SÉANCE DU 13 JANVIER 1998
M. le président.
La parole est à M. Barnier, auteur de la question n° 134, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Michel Barnier.
Monsieur le ministre, je vois une sorte de symbole qui n'aura pas manqué de
vous toucher dans le fait qu'un sénateur de la Haute-Savoie précède un sénateur
de la Savoie pour vous interroger sur des problèmes de communication et de
transport. En réalité, ce n'est pas étonnant puisque nos départements, riches
de la même histoire, appartiennent traditionnellement à la même province et
sont donc confrontés à des problèmes identiques.
La situation de cette province est très particulière, monsieur le ministre.
Nous sommes au milieu du sillon alpin, à la porte de l'Italie du Nord dont vous
connaissez le dynamisme. Nous voyons donc arriver chez nous des centaines de
milliers de touristes en ce moment même : c'est une chance que nous avons
voulue et que nous mesurons.
Le département que j'ai l'honneur de représenter compte 345 000 habitants et
350 000 lits d'hébergement. Cela signifie qu'actuellement pendant la saison
d'hiver, tous les jours, à la population permanente s'ajoute une population
touristique quantitativement équivalente.
Ce qui m'inquiète le plus, s'agissant des transports et de l'accessibilité de
nos régions, c'est le trafic de poids lourds. Les mesures qui sont prises par
des pays voisins comme la Suisse et l'Autriche contraignent les poids lourds
traversant l'Europe du Nord au Sud pour se diriger vers l'Espagne et l'Italie à
passer naturellement par la Savoie.
Il est donc clair que si les pouvoirs publics dont nous faisons partie - comme
vous-même, monsieur le ministre - ne prennent pas des dispositions extrêmement
audacieuses et courageuses, le risque d'asphyxie et d'explosion, y compris
politique, est réel dans les prochaines décennies.
Parce que je crois que gouverner, c'est prévoir et prendre aujourd'hui des
décisions, même si elles sont difficiles, qui concernent l'avenir, je souhaite
vous rendre encore plus sensible à cette situation, monsieur le ministre.
Parmi tous ces problèmes, il en est un qui m'inquiète tout particulièrement :
celui de la route nationale 504.
Celle-ci supporte les trafics quotidiens de la population locale, des poids
lourds et des touristes de l'avant-pays savoyard et de l'Ain, département
voisin, vers la Savoie et le lac du Bourget. Cet itinéraire pose nombre de
vrais et graves problèmes. Cela m'avait conduit, avec mon prédécesseur
Jean-Pierre Vial, à saisir votre prédécesseur, M. Bernard Pons, de la sécurité
de cette route.
M. Pons avait pris alors l'engagement de saisir les préfets concernés de cette
question, engagement qui a été respecté puisque, après la consultation des
préfets, le directeur national des routes s'était rendu sur les lieux pour
examiner l'itinéraire, avant de présider une réunion de travail à la mairie de
Belley le jour même.
A cette occasion, un programme d'aménagements de sécurité, qui doit également
favoriser le détournement des poids lourds, a été validé. Le montant des
aménagements dans le département de la Savoie s'élève à environ 70 millions de
francs et concerne, en particulier, un point extrêmement sensible et dangereux
de cet itinéraire : le tunnel du Chat. Il s'agit d'un tunnel monotube qui est
en très mauvais état, et nous craignons tous les jours qu'un accident ne s'y
produise, accident qui aurait des conséquences graves non seulement pour la
circulation, mais peut-être aussi pour la qualité des eaux du lac du Bourget,
le plus grand lac naturel français, qui se trouve immédiatement au pied de ce
tunnel.
Par ailleurs, le directeur national des routes avait donné son accord de
principe pour que soit décidée rapidement l'interdiction de transit des
matières dangereuses, notamment dans ce tunnel. Cette interdiction n'avait pas
pu être mise en place avant l'été compte tenu des délais administratifs.
Monsieur le ministre, je souhaite que vous puissiez nous rassurer sur la
détermination de l'Etat, le volume et la nature des travaux, et surtout sur le
calendrier de l'engagement effectif de ces travaux.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le
sénateur, les questions que vous soulevez, notamment en ce qui concerne les
risques de détournement de trafic de poids lourds sur notre territoire en
fonction des politiques menées dans d'autres pays, sont tout à fait
d'actualité, vous le savez. A l'échelle européenne, lors du dernier conseil des
ministres « transports », j'ai été conduit à soulever ce problème, qui est
actuellement examiné par la Commission européenne.
