M. le président. Par amendement n° 58, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le premier alinéa de l'article L. 212-6 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il prend en compte les incidences d'une réduction conventionnelle ou généralisée de la durée hebdomadaire du travail. »
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Nous connaissons le souci du Gouvernement de limiter autant que faire se peut le recours aux heures supplémentaires, et nous sommes par ailleurs conscients des enjeux particuliers de la réduction du temps de travail en cette matière.
A s'en tenir à la stricte logique, on peut même s'étonner que ce débat sur la réduction de la durée hebdomadaire du travail ne soit pas accompagné d'une réflexion ou de propositions sur la question des heures supplémentaires, c'est-à-dire sur ce qui, dans les faits, remet en cause la durée de travail de chaque salarié de ce pays.
On peut s'attendre - c'est en tout cas, pour nous, un espoir - à ce que la réduction du temps de travail que l'on nous propose en quelque sorte d'expérimenter sur deux ans conduise à repenser la question des heures supplémentaires et des dérogations accordées de façon générale à la durée normale du travail.
L'appréciation de la durée effective du travail est d'ailleurs un problème de plus en plus complexe, notamment du fait des conditions actuelles d'accomplissement de nombreuses activités professionnelles.
Pour autant - nous avons abordé cette question à l'occasion de l'examen de l'article 4 bis - le problème des heures supplémentaires dans un contexte de réduction de la durée du travail demeure posé.
Le contingent annuel autorisé d'heures supplémentaires, qui ne peut être appliqué qu'après avis de l'inspecteur du travail et sollicitation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, est actuellement fixé par décret à 130 heures. Dans l'absolu, cela représente près d'un mois de travail en plus et constitue donc une pression assez forte sur la situation des salariés, notamment sur leur vie personnelle en dehors de l'entreprise.
On peut, on doit donc envisager - c'est le sens de cet amendement - que le décret fixant le contingent d'heures autorisé soit modifié en vue de tenir compte de l'évolution de la durée du travail que l'on est en droit d'attendre de ce texte.
Plutôt que de fixer arbitrairement un seuil d'heures donné, il nous a paru préférable de procéder à une modification de la lettre de l'article L. 212-6 du code du travail afin de poser le principe d'une sorte de lien automatique entre réduction de la durée du travail et plafond d'heures supplémentaires autorisé.
Il s'agirait aussi, selon nous, de favoriser, plutôt que le recours aux heures supplémentaires, la création d'emplois, si le besoin s'en fait sentir.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Ne voulant pas changer les règles actuelles en matière de contingent d'heures supplémentaires, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable.
J'ajouterai qu'on ne peut régler ces affaires-là d'une manière mathématique, avec une calculette. En effet, ce n'est pas parce que, dans une entreprise, des heures supplémentaires sont effectuées que ladite entreprise recèle des possibilités d'embauche.
Soit une entreprise de quatre personnes, comme il en existe des dizaines de milliers en France, où chacune d'entre elles effectue chaque semaine quatre heures supplémentaires : cela ne représente jamais que seize heures par semaine !
Or, dans une petite entreprise, un patron n'embauchera pas un salarié à temps complet pour seize heures de travail !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Seize heures, c'est presque un mi-temps !
M. Louis Souvet, rapporteur. Il faut appréhender ces questions à partir des réalités du terrain, et non mathématiquement, depuis un bureau !
M. Hilaire Flandre. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. L'avis du Gouvernement ne peut être favorable sur cet amendement, qui vise à tirer les conséquences, en matière de contingent annuel d'heures supplémentaires, de la réduction de la durée du travail.
Je fais observer que des conventions collectives ont déjà réduit le contingent d'heures supplémentaires. Nous pensons que nous devrons traiter ces points dans la deuxième loi, notamment à la lumière des négociations.
Il est bien évident, monsieur le rapporteur, que dans une entreprise de quatre salariés, on ne va pas embaucher quelqu'un à temps plein. Cependant, à supposer que ces quatre personnes accomplissent le même travail ou des tâches compatibles, il reste possible d'embaucher une personne à temps partiel.
J'ai reçu les représentants de l'Union professionnelle et artisanale ; un certain nombre de secteurs de l'artisanat souhaitent négocier dès maintenant et recherchent avec nous les moyens de donner la possibilité à des salariés d'être embauchés plus facilement que dans les groupements d'employeurs, en bénéficiant d'un temps plein par l'adjonction d'emplois chez deux ou trois artisans installés à proximité les uns des autres.
C'est aussi de cette manière que l'on créera de l'emploi dans notre pays !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 58, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 59, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 212-5 du code du travail sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« - 25 % pour les quatre premières heures ;
« - 50 % à compter de la cinquième heure ;
« - 100 % au-delà de la huitième heure. »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Cet amendement s'inscrit dans la logique de l'analyse qu'a exposée notre collègue Guy Fischer sur le recours aux heures supplémentaires.
