SÉANCE DU 20 JANVIER 1998
M. le président.
« Art. 2. - L'article 36 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982
d'orientation des transports intérieurs est ainsi rédigé :
«
Art. 36. - Sur le territoire national, les activités de transport
routier public de marchandises et de location de véhicules industriels avec
conducteur destinés au transport de marchandises s'effectuent sous le couvert
d'une licence de transport intérieur ou d'une licence communautaire.
« La licence communautaire est délivrée dans les conditions prévues par le
règlement (CEE) n° 881/92 du Conseil, du 26 mars 1992.
« La licence de transport intérieur est délivrée aux entreprises inscrites au
registre mentionné à l'article 8 de la présente loi et qui n'ont pas
l'obligation de détenir une licence communautaire. Cette licence est exigée de
toute entreprise de transport routier public de marchandises et de location de
véhicules industriels avec conducteur disposant d'un ou plusieurs véhicules
automobiles d'au moins deux essieux. Elle est établie au nom de l'entreprise et
incessible. L'entreprise reçoit des copies certifiées conformes de sa licence
de transport intérieur en nombre égal à celui des véhicules qu'elle détient.
« Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis du Conseil national des
transports, fixe, en tant que de besoin, les modalités d'application du présent
article. »
Sur cet article, je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet
d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 17 est présenté par M. Hérisson.
L'amendement n° 28 est déposé par M. Raffarin et les membres du groupe des
Républicains et Indépendants.
Tous deux tendent à supprimer la deuxième phrase de l'avant-dernier alinéa du
texte proposé par l'article 2 pour l'article 36 de la loi n° 82-1153 du 30
décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs.
Par amendement n° 1, M. Le Grand, au nom de la commission des affaires
économiques, propose, dans la deuxième phrase du troisième alinéa du texte
présenté par l'article 2 pour l'article 36 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre
1982 d'orientation des transports intérieures, après les mots : « entreprise de
transport routier public de marchandises », de remplacer le mot : « et » par le
mot : « ou ».
Par amendement n° 25, M. Lefebvre et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent, après les mots : « location de véhicules
industriels », de rédiger comme suit la fin de la deuxième phrase du troisième
alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 36 de la loi n° 82-1153
du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs : « ... avec
conducteurs disposant d'un ou plusieurs véhicules automobiles excédant 500
kilos de charge utile ou trois mètres cubes de volume utile ».
La parole est à M. Hérisson, pour présenter l'amendement n° 17.
M. Pierre Hérisson.
L'extension aux entreprises utilisant des véhicules d'un poids total en charge
inférieur ou égal à 3,5 tonnes de l'obligation d'une licence de transport
intérieur est une mesure dont l'application et le contrôle apparaissent très
difficiles à mettre en oeuvre. Les effets concrets d'une telle mesure seront
vraisemblablement très faibles. En revanche, elle entraînera une charge
nouvelle importante pour les administrations et les entreprises concernées.
Monsieur le ministre, il s'agit avant tout pour moi d'attirer votre attention
sur le fait que beaucoup des entreprises qui utilisent ce type de véhicules
sont de petites entreprises.
Peut-on traiter avec les mêmes lois et règlements la multinationale et la
petite entreprise artisanale ? Peut-être conviendrait-il d'appliquer aux
petites entreprises un dispositif spécifique, qui leur soit adapté.
Au demeurant, les véhicules de 3,5 tonnes de poids total en charge sont
davantage assimilables à des véhicules légers qu'aux poids lourds qui sont
utilisés dans le transport routier.
M. le président.
La parole est à M. Emin, pour défendre l'amendement n° 28.
M. Jean-Paul Emin.
Je fais miens les arguments qui viennent d'être développés par M. Hérisson.
Je veux simplement préciser qu'on estime à 50 000 le nombre des véhicules
concernés.
J'ajoute qu'il s'agit d'une activité que, dans bien des cas, nous cherchons à
développer en milieu rural, afin d'y favoriser le développement d'activités
nouvelles. Je crois qu'il faut laisser à ces entreprises le temps de prendre
véritablement leur place dans la logistique de l'économie locale, avant de
définir les mesures à leur appliquer en termes de contrôle administratif et de
sécurité. Pour le moment, laissons-les vivre !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 1.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur. Cet amendement vise à apporter une précision.
En évoquant « toute entreprise de transport routier public de marchandises et
de location de véhicules industriels avec conducteur », la rédaction actuelle
pourrait laisser entendre qu'il faut être à la fois transporteur routier et
loueur de véhicules industriels pour entrer dans le champ d'application de la
loi. La commission étant persuadée que telle n'était pas l'intention des
rédacteurs du texte, elle propose de remplacer le mot : « et » par le mot : «
ou ».
M. le président.
La parole est à M. Fischer, pour présenter l'amendement n° 25.
M. Guy Fischer.
Nous ne sommes pas opposés à ce que la détention d'une licence de transport
intérieur soit exigée de toute entreprise possédant des véhicules de moins de
3,5 tonnes.
Une telle mesure ne peut que contribuer à assainir les conditions de
concurrence entre les transporteurs. Compte tenu des conditions d'honorabilité
professionnelle, de capacités financière et professionnelle demandées, on place
ainsi les entreprises sur un pied d'égalité.
Cependant, l'alinéa que nous proposons d'amender concerne également des
activités totalement étrangères aux métiers du transport, telles que la course
urbaine.
Il semble nécessaire de distinguer ces deux types d'activité et de préserver
des métiers qui constituent des gisements d'emplois. Or de telles contraintes
risqueraient d'avoir des répercussions sur des emplois déjà précarisés et
sous-qualifiés.
