Séance du 16 juin 1998







M. James Bordas. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous pouvons nous féliciter de l'esprit qui a présidé à nos débats.
La proximité des réalités locales a permis à chacun, dans cet hémicycle, d'être à l'écoute des associations et de tous les acteurs de la lutte contre l'exclusion. Je veux leur rendre hommage.
Notre souhait est que le travail effectué par le Sénat contribue à redonner de l'espoir à ceux qui sont les blessés de la vie et à ceux qui leur viennent en aide.
Des modifications ont été apportées à ce texte afin qu'il contribue le plus possible à un réel retour à l'emploi.
Sur ce point, grâce au travail remarquable de notre rapporteur, M. Bernard Seillier, et de la commission des affaires sociales, présidée par M. Jean-Pierre Fourcade, de réels progrès ont été effectués.
Les modifications apportées par la majorité sénatoriale s'écartent résolument de l'approche traditionnelle de l'assistance.
L'idée selon laquelle non pas toutes, mais certaines allocations méritent un travail en contrepartie fait son chemin pour rendre leur dignité aux exclus du monde du travail.
Les dispositifs d'insertion, privilégiés par notre Haute Assemblée, ne ressemblent pas à des filières surprotégées ou à des emplois-ghetto, à cheval entre l'aide humanitaire et le secteur non marchand. Ils sont, au contraire, ouverts sur l'appareil de production et incitent, grâce à une exonération générale de charges sociales, les entreprises à prendre une part active dans ce processus d'intégration professionnelle.
Mettre en oeuvre le droit au logement est, comme nous le savons, une étape indispensable pour sortir de la précarité.
Pour cela, le Sénat a choisi de mobiliser le parc locatif privé et d'encourager les propriétaires de logements vacants à les remettre sur le marché, par une incitation fiscale et par la simplification des déclarations de revenus fonciers.
Le groupe des Républicains et Indépendants est en effet convaincu qu'il faut privilégier l'incitation fiscale à la taxe sur les logements vacants si l'on veut réellement accroître le nombre de logements susceptibles d'accueillir des personnes en difficulté.
Nous sommes résolument opposés à cet impôt-sanction supplémentaire qui éloignerait les bailleurs de la solidarité.
Le succès des mesures de lutte contre l'exclusion exige, à l'inverse, une plus grande liberté d'action des collectivités territoriales. L'Etat leur fait-il réellement confiance ?
On peut en douter en relevant qu'il renforce son emprise sur des mécanismes départementaux dont la gestion était décentralisée.
Cette liberté d'action passe, comme l'a souligné M. le rapporteur, par un allégement des contraintes qui pèsent sur elles et par une limitation des instances et commissions diverses qui finissent par se superposer et par paralyser l'action en matière d'insertion.
La multiplication des comités ad hoc est intéressante en théorie mais inefficace en pratique.
Par ailleurs, je me félicite qu'un compromis honorable ait pu être trouvé sur la prestation spécifique dépendance.
Je rends hommage au travail de M. le rapporteur et de M. le président de la commission des affaires sociales dont l'action a été déterminante dans l'élaboration de cet accord.
Je me réjouis également que le Sénat ait souhaité reprendre le dispositif présenté par notre collègue Jean Delaneau dans une récente proposition de loi adoptée par notre Haute Assemblée.
Ce dispositif ouvre la possibilité pour les départements de redéployer une partie des crédits, consacrés au RMI, en faveur de l'ensemble des actions d'insertion inscrites au plan départemental.
L'exclusion est à la croisée des chemins entre la crise économique et l'histoire personnelle des hommes. Un souci nous a animés tout au long de ce débat : ne pas créer un « droit des exclus » mais permettre « l'accès de tous aux droits de tous », comme l'avait souhaité Mme Geneviève de Gaulle-Anthonioz.
Afin de marquer sa volonté de lutter pour l'insertion et la cohésion sociale, notre groupe votera ce texte. Nous savons que cela ne résoudra pas toutes les difficultés subies par un trop grand nombre de nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Monsieur le président, madame le ministre, messieurs les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, l'explication de vote sur l'ensemble d'un projet de loi, en particulier lorsqu'il est aussi important que celui que nous venons d'examiner, est toujours le moment de réaliser le bilan de notre débat et de nos apports respectifs, que nous les considérions comme positifs ou négatifs.
Je tiens à dire, tout d'abord, que le groupe socialiste se félicite de la qualité de ce débat, qui fut dense et a témoigné de notre volonté d'inscrire dans la loi les moyens effectifs pour l'ensemble des partenaires concernés - Etat, collectivités territoriales et associations - de lutter contre l'exclusion. Néanmoins, nos appréciations divergent sur un certain nombre de points de ce texte.
Sur le chapitre relatif à l'emploi, nous sommes opposés à la possibilité d'ouvrir aux allocataires du RMI un contrat initiative-emploi à mi-temps dans une entreprise en conservant la moitié de leur allocation. Nous sommes opposés à l'exonération de charges sociales pendant cinq ans pour les employeurs qui embaucheraient un titulaire de minimum social depuis deux ans, à la fois parce que l'efficacité des exonérations de charges sociales est loin d'être prouvée en termes d'emploi et parce que nous craignons qu'une telle mesure ne soit inadaptée à la situation de ceux qui sont titulaires de minima sociaux depuis longtemps.
Nous regrettons vivement que l'on ait brutalement supprimé le recours au fonds d'aide aux jeunes pour soutenir les jeunes bénéficiaires du programme TRACE entre deux contrats de travail ou périodes de formation.
Sur le chapitre consacré au logement, nous n'acceptons pas la suppression de la taxe sur la vacance, inspirée de raisons purement idéologiques,...
M. Hilaire Flandre. Oh !
Mme Dinah Derycke. ... malgré les explications tout à fait argumentées du ministre et la demande unanime du milieu associatif, et bien que vous prétendiez partager ses préoccupations. Nous constatons, au contraire, que les amendements adoptés par la majorité sénatoriale favorisent de façon excessive les propriétaires, qu'il s'agisse du crédit d'impôt pour primes d'assurance couvrant le risque de loyers impayés ou du report à 60 000 francs de la déclaration de revenus fonciers simplifiée.
