Séance du 16 novembre 1998







M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 46 est présenté par MM. Descours et Machet, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 50 est déposé par M. Lorrain et les membres du groupe de l'Union centriste.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 13, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article L. 521-3 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Chacun des enfants à charge, à l'exception du plus âgé, ouvre droit à partir de l'âge de dix ans et de quinze ans à une majoration des allocations familiales. »
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 46. M. Charles Descours, rapporteur. En application de l'article L. 521-3 du code de la sécurité sociale, les allocations familiales sont majorées de 191 francs par mois au titre des enfants âgés entre dix et quinze ans, et de 339 francs pour les enfants à compter de quinze ans et jusqu'à la fin du droit.
Le Gouvernement a annoncé, lors de la conférence de la famille du 12 juin 1998, que ces majorations pour âge seraient reportées de dix à onze ans et de quinze à seize ans pour les enfants atteignant leur dixième et leur quinzième anniversaires après le 1er janvier 1999.
Comme l'a montré M. Jacques Machet, notre excellent rapporteur pour la famille, lors de la discussion générale, cette mesure très critiquable concernera un nombre important de familles.
La seule finalité de cette mesure semble financière : le recul de l'âge des majorations permettra d'économiser 870 millions de francs en 1999 et 1,8 milliard de francs en année pleine, à partir de 2000.
La commission des affaires sociales vous propose en conséquence, mes chers collègues, de vous opposer à cette mesure défavorable, qui ne répond à aucune raison de fond et n'apparaît pas justifiée au moment où la branche famille est précisément excédentaire de 4 milliards de francs.
Nous ne comprenons pas - pas plus, je pense, que les auteurs de l'amendement précédent, dont le coût était de 14 milliards de francs ; le coût du nôtre est de 870 millions de francs, c'est plus modeste - nous ne comprenons pas, dis-je, qu'avec une branche famille excédentaire de près de 4 milliards de francs on présente une mesure tendant à économiser 870 millions de francs en 1999 et 1,8 milliard de francs en année pleine.
La commission propose donc un amendement inscrivant dans le code de la sécurité sociale que les majorations pour âge sont versées à partir de l'âge de dix ans et de quinze ans. Un telle disposition empêchera le Gouvernement de reporter d'un an ces majorations. Elle ne se traduira par aucune dépense nouvelle pour la branche famille, puisqu'elle ne fait que confirmer le droit existant.
Notre proposition n'a rien d'exorbitant. Il s'agit de maintenir l'ouverture des droits à une majoration des allocations familiales à partir de dix ans et de quinze ans et de ne pas la reporter à onze ans et à seize ans ; cela serait très mal perçu par les familles et, je le crois, à très juste raison.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, pour défendre l'amendement n° 50.
M. Jean-Louis Lorrain. M. le rapporteur ayant présenté un amendement identique au nom de la commission, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 50 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 46 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 46.
M. Gilbert Chabroux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. L'amendement n° 46 vise à fixer à dix ans au lieu de onze ans, et à quinze ans au lieu de seize ans, l'âge ouvrant droit à une majoration des allocations familiales.
L'argument développé par M. Descours est purement financier : la branche famille dégage un excédent, il faut l'utiliser ainsi qu'il nous le propose.
Il faut d'abord se réjouir de cet excédent après les années difficiles que nous avons traversées. Certains ici ont déjà oublié que, depuis 1994, les déficits n'ont cessé de se creuser, alors que, avant, la branche famille avait, pendant longtemps et traditionnellement, été excédentaire. Il faut rappeler que ces déficits sont dus, pour une large part, aux dépenses générées par la loi relative à la famille du 25 juillet 1994, dépenses qui n'avaient pas été entièrement financées. Il faut donc se réjouir de cette évolution positive.
En 1998, nous avons pratiquement atteint l'équilibre, et pour 1999 le résultat devrait être excédentaire.