Dès lors qu'on aborde la question de la durée du travail, le problème des heures supplémentaires est nécessairement posé.
Chacun sait que, dans notre pays, il est fait largement recours aux heures supplémentaires. Tout à l'heure, on a parlé de treizième mois de travail : c'est une réalité.
La saisonnalité des activités conduit finalement à un processus d'annualisation des horaires de travail. Nombre de salariés sont soumis aujourd'hui à des périodes de chômage technique, suivies de périodes où ils n'ont plus guère de repos. C'est notamment le cas dans la distribution, où le poids des heures supplémentaires a d'ailleurs fait l'objet de nombreuses luttes. Dans ce secteur, on peut observer une très grande amplitude que, malheureusement, la loi le permet.
Il va sans dire que les majorations de rémunération associées à l'accomplissement d'heures supplémentaires pousse de nombreux salariés à les accepter plus facilement, voire à les solliciter, d'autant plus que, contrairement à ce qu'on entend trop souvent, les salaires sont, en France, relativement faibles. Ainsi, dans notre pays, le salaire horaire moyen est inférieur de 15 p. 100 à la moyenne des pays de l'Union européenne, alors que, au regard de leur qualification, les salariés français n'ont pas à rougir de la comparaison avec leurs homologues de ces mêmes pays.
Au demeurant, les salariés n'ont généralement pas le choix : les heures supplémentaires leur sont imposées par l'employeur.
En fin de compte, ce sont donc bien les patrons qui profitent de ce recours généralisé aux heures supplémentaires.
Il s'agit, par cet amendement, de dissuader l'employeur de recourir aux heures supplémentaires grâce à une majoration des taux de rémunération de ces heures.
Cela permettrait de substituer des créations d'emplois à la mise en oeuvre d'heures supplémentaires. Il ne faut pas oublier que les horaires prolongés de ceux qui travaillent aujourd'hui augmentent aussi l'attente de ceux qui n'ont pas droit au travail.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen connaissent la philosophie de la commission : pour celle-ci, il n'est évidemment pas question d'augmenter le coût du travail, et je ne pense pas qu'il n'en soit plus question pour le Gouvernement puisqu'il agit par ailleurs pour rendre ce coût aussi faible que possible.
En ce qui nous concerne, nous préférons l'incitation et les embauches spontanées. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, ces points devront être abordés lors de l'examen du deuxième projet de loi, à la fin de 1999. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 59, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 60, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A. - A la fin de la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 212-7 du code du travail, les mots : "quarante-six heures" sont remplacés par les mots : "quarante et une heures".
« B. - A la fin de la deuxième phrase du deuxième alinéa du même article, les mots : "quarante-huit heures" sont remplacés par les mots : "quarante-deux heures".
« II. - A. - Dans le troisième alinéa du même article, les mots : "quarante-six heures" sont remplacés par les mots : "quarante et une heures".
« B. - Dans le quatrième alinéa du même article, les mots : "quarante-huit heures" sont remplacés par les mots : "quarante-deux heures".
« III. - Dans le quatrième alinéa du même article, les mots : "soixante heures" sont remplacés par les mots : "cinquante-quatre heures". »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Sans doute, avec cette série de trois amendements, anticipons-nous sur un débat qui se déroulera dans deux ans. Il n'en demeure pas moins que ces amendements sont le reflet de préoccupations tout à fait actuelles des salariés.
Ce troisième amendement est relatif aux amplitudes horaires autorisées.
Il s'agit encore de faciliter l'embauche de nouveaux salariés, dans le contexte de la réduction du temps de travail, en vue de permettre un plus grand nombre de créations d'emplois.
Actuellement, les amplitudes horaires demeurent relativement élevées, la situation économique de certaines branches pouvant conduire à des durées hebdomadaires de travail de 60 heures ; c'est le cas, par exemple, dans bien des entreprises de la distribution, particulièrement en fin d'année.
L'une des difficultés qu'il y a à maîtriser le recours à des horaires alourdis tient à la diversité des situations des entreprises comme des salariés. J'ajoute que, bien souvent, ces dérives sont observées dans des entreprises privées de toute représentation syndicale.
Nous proposons d'adapter les amplitudes horaires autorisées par l'ordonnance du 16 janvier 1982, modifiée par la loi quinquennale sur l'emploi, à la tendance de réduction du temps de travail.
Si l'on décide d'une réduction des horaires d'environ 11 %, il convient de procéder à une réduction équivalente en ce qui concerne les amplitudes horaires.
C'est pourquoi nous proposons de ramener les seuils de 46 heures, 48 heures et 60 heures à, respectivement, 41 heures, 42 heures et 54 heures.
Notre objectif est simple : il s'agit de limiter autant que faire se peut le recours aux heures supplémentaires afin que soit enfin accordée la primauté à la création d'emplois à un moment où le nombre des personnes privées d'emploi est particulièrement élevé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable, pour les raisons qui l'ont déjà conduite à demander le rejet des amendements précédents.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Même avis, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 60, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

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