En ce qui concerne plus précisément la route nationale 504, que vous avez
évoquée, longue de 80 kilomètres environ, cette route nationale entre Ambérieu
et Chambéry assure la jonction entre les autoroutes A 42 et A 43, ce qui permet
au trafic qui transite entre le nord de la France et l'Italie
via le
tunnel du Fréjus d'éviter l'agglomération lyonnaise.
Cette route nationale supporte aujourd'hui un trafic de poids lourds élevé qui
provoque d'importantes nuisances pour les riverains et pose des problèmes de
sécurité. Elle présente, en outre, un tracé sinueux et un profil continu à deux
voies qui n'offre pratiquement aucune possibilité de dépassement.
Cependant, elle n'a pas vocation à écouler un trafic de transit important,
cette fonction devant être assurée, à terme, par la future autoroute A 48.
Mes services poursuivent les études d'aménagement de cette voie dont
l'objectif est, dans l'attente de la réalisation de l'A 48, non pas de
favoriser la circulation du trafic de poids lourds, mais d'améliorer la
situation pour les riverains et les usagers, en veillant à la cohérence des
approches entre les départements de l'Ain et de la Savoie. L'Ain est en effet
concerné par la majeure partie du linéaire et d'importants travaux sont engagés
au XIe Plan.
En ce qui concerne le département de la Savoie, les premières réflexions
conduisent à envisager divers aménagements qualitatifs et de sécurité pour un
montant de l'ordre de 60 millions de francs, tels que l'aménagement de la
traversée de Saint-Jean-de-Chevelu et l'amélioration de virages près du
lieu-dit La Challière.
Une concertation sera conduite avec les responsables locaux sur la nature de
ces aménagements afin d'engager leur réalisation au prochain contrat de
plan.
Les premières conclusions des études en cours, dont la responsabilité est
assumée par la direction régionale de l'équipement Rhône-Alpes, seront
disponibles à la fin du premier semestre 1998.
Quant aux transports de matières dangereuses dans le tunnel du Chat, qui
posent de graves problèmes de sécurité, je souhaite leur interdiction dans les
meilleurs délais. J'ai d'ailleurs demandé au préfet de région Rhône-Alpes et au
préfet de Savoie d'engager sans retard une concertation avec les professionnels
concernés afin de traiter au mieux les conséquences de cette mesure imposée par
les exigences de sécurité et de protection du lac du Bourget.
M. Michel Barnier.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Barnier.
M. Michel Barnier.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
Si j'ai bien compris, la concertation portant sur les aménagements de cet
itinéraire dans sa partie savoyarde connaîtra sa conclusion à la fin de ce
semestre.
Très franchement, nous savons ce qu'il faut faire. Il est temps de clore la
concertation ; nous étudions ces questions depuis déjà de longues années. Le
temps de l'action, donc de l'engagement des crédits, est venu, monsieur le
ministre.
Vous vous référez au prochain contrat de plan. Cela arrive bien tard compte
tenu des risques et des problèmes de sécurité - vous les avez rappelés en
évoquant Saint-Jean-de-Chevelu - auxquels sont exposés aussi bien les
automobilistes qui traversent le tunnel du Chat que les riverains de celui-ci.
J'aimerais vous rendre attentif à la responsabilité de l'Etat quant à
l'aménagement de cette RN 504.
J'ai bien écouté vos propos sur la concertation européenne. De nombreux
problèmes d'ordre national et européen se posent dans mon département. Cela
justifie que je vous interroge aujourd'hui. Nous entretenons, depuis de longues
années, un dialogue constructif avec l'Etat, quels que soient les
gouvernements. Il faudra poursuivre cette concertation pour les routes
nationales. J'ai parlé de la RN 504. J'aurais pu évoquer la RN 90 en Tarentaise
et la RN 212 en direction d'Ugine et du Val d'Arly. J'aurais encore pu
mentionner d'autres itinéraires.
Au premier chef, monsieur le ministre, je souhaite ne pas voir fléchir la
détermination du Gouvernement s'agissant de la liaison ferroviaire
France-Italie pour les voyageurs et surtout pour les marchandises. Or nous
avons le sentiment que la détermination de ce gouvernement fléchit. Nous avons
du mal à comprendre que vous ne mettiez pas toute votre énergie, que l'on sait
grande, et toute votre détermination, avec l'appui de certains de vos
collègues, pour maintenir la priorité européenne de la France pour la traversée
des Alpes à travers la liaison France-Italie pour les voyageurs et pour les
marchandises.
Cette liaison intéresse la Savoie - nous souhaitons qu'elle traverse notre
région, sans l'ignorer et sans l'abîmer - mais elle intéresse aussi la France
entière compte tenu de ce risque d'asphyxie que j'évoquais tout à l'heure à
cause de la circulation des poids lourds.
DÉSENCLAVEMENT DE LA CORRÈZE