Le Gouvernement propose des mesures qui vont dans le bon sens et qui correspondent au cycle de développement de l'enfant et de l'adolescent, en particulier au déroulement de la scolarité. L'âge de onze ans, et non de dix ans, correspond à la fin du cycle scolaire à l'école primaire et à l'entrée au collège, qui génère des besoins nouveaux. L'âge de seize ans, et non de quinze ans, correspond à la fin du cycle des études au collège et à l'entrée au lycée, qui génère également des besoins nouveaux.
Il ne faut pas oublier par ailleurs que l'âge limite d'ouverture du droit aux prestations familiales passe de dix-neuf à vingt ans pour les jeunes encore à la charge de leur famille.
Cette mesure répond à des besoins réels. Cette nouvelle avancée, après celle de l'année dernière, concernera 600 000 familles supplémentaires.
N'oublions pas également - Mme la ministre l'a rappelé - l'extension de l'allocation de rentrée scolaire à toutes les familles ayant un enfant qui remplissent les conditions de ressources. Cette mesure va dans le sens d'une plus grande justice et profitera à 350 000 familles supplémentaires.
Pour toutes ces raisons, les sénateurs socialistes ne pourront pas voter l'amendement n° 46.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Monsieur Chabroux, si la branche famille est en excédent, c'est parce que, l'année dernière, le Gouvernement a décidé la mise sous conditions de ressources des allocations familiales, ce qui a généré une économie de 3,8 milliards de francs !
Par ailleurs, avec l'amendement n° 46, nous ne demandons pas la reconnaissance d'un droit nouveau, nous réclamons le maintien des droits actuels.
Si notre amendement n'est pas adopté, je le dis très solennellement non seulement au Gouvernement et à sa majorité, mais aussi aux associations familiales, cette loi de financement de la sécurité sociale instaurera un recul de la politique familiale.
M. Jacques Machet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Je m'associe aux propos que vient de tenir M. Descours et je voterai des deux mains cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 46, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 13.
Par amendement n° 79, Mme Borvo, MM. Fischer, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 13, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le second alinéa de l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Ces bases mensuelles de calcul évoluent en fonction de la progression générale des salaires moyens ou du salaire minimum interprofessionnel de croissance. »
« II. - Le taux de la cotisation prévue à l'article L. 136-6 du code général des impôts est relevé à due concurrence. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Notre amendement vise à modifier la référence pour l'évolution des bases mensuelles de calcul des prestations familiales.
Actuellement, l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale fait de l'augmentation des prix hors tabac le critère essentiel de la revalorisation de ces bases mensuelles. Quant à nous, nous proposons qu'un autre critère, celui de l'évolution du salaire horaire, soit retenu.
De nombreuses études témoignent de l'écart important existant entre le coût réel de l'enfant et le montant des allocations. La comparaison entre le pouvoir d'achat ouvert par la perception des allocations familiales et celui du SMIC témoigne bien d'un tassement au détriment des prestations familiales.
Pour 1999, madame la ministre, vous avez annoncé une revalorisation de 0,7 %. C'est loin d'être suffisant pour répondre aux attentes et aux priorités des familles.
Je suis quelque peu surpris de l'attitude de notre commission des affaires sociales qui, par la voix de son rapporteur, reproche au Gouvernement « cette revalorisation modeste ». Toutefois, messieurs les élus de la majorité sénatoriale, vous oubliez un peu vite que, lorsque vous étiez aux commandes, rien de substantiel n'a été entrepris pour améliorer le niveau des prestations familiales. Bien au contraire !
En janvier 1996, par exemple, n'est-ce pas un gouvernement de droite qui a mis sous conditions de ressources l'allocation pour jeune enfant ?
Cette même année, aucune revalorisation des prestations ou des plafonds de ressources n'avait été consentie.
Vous aviez même intégré dans l'assiette de la CRDS les aides personnalisées au logement !