Nous regrettons également que la majorité du Sénat ait vidé de leur contenu les dispositions les plus novatrices tendant à favoriser la mixité sociale et à redonner quelque force à la loi d'orientation sur la ville. Le principe de libre administration des collectivités territoriales ne justifie pas que les communes puissent s'exonérer de la participation à la conférence intercommunale du logement. Cette disposition aboutit à faire dépendre des seules communes volontaires l'attribution de logements sociaux sur tout un bassin d'habitat. Vous prenez donc le risque d'une absence de solidarité en matière de logement, qui causera un préjudice aux personnes les plus défavorisées.
Nous regrettons également que vous ayez rendu difficilement applicable le nouveau régime de réquisition avec attributaire en l'assortissant de délais démesurés. Nous sommes opposés à la remise en cause de la nouvelle procédure de prévention des expulsions. Le raccourcissement de la durée de la procédure préalable à la phase judiciaire obère les chances de trouver une solution satisfaisante pour les deux parties.
S'agissant du surendettement, la suppression de la référence au RMI dans la définition du « reste à vivre » introduit certes davantage de souplesse, mais pourrait toutefois générer une imprécision risquée. J'ajoute que vous procédez à une remise en cause de la réforme, pourtant indispensable, des saisies immobilières dont trop de familles ont été victimes à la suite de perte d'emploi.
En ce qui concerne l'éducation et la culture, vous avez choisi de maintenir l'ancien système d'aide à la scolarité, de préférence à un retour aux bourses, pourtant mieux à même, selon l'ensemble de la communauté éducative, de pallier les difficultés financières et de gestion des familles, et de favoriser le retour des jeunes vers les cantines.
S'agissant des minima sociaux, j'appelle votre attention sur l'avis préalable du maire à l'octroi du RMI. Cette disposition nous paraît de nature à rompre l'égalité des citoyens et ne manquerait pas, si elle était appliquée, de livrer les personnes en difficulté à l'arbitraire et à la distinction entre bons et mauvais pauvres. Sur quels critères ?
M. Hilaire Flandre. Ce n'est pas sérieux !
Mme Dinah Derycke. Je ne suis d'ailleurs pas sûre que beaucoup d'élus locaux seraient heureux de se voir imposer par une telle charge.
J'arrête là cette brève énumération, qui pourrait donner à croire à l'existence d'un hiatus entre vos déclarations relatives à la solidarité - valeur essentielle de la République - vos hommages réitérés aux immenses mérites de Mme de Gaulle-Anthonioz et les textes législatifs que vous adoptez finalement.
Je préfère opter pour un point de vue plus positif et considérer que nous sommes parvenus à un accord relatif sur l'essentiel du texte présenté par le Gouvernement. Il en est ainsi de la partie consacrée à l'emploi, à l'insertion des jeunes et au dispositif d'insertion par l'économique. Nous notons même avec une particulière satisfaction l'adoption de l'amendement de nos collègues d'outre-mer, relatif au fonctionnement des agences départementales d'insertion. Nous nous réjouissons que la situation méconnue de nos compatriotes Français de l'étranger ait été prise en compte grâce à plusieurs amendements de notre collègue Monique Cerisier-ben Guiga.
En ce qui concerne le logement, vous avez adopté, sur notre initiative, la suppression du délai de carence d'un mois pour les personnes passant d'une formule de logement social à une autre. La compensation par l'Etat de l'exonération de la taxe d'habitation pour le logement à titre temporaire des personnes défavorisées, pour les gestionnaires et pour les associations pratiquant la sous-location, a été maintenue, ce qui nous satisfait. Enfin, la lutte contre le saturnisme est pleinement intégrée dans le dispositif.
S'agissant du surendettement, la majorité sénatoriale a trouvé une solution au délicat problème des dettes fiscales et sociales, en renforçant les liens entre les recommandations de la commission et les éventuels accords de remise par les directeurs des services fiscaux.
Sur l'éducation et la culture, plusieurs amendements de notre groupe ont été adoptés : le droit à la formation tout au long de la vie, l'amélioration de l'accueil des enfants âgés de moins de six ans, la sensibilisation aux atteintes concrètes à la liberté et au respect d'autrui.
Nous relevons aussi que la majorité sénatoriale a accepté plusieurs de nos amendements tendant à prendre en compte la gravité particulière et la spécificité de l'exclusion dont les femmes sont victimes. Mais, personnellement, je ne doutais pas que vous seriez sensibles à nos arguments.
Enfin, ce matin, nous avons adopté, à l'unanimité, l'amendement du Gouvernement sur la PSD, tendant à mettre fin aux inégalités les plus choquantes. Nous avons pris acte du fait que le Gouvernement engagera une réflexion sur la possibilité de mettre en oeuvre des financements associés faisant intervenir la solidarité entre générations.
Au total, des apports intéressants ont donc été réalisés et votés à l'unanimité par notre assemblée. Le projet de loi, tel qu'il est issu de nos travaux, reflète plus des différences d'appréciation que des divergences de fond sur la lutte contre l'exclusion.
Nous sommes heureux que la philosophie du projet de loi n'ait pas été bouleversée et que la majorité sénatoriale se soit finalement ralliée à la nécessité pour la nation de consacrer des moyens importants à la lutte contre l'exclusion. Avec 51,4 milliards de francs, ce projet de loi n'est pas une déclaration d'intention. Il marque un engagement fort de notre part, et les associations, comme la majorité des Français, ne s'y sont pas trompées.
En effet, ce texte n'est pas un projet de loi ordinaire. Il entend répondre à l'attente de nos compatriotes qui vivent les plus grandes difficultés. La gravité du sujet et la douleur quotidienne des personnes et des familles en situation de pauvreté justifient que nous sachions transcender les différences qui nous opposent.
Il est de notre responsabilité de ne pas donner à ces personnes, à ces familles, le sentiment que quelque considération que ce soit passe avant la prise en compte de leurs difficultés. Nous souhaitons que les travaux de la commission mixte paritaire nous permettent d'avancer, autant qu'il sera possible, vers la recherche de solutions concrètes pour les personnes en difficulté. Ce qui doit nous importer maintenant, c'est la mise en oeuvre rapide de ces mesures tant espérées.
