SÉANCE DU 20 JANVIER 1998
M. le président.
La parole est à M. Balarello, auteur de la question n° 150, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
La parole est à M. Balarello.
M. José Balarello.
Madame le ministre, lorsque, le 30 décembre 1997, j'ai interrogé M. le
ministre de l'intérieur sur le problème des réfugiés kurdes à la frontière
franco-italienne de Vintimille, notre presse nationale ne s'en était point
encore fait l'écho.
Depuis, de nombreux articles ont été publiés, tant dans la presse française
que dans la presse internationale, et la presse locale des Alpes-Maritimes a
fait état des instructions données par le ministère de l'intérieur afin qu'une
compagnie de la CRS 6, forte d'une centaine de fonctionnaires, vienne à Menton
afin de renforcer les effectifs de la direction centrale du contrôle de
l'immigration et de la lutte contre l'emploi des clandestins, la DICCILEC.
J'avais également demandé à M. le ministre de l'intérieur s'il ne lui semblait
pas urgent de saisir INTERPOL afin que tous les pays de l'espace Schengen
recherchent les filières mafieuses qui rackettent ces réfugiés pour organiser
leur transfert en masse depuis la Turquie ou l'Irak vers l'Europe
occidentale.
En effet, d'après les renseignements obtenus auprès des autorités italiennes,
pour la seule année 1997, ce sont 4 500 Kurdes qui ont été refoulés de la
frontière française en territoire italien d'où ils arrivaient. Et le phénomène
va en s'amplifiant.
Les Kurdes étant en conflit ouvert tant avec les autorités de la Turquie, pays
dont ils représentent un cinquième de la population, soit 12 millions
d'habitants, qu'avec les autorités de l'Irak, où l'on en dénombre 4 millions,
j'avais demandé en outre à M. le ministre de l'intérieur s'il ne lui
apparaissait pas urgent de définir une politique commune de l'Union européenne,
tout au moins des pays appartenant à l'espace Schengen, au regard des flux
migratoires, sans attendre la réalisation des recommandations du traité
d'Amsterdam.
Par ailleurs - c'est une question importante, au vu de l'article 31 du projet
de loi relatif à l'entrée et au séjour des étrangers en France, tel qu'il vient
d'être adopté par l'Assemblée nationale - ces populations seront-elles
considérées comme devant bénéficier de l'asile politique ?
Cette question me paraît d'autant plus d'actualité que, voilà quelques jours,
lors de la réunion de la commission d'enquête parlementaire sur la
régularisation des étrangers en situation irrégulière, dont je suis le
rapporteur, j'ai fait part à M. Chevènement de la décision rendue le 13 janvier
1998 par le tribunal administratif de Nice annulant l'arrêté préfectoral de
reconduite à la frontière d'un Algérien, au motif que celui-ci, exerçant la
profession d'agriculteur dans la région de Relizane, où un massacre important
vient de se produire, pouvait invoquer l'article 27
bis de l'ordonnance
du 2 novembre 1945.
Or, ce qui vient de se passer pour un Algérien peut être appliqué à un Kurde.
Aussi ai-je interrogé M. le ministre de l'intérieur afin de savoir s'il ne lui
paraissait pas opportun de saisir les instances internationales,
particulièrement l'Organisation des Nations unies, afin de faire pression sur
la Turquie et sur l'Irak pour obliger ces pays à cesser les actes militaires
qu'ils exercent contre ces populations et à engager le dialogue avec leurs
représentants modérés. Il est bon, en effet, de rappeler que les Kurdes
représentent une population de 25 millions d'habitants partagés entre la
Turquie, l'Irak, la Syrie et les Républiques du Caucase.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication, porte-parole du
Gouvernement. Monsieur le sénateur, l'immigration irrégulière kurde
concerne des ressortissants de nationalités turque, iranienne et principalement
irakienne. Elle a connu depuis le second semestre de 1996 une forte poussée.
