Séance du 19 novembre 1998







M. le président. La parole est à M. Richert, auteur de la question n° 325, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Philippe Richert. Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur la mise en oeuvre de l'accord de Karlsruhe, signé le 23 janvier 1996 par la France, l'Allemagne, la Suisse et le Luxembourg, dont l'objectif est de favoriser et de faciliter la coopération décentralisée entre les collectivités des régions transfrontalières des pays signataires.
La coopération transfrontalière, grâce notamment au programme communautaire d'aide au développement interrégional, INTERREG, a en effet atteint un niveau de développement que seule l'application de cet accord et les nouvelles structures de coopération qu'il propose sont en mesure de faire progresser davantage.
Or, en dépit de son approbation par la loi du 5 février 1997 et de son entrée en vigueur le 1er septembre 1997, après achèvement des procédures internes propres à chaque partie, cet accord demeure pour l'instant inapliqué.
Le décret d'application, paru le 22 août au Journal officiel, ne précise en effet en aucune manière ses modalités de mise en oeuvre, notamment en ce qui concerne le régime juridique des groupements locaux de coopération transfrontalière.
En raison de ce vide juridique, les collectivités territoriales se voient contraintes d'imaginer des structures expérimentales et de solliciter les services de l'Etat pour obtenir l'aval de ce dernier et conférer une existence légale aux groupements qu'elles envisagent de créer. La mise en oeuvre de nombreux projets s'en trouve, de fait, différée.
Je souhaite que soient élaborés au plus tôt les textes d'application de cet accord, et adressée aux collectivités une information complète sur les différents aspects techniques et juridiques du dispositif mis en place, voire un cadre juridique précis, dans lequel des initiatives pourraient être prises, en toute connaissance de cause, par les collectivités.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, je vais vous apporter la réponse qu'aurait dû vous faire M. Jean-Jack Queyranne, ministre de l'intérieur par intérim. Elle comporte tout d'abord le rappel juridique de procédures applicables ; en conclusion, elle vous fournira un exemple concret prouvant que l'ensemble du dispositif peut de fonctionner, malgré l'aridité juridique que vous avez relevée.
Les traités ayant, aux termes de l'article 55 de la Constitution, « une autorité supérieure à celle des lois », ils s'imposent en droit français, où ils sont directement applicables dès leur entrée en vigueur, sans qu'une loi de transposition soit nécessaire si leurs dispositions sont suffisamment précises et complètes. Dans le cas contraire, une loi ou un décret d'application doit être pris.
Au cas particulier du traité de Karlsruhe, notamment de la création de groupements locaux de coopération transfrontalière, aucun texte d'application n'est un préalable à la mise en oeuvre du traité. Des projets de convention visant à la création de groupements locaux de coopération transfrontalière peuvent donc être envisagés dans le respect des clauses du traité, lequel fixe un certain nombre de principes, mais renvoie aux dispositions du droit national de chaque cocontractant sur certains points et au droit de l'un des Etats sur d'autres.
Le traité prévoit ainsi, en son article 4, que chaque collectivité qui conclut une convention doit respecter, préalablement à son engagement, les procédures et les contrôles résultant du droit interne qui lui est applicable et que les actes que prend chaque collectivité pour mettre en oeuvre la convention de coopération sont soumis aux procédures et aux contrôles prévus par le droit interne qui lui est applicable.
Par conséquent, les délibérations des collectivités territoriales françaises qui souhaitent participer à la création d'un groupement local de coopération transfrontalière sont donc soumises, par le traité lui-même, au contrôle de légalité de droit commun et il appartient au représentant de l'Etat de vérifier notamment si l'objet de la convention et les missions du futur groupement correspondent bien aux compétences effectivement exercées par la collectivité concernée, compte tenu des compétences qui sont institutionnellement les siennes depuis les lois de décentralisation, mais aussi de celles qu'elle a pu déléguer à un établissement public de coopération intercommunale ou à un syndicat mixte.