Le groupe socialiste du Sénat, même s'il n'approuve pas l'ensemble des dispositions issues du débat devant la Haute Assemblée, fait donc le choix de la responsabilité et votera pour le projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Mme Dusseau applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Flandre.
M. Hilaire Flandre. Monsieur le président, madame le ministre, messieurs les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, la nécessaire lutte contre l'exclusion des plus démunis exigeait que le Parlement légifère pour proposer des solutions nouvelles et pour améliorer celles qui existent.
Le Gouvernement de M. Alain Juppé a été le premier à préparer un projet de loi dans ce sens, abordant les différentes difficultés rencontrées par les plus démunis et engageant ainsi un véritable changement au sein de notre société.
L'actuelle majorité, en proposant un projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions, que nous examinons depuis la semaine dernière, emprunte plusieurs dispositions au projet de loi précédent, mais sa philosophie globale est bien différente et réclamait un examen approfondi et plusieurs modifications de fond comme de forme.
Je tiens à saluer le travail des différents rapporteurs, notamment de notre collègue Bernard Seillier, qui a beaucoup contribué à améliorer le texte.
Mme Joëlle Dusseau. Ça, c'est vrai !
M. Hilaire Flandre. Je formulerai tout d'abord un regret sur la forme. La multidisciplinarité du texte et sa complexité réclamaient la constitution d'une commission spéciale, qui aurait aidé à l'organisation de nos travaux.
M. Claude Estier. C'est vrai !
M. Hilaire Flandre. Par ailleurs, l'examen tronçonné et bouleversé de l'ordre des articles du projet de loi, s'il peut être justifié par les contraintes d'agenda des ministres, a été cependant très gênant pour le déroulement de nos travaux en séance publique. De telles demandes ne devraient donc être exercées qu'avec beaucoup de modération.
Sur le fond, si l'objectif est louable, plusieurs dispositions nouvelles de ce texte étaient critiquables.
Une nouvelle fois, l'insertion dans la sphère publique, plutôt que dans le secteur marchand, est privilégiée.
La décentralisation des actions de formation aux régions semble faire l'objet d'un sentiment de méfiance de la part du Gouvernement.
Que dire de l'article 30, hautement symbolique, parfaitement inapplicable, ainsi que l'a fait remarquer notre collègue M. Gérard Braun, et qui porte gravement atteinte aux droits des propriétaires de disposer de leurs biens comme ils l'entendent ?
Quant au coût financier de ce projet de loi, les chiffres avancés par le Gouvernement ne paraissent pas refléter exactement la réalité, comme l'a fort bien exprimé notre collègue M. Jacques Oudin.
De plus, les collectivités locales sont mises à contribution pour des sommes très importantes et non compensées par l'Etat. Il en est de même pour les organismes de la sécurité sociale.
C'est pourquoi les différentes commissions saisies au fond ou pour avis ont effectué un travail d'amendements remarquable afin de toiletter ce texte en profondeur et d'en corriger les principaux défauts.
Après une semaine de discussion, nous avons abouti, nous semble-t-il, à un texte plus équilibré, visant fermement à l'objectif initial de ramener les exclus sur le chemin de l'insertion.
Aujourd'hui, nous ne pouvons que souhaiter qu'un accord intervienne en commission mixte paritaire sur ce texte, afin que ce dernier ne soit pas rétabli purement et simplement dans sa rédaction initiale pour des raisons uniquement idéologiques.
C'est avec cet espoir que le groupe du RPR du Sénat votera ce texte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au terme de cette semaine de débats, nous devons nous prononcer cet après-midi sur le projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions, texte attendu impatiemment tant par les associations et organisations qui travaillent au quotidien pour aider les personnes démunies que par des millions d'hommes et de femmes qui, cachés derrière les statistiques, subissent tous les mécanismes d'exclusion sociale.
Seul un véritable arsenal juridique, ambitieux et transversal, conjuguant concrètement des mesures préventives avec des dispositifs d'urgence, est en mesure de répondre aux besoins pressants et aux attentes fortes exprimées avec vigueur par le mouvement des chômeurs de décembre dernier.
Le texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, même s'il ne prenait pas en compte les mesures telles que la remise à plat de l'indemnisation du chômage ou le niveau des minima sociaux, nous paraissait constituer un réel progrès, et c'est la raison pour laquelle les députés communistes l'ont voté.
Lors de mon intervention dans la discussion générale, portant une appréciation sur votre texte, madame la ministre, je notais avec satisfaction que vous entendiez combattre le mal à la racine tout en refusant de stigmatiser les personnes défavorisées en créant des dispositifs parallèles.
Toutefois, je regrettais que la réalisation des mesures annoncées ne soit pas garantie par des moyens nouveaux et que l'impasse soit faite sur les entreprises et sur leurs responsabilités.
Ma requête, comme celle de mes collègues de l'Assemblée nationale, était très simple : nous attendions que les mesures proposées répondent aux fortes attentes du mouvement social.
Tous nos amendements se sont inscrits dans le souci de combattre la grande pauvreté et d'éradiquer la spirale de l'exclusion en la prévenant. Nous avons participé à ces débats dans l'objectif de rendre le dispositif initial plus efficace.
Apparemment, notre volonté de traiter non pas le pauvre dans l'homme, mais l'homme dans le pauvre est loin d'être partagée par l'ensemble des membres de la Haute Assemblée.
La majorité sénatoriale a cependant été plus réaliste que l'opposition de droite à l'Assemblée nationale. Plus fine, l'attitude de ses membres a ainsi abouti à des modifications importantes.
Tout en revenant sur l'ensemble des avancées votées par l'Assemblée nationale, vous avez fait adopter de réels reculs et vous rendez certains dispositifs inopérants pour lutter contre l'exclusion, chers collègues de la majorité sénatoriale. En témoignent la suppression de quatorze articles, parmi lesquels l'article 2A relatif aux licenciements économiques et au contrôle des plans sociaux, l'article 30 instaurant la taxe sur la vacance, les articles 34 bis et 34 ter , qui donnaient une définition du logement social, les articles 76 et 77, qui prévoyaient de substituer un système de bourses des collèges aux aides à la scolarité.