L'augmentation a été particulièrement sensible au cours des onze premiers mois
de 1997, au cours desquels 5 088 Irakiens ont été non admis, et 4 300
irréguliers ont été interpellés sur le territoire contre respectivement 538 et
285 durant la même période de l'année 1996.
Ce flux, particulièrement observé à la frontière franco-italienne et sur l'axe
ferroviaire Vintimille-Strasbourg, se manifeste de plus en plus comme un exode
massif de populations.
La réponse apportée par les services de police à ce phénomène se situe à deux
niveaux.
Elle se situe tout d'abord au niveau national, grâce à l'accentuation des
efforts portés par les services spécialisés dans la lutte contre l'immigration
irrégulière, et au premier titre par l'Office central pour la répression de
l'immigration irrégulière et de l'emploi des étrangers sans titre, de la
DICCILEC. C'est ainsi que, sur le plan national, de janvier à octobre 1997,
soixante-dix passeurs et logeurs ont fait l'objet de procédures judiciaires et
vingt et un d'entre eux ont été écroués.
Parallèlement, la coordination des actions a été développée au niveau
international, tant sous l'angle judiciaire, notamment dans le cadre de
commissions rogatoires internationales, que sous celui de la maîtrise des flux,
grâce à un meilleur échange d'informations entre les partenaires européens.
Dans ce cadre, une réunion s'est tenue à Rome le 8 janvier 1998 entre les
directeurs généraux des services de police de six pays européens : Allemagne,
Autriche, Grèce, Italie, Turquie et France. Les décisions prises faciliteront
la circulation des renseignements permettant d'accentuer la lutte contre les
réseaux et les filières.
Le comité exécutif Schengen, qui s'est réuni à Vienne le 15 décembre dernier,
a par ailleurs adopté une décision comportant une série de mesures concrètes
destinées à remplacer la coopération entre les Etats membres en vue de mieux
surveiller les frontières extérieures.
Un groupe opérationnel a été constitué pour veiller à la mise en oeuvre de ces
mesures ; il s'est réuni dès le 13 janvier dernier.
Les services de police compétents sont pleinement mobilisés pour faire face à
ce problème sur le plan national et pour appliquer sans délai les résolutions
prises au plan international.
La France compte naturellement sur un engagement de même ampleur de la part
des pays adhérant à la convention de Schengen les plus concernés, à savoir
l'Italie et la Grèce. Il importe, enfin, que la Turquie s'associe complètement
à l'action internationale ainsi mise en oeuvre, comme elle a commencé à le
faire à Rome.
M. José Balarello.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Balarello.
M. José Balarello.
Madame le ministre, je vous remercie de votre réponse très détaillée.
Je suis inquiet des disparités de réglementation et de législation au niveau
européen, disparités que vous connaissez puisque vous êtes l'élue d'une commune
qui est voisine de l'Allemagne, alors que, pour ma part, je suis maire d'une
ville située à la frontière italienne ; nos deux communes sont donc
particulièrement touchées par l'axe ferroviaire Vintimille-Strasbourg que vous
avez évoqué.
Vous savez mieux que quiconque que, en 1993, l'Allemagne a réformé sa
législation sur le droit d'asile, excluant, aux termes de l'article 16-a-II de
la loi fondamentale, les demandeurs ayant transité dans un pays sûr.
L'Italie, pour sa part, est en voie d'adopter les mêmes mesures, alors que les
Pays-Bas l'ont déjà fait.
Je crains, en réalité, que les Kurdes, dont l'Italie ne veut pas et dont elle
se débarrasse vers la France, ne soient interdits d'accès en Allemagne,
c'est-à-dire qu'une immigration importante kurde ne se stabilise sur notre
territoire.
FOUILLES ARCHÉOLOGIQUES DANS L'EMPRISE
DE LA NOUVELLE LIAISON PERPIGNAN-CANET