La liste des mesures conduisant à la rationalisation des bases de ressources et, de fait, à la stagnation du montant des prestations servies est longue, mais je m'en tiendrai là.
Messieurs de la majorité sénatoriale, vous opposez les familles aux retraités, qui, cette année, bénéficieront d'un « petit coup de pouce » qui leur permettra de préserver en partie leur pouvoir d'achat. Mais les retraités ne sont en rien des privilégiés et la droite n'a pas le monopole de la famille !
Au lieu de s'opposer, le groupe communiste républicain et citoyen a fait le choix de proposer, d'associer les familles aux progrès de l'économie en indexant les bases mensuelles sur l'évolution des salaires, c'est là une condition de progression de la plupart des prestations familiales et un gage de progression du pouvoir d'achat des ménages, donc de croissance.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de bien vouloir adopter notre amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. A l'argument selon lequel la droite ne fait rien pour la famille, je rappelle que nous avons voté, en 1994, une loi sur la famille...
M. Jacques Machet. C'est vrai !
M. Charles Descours, rapporteur. ... qui nous a longtemps été reprochée parce qu'elle était trop favorable et...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... pas assez financée !
M. Charles Descours, rapporteur. ... pas assez financée, comme vous venez de le dire, madame le ministre.
Je le répète : certains estimaient que cette loi était trop favorable à la famille !
M. Jean Chérioux. A cause de son efficacité !
M. Charles Descours, rapporteur. Pour ce qui est de la question de la base de calcul des allocations familiales, je considère qu'il s'agit d'un problème d'interprétation d'une loi et je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je veux d'abord rappeler que la loi de 1994 s'applique jusqu'au 31 décembre 1999 et qu'elle vise à revaloriser la base mensuelle de calcul des allocations familiales conformément à l'évolution des prix, hors tabac, de l'année en cours.
Comme M. Fischer l'a rappelé, en 1994 et en 1995 le Gouvernement a omis d'appliquer la loi.
Dans le premier cas, il n'a pas procédé à l'augmentation prévue. (Mme Marie-Claude Beaudeau approuve.)
Dans le second cas, il a insuffisamment augmenté la base de calcul, ce qui nous a contraints, l'année dernière, à rattraper le retard.
Pour un Gouvernement qui aurait défendu la famille autant que vous le dites, n'avoir même pas appliqué la loi ne me paraît pas très positif !
Cette loi de 1994, nous l'avons appliquée de manière rétroactive l'année dernière pour ne pas léser les familles, et cela a coûté quelque 150 millions de francs à la sécurité sociale !
Cette année, en application de cette loi, nous prévoyons une revalorisation de 0,71 %, qui maintient le pouvoir d'achat lié aux prestations familiales.
Par ailleurs, puisque cette loi est applicable jusqu'en 1999, nous comptons retravailler sur le mode de revalorisation des prestations familiales avec les associations familiales et les partenaires sociaux.
Je préférerais donc, puisque le sujet n'est pas encore d'actualité, que M. Fischer retire son amendement.
M. le président. Quel est désormais l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. J'aimerais savoir si M. Fischer retire son amendement.
M. le président. Monsieur Fischer, l'amendement n° 79 est-il maintenu ?
M. Guy Fischer. Je le retire.
Plus nous approchons de la suspension de séance, plus je deviens consentant ! (Sourires.)
Il fallait poser le problème et Mme la ministre a répondu. C'est cela le débat parlementaire : poser les problèmes, échanger les points de vue. Et puis, l'action fait le reste.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 79 est retiré.
Par amendement n° 84, M. Nogrix propose d'insérer, après l'article 13, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le versement des allocations familiales est conditionné par le respect d'un contrat entre les prestataires et leur caisse d'allocations familiales. Ce contrat porte sur le rôle éducatif des parents par rapport aux jeunes enfants mineurs. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
M. Guy Fischer. Il vaut mieux !

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