D'autres amendements sont venus bouleverser sensiblement le texte. Ainsi, vous refusez l'intervention du FAJ, le fonds d'aide aux jeunes, dont les aides profitaient aux jeunes pour les périodes au cours desquelles ces derniers n'ont ni stage ni travail. Vous proposez encore et toujours que les entreprises soient exonérées de cotisations sociales pour l'embauche d'un bénéficiaire de minima sociaux, alors que cette méthode n'a encore jamais fait ses preuves en matière de lutte contre le chômage, donc de création d'emplois.
Une autre mesure qui nous semble aller à l'encontre de l'objectif visé par les auteurs du texte a trait aux nouveaux pouvoirs attribués au maire pour l'octroi du RMI. Au nom de quoi le premier magistrat d'une commune serait-il habilité à juger de l'opportunité de l'octroi du RMI, comme de l'aide médicale ou hospitalière ?
S'agissant du volet logement, vous avez, sans formuler d'opposition de fond, par petits touches, affaibli la portée du texte, jusqu'à rendre ce dernier stérile. Ainsi, vous avez supprimé les dipsositions qui prévoyaient l'harmonisation des règles de fonctionnement des fonds de solidarité pour le logement. Faut-il comprendre que les inégalités qui prévalent en la matière vous satisfont ?
Les articles 31 et 33, portant respectivement sur la réquisition avec attributaire et sur le régime d'attribution de logements sociaux, ont été amendés dans le seul dessein de restreindre la notion de mixité sociale.
En ce qui concerne le surendettement, alors que le volet correspondant du texte instaurait, grâce notamment aux interventions des députés de la majorité, de réelles garanties pour les personnes surendettées, vous avez supprimé la référence au RMI pour la définition du « reste à vivre ». Vous avez vu ici l'exclu dans le créancier, je vous assure pourtant que les plus défavorisés sont bien les débiteurs.
Nous aurions vivement souhaité pouvoir voter le texte ; mais nous pensons que votre démarche aboutit, dans les faits, à renforcer la précarisation.
Nous nous abstiendrons aujourd'hui, en souhaitant que la suite du débat parlementaire permette de rééquilibrer les choses de façon positive. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, lors de la discussion générale, j'ai insisté sur mon humilité devant ce texte. Mon explication de vote sera dans le même esprit.
La France est le seul pays européen à se doter d'une loi globale contre l'exclusion, ce dont nous nous félicitons.
C'est à la suite de l'engagement du Président de la République, M. Jacques Chirac, de faire de la lutte contre l'exclusion une priorité nationale engageant le pays tout entier que le projet de loi d'orientation relatif au renforcement de la cohésion sociale est né au début de l'année 1997.
Rarement, de l'aveu même des associations caritatives entendues, texte n'aura fait l'objet d'une aussi grande concertation et de tant d'avis. Il faut dire que nombre de ces associations oeuvrent depuis bien des années pour aider les personnes en détresse et pour tenter d'alerter l'opinion publique sur les dangers que représentent pour la société tout entière les phénomènes de pauvreté et d'exclusion.
De fait, le thème de l'exclusion, et donc du lien social, est passé au premier plan du débat politique.
Avec le gouvernement de M. Lionel Jospin, un nouveau texte relatif à la lutte contre les exclusions a été élaboré.
Ce second texte, voisin du premier qui avait été déposé par MM. Jacques Barrot et Xavier Emmanuelli, s'inspire également de la philosophie voulue par le Président de la République, qui était de « ne pas créer un droit des exclus » mais de « permettre l'accès de tous aux droits de tous », comme l'avait souhaité Mme Geneviève de Gaulle-Anthonioz.
Les membres du groupe de l'Union centriste se félicitent de voir que, pour l'essentiel, le projet de loi relatif au renforcement de la cohésion sociale a été repris dans le projet de loi du gouvernement actuel, lequel a donc bénéficié de la concertation d'une rare ampleur conduite par le gouvernement de M. Alain Juppé depuis 1995.
Néanmoins, après la première lecture à l'Assemblée nationale, ce texte devait être amendé, et nous nous réjouissons donc de voir que la majorité sénatoriale, dans le souci non seulement d'améliorer le dispositif mais également d'en corriger les imperfections, a procédé à un examen extrêmement minutieux du texte.
Les membres du groupe de l'Union centriste ne peuvent qu'approuver le texte modifié par le Sénat, et ils vous remercient, madame la ministre, d'avoir accepté un certain nombre de leurs amendements.
Ils tiennent également à remercier le rapporteur de la commission saisie au fond, M. Bernard Seillier, le président de la commission des affaires sociales, M. Jean-Pierre Fourcade, les rapporteurs pour avis, ainsi que toutes celles et tous ceux qui ont participé à nos travaux.
Les membres du groupe de l'Union centriste voteront sans état d'âme le projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions, avec l'espoir que le texte qui sortira de la commission mixte paritaire ne soit pas dénaturé et ne remette donc pas en cause tous les efforts réalisés par le Sénat pour le bien de toutes celles et de tous ceux qui souffrent d'être, dans notre pays, appelés « exclus », terme difficile à accepter en 1998 mais qui recouvre pourtant une réalité dont nous avons toutes et tous, ici comme ailleurs, une part de responsabilité dans la mesure où nous n'avons pas toujours le geste d'amour et d'accueil attendu. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au terme de cette discussion, je tiens à dire ma satisfaction de voir bientôt adopter le projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions. Son urgence n'est plus à démontrer. Ses points positifs ont été soulignés par l'ensemble du mouvement caritatif.
La majorité sénatoriale a senti l'importance de l'enjeu et a tenu à soutenir la démarche proposée, contrairement à la position qu'elle avait adoptée lors de l'examen de projets de loi précédents.
Bien entendu, des points de clivage sont apparus, dont l'un concerne le RMI. Le Sénat ayant adopté le principe de conditionner l'octroi du RMI à l'avis du maire, il est évident que je ne puis approuver cette décision.
