Séance du 16 juin 1998







M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 103, M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, propose d'insérer, avant l'article 79, un article additionnel ainsi rédigé :
« Pendant une période de cinq ans à compter de l'exercice 1998, les dépenses consacrées à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion et aux actions en faveur de l'insertion visées au douzième alinéa de l'article 36 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion peuvent être financées sur les crédits que les départements sont tenus d'inscrire annuellement à leur budget en application de l'article 38 de ladite loi dans la limite de 10 % de ces crédits. »
Par amendement n° 483, MM. Vasselle et Doublet proposent d'insérer, avant l'article 79, un article additionnel ainsi rédigé :
« Pendant une période de cinq ans à compter de l'exercice 1998, les dépenses consacrées aux actions en faveur de la réinsertion des chômeurs de longue durée peuvent être financées sur les crédits que les départements sont tenus d'inscrire annuellement à leur budget en application de l'article 38 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 103.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet article additionnel reprend le contenu du dispositif voté par le Sénat en séance publique le 5 mars dernier et selon lequel pendant une période de cinq ans à compter de l'exercice 1998, les dépenses consacrées à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion visées par le plan départemental d'insertion peuvent être financées sur les crédits départementaux d'insertion que les départements sont tenus d'inscrire annuellement à leur budget.
Il s'agit de poursuivre la discussion sur la proposition de loi présentée par M. Jean Delaneau et ses collègues du groupe des Républicains et Indépendants, à laquelle votre rapporteur a consacré un rapport au mois de février dernier.
Cette disposition exceptionnelle, à caractère temporaire, permettrait sur cinq ans aux départements d'affecter à l'ensemble de la lutte contre l'exclusion 10 % au plus du montant des crédits dont l'inscription est obligatoire.
Sachant que les départements consomment aujourd'hui à 97 % en moyenne les crédits départementaux d'insertion, trois cas de figure sont possibles.
Le premier : les départements consomment l'ensemble de leurs crédits d'insertion et ne disposent pas de crédits reportés. Ces départements ne sont pas a priori concernés par le dispositif temporaire et continueront à financer l'insertion comme ils le faisaient auparavant.
Deuxième cas de figure : les départements consomment leurs crédits d'insertion annuels et font apparaître un montant cumulé de reports importants sur les exercices précédents. Grâce au dispositif proposé, ces départements pourront, dans la limite de 10 % des crédits annuels d'insertion, résorber en cinq ans leurs reports sans porter atteinte aux moyens qu'ils consacrent à l'insertion.
Enfin, troisième cas de figure : indépendamment de l'existence ou non de crédits reportés, les départements pourront éventuellement affecter temporairement à la lutte contre l'exclusion une fraction des crédits non consommés au titre de l'insertion, tout en veillant, sur une période de cinq ans, à assurer une consommation complète de ces crédits au profit des bénéficiaires du RMI.
Au total, le dispositif ne remet donc pas en cause le niveau des crédits destinés aux bénéficiaires du revenu minimum d'insertion.
Il ne crée pas de dépenses supplémentaires : il permet seulement, dans l'esprit du texte de M. Jean Delaneau, de dépenser mieux des crédits qui sont aujourd'hui inutilisés et qui pourraient utilement être mis au service de la lutte contre l'exclusion au cours des cinq prochaines années.
La commission vous demande, mes chers collègues, d'insérer cet article additionnel par voie d'amendement.
M. le président. La parole est à M. Vasselle, pour défendre l'amendement n° 483.
M. Alain Vasselle. Dans l'esprit qui a présidé à la rédaction de l'amendement n° 103, il s'agit d'étendre le dispositif qui nous est proposé dans ce dernier à la réinsertion des chômeurs de longue durée.
Je rappelle d'ailleurs à nos collègues que, au cours de l'examen du présent projet de loi, nous avons déjà adopté des dispositions permettant d'ouvrir aux chômeurs de longue durée le bénéfice de certaines dispositions, notamment en ce qui concerne la réinsertion par le travail.
Pour ma part, je suis prêt à me rallier à l'amendement n° 103 si M. le rapporteur accepte d'y intégrer la proposition que je viens de présenter.
M. le président. Monsieur le rapporteur, acceptez-vous de modifier l'amendement n° 103 ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 103 rectifié, présenté par M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, et tendant à insérer, avant l'article 79, un article additionnel ainsi rédigé :
« Pendant une période de cinq ans à compter de l'exercice 1998, les dépenses consacrées à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion et aux actions en faveur de l'insertion visées au douzième alinéa de l'article 36 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion ainsi qu'aux actions en faveur de la réinsertion des chômeurs de longue durée peuvent être financées sur les crédits que les départements sont tenus d'inscrire annuellement à leur budget en application de l'article 38 de ladite loi dans la limite de 10 % de ces crédits. »
En conséquence, l'amendement n° 483, est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 103 rectifié ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement. Une telle proposition me paraît d'ailleurs un peu paradoxale au moment où il est question de lutter contre les exclusions, principalement des personnes qui touchent des minima sociaux, et alors que nous savons que l'insertion des bénéficiaires du RMI est largement insuffisante dans notre pays puisque 100 000 RMIstes touchent le RMI depuis dix ans, c'est-à-dire depuis sa création.
