Séance du 8 juillet 1998







M. le président. « Art. 78 bis . - La lutte contre l'illettrisme constitue une priorité nationale. Cette priorité est prise en compte par le service public de l'éducation ainsi que par les personnes publiques et privées qui assurent une mission de formation ou d'action sociale. Tous les services publics contribuent de manière coordonnée à la lutte contre l'illettrisme dans leurs domaines d'action respectifs. » Par amendement n° 72, MM. Darniche, Durand-Chastel, Foy, Habert et Maman proposent d'insérer, après la première phrase de cet article, une phrase ainsi rédigée :
« Elle comprend, dès l'enfance, la détection et la prévention des troubles spécifiques du langage écrit et oral, ainsi que la sensibilisation des familles à ces difficultés. »
La parole est à M. Maman.
M. André Maman. Le Sénat avait précisé, en première lecture, que la « lutte contre l'illettrisme comprend la prévention, dès l'enfance, la détection et la lutte contre la dyslexie et la dysphasie et la sensibilisation des familles ». C'était une mesure importante pour une plus grande clarté dans la définition de la lutte contre l'illettrisme.
Nous regrettons que la commission mixte paritaire n'ait pas maintenu cette disposition. C'est la raison pour laquelle l'amendement que nous vous proposons à l'article 78 bis a pour objet d'ériger la lutte contre l'illettrisme en une véritable priorité nationale, exercée de manière coordonnée par l'ensemble des intervenants. Par rapport au projet de loi initial, le présent amendement tend à définir de manière précise les trois axes principaux - et incontournables - qui constituent les piliers d'une lutte efficace et en profondeur contre l'illettrisme en France.
L'illettrisme a souvent pour origine les troubles spécifiques - et souvent durables - du langage écrit et oral chez l'enfant, non détectés ou mal rééduqués. Les conséquences de ces troubles du langage écrit et oral sont accentuées lorsqu'ils atteignent des enfants issus de milieux défavorisés. Une prévention accrue de l'illettrisme passe donc également par une prise en compte précoce des troubles spécifiques d'apprentissage du langage écrit et oral.
Ce projet de loi doit par ailleurs pouvoir affirmer que la prévention dès l'enfance, par l'intermédiaire du service public de l'éducation et de la formation, ainsi que la sensibilisation des familles à ces difficultés constituent le point fort de cette « bataille nationale » en ce qu'ils interviennent en « amont » - et donc en phase préventive - de ce terrible fléau social.
MM. Gérard Braun et Jacques Machet. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Comme M. Maman vient de le rappeler, nous avions adopté en première lecture des dispositions similaires. Cette nouvelle rédaction étant encore améliorée, puisqu'elle n'a pas le caractère trop « médicalisé » qui avait pu contrarier certains, la commission s'est déclarée tout à fait favorable à cet amendement.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Devant cet enthousiasme, je suis désolée de dire que le Gouvernement reste défavorable à cette disposition. L'illettrisme va, en effet, au-delà de la détection et de la prévention des troubles spécifiques du langage. Il serait donc dangereux de réduire le sujet à cette simple expression.
Le problème est vaste, et les débats ont été extrêmement longs, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Nous rappelons d'ailleurs que Martine Aubry et Nicole Péry ont confié à Marie-Thérèse Geoffroy une mission spécifique pour analyser les causes et les effets de l'illettrisme et pour mieux définir l'action publique contre ce qui constitue un handicap très lourd, très dur à porter pour ceux de nos concitoyens qui en souffrent. Nous avons dit à plusieurs reprises que cette référence était, en fait, restrictive. C'est pourquoi nous aurions souhaité que cet amendement soit retiré.
M. le président. Monsieur Maman, l'amendement est-il maintenu ?
M. André Maman. J'ai bien entendu Mme la secrétaire d'Etat, mais il faut bien quand même commencer quelque part ! Si on nous rétorque toujours que le problème est beaucoup plus large, que nous n'avons rien compris, que c'est énorme, que nous ne sommes pas des spécialistes, alors on n'en sort jamais !
