Séance du 12 juin 1998







M. le président. « Art. 51. - I. - Le troisième alinéa de l'article L. 333-4 du code de la consommation est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque la commission instituée à l'article L. 331-1 a vérifié que le débiteur qui l'a saisie se trouve dans la situation visée à l'article L. 331-2, elle en informe la Banque de France aux fins d'inscription au fichier institué au premier alinéa du présent article. La même obligation pèse sur le greffe du juge de l'exécution lorsque, sur recours de l'intéressé en application du deuxième alinéa de l'article L. 331-3, la situation visée à l'article L. 331-2 est reconnue par ce juge.
« Le fichier recense les mesures du plan conventionnel de redressement mentionnées à l'article L. 331-6. Ces mesures sont communiquées à la Banque de France par la commission. L'inscription est conservée pendant toute la durée de l'exécution du plan conventionnel.
« Le fichier recense également les mesures prises en vertu des articles L. 331-7 et L. 331-7-1 qui sont communiquées à la Banque de France par le greffe du juge de l'exécution. S'agissant des mesures définies à l'article L. 331-7 et au premier alinéa de l'article L. 331-7-1, l'inscription est conservée pendant toute la durée d'exécution de ces mesures. S'agissant des mesures définies au deuxième alinéa de l'article L. 331-7-1, la durée d'inscription est fixée à huit ans. »
« II. - A l'article L. 333-6 du même code, le mot : "article" est remplacé par le mot : "chapitre". »
Par amendement n° 298, MM. Loridant et Hyest proposent de rédiger ainsi le début de la première phrase du premier alinéa du texte présenté par le I de cet article pour remplacer le troisième alinéa de l'article L. 333-4 du code de la consommation :
« Dès que le débiteur a déposé son dossier auprès de la Commission, celle-ci en informe la Banque de France... »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Mon collègue Jean-Jacques Hyest et moi-même attachons un grand intérêt à cet amendement, car il correspond à une dérive que nous avions signalée lorsque nous avions rédigé le rapport sur les commissions de surendettement et leur fonctionnement.
Cet amendement vise à inscrire au fichier des incidents de crédit aux particuliers les débiteurs dès qu'ils ont déposé leur dossier devant la commission. En effet, le dépôt d'un dossier est un acte volontaire sur l'initiative du débiteur, qui reconnaît par ce geste son état de surendettement.
En outre, la pratique montre que c'est justement entre le dépôt du dossier et le moment où celui-ci est déclaré recevable par les commissions de surendettement que les débiteurs sont le plus aux abois et ont tendance à aggraver leur surendettement, de telle sorte que leur situation financière peut être irrémédiablement compromise.
Enfin, les délais entre le moment du dépôt du dossier et la déclaration de recevabilité ont, hélas ! compte tenu du nombre de dossiers, tendance à augmenter. L'inscription du débiteur au FICP dès le dépôt de son dossier auprès des commissions de surendettement apparaît donc nécessaire.
Mon collègue Jean-Jacques Hyest et moi-même vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement. Grâce à cette disposition, le débiteur sera inscrit au fichier de la Banque de France et sera moins tenté d'aggraver son cas. De plus, les banques ou les établissements financiers qui lui consentiraient des prêts pourraient être considérés par les commissions de surendettement comme étant dans leur tort.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement pose le problème de la date d'inscription du débiteur au fichier des incidents de crédit aux particuliers.
Le projet de loi prévoit que l'inscription interviendra dès que le dossier sera déclaré recevable par la commission. L'amendement vise à avancer cette date au moment du dépôt du dossier. C'était, notons-le, la proposition du groupe de travail de MM. Hyest et Loridant.
Les deux dispositions répondent à une même volonté de prévenir les manoeuvres dilatoires en dissuadant les débiteurs mal intentionnés d'encombrer les commissions. La solution présentée par l'amendement est plus dissuasive, mais elle exigera des manipulations supplémentaires pour la Banque de France. En effet, si le dossier est jugé irrecevable, l'inscription au fichier des incidents de crédit aux particuliers devra être levée.
C'est pourquoi la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Cet amendement est délicat.