En novembre dernier, en concertation avec les présidents de conseils généraux, nous avons souhaité faire porter l'effort commun sur trois points.
Tout d'abord, nous avons voulu faire en sorte que l'ANPE et les services publics de l'Etat reçoivent ces 100 000 personnes pour voir où elles en sont et quelle est leur situation réelle ; peut-être certaines peuvent-elles être considérées comme des adultes handicapés et peut-être d'autres ont-elles besoin d'être accompagnées rapidement vers des mesures d'insertion.
Par ailleurs, nous avons demandé - les premiers résultats sont d'ailleurs très satisfaisants - que les dispositifs visant les chômeurs de longue durée et les RMIstes servent beaucoup plus que ce n'était le cas jusqu'à présent à faire sortir les RMIstes de l'assistance - je pense aux contrats initiative-emploi, aux contrats emploi-solidarité, par exemple - et des efforts importants sont faits actuellement par les préfets et par les services publics de l'emploi pour qu'il en soit ainsi.
Enfin, nous avons demandé aux départements de mettre fin à certaines pratiques, certes isolées, qui consistaient à utiliser les crédits d'insertion du RMI à d'autres fins que l'insertion, comme, par exemple, au paiement du personnel de l'action sociale, ce qui n'est pas l'objet de ces crédits.
Je considère que, même si le taux d'utilisation de ces crédits est aujourd'hui relativement important - il est de l'ordre de 95 % - des efforts restent à faire, notamment par les départements qui n'utilisent pas ces fonds dans cette proportion. Il faut rappeler que quelque vingt-cinq départements consomment moins de 90 % de l'enveloppe du RMI, dont douze départements moins de 85 %.
Notre responsabilité, alors que nous parlons de la lutte contre les exclusions, est donc d'inciter ces départements, voire de les aider lorsqu'ils ont besoin de conseils, à utiliser correctement ces fonds d'insertion du RMI, alors que tel n'est pas le cas aujourd'hui, afin, conformément à notre objectif, de faire sortir de l'assistance un certain nombre d'exclus, et donc de les insérer.
Je crains vraiment que le fait de réserver 10 % de ces fonds à d'autres personnes que les RMIstes, notamment aux chômeurs de longue durée dont l'Etat s'occupe largement par le biais des dispositifs importants que nous avons mis en place, y compris dans ce projet de loi, ne nous détourne de cette insertion des RMIstes, qui est parfois plus difficile à réaliser que celle d'un chômeur de longue durée, qui, s'il est resté un an au chômage, travaillait voilà encore un an.
Je crains même que ceux qui dépensent 97 %, 98 % de ces fonds ne soient tentés d'en utiliser 10 % pour les chômeurs de longue durée parce que c'est plus facile.
Nous devons ensemble, en ouvrant davantage les dispositifs d'Etat aux RMIstes et en utilisant à bon escient les crédits d'insertion, tout faire pour sortir de l'assistance ces personnes bénéficiaires du RMI.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 103 rectifié.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 103 rectifié.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de note.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Je suis défavorable à cet amendement. L'originalité du système français résidait, certes, dans le « I » du RMI, le « I » de l'insertion, financée à hauteur de 20 % du total du revenu minimum par les départements.
S'il faut être plus exigeant sur la consommation des fonds ainsi que sur la qualité et l'efficacité du dispositif, il ne me paraît cependant pas raisonnable, lors de l'examen de ce projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions, de prévoir que l'on va diminuer les crédits d'insertion pour les personnes les plus en difficulté qui relèvent précisément du RMI. Tendre à faire bénéficier du dispositif des personnes qui ne sont pas au RMI et qui disposent donc de revenus supérieurs revient à diminuer les crédits de ceux qui se trouvent le plus en difficulté.
C'est à mon avis une erreur.
Je voterai donc très fermement contre l'amendement n° 103 rectifié.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Nous voterons également contre l'amendement n° 103 rectifié. Nous aussi sommes très attachés au « I » du revenu minimum d'insertion. Lors de l'examen de la proposition de loi de M. Delaneau, nous avions d'ailleurs déclaré combien nous étions choqués par le fait que certains départements se soient affranchis de cette obligation.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 103 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 79.

Article 79