M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Ma question s'adresse à M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement.
Le 15 mars est une échéance que nombre de locataires redoutent. Ce jour-là, en effet, les procédures d'expulsion pourront reprendre.
Je voudrais à nouveau, monsieur le secrétaire d'Etat, attirer votre attention sur le problème des « congés-ventes ». Vous le savez, depuis deux ans environ, des propriétaires institutionnels comme les banques, les compagnies d'assurance ou encore les sociétés d'investissement immobilier, telle la SEFIMEG, mettent en vente, par immeubles entiers, les logements dont ils sont propriétaires.
Ce problème concerne, à Paris, au moins 10 000 logements ; mais ce n'est malheureusement pas une exclusivité parisienne : plusieurs milliers de foyers sont également touchés en banlieue parisienne et dans les grandes métropoles régionales.
Les locataires n'ont d'autre choix que de partir ou d'acheter leur appartement, ce qui est généralement très au-dessus de leurs moyens ; je pense en particulier aux personnes âgées qui ne peuvent obtenir de prêts immobiliers.
Il faut savoir que la plupart de ces logements ont été construits, voilà vingt ou trente ans, grâce à différentes aides publiques ou au 1 % logement. En contrepartie, leurs loyers étaient et sont encore inférieurs au prix du marché. Ces logements sont ainsi devenus, en quelque sorte, des logements sociaux de fait. Il est donc exclu que ces milliers de locataires trouvent à se reloger ailleurs dans les mêmes conditions. C'est, en conséquence, un nouvel exode des ménages à revenus modestes et moyens, comme Paris en a déjà trop souffert, qui risque d'avoir lieu.
Or Paris manque de logements sociaux. Il s'en construit seulement 2 000 par an, alors que quelque 60 000 demandes sont en attente.
Monsieur le secrétaire d'Etat, alerté par les associations, dont je tiens à souligner ici le remarquable travail, vous avez confié une mission à un haut fonctionnaire, M. Marc Prévost, pour trouver des solutions au problème des congés-ventes. Ses travaux n'ont pas encore abouti et la date du 15 mars approche.
Ma question est double, monsieur le secrétaire d'Etat.
Envisagez-vous, à court terme, un moratoire sur les procédures en cours pour éviter les expulsions à partir du 15 mars ?
D'autre part, sur le fond du problème, quelles mesures comptez-vous prendre pour maintenir ce parc locatif intermédiaire, garant de la mixité sociale dont Paris a absolument besoin ? Envisagez-vous, par exemple, d'inciter des bailleurs sociaux comme les organismes d'HLM à reprendre ces immeubles ? (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Madame le sénateur, je n'ai pas oublié que vous m'aviez déjà fait part des préoccupations que vous venez d'exprimer et dont plusieurs élus de la capitale ont également eu l'occasion de faire état.
Comme vous l'avez souligné, il s'agit d'un patrimoine immobilier dont l'âge a dépassé la durée de validité des conventions signées entre l'Etat et les investisseurs au moment où les constructions sont intervenues, c'est-à-dire, généralement, dans les années soixante.
Ainsi que vous l'avez également rappelé, un haut fonctionnaire, M. Marc Prévot, en accord avec M. Jean-Claude Gayssot, a été chargé de rencontrer les associations de locataires, les propriétaires et les élus sensibilisés par ce dossier, notamment pour prendre la mesure du problème social qu'il pose. M. Prévot a eu l'occasion de démontrer sa très grande compétence, notamment lorsqu'il a été placé à la tête de la mission interministérielle d'inspection du logement social.
M. Prévot doit rendre compte de ce travail le 10 mars prochain. Mes collaborateurs examineront alors avec lui les diverses solutions possibles. Parmi celles-ci, figure celle, que vous suggérez, de l'acquisition de certains logements par des bailleurs sociaux.
Nous devons traiter ce dossier en prenant en compte le problème des locataires concernés qui n'ont pas les moyens d'acquérir un logement ni même de payer un loyer plus élevé, et aussi dans le respect des engagements qui avaient été pris par l'Etat et par les propriétaires au moment de la signature des conventions. Il s'agit de savoir si l'on peut trouver une légitimité à une certaine forme de droit de suite.
En ce qui concerne la fin de la trêve hivernale, dès le 15 octobre, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, et moi-même avions adressé à Mmes et MM. les préfets une circulaire les informant de l'esprit dans lequel, avec Mme Martine Aubry, nous travaillions à l'époque à la préparation de ce qui est devenu le plan d'action pour la prévention et la lutte contre les exclusions. Il s'agissait, en matière d'expulsion, de changer de logique en prévoyant la possibilité d'une saisine dès l'assignation en justice, de manière qu'un examen social de chaque situation soit possible et que les autorités ne soient pas informées d'un litige seulement au moment où leur est demandé le recours à la force publique. Nous demandions, dans cette perspective, aux préfets de surseoir le plus possible à des mesures d'autorité et de faire prévaloir la prévention.
Nous devons rencontrer Mmes et MM. les préfets le 9 mars prochain. Nous leur rappellerons alors que ce qui était à l'époque intention est devenu orientation décidée par le Gouvernement et nous les inviterons à prendre en compte le plus possible cette nouvelle donnée. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

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