M. le président. « Art. 6. - I A. - Après les mots : "contrats transformés", la fin de la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article L. 322-12 du code du travail est supprimée.
« I. - Le troisième alinéa du même article est ainsi rédigé :
« Pour ouvrir le bénéfice de cet abattement, le contrat doit prévoir une durée hebdomadaire de travail qui peut être calculée, le cas échéant, sur le mois, comprise entre dix-huit heures, heures complémentaires non comprises, et trente-deux heures, heures complémentaires ou supplémentaires comprises. »
« II. - Le quatrième alinéa du même article est ainsi rédigé :
« Il n'est toutefois ouvert, dans ce cas, que lorsque le temps partiel calculé sur une base annuelle résulte de l'application dans l'entreprise d'un accord collectif définissant les modalités et les garanties suivant lesquelles le travail à temps partiel est pratiqué à la demande du salarié. »
« III. - Non modifié.
« III bis. - Dans l'avant-dernier alinéa du même article, les mots : "six mois" sont remplacés par les mots : "douze mois". »
« IV. - Non modifié .
« V. - Par dérogation aux I et II du présent article, l'abattement continue à s'appliquer aux salariés dont le contrat de travail en a ouvert le bénéfice en application des dispositions en vigueur avant la date de publication de la présente loi. »
Par amendement n° 10, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer les paragraphes I A, I, II, III bis et V de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. L'article 6 a pour objet la modification du régime de l'abattement de cotisations sociales patronales applicable au travail à temps partiel.
L'amendement n° 10 vise à supprimer à nouveau les dispositions de cet article, qui constituent un obstacle au développement du travail à temps partiel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'ai déjà dit qu'il fallait, à mon avis, « reproratiser » les cotisations pour le travail à temps partiel. C'est une raison de justice qui l'impose.
Je suis donc défavorable à l'amendement n° 10.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 10.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Comme en première lecture, il nous est proposé de supprimer les dispositions de moralisation du travail à temps partiel contenues dans le projet de loi.
Pour préparer ce débat en deuxième lecture, j'ai relu attentivement notre discussion en première lecture. Je dois dire que, sur cet article 6, et donc sur l'amendement de suppression de la commission, un point m'a particulièrement frappée : c'est l'absence totale de motivation exprimée, ou exprimable, par la majorité de la commission des affaires sociales pour justifier cet amendement de suppression.
La commission propose de supprimer cet article parce qu'il durcit les conditions d'attribution de l'aide de l'Etat aux employeurs, sans qu'il soit besoin pour elle d'autres explications ou motivations. Elle ne fait aucune allusion aux salariés.
Mme Terrade, sénateur du groupe communiste républicain et citoyen, et moi-même avions plaidé, lors du débat en première lecture, pour le maintien de cet article.
Je rappellerai brièvement pourquoi nous jugeons indispensable la moralisation du travail à temps partiel, le plus souvent subi, et dont les femmes, surtout les femmes non qualifiées, sont en majorité victimes.
Nous entendons maintenir la limitation à l'octroi de l'abattement de 30 % des charges patronales en cas de passage de contrat à temps plein à contrats à temps partiel pour un même volume horaire lorsqu'il n'y a pas création nette d'emplois. C'est pourtant une mesure utile pour les finances publiques, qui sont aujourd'hui utilisées pour financer le développement de la flexibilité et non le développement de l'emploi.
La commission propose de supprimer le relèvement du seuil minimum de 16 heures à 18 heures pour avoir droit à l'abattement de charges patronales. Je ferai la même observation : 16 heures de travail hebdomadaires représentent une durée inférieure à un emploi à mi-temps et ne permettent pas, loin de là, d'assurer un revenu simplement acceptable. Seize heures par semaine, c'est un temps partiel subi, et il est alors paradoxal de voir le salarié - c'est d'ailleurs souvent une salariée - réduit à cette condition alors que son employeur bénéficie pour ce temps partiel de la sollicitude des finances publiques. Là aussi, le relèvement à 18 heures est une mesure indispensable de moralisation et d'équité.