En le défendant, M. Loridant affirme que le dépôt du dossier est un acte volontaire. Si c'est un acte volontaire, et c'est le cas, on voit mal l'intéressé contracter un emprunt supplémentaire dès le lendemain. Comment penser qu'il puisse à la fois déposer un dossier de surendettement, en toute conscience, si je puis dire, de sa situation, et, presque simultanément, demander un emprunt ?
Nous avons effectivement un doute à cet égard, monsieur Loridant, sachant qu'aux termes de la disposition proposée c'est l'organisme préteur qui aurait l'entière responsabilité de cet emprunt.
Cette mesure risque de conduire en commission de surendettement des personnes qui ne devraient pas y venir. Très honnêtement, tout en comprenant les motivations de votre proposition due au « crédit magasin » qui pourrait être souscrit dans les deux jours qui suivent le dépôt du dossier, je ne souhaite pas que l'on puisse déposer un dossier avec l'intention d'emprunter. Cela nous mettrait dans une situation extrêmement difficile. De plus, en cas de contentieux, il ne sera pas facile de justifier de la date du dépôt.
Par conséquent, je demande que cet amendement soit retiré.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, maintenez-vous l'amendement n° 298 ?
M. Paul Loridant. Madame le secrétaire d'Etat, j'ai bien entendu vos remarques.
Si nous avons fait cette proposition, je vous le dis clairement, c'est parce qu'un certain nombre de directeurs de succursales de la Banque de France ont souhaité que nous le fassions.
Ils ont, en effet, constaté que des personnes aux abois déposaient effectivement un dossier. De surcroît, c'est entre le moment où le dossier est déposé et celui où il est déclaré irrecevable que certains créanciers se manifestent de façon beaucoup plus volontariste, contraignant ainsi les personnes concernées à souscrire de nouveaux emprunts.
Monsieur le rapporteur, l'inscription est effectuée par terminal. Il est donc évident que si, après dépôt du dossier, ce dernier était déclaré irrecevable, l'inscription pourrait être rayée de façon quasi automatique ; je ne vois donc pas où est la difficulté. Toutefois, sensible à votre souci de ne pas créer de nouveaux contentieux, madame la secrétaire d'Etat, je retire cet amendement.
S'il apparaissait, à l'expérience, qu'il faille revenir sur ce point, peut-être pourrions-nous envisager une modification à l'occasion d'un prochain projet. En attendant, je me rallie à votre thèse, madame la secrétaire d'Etat.
M. le président. L'amendement n° 298 est retiré.
Je suis maintenant saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 365, Mme Terrade, M. Fischer, Mmes Borvo, Beaudeau, Bidard-Reydet, MM Bécart, Derian, Duffour, Lefebvre, Mme Luc, MM. Minetti, Pagès, Ralite et Renar proposent de supprimer le troisième alinéa du paragraphe I de l'article 51.
Les deux suivants sont identiques.
L'amendement n° 172 est présenté par M. Paul Girod, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 299 est présenté par MM. Loridant et Hyest.
Tous deux tendent à compléter la deuxième phrase du troisième alinéa du texte présenté par le paragraphe I de ce même article pour remplacer le troisième alinéa de l'article L. 333-4 du code de la consommation par les mots : « sans pouvoir excéder huit ans ».
La prole est à Mme Terrade, pour défendre l'amendement n° 365.
Mme Odette Terrade. Mon argumentation vaudra également pour l'amenement n° 366, monsieur le président.
Le groupe communiste républicain et citoyen est réticent à toute idée de fichier. Celui-ci conduirait, selon nous, à culpabiliser le débiteur, alors que, chacun le reconnaît aujourd'hui, la situation de surendettement est davantage le fait du chômage et de la baisse du pouvoir d'achat que d'un recours irresponsable aux crédits.
De plus, il est à craindre que toute personne surendettée hésite à faire appel aux commissions de surendettement, sachant qu'elles seront, le cas échéant, inscrites au fichier des incidents de crédits aux particuliers, le FICP.
Ce fichier est prétendûment destiné à responsabiliser les prêteurs, désormais informés des difficultés rencontrées par le débiteur.
Un établissement de crédit qui aura offert un prêt à une personne surendettée ne pourra plus prétendre qu'il ignorait la situation de celle-ci au moment de l'opération.
