SÉANCE DU 20 JANVIER 1998
M. le président.
Par amendement n° 15, M. Descours propose d'insérer, après l'article 1er, un
article additionnel ainsi rédigé :
« A la fin de la première phrase du paragraphe II de l'article 7 de la loi n°
82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, les mots :
"une convention à durée déterminée avec l'autorité compétente" sont
remplacés par les mots : "une convention de délégation de service public
au sens de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la
corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures
publiques". »
La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours.
Cet amendement est la traduction de ce que j'ai dit dans la discussion
générale. Je m'exprime, je le répète, au nom de tous les élus qui, dans les
départements ou dans les agglomérations, et quelle que soit leur sensibilité,
s'occupent de transports.
La rédaction actuelle du paragraphe II de l'article 7 de la LOTI entraîne des
difficultés d'interprétation. En effet, la loi prévoit que l'autorité
organisatrice de transport public compétente peut confier à une entreprise
l'exécution du service en passant avec elle « une convention à durée déterminée
qui fixe la consistance générale et les conditions de fonctionnement et de
financement du service... et définit les actions à entreprendre par l'une et
par l'autre parties afin de favoriser l'exercice effectif du droit au transport
et de promouvoir le transport public de personnes », sans préciser le mode de
passation de cette convention.
Depuis l'arrêt du Conseil d'Etat du 15 avril 1996 - c'est-à-dire depuis
bientôt deux ans - relatif à un contrat concernant la collecte et le transport
d'ordures ménagères, une grande insécurité pèse sur les autorités
organisatrices puisqu'elles ne savent plus avec certitude quelle procédure
engager : doivent-elles se référer à la « loi Sapin » ou au code des marchés
publics ? Je vous invite, mes chers collègues, si vous ne vous occupez pas de
ces questions dans vos départements, à interroger les élus et les services
compétents.
En effet, avant la prise de cet arrêt qui, rappelons-le, ne concerne pas le
transport de voyageurs, les autorités organisatrices de transport public
appliquaient systématiquement la procédure issue de la loi du 29 janvier 1993,
dite « loi Sapin », et cela indépendamment du mode de rémunération de
l'entreprise et, par conséquent, quel que soit l'aléa financier supporté par
l'entreprise. Les modifications de la « loi Sapin » intervenues en 1994 et en
1995 concernaient explicitement les transports publics, et plus
particulièrement les transports scolaires. Le législateur considérait donc que
les transports publics entraient clairement dans le champ de la « loi Sapin »
et que l'introduction de seuils permettait de l'appliquer sans difficulté, y
compris aux petits contrats.
En outre, l'application du code des marchés publics à des contrats de
transport public priverait les collectivités locales d'une indispensable
souplesse d'adaptation de leurs contrats aux besoins du service public.
Si j'ai tenu à proposer l'insertion d'un article additionnel dans le projet de
loi, c'est que, depuis cet arrêt du Conseil d'Etat, j'ai consulté le ministère
des transports, la direction générale des collectivités locales, la DGCL, la
direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression
des fraudes, la DGCCRF, sous les gouvernements successifs ; tous m'ont dit, y
compris le directeur de la DGCL de l'époque, qui vient d'être nommé préfet et
qui connaît très bien le sujet, que l'on allait aboutir à un texte dans les
prochains mois, et qui respecterait les normes édictées par la directive
européenne. Or, aujourd'hui, nous n'avons pas abouti et, je le répète, les élus
sont dans une insécurité juridique inadmissible. C'est le législateur qui vote
la loi, que le Conseil d'Etat doit se contenter d'interpréter.
Dans cette affaire, le législateur avait bien manifesté une volonté, mais
l'interprétation du Conseil d'Etat a été restrictive. Le législateur doit donc
insérer, dans l'article 7 de la LOTI, la précision qui figure dans mon
amendement, car actuellement nous sommes dans un tel flou juridique que
n'importe quel élu français de n'importe quelle ville française, de n'importe
quel département français peut être « épinglé » par son tribunal administratif
ou par sa chambre régionale des comptes !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur. La commission a eu les plus grandes difficultés à formuler un
avis. Sur le fond, en effet, chacun souscrivait à l'objet de l'amendement
exposé par notre éminent collègue M. Charles Descours. Il est vrai qu'il y a
lieu de clarifier la situation.
Cependant, la commission s'est interrogée sur l'opportunité qu'il y avait de
traiter par la loi un problème d'interprétation de jurisprudence.
Au demeurant, les collectivités ont besoin de savoir si elles peuvent
continuer d'appliquer la loi Sapin pour la conclusion de leurs contrats avec
les entreprises de transport public.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
J'aimerais que le Sénat soit éclairé par l'avis que va donner le Gouvernement
sur le sujet, sachant que, d'une certaine façon la mesure proposée s'apparente
à un cavalier, même si, sur le fond, nous sommes d'accord.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement. J'ai bien
entendu, monsieur Descours, que vous êtes très attaché à cette question.