Il en est de même s'agissant de l'imposition des logements vacants. Après une longue discussion, la majorité sénatoriale a repoussé cette disposition, ce que je regrette. En effet, modérée dans ses implications financières - 10 à 15 % de la valeur locative - et mettant en place un délai suffisant - deux ans - cette mesure constitue, à mes yeux, un outil important pour le droit au logement.
Un certain nombre d'autres amendements votés par notre assemblée ne recueillent bien sûr pas non plus mon accord ; ils ont déjà été signalés par certains de nos collègues, et je n'y reviens donc pas.
En revanche, la solution négociée entre Mme la ministre et M. le président de la commission des affaires sociales sur la prestation spécifique dépendance, concernant tant la date de la réforme de la tarification que le décret instituant un minimum pour la prestation, me paraît être une bonne chose.
Cela dit, nous savons que le problème de la dépendance des personnes âgées ne peut que se poser de façon plus aiguë dans l'avenir et que la loi de 1997, qui fait porter la charge sur les seuls départements, devra être modifiée dans les années qui viennent.
Les sénateurs radicaux de gauche du groupe du RDSE voteront donc ce projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions, en dépit de ces modifications, et rejoindront ainsi les sénateurs du groupe du RDSE appartenant à la majorité sénatoriale.
Notre groupe émettra par conséquent - c'est relativement exceptionnel, et je tiens donc à le souligner - un vote unanime sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions, dont nous venons de terminer l'examen après cinq jours et quatre nuits de labeur, apparaît à plusieurs égards comme la continuation du projet de loi relatif au renforcement de la cohésion sociale qu'avaient déposé Jacques Barrot et Xavier Emmanuelli.
Mais le présent projet de loi a beaucoup plus d'ampleur, nous le reconnaissons. Peut-être en a-t-il même un peu trop ! Nous avons pensé, en effet, que certaines de ses orientations allaient trop loin. Or il ne faut à aucun moment oublier que la lutte contre l'exclusion ne doit ni s'apparenter à de l'assistanat ni tendre à la déresponsabilisation.
Les rapporteurs, nous le savons, partagent cette opinion. C'est la raison pour laquelle les non-inscrits ont suivi, d'une manière générale, les modifications, les recommandations, les amendements proposés par la commission des affaires sociales, saisie au fond, ou par les autres commissions saisies pour avis.
Nous remercions tout particulièrement pour leur travail constructif Bernard Seillier, mais également Paul Girod, Jacques Oudin, Philippe Richert et Gérard Braun. Ce dernier a notamment souligné, après d'autres, qu'à l'origine de très nombreux cas d'exclusion se trouve le chômage. C'est le fléau social qu'il faut combattre sur tous les fronts : le traitement économique du chômage doit demeurer une absolue priorité.
Nous nous félicitons de l'accueil favorable réservé à plusieurs amendements déposés et soutenus par notre collègue Philippe Darniche, notamment à l'article 78 bis, afin d'apporter une définition claire de la lutte contre l'illettrisme dès l'enfance, avec son volet incontournable de la sensibilisation des familles à ce problème.
Par ailleurs, les sénateurs des Français de l'étranger se réjouissent de la prise en compte de nos compatriotes établis hors de France dans le dispositif de lutte contre l'exclusion. Je pense particulièrement à l'article 1er, où nous avons demandé que tous les ministères coopèrent pour aider nos compatriotes en situation difficile dès lors que, rapatriés d'urgence, ils ont dû tout laisser derrière eux et se sont retrouvés souvent totalement démunis à leur arrivée en France. Il s'agissait, vous vous en souvenez, d'un amendement de Mme Cerisier-ben Guiga, qu'elle avait dû retirer à la demande du Gouvernement mais que nous avons repris pour le faire aboutir.
Nous avons également adopté un article additionnel 75 ter aux termes duquel l'Etat garantit à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger les crédits nécessaires à la scolarisation des enfants français dans les établissements conventionnés sur la base d'une parité de dépenses entre les enfants scolarisés en métropole et ceux qui le sont à l'étranger.
Enfin, cet après-midi, dans un article additionnel avant l'article 82, nous avons approuvé une disposition aux termes de laquelle le Gouvernement devra présenter, avant la fin de cette année, un rapport sur la situation des Français de l'étranger en situation d'exclusion.
Le texte issu des travaux du Sénat présente donc des ajouts très utiles et nous espérons vivement, madame la ministre, que la commission mixte paritaire retiendra toutes ces modifications, auxquelles nous tenons particulièrement.
Dans ces conditions, convaincus que ce projet de loi va dans le sens de l'intérêt de nos concitoyens en France - mais également de nos compatriotes vivant au-delà de nos frontières - c'est unanimement que les sénateurs non inscrits le voteront. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Bernard Seillier, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, nous achevons aujourd'hui un long débat, qui a débuté voilà une semaine et au cours duquel nous avons examiné plus de 500 amendements.
Environ 300 amendements ont été adoptés, dont 240 ont été présentés par les différentes commissions.
Je me réjouis particulièrement de la bonne coordination qui a caractérisé les travaux conduits par la commission des affaires sociales, saisie au fond, et les quatre commissions saisies pour avis.
C'était un exercice a priori difficile. Je rappelle que l'Assemblée nationale avait choisi de constituer une commission spéciale ! Mais je crois que nous y sommes parvenus et que chaque commission, dans son domaine de compétences, a pu enrichir le texte et l'améliorer.
Je remercie également l'ensemble des sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, de leur contribution à nos travaux.
Une cinquantaine d'amendements « extérieurs », émanant pour moitié de la majorité sénatoriale - il faut dire que les cinq commissions avaient bien « couvert » le texte - et pour moitié de l'opposition sénatoriale, ont été adoptés.
Enfin, une dizaine d'amendements du Gouvernement ont été votés, sans compter les rectifications qu'il a suggérées sur les différents amendements et qui ont été acceptées par leurs auteurs.
J'ajoute que près des deux tiers des amendements adoptés par le Sénat ont reçu un avis favorable ou de sagesse du Gouvernement. Je tiens, à cet égard, à remercier les membres du Gouvernement qui ont participé à nos travaux de l'esprit d'ouverture qu'ils ont manifesté.
Certes, a contrario, une centaine d'amendements - et parmi eux des amendements importants, auxquels le Sénat est attaché - ont été adoptés contre l'avis du Gouvernement.