Or, selon le rapport de nos collègues MM. Hyest et Loridant - page 84 pour être précise - « l'expérience montre que, malgré la loi Neiertz, la preuve que le prêteur avait une connaissance exacte de la situation de l'emprunteur et qu'il a néanmoins pris un risque inconsidéré méritant sanction est très difficile à établir.
Par conséquent, il serait plus opportun de s'appuyer sur d'autres modalités, plus efficaces, pour responsabiliser le prêteur sans stigmatiser inutilement le débiteur ; je pense notamment à une meilleure application et au renforcement des sanctions à l'encontre des banques ayant fait preuve de laxisme.
A défaut, nous estimons qu'il est inutile d'alourdir ce fichier de renseignements supplémentaires tels que les mesures des plans conventionnels, les recommandations ou la réduction totale ou partielle des dettes.
Le fichier des incidents de crédits aux particuliers sera-t-il plus efficace à l'égard des prêteurs avec ce complément d'information ? J'en doute !
Telle est la raison d'être de nos deux amendements n°s 365 et 366, que nous vous invitons à adopter.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 172, qui est le deux centième amendement, que nous examinons depuis ce matin !
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Monsieur le président, j'ai l'honneur de vous féliciter, car vous avez bien résisté depuis ce matin, et même depuis hier soir, puisque cela fait pratiquement vingt-quatre heures que vous occupez le fauteuil de la présidence !
Il faut que le Sénat se rende bien compte de l'effort que vous faites !
Mme Odette Terrade. Nous aussi, nous étions là !
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Oui, mais présider n'est pas simple et j'en sais quelque chose ! On n'a pas une seule seconde de répit...
Mme Hélène Luc. Mme Terrade est restée tout le temps, elle aussi !
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Cet amendement prévoit que l'inscription au fichier des incidents de paiement est limitée à huit ans.
Il serait tout de même dommage que ceux qui acceptent de faire un effort sur un plan conventionnel soient plus maltraités que les débiteurs surendettés astreints à la mise en oeuvre de mesures recommandées ou ceux qui bénéficient de mesures d'effacement.
M. le président. La parole est à M. Loridant, pour défendre l'amendement n° 299.
M. Paul Loridant. Il s'agit d'un amendement que j'ai déposé en mon nom personnel avec M. Hyest et qui n'a pas été présenté à la commission des finances.
Le présent projet de loi prévoit une durée de huit ans pour l'inscription des débiteurs au fichier des incidents de paiement par suite de l'effacement ou de la réduction de tout ou partie de leurs dettes.
Pour éviter que les débiteurs se conformant à un plan de redressement ne soient moins bien traités que ceux qui voient leurs dettes effacées, la commission des lois a proposé un amendement qui limite l'inscription des mesures du plan de redressement à huit ans.
Je vous propose, avec notre collègue M. Jean-Jacques Hyest, de compléter le dispositif en prévoyant que les recommandations proposées par la commission, en cas d'échec du plan amiable, ainsi que la recommandation de moratoire ne puissent pas être inscrites au fichier des incidents de paiement pour une durée supérieure à huit ans.
Il y a donc, monsieur le président, complémentarité et non pas similitude entre mon amendement et celui de la commission des lois.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission préfère le dispositif résultant de l'articulation des amendements n°s 172 et 299, auxquels elle est favorable.
Elle est par conséquent défavorable à l'amendement n° 365.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement trouve l'argumentation excellente. Il est donc favorable aux amendements n°s 172 et 299. En revanche, il est défavorable à l'amendement n° 365.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 365, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 172 et 299, acceptés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Par amendement n° 366, Mme Terrade, M. Fischer, Mmes Borvo, Beaudeau, Bidard-Reydet, MM. Bécart, Derian, Duffour, Lefebvre, Mme Luc, MM. Minetti, Pagès, Ralite et Renar proposent de supprimer le dernier alinéa du I de l'article 51.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Défavorable, pour les raisons qui ont été exposées à propos de l'amendement n° 365.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. L'amendement n° 366 est-il maintenu, madame Terrade ?
Mme Odette Terrade. Oui, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 366, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 51, modifié.

(L'article 51 est adopté.)

Article additionnel après l'article 51