M. Charles Descours.
Pas personnellement, monsieur le ministre, je suis un porte-parole.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement. Certes, vous
soulevez un vrai problème qui préoccupe de nombreux élus.
Votre amendement porte sur la qualification des contrats de transport passés
entre une autorité organisatrice de transport et un opérateur de transport
routier de voyageurs. De ce fait, même si je partage totalement votre souci, je
considère que cet amendement est hors du champ du projet de loi. En effet, les
conventions concernées relèvent de différentes réglementations et, pour une
part, des directives européennes. Par conséquent, le Gouvernement ne peut être
que défavorable à cet amendement.
Toutefois, nous nous sommes attachés à recevoir les représentants des
organisations concernées afin de mener une concertation approfondie sur ce
sujet délicat et difficile. Nous sentons bien que nous sommes dans une période
de transition.
Mon cabinet a reçu, la semaine dernière encore, les représentants de
l'assemblée permanente des présidents de conseils généraux, l'APCG, et du
groupement des autorités responsables de transport, le GART, pour une
concertation sur le contenu d'une circulaire qui est en préparation. Autrement
dit, nous allons ensemble, avec les principaux intéressés, travailler sur cette
circulaire. Quant au décret de transposition de la directive, il va être publié
incessamment.
J'estime que la concertation qui est en cours doit être menée à son terme.
Elle contribuera à éclairer le débat, même si j'ai conscience - je ne vous le
cache pas, mesdames, messieurs les sénateurs - qu'à terme il nous faudra - tel
est en tout cas mon sentiment - modifier la loi.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 15.
M. Pierre Lefebvre.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
Nous partageons tout à fait l'opinion de notre collègue Charles Descours et
nous comprenons bien le souci qui l'anime. Mais, comme l'a rappelé M. le
rapporteur, il ne nous semble pas que ce soit à l'occasion de la discussion de
ce texte que la décision doive intervenir. Par ailleurs, M. le ministre nous a
demandé de laisser la concertation s'achever avant de modifier la loi.
Dans ces conditions, si M. Descours maintient son amendement, nous ne le
voterons pas.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur. Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur. Compte tenu de l'engagement pris par le Gouvernement de mener
à son terme la concertation, et ce dans des délais relativement courts, pour
clarifier la situation, tout le monde en en reconnaissant la nécessité, je
suggère à M. Descours, plus en mon nom personnel qu'en celui de la commission,
dans le souci de respecter la loi et pour éviter l'introduction d'un cavalier,
de retirer son amendement. Voilà qui simplifierait beaucoup le débat.
M. le président.
L'amendement est-il maintenu, monsieur Descours ?
M. Charles Descours.
Le problème du cavalier ne m'avait pas échappé mais, dans la mesure où à
l'article 2 du projet de loi on modifie l'article 36 de la LOTI, je ne vois pas
pourquoi on parlerait de cavalier lorsque je modifie l'article 7 de cette même
LOTI.
Je sais bien que la LOTI est une bible pour nous tous, surtout pour vous,
monsieur le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement. La loi est la
loi pour tout le monde !
M. Charles Descours.
La preuve en est que personne n'a jamais modifié la LOTI depuis 1982.
Sur le fond, je crois que le M. le ministre l'a bien compris, comme ses
prédecesseurs, ses services et ceux du ministère de l'intérieur, ce qui nous
oppose c'est que nous ne voulons pas que, dans la circulaire et dans le décret,
il soit fait référence aux seuls critères financiers. Dans la loi Sapin, sont
visés la qualité du service, le respect du droit social, et pas seulement le
prix, qui conduit à accepter la prestation minimum.
En matière de transport public, notamment de transport des élèves - tous ceux
qui sont membres d'un conseil général savent combien les parents d'élèves sont
attentifs à la qualité des cars - il faut que nous puissions choisir non pas le
transporteur qui demande la somme la moins élevée mais celui qui met à notre
disposition des cars convenables, conduits par de bons chauffeurs, etc. Or,
s'il est fait seulement référence au code des marchés publics, nous ne le
pourrons pas.
Je sais que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de
la répression des fraudes est extrêmement pointilleuse sur ce point, et c'est
pourquoi je veux introduire cette disposition dans la loi.
Je peux d'ores et déjà annoncer qu'une discussion entre les services va avoir
lieu et qu'elle sera terrible. Une expérience de quinze années au Parlement me
permet d'affirmer qu'une discussion entre services peut être beaucoup plus
compliquée qu'une discussion entre politiques !
Je vais retirer mon amendement, monsieur le ministre, puisque vous-même me le
demandez, de même que M. le rapporteur, mais j'ai été content de vous entendre
dire qu'il faudrait bien finalement modifier la loi. J'ai déposé cet amendement
parce que je souhaitais accélérer un peu le processus mais, sachant que nous
serons amenés à débattre à nouveau de cette question, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 15 est retiré.
Article 2