Mais ces quelques éléments chiffrés montrent le travail important qui a été réalisé et les nombreux points de convergence qui sont apparus. Ce n'est guère étonnant, sachant que la lutte contre les exclusions est une préoccupation qui nous est commune : j'ai déjà souligné, dans mon intervention générale, qu'il était rare que deux gouvernements successifs, séparés par une alternance, aient choisi de déposer des projets de loi relevant d'une commune inspiration.
Nous ne pouvons que nous réjouir que nos débats se soient déroulés dans un climat de cordialité, un petit peu à l'image - mais à une autre échelle - de ce que nous essayons de réaliser au sein du groupe d'études sur la lutte contre l'exclusion, qui fonctionne maintenant depuis un peu plus de deux ans.
Autant que possible, j'ai souhaité que nous puissions reprendre un ou plusieurs amendements émanant de tous les groupes, car il me semble que chacun apporte sa pierre sur le chemin de la lutte contre la grande pauvreté et l'exclusion sociale.
Je ne reprendrai pas ici tous les apports d'origine diverse qui ont été retenus au cours de nos débats de la semaine dernière et d'aujourd'hui, mais je serai plus précis lorsque nous examinerons à nouveau ce texte.
Je vous propose donc d'adopter le projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions, significativement nourri et enrichi par les amendements adoptés au cours de nos débats.
Si toute loi a une valeur pédagogique, l'attitude du législateur dans son action a aussi une portée pédagogique et symbolique.
S'agissant d'un projet de loi de lutte contre les exclusions, les explications de vote que nous venons d'entendre apportent une confirmation à notre recherche commune de cohésion sociale. J'y suis très sensible, car c'est la meilleure sanction qui puisse être apportée non seulement à nos efforts communs, mais surtout à celui de tous les professionnels, des bénévoles et des plus démunis qui consacrent leur vie à lutter contre l'exclusion sociale et contre la grande pauvreté. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, certains bons esprits ont dit, ou écrit, voilà quelque temps, que le Sénat ne servait à rien. Je dédie le débat que nous venons de mener à ces bons esprits à la plume affûtée.
M. Claude Estier. Ce n'est pas nous qui avons dit cela !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. J'ai parlé de bons esprits ! (Rires.) N'avons-nous pas en mémoire un certain article de M. Attali ?...
M. Ivan Renar. Le songe d'Attali ! (Rires.)
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Le débat qui s'est déroulé depuis une semaine a fait apparaître trois éléments importants.
Tout d'abord, nous n'avons pas, comme l'Assemblée nationale, créé une commission spéciale : nous avons essayé de coordonner le travail de cinq commissions et de six rapporteurs et nous avons, je crois, apporté la démonstration que, par accord entre les rapporteurs et les présidents de cinq commissions, nous avons pu « fouiller » le texte, après avoir consulté les meilleurs spécialistes, sur les différents points qui nous étaient soumis. Nous aurons ainsi, au travers de tous les amendements que nous avons examinés, beaucoup enrichi et amélioré ce texte, malgré, parfois, quelques divergences avec l'Assemblée nationale.
Certes, le recours à la commission spéciale aurait été plus facile, mais il aurait restreint l'ampleur du débat. Nous avons donc apporté la démonstration que le Sénat savait travailler.
Ensuite, nous avons procédé à nombre d'auditions alors que, dans l'autre assemblée, tel n'a pas été le cas. Nous avons tenu à discuter avec tous ceux qui s'intéressent à ces sujets, de Mme Join-Lambert à Mme de Gaulle-Antonioz en passant par la totalité des professionnels concernés par ces problèmes. Ces auditions ont enrichi notre débat, elles nous ont permis de focaliser divers points précis et d'améliorer le texte.
Enfin, nous avons pu avoir, avec les quatre ministres et secrétaires d'Etat qui ont travaillé avec nous, des débats approfondis. Le Gouvernement a d'ailleurs pris de nombreux engagements à notre égard sur un certain nombre de sujets, que nous examinerons au cours des prochaines semaines. Je tiens en tout cas à remercier le Gouvernement de l'esprit très coopératif dont il a fait preuve.
Permettez-moi de remercier également tout particulièrement le rapporteur de la commission des affaires sociales, M. Seillier, ainsi que les cinq rapporteurs pour avis, qui ont tous beaucoup travaillé sur ce texte. Et je n'aurais garde de vous oublier dans ces remerciements, mes chers collègues, vous qui avez consacré de nombreuses heures à l'examen de ce texte.
Je veux remercier aussi le personnel du Sénat et tous les présidents de séance qui se sont succédé au fauteuil de la présidence.
Nous aurons ainsi apporté la preuve, premièrement, que le Sénat est utile, deuxièmement, qu'il sait travailler, troisièmement, qu'il peut parvenir, sur un texte aussi important pour la cohésion de notre société, à un certain nombre de résultats.
Parviendrons-nous, en commission mixte paritaire, à trouver un accord avec l'Assemblée nationale ? Je ne le sais pas encore, mais la réunion aura lieu demain soir. En ce qui nous concerne, en tout cas, nous sommes tout disposés à aboutir. Mon homologue à l'Assemblée nationale, avec qui j'ai pris contact ce matin, est d'ailleurs lui aussi dans le même état d'esprit. Nous essaierons donc de parvenir à un texte commun, si nous le pouvons.
Quoi qu'il en soit, le travail du Sénat n'aura pas été inutile, car le texte final comportera beaucoup des dispositions que nous avons adoptées. Et c'est de cela, mes chers collègues, que je voulais vous remercier. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de rappeler, au nom de mes collègues et en mon nom propre, qu'un travail de qualité a nourri le texte auquel nous parvenons aujourd'hui, et ce avant même que votre Haute Assemblée s'en saisisse, qu'il s'agisse du travail des associations depuis de nombreuses années, de la mobilisation de l'ensemble du Gouvernement depuis un an ou du travail de l'Assemblée nationale, qui avait déjà enrichi le présent projet de loi de plus de 265 amendements.