Donc, ce que nous avons voulu faire, c'est marquer le coup d'envoi, quitte à élargir progressivement le dispositif au fil des recherches des spécialistes et au rythme des colloques que nous allons organiser. Mais on ne peut pas dire à chaque fois que le problème est si vaste qu'il vaut mieux ne pas s'y attaquer dès maintenant.
M. Jean Delaneau. C'est un prétexte pour ne rien faire !
M. André Maman. Donc, monsieur le président, je maintiens mon amendement.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 72.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Je voterai cet amendement.
J'avoue que je ne comprends pas très bien les arguments de Mme la secrétaire d'Etat. Certes, la lutte contre l'illettrisme ne se résume pas uniquement - et d'ailleurs le texte ne le prévoit pas - à la détection et à la prévention dès l'enfance des troubles spécifiques. Ce n'est qu'une composante, mais, au moins, on met l'accent sur le principe : il faut prévenir dès l'enfance les troubles qui peuvent se traduire ensuite par des situations d'illettrisme.
Il ne ressort d'ailleurs pas de l'amendement que la lutte contre l'illettrisme n'est que la lutte « dès l'enfance par la détection et la prévention des troubles spécifiques ».
J'ai bien écouté Mme la secrétaire d'Etat et je ne comprends pas que l'on puisse émettre un avis défavorable sur un texte qui n'est pas réducteur. Au contraire, il attire l'attention sur un problème plus particulier que nous connaissons tous.
M. Jean Delaneau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delaneau.
M. Jean Delaneau. Je voudrais soutenir la position de notre collègue M. Maman. Nous avons en effet l'exemple d'une argumentation qui consiste à dire que, devant la complexité du problème, il faut attendre et, finalement, on ne fait rien.
Je voudrais rappeler dans cet hémicycle que, lorsque j'étais rapporteur pour avis de ce qu'on appelle la loi Evin, j'avais obtenu de faire adopter par la commission la réduction du taux légal d'alcoolémie de 0,80 gramme p. 1 000 à 0,50 gramme p. 1 000.
Le ministre m'avait répondu que cette réduction était totalement inutile dans la mesure où l'on n'arrivait déjà pas à faire respecter le taux de 0,80 gramme p. 1 000.
Au groupe socialiste, M. Guy Penne, en particulier, qui n'est pas là ce soir - parce qu'il était favorable au taux zéro, n'a pas voté une mesure qui ne visait qu'à réduire le taux à 0,50 gramme p. 1 000. Finalement, la réduction n'a pas été adoptée.
Pourtant, un an après, le taux d'alcoolémie était bien ramené à 0,50 gramme p. 1 000, ce qui prouvait bien qu'une telle réduction était quand même nécessaire ! Pendant ce temps, on a déploré des morts inutiles sur les routes !
Dans la situation présente, pour sauver des enfants de l'illettrisme, il faut faire ce pas que nous demande notre collègue M. Maman en votant cet amendement.
M. Paul Girod. Très bien !
M. Jacques Machet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Je m'associe aux propos qui viennent d'être tenus.
Depuis longtemps, je soutiens toutes les actions qui peuvent être entreprises pour lutter contre l'illettrisme. Je rermercie donc notre collègue M. Maman et je voterai son amendement des deux mains !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Il me semble que l'amendement n° 72 apporte une précision et donne un axe de travail. Par conséquent, la commission y est favorable.
Je regrette que l'avis du Gouvernement soit négatif, car cet amendement indique une méthode de travail pour attaquer l'illettrisme.
Toutefois, il ne faudrait pas oublier, mes chers collègues, que la principale cause de l'illettrisme réside non pas dans l'état sanitaire des enfants ou dans l'absence de surveillance des parents, mais dans l'utilisation de méthodes pédagogiques inadaptées. Si le Gouvernement décide de mettre dans le texte de la loi que la lutte contre l'illettrisme est une priorité nationale, il faut aussi dire que cette lutte a un aspect sanitaire et un aspect éducatif. Il ne faudrait pas l'oublier !
MM. Jacques Machet et Paul Girod. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 72, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 78 bis, ainsi modifié.

(L'article 78 bis est adopté.)

Article 79 B

M. le président. L'article 79 B a été supprimé par l'Assemblée nationale.

Article 79