Le seuil de 500 kilogrammes de charge utile ou de 3 mètres cubes de volume
utile que nous proposons n'est pas à prendre ou à laisser : nous sommes ouverts
à la discussion sur ce point, à condition que la licence reste exigible de
toute entreprise de transport routier public de marchandises proprement dit.
Assainir l'exercice de la profession de transporteur routier, cela consiste,
dans le même temps, à en délimiter le mieux possible les contours. Tel est le
sens de cet amendement n° 25.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 17 et 28
ainsi que sur l'amendement n° 25 ?
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur. Je vais demander aux auteurs de ces trois amendements de bien
vouloir les retirer au bénéfice de l'amendement n° 2 rectifié, que je vais être
amené à défendre dans quelques instants.
Je l'ai dit dans mon propos introductif, ce texte a notamment le mérite
d'anticiper sur des directives européennes. Or la première des modifications
concernera la licence intérieure pour les véhicules de moins de 6 tonnes. En
outre, il est permis de penser qu'une autre modification interviendra très
vite, qui portera sur les véhicules de transport de marchandises de moins de
3,5 tonnes.
Il est souhaitable que, dès aujourd'hui, la loi s'adapte à la future directive
européenne.
Par ailleurs, il n'a pas paru dépouvu d'intérêt que des règles minimales
s'appliquent à l'ensemble des messageries et à l'ensemble des transporteurs.
Nous voyons aujourd'hui se développer un certain nombre de pratiques qui sont
à la limite de la régularité : des véhicules de moins de 3,5 tonnes peuvent
être surchargés, voire allongés. Aussi est-il souhaitable qu'un minimum de
normes et de règles s'applique à l'ensemble des messageries.
Il est vrai que nous avons affaire à un secteur d'activité très important
puisqu'il occupe près de 20 000 personnes. Mais il ne s'agit pas de lui imposer
de lourdes contraintes. Il s'agit simplement de prévoir un minimum de
réglementation en exigeant la licence de l'ensemble de ces transporteurs.
Enfin, les caractéristiques quelque peu particulières de ces transports n'ont
pas échappé à la commission. C'est pourquoi l'amendement n° 2 rectifié, que
j'aurai l'honneur de présenter tout à l'heure, prévoit qu'un décret en Conseil
d'Etat fixe les modalités d'application de l'article 36 de la loi du 30
décembre 1982 en tenant compte notamment des spécificités de chaque type de
transport.
Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable aux amendements n°s 17,
28 et 25.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 17 et 28,
ainsi que sur les amendements n°s 1 et 25 ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement. Comme la
commission, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements
identiques n°s 17 et 28 et sur l'amendement n° 25.
En revanche, il émet un avis favorable sur l'amendement n° 1.
M. le président.
Monsieur Hérisson, l'amendement n° 17 est-il maintenu ?
M. Pierre Hérisson.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 17 est retiré.
Monsieur Emin, l'amendement n° 28 est-il maintenu ?
M. Jean-Paul Emin.
Je le retire également, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 28 est retiré.
Monsieur Lefebvre, l'amendement n° 25 est-il maintenu ?
M. Pierre Lefebvre.
Dans les circonstances présentes, monsieur le président, j'aurais mauvaise
grâce à le maintenir !
(Sourires.)
M. le président.
L'amendement n° 25 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 2 rectifié, M. Le Grand, au nom de la commission des
affaires économiques, propose de rédiger comme suit le dernier alinéa du texte
présenté par cet article pour l'article 36 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre
1982 d'orientation des transports intérieurs :
« Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis du Conseil national des
transports, fixe les modalités d'application du présent article en tenant
compte notamment des spécificités de chaque type de transport. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur. J'ai, en fait, déjà présenté cet amendement, qui me paraît
susceptible de donner satisfaction aux auteurs des amendements qui viennent
d'être retirés, étant entendu que leurs observations ne manquaient pas de
pertinence.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement. Un décret en
Conseil d'Etat étant effectivement nécessaire, le Gouvernement est favorable à
l'amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2 rectifié.
M. Jacques Bellanger.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger.
Je pense qu'il s'agit là d'un domaine très sensible qui mérite qu'on s'y
attarde quelque peu.
Cette activité de petite messagerie, de transport de petits colis, est en
pleine expansion, et elle va encore connaître, dans les années à venir, une
croissance extraordinaire. Il est évident, par exemple, que le développement
des ventes par correspondance
via Internet va se traduire par un essor
des expéditions de petits colis.
Or, à l'heure actuelle, on constate qu'une anarchie totale règne dans cette
profession. On peut d'ailleurs comprendre que les multiples petites entreprises
qui se créent trouvent des défenseurs parce que ces créations sont souvent le
fait de personnes sans emploi qui espèrent trouver ainsi une issue à leur
situation.
Mais il faut savoir que ceux que, dans le langage de la profession, on appelle
les « louageurs » sont profondément exploités. Dans ce domaine, le recours à la
sous-traitance est systématique. Selon un article paru dans
l'Officiel des
transporteurs, l'administration considère qu'il s'agit de travail illicite
par dissimulation de salariés. Des procès sont d'ailleurs en cours.
Je voulais m'opposer à certains amendements mais ceux-ci ont été retirés.
Notre rapporteur, dans sa sagesse sénatoriale, nous propose une sorte de
compromis. Je ne peux pas dire qu'il me satisfait entièrement, mais il a au
moins le mérite d'être acceptable. Nous nous y rallions donc.
Je tenais cependant à attirer l'attention sur ce point car, si nous ne faisons
rien, nous allons au-devant de très graves problèmes dans les années à
venir.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, ainsi modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article additionnel après l'article 2