Le Sénat, dans son ensemble, a poursuivi l'effort dans ce même esprit constructif et je souhaite, au nom du Gouvernement - et particulièrement au nom de mes collègues présents dans cet hémicycle - vous en remercier collectivement.
Le travail a été plus long que prévu - plus de 500 amendements ont été déposés - mais le sujet le justifiait amplement. A cet égard, je remercie également le Sénat de sa disponibilité, puisqu'il a accepté de se saisir de ce texte dans des délais brefs et d'y consacrer beaucoup de temps, notamment de longues nuits.
Je pense particulièrement à ceux qui, comme M. Gérard Larcher, ont été amenés à présider la séance à plusieurs reprises, mais aussi, bien sûr, à l'ensemble des rapporteurs, dont le travail nous a permis de progresser, qu'il s'agisse de M. Seillier, rapporteur au fond, ou de MM. Paul Girod, Jacques Oudin, Gérard Braun, Paul Loridant et Philippe Richert. Je remercie enfin particulièrement le président de la commission des affaires sociales, M. Jean-Pierre Fourcade.
Le dialogue qui s'est instauré entre la majorité et l'opposition sénatoriales, mais aussi entre le Gouvernement et le Sénat, a été de qualité et a permis, comme chacun vient de le souligner, d'utiles rapprochements.
Je pense que personne n'a plus d'inquiétude sur le financement du programme ou sur une démarche qui serait trop centralisatrice, puisque votre assemblée a voté les dispositifs TRACE, la généralisation des PLI et la coordination des dispositifs en matière d'urgence sociale.
Je crois qu'il fallait effectivement que nous évitions d'introduire des enjeux polémiques, car les Français ne nous l'auraient pas pardonné et, personnellement, je me félicite, tout comme nos collègues du Gouvernement, de la tonalité de ce débat.
A l'issue de cette discussion, je serai brève, car beaucoup d'entre vous sont intervenus. Partageant totalement l'analyse des membres de l'opposition sénatoriale qui se sont exprimés avant moi, je ne reviendrai donc pas sur les propos de Mme Derycke, de Mme Dusseau et de M. Fischer.
Vous avez adopté l'ensemble des articles du volet « emploi » consacrés au droit au nouveau départ, au programme TRACE, à la refonte des emplois de solidarité, à la redynamisation du secteur d'insertion par l'activité économique, à l'aide à la création d'entreprises, à l'instauration d'un contrat de qualification adulte et à l'inscription de la lutte contre l'illettrisme dans l'éducation permanente.
Vous avez adopté des amendements très significatifs - et je m'en félicite - visant notamment à l'élargissement des possibilités de cumul des minima sociaux et des revenus d'activités professionnelles, en particulier pour les bénéficiaires de l'allocation veuvage, ainsi que des possibilités de cumul des minima sociaux avec les revenus d'une activité non salariée. Sur tous ces amendements, le vote du Sénat a été unanime.
Vous avez également souhaité inviter les partenaires sociaux à rechercher une harmonisation des mécanismes de cumul entre l'indemnisation du chômage et une situation de travail. Même si, comme je vous l'ai dit, il me semble que cela ne relève pas de la loi, je partage bien évidemment votre intention, comme je l'ai déjà dit à la présidente de l'UNEDIC.
En ce qui concerne le cumul d'un CES avec une deuxième activité professionnelle, je me réjouis que vous ayez accepté de n'ouvrir cette possibilité qu'à partir du quatrième mois afin d'éviter que des personnes capables d'occuper un emploi en entreprise soient orientées à tort vers les contrats emploi-solidarité, même si, comme je l'ai dit, j'aurais souhaité que la durée du cumul soit moins importante.
En ce qui concerne le logement - M. Louis Besson pourrait en parler beaucoup mieux que moi - le Gouvernement se réjouit que vous ne soyez pas revenus sur la plupart des dispositions proposées, notamment sur la procédure de réquisition. Bien au contraire, vos amendements ont apporté des précisions utiles, et il en va de même de la prévention des expulsions.
Parmi les nombreux ajouts positifs que vous avez apportés et qui témoignent d'un réel travail d'analyse de fond sur des sujets parfois très techniques, je mentionnerai, comme l'a fait M. Besson, le dispositif destiné à éviter les ruptures dans les versements des aides au logement pour les personnes logées par des associations percevant l'allocation de logement temporaire.
En matière d'accès aux soins, le débat a permis, je crois, d'apaiser les inquiétudes de la Haute Assemblée sur la détermination du Gouvernement à déposer un projet de loi à l'automne sur la couverture maladie universelle.
Je suis, quant à moi, particulièrement sensible à l'apport que représente l'amendement du groupe socialiste instaurant l'obligation, pour chaque permanence d'accès aux soins de santé, d'être en mesure de répondre aux besoins spécifiques des femmes en situation de précarité. Je crois que M. Kouchner apprécie particulièrement cet amendement, tout comme l'amendement sur les CHAA (Sourires) - les centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie - même s'il n'entre pas dans mon esprit de faire un rapprochement entre les femmes et les CHAA, et encore moins entre les femmes et l'alcoolisme. (Nouveaux sourires.)
Il reste que M. Kouchner et moi-même devrons encore trouver des moyens de financement pour ces centres dans la loi de financement de la sécurité sociale.
En ce qui concerne la prévention du surendettement, vous avez confirmé l'architecture de la réforme envisagée, notamment l'amélioration des garanties offertes aux surendettés à l'occasion de l'examen de leur dossier par la commission de surendettement et l'utilisation du moratoire comme préalable à un éventuel effacement des dettes.
Mme Lebranchu et moi-même avons relevé de nombreux aménagements qui vont dans le sens souhaité par le Gouvernement. En particulier, votre assemblée, dans le prolongement des travaux de l'Assemblée nationale et des préoccupations exprimées par tous, a renforcé les liens entre les procédures de traitement du surendettement et les procédures spécifiques d'octroi de remise et de délai en matière fiscale.
Je me réjouis, enfin, que les explications du Gouvernement sur l'organisation de l'action publique en matière de lutte contre l'illettrisme aient convaincu M. Seillier et l'ensemble du Sénat.