La commission souhaite supprimer la disposition selon laquelle l'abattement ne serait ouvert en cas d'annualisation - et nous parlons ici de temps partiel annualisé - que lorsque celle-ci résulte d'un accord collectif d'entreprise.
Cette disposition est l'exemple même d'une mesure de moralisation, d'une mesure qui prône le respect des personnes, de leur vie familiale, plutôt que la contrainte à l'égard de salariés considérés comme de la main-d'oeuvre.
La commission veut enfin supprimer la mesure qui étend de six à douze mois le délai pendant lequel une entreprise qui a licencié des salariés doit demander l'autorisation de l'administration avant d'embaucher à temps partiel et de bénéficier ainsi de l'abattement. En quoi pourtant cette mesure vient-elle heurter le développement du temps partiel qu'elle souhaite ? C'est une simple mesure de précaution à l'encontre des abus constatés et de prudence à l'égard de l'usage des aides financières de l'Etat.
En réalité, la commission entend accélérer le développement du passage au temps partiel, le plus souvent subi, et au bénéfice exclusif des employeurs, sans tenir compte des exigences d'une vie normale pour les salariés. Les emplois dont nous entendons favoriser la création doivent être de vrais emplois, encadrés par des règles justes et acceptables par tous. Les emplois à temps partiel, dans cette perspective, doivent bénéficier d'une attention particulière. Ils sont en général tenus par des personnes faiblement qualifiées, et notre devoir est d'assurer à ces dernières une protection particulière compte tenu de la situation de nécessité dans laquelle elles se trouvent le plus souvent.
Nous voterons donc contre cet amendement, néfaste tant pour les finances publiques que pour les conditions de vie et de travail des salariés.
M. Hilaire Flandre. C'est une vue de l'esprit !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. M. Weber a rappelé les conditions de la victoire électorale de la gauche, l'année dernière. Je voudrais, pour ma part, rappeler les conditions de la victoire électorale de la gauche en 1993, après une gestion socialiste qui s'était traduite par une aggravation formidable du chômage.
Lorsque nous avions étudié, en 1993, le projet de loi quinquennale sur le travail, l'emploi et la formation professionnelle, nous nous étions demandés pourquoi, s'agissant du travail à temps partiel, la société française connaissait un tel retard par rapport à toutes les autres sociétés européennes.
Nous étant rendus en Suède, au Danemark, en Grande-Bretagne et en Allemagne, nous avions constaté que le travail à temps partiel y était beaucoup plus développé qu'en France.
Par conséquent, la loi de 1993 avait abaissé un certain nombre de charges sociales et avait mis en place un dispositif incitatif.
L'article 6 du projet de loi dont nous discutons aujourd'hui serait, à mon avis, s'il était adopté en l'état à la fin du débat, dangereux pour l'emploi ; en effet, il marquerait le retour à la situation antérieure à 1993 et, par conséquent, il empêcherait les entreprises de recourir au temps partiel.
Je dirai à ma charmante collègue Dinah Derycke qu'il faut savoir ce que l'on veut : ou l'on veut diminuer le chômage, et, comme l'ont fait tous les pays européens, on commence par développer le travail à temps partiel, ou l'on veut accroître les garanties offertes aux salariés, et l'on garde alors trois millions de chômeurs. (Mme Bergé-Lavigne s'exclame.)
Il faut savoir à quoi l'on joue et ce que l'on veut !
Voilà pourquoi nous ne souhaitons pas le maintien de l'article 6, qui se traduirait, en période de reprise de l'emploi, par un certain nombre de non-embauches, de pertes d'emplois potentiels, ce qui serait dommageable dans la situation actuelle. A certains moments, il faut choisir entre l'angélisme et l'efficacité. C'est précisément ce qu'il nous faut faire, s'agissant de l'article 6 ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Emmanuel Hamel. Nous sommes des anges efficaces !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, ainsi modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Article 7