Selon l'article 3 du traité, en effet, les groupements locaux de coopération transfrontalière ne peuvent être créés que pour l'exercice de compétences communes aux collectivités qui s'associent et, selon son article 4, une convention de coopération ne peut avoir pour effet de modifier le statut ni les compétences de ces collectivités.
La création d'un groupement local de coopération transfrontalière est par ailleurs subordonnée, lorsque ce groupement a son siège sur le territoire français, à un arrêté préfectoral, conformément aux dispositions du code général des collectivités territoriales auquel renvoie l'article 11 du traité.
Cet arrêté ne peut être pris sans vérification préalable de la conformité des statuts aux articles 8 et 11 à 15 du traité ainsi qu'aux dispositions du code général des collectivités territoriales qui complètent ces articles.
Lorsque le groupement local a son siège en territoire étranger et est de ce fait régi, de manière combinée, par le traité et par un droit étranger, la collectivité doit être autorisée à participer au groupement par un décret en Conseil d'Etat, conformément à l'article 4 précité du traité et au premier alinéa de l'article L. 1112-4 du code général des collectivités territoriales.
Indépendamment des contrôles et autorisations explicitement prévus par le traité de Karlsruhe, applicables dans tous les Etats concernés selon le droit propre à chacun, les services de l'Etat sont évidemment à la disposition des collectivités territoriales pour les aider à résoudre les questions, parfois complexes, que la rédaction de statuts mettant en oeuvre de manière combinée les clauses d'un traité et le droit national suscitée.
C'est, notamment, grâce aux échanges de qualité qui ont eu lieu entre les collectivités concernées et les services préfectoraux que le premier groupement local de coopération transfrontalière a pu être créé dans le Haut-Rhin par un arrêté préfectoral du 22 octobre 1998, soit un an après l'entrée en vigueur du traité de Karlsruhe.
Tel est, monsieur le sénateur, le droit applicable. Il appelle effectivement des opérations administratives en apparence complexes, mais ce dispositif permet néanmoins d'obtenir des résultats concrets, ainsi que l'exemple du Haut-Rhin en témoigne. J'espère que, dans nos régions frontalières, nous pourrons mettre à profit les dispositions du traité de Karlsruhe.
M. Philippe Richert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis satisfait de vos propos, encore qu'un exemple qui montre que l'on arrive à ses fins lorsqu'on y met beaucoup d'énergie ne soit pas de nature à démontrer que la procédure engagée par l'Etat pour être aux côtés des collectivités facilite beaucoup la tâche de ces dernières.
Nous savons combien il est difficile de mettre en place des structures de coopération, notamment en interne dans nos régions. Cela est évidemment encore beaucoup plus complexe lorsqu'il faut travailler avec des partenaires étrangers, lorsqu'il s'agit d'une région transfrontalière et lorsqu'on a à mettre en harmonie un traité avec le droit interne.
Quand nous sommes en interne dans nos régions, nous avons des modèles qui permettent très facilement de mettre en place une structure juridique ou administrative pour concrétiser ce partenariat entre les collectivités locales, pour créer des structures de coopération intercommunale. Je me demande s'il ne serait pas possible de prévoir, en matière de coopération transfrontalière, des modèles permettant, là aussi, de faciliter la mise en place et l'application de ces nouvelles procédures.
Nous devons non seulement donner la possibilité de coopérer, mais également faciliter la coopération. Cela ne doit pas être une possibilité qui, de temps en temps, s'applique. Celadoit être le cas général, chaque fois que l'intérêt l'exige. En effet, on peut imaginer - et je connais des cas très précis - que, pour des questions d'adduction d'eau ou de forage, il soit nécessaire de passer au-delà des frontières.
Il est dommage de laisser aux collectivités la charge d'accomplir toutes ces démarches administratives compliquées et de ne pas les accompagner, dès le début, de façon plus stricte et par une lisibilité plus simple des différents textes que nous leur soumettons et que nous leur demandons d'appliquer.

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