M. Besson vous a fait part de mon intention de confier une mission à une personnalité qualifiée, comme je l'avais annoncé à l'Assemblée nationale. Il s'agira de Mme Marie-Thérèse Geffroy, élue du conseil régional de Rhône-Alpes et, encore pour quelques jours, présidente du comité de coordination des programmes régionaux d'apprentissage et de formation professionnelle continue.
Nicole Pery et moi-même avons demandé à Mme Marie-Thérèse Geffroy de conduire une évaluation permettant de répondre à trois interrogations majeures, afin de donner toute sa dimension à la lutte contre l'illettrisme dans laquelle nous nous engageons - je suis heureuse de l'annoncer au Sénat puisque cette information n'a pas encore été rendue publique.
Nous avons donc défini trois objectifs : conduire une analyse plus poussée des caractéristiques des personnes concernées par l'illettrisme et de leurs besoins pour pouvoir construire et adapter notre politique en la matière : recenser les outils pédagogiques qui ont fait leurs preuves pour mieux les diffuser et les lieux où ces méthodes sont utilisées ; repenser le rôle des différents acteurs intervenant dans la lutte contre l'illettrisme sur les plans tant local que national et donner aux structures d'animation et de coordination toute la légitimité dont elles ont besoin pour assurer leur fonction.
Ces nombreuses avancées ne peuvent toutefois masquer l'adoption d'un certain nombre d'amendements qui peuvent apparaître comme étant sans cohérence avec le texte, voire, pour certains, comme étant inacceptables, en tout cas par le Gouvernement et par les membres de l'opposition sénatoriale qui se sont exprimés avant moi.
Sans entrer dans le détail, je souhaite revenir après Mme Derycke et M. Fischer, sur la suppression de la possibilité de soutien par le fonds d'aide aux jeunes du programme TRACE.
Je regrette aussi l'autorisation de cumul partiel du RMI et d'un contrat initiative-emploi à mi-temps dans le cadre d'un contrat d'insertion associant l'entreprise.
Je déplore, par ailleurs, l'adoption d'un amendement qui crée un nouveau dispositif consistant à exonérer pendant cinq ans de charges patronales de sécurité sociale l'embauche d'un titulaire de minimum social depuis deux ans. Comme l'a dit Mme Derycke, il y a là un effet d'aubaine dans une période où la croissance redémarre.
Afin de laisser la place au débat, le Gouvernement n'a pas invoqué l'article 40 à l'encontre de ces amendements. Il était en effet préférable d'avoir ce débat jusqu'au bout.
Le Gouvernement ne peut pas non plus accepter la suppression de certaines dispositions essentielles du volet logement - Mmes Dusseau et Derycke ainsi queM. Fischer en ont parlé.
Je pense notamment à la suppression de la taxe sur la vacance. Il n'est pas admissible qu'une part importante du parc immobilier reste inutilisée lorsqu'il existe une très forte demande de logement dans une agglomération. Or, les dispositions existantes montrent, mesdames, messieurs les sénateurs, que les incitations ne suffisent pas.
De même, certaines mesures tendant à revenir sur la loi d'orientation pour la ville ne nous paraissent pas acceptables.
S'agissant des dispositions sur l'intercommunalité, le texte qui a été soumis au Sénat nous paraît largement vidé de sa substance.
De la même manière, nous ne pouvons pas accepter la mention sur les listes électorales du nom de l'organisme de domiciliation des SDF, qui se trouvent ainsi stigmatisés, la suppression du comité départemental de coordination des politiques de prévention et de lutte contre l'exclusion, dont la création avait été votée à l'unanimité a l'Assemblée nationale, et l'avis préalable du maire sur l'opportunité de l'octroi du revenu minimum d'insertion, qui est extrêmement grave et contraire à l'esprit même du texte de loi.
Sur tous ces points, sur lesquels de nombreux orateurs sont inervenus avant moi, le débat doit continuer à avancer, étant entendu, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, que notre état d'esprit est toujours celui auquel vous nous avez conviés dès le départ, à savoir rapprocher les points de vue, jusqu'à présent entre le Gouvernement et le Parlement, maintenant entre l'Assemblée nationale et le Sénat.
Sur un certain nombre de sujets importants, je l'ai dit, c'est désormais chose faite grâce au dialogue qui a eu lieu. L'approfondissement de très nombreux sujets a permis d'améliorer le texte de manière très significative, ce dont nous nous réjouissons.
Je relève d'ailleurs que le Gouvernement a donné son accord aux deux tiers des amendements qui ont finalement été adoptés. C'est la preuve que le travail de la commission mais aussi de l'ensemble des groupes a été de qualité.
J'appelle l'attention du Sénat sur le fait que certaines préventions que manifeste le Gouvernement doivent conduire à encore travailler d'abord au sein de la commission mixte paritaire, puis en nouvelle lecture si elle ne parvient pas à trouver les solutions.
Ces solutions doivent être non pas des compromis, mais des améliorations du texte, car, finalement, c'est dans cet esprit que nous avons travaillé depuis le début et j'aimerais qu'il en aille encore ainsi.
Je terminerai en répétant ce que j'avais dit en introduction au débat ici même. Ce texte n'est pas un texte partisan. Ce n'est pas le texte d'une partie de notre pays contre une autre. Ce doit être le texte de toute la nation et, je l'espère, de l'ensemble du monde politique, pour combattre un fléau, l'exclusion, qui est notre défaite collective.
J'espère que nous pourrons continuer, comme le Sénat l'a fait - je l'en remercie encore très vivement - à améliorer ce texte, avec la modestie qui sied, afin que les mesures soient mises en oeuvre très rapidement sur le terrain.
En effet, nombre de Françaises et de Français attendent aujourd'hui des réponses ; ils sentent que la croissance est là, ils sentent que la France va mieux, mais eux n'en sentent pas encore les retombées positives.
La loi contre les exclusions est sans doute l'une des réponses majeures que nous pouvons leur apporter, alors que notre pays commence effectivement à entrer dans un cycle de croissance. Nous n'avons donc pas de temps à perdre pour nous mettre d'accord et je l'espère, améliorer encore le texte.
Je remercie tous ceux qui ont participé à ces travaux. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 108:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 297
Majorité absolue des suffrages 149
Pour l'adoption 295
Contre 2

7