinucléaire, la relance de la filière est toujours en discussion ?
Enfin - et ce point est encore plus important - le secrétaire d'Etat à l'industrie a déclaré hier : «L'engagement de notre pays en faveur de l'électricité nucléaire, qui assure l'indépendance nationale, est irrévocable. »
Pouvez-vous confirmer ces propos, monsieur le Premier ministre, et nous dire quelles mesures vous comptez prendre dans les prochains mois pour préparer les échéances de 2010, date à laquelle les centrales nucléaires actuelles seront en fin de vie ? Etes-vous prêt à engager un débat sur la politique énergétique de notre pays devant le Parlement ?
Je vous remercie, monsieur le Premier ministre, de nous donner des réponses aussi précises que possible. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen.) M. Josselin de Rohan. Enfin, la coupable est là ! (Sourires.)
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, je vous remercie de l'occasion que vous me donnez de m'exprimer pour la première fois devant des parlementaires, ici même au Sénat.
La décision d'arrêter le surgénérateur Superphénix, que le Premier ministre a annoncée dans sa déclaration de politique générale et qu'il a rappelée ici même, n'est pas une surprise. Elle a été largement débattue et argumentée au cours de la campagne électorale. Et pourtant, il ne s'agit ni d'une décision idéologique ni d'une décision électoraliste.
M. Charles Descours. Je n'ai pas dit ça ; ce n'est pas ma question !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Elle découle d'un constat largement partagé : la filière des réacteurs à neutrons rapides n'a pas justifié à ce jour les espoirs placés en elle, qu'il s'agisse de produire de l'électricité ou d'éliminer du plutonium.
Comme vous l'avez souligné, il s'agit d'une décision grave, qui pose de nombreux problèmes sérieux. Mais ceux-ci ne sont pas forcément plus graves ou plus sérieux que ceux que présenterait la poursuite de l'exploitation du surgénérateur.
M. Charles Descours. Allez le dire aux salariés !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Il s'agit de problèmes juridiques et financiers que nous sommes en train d'examiner. Comme vous l'avez noté, nous devons négocier avec nos partenaires étrangers sur ce point. Il s'agit également de problèmes d'emplois et d'aménagement du territoire car sont concernés quelque 700 salariés d'EDF,...
M. Charles Descours. Salariés directs !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... de très nombreux intérimaires et sous-traitants. Par ailleurs, il ne faut pas oublier les emplois induits par l'activité de Superphénix.
Comme le Gouvernement l'a déjà affirmé à plusieurs reprises, l'emploi est l'une de ses priorités sinon sa priorité. C'est pourquoi nous serons extrêmement attentifs et très actifs dans la mise en oeuvre d'une concertation étroite avec l'ensemble des acteurs locaux pour songer à la reconversion industrielle du site et au devenir des cantons qui vivent, comme vous l'avez indiqué, pour l'essentiel de cette activité.
Cela dit, il n'y a pas de risque à court terme pour l'emploi car l'arrêt et le démantèlement de la centrale nécessiteront de longs mois voire de longues années de réflexion, de recherche et de travail. Nous serons d'autant plus attentifs à cette question que cette opération, qui est très lourde du point de vue technique et qui soulèvera des problèmes inédits, nous permettra de mettre en oeuvre des solutions adaptées au problème du démantèlement de la première génération des centrales nucléaires qui sera posé à partir de 2010.
J'en viens maintenant - ce sera ma conclusion - à la mise en oeuvre de la loi du 30 décembre 1991, qui prévoyait trois pistes prioritaires de recherche : la séparation-transmutation - il s'agit de celle qui était explorée dans Superphénix - le stockage dans les couches géologiques profondes et l'entreposage de longue durée en surface.
Il est évident que, désormais, nous devons faire porter notre effort de recherche sur les deux pistes qui demeurent crédibles à cette heure.
Enfin, comme vous l'avez noté, le Gouvernement n'a pas remis en cause les choix énergétiques effectués par le passé. Simplement, il est de ma responsabilité, en tant que ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, de permettre à notre pays, par des choix en matière de recherche, de se doter des moyens de réfléchir de façon plus ouverte à son avenir énergétique, notamment en ce qui concerne les économies d'énergie, les énergies renouvelables et la diversification énergétique. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

CANTINES SCOLAIRES ET FERMETURE DE CLASSES