Séance du 24 novembre 1998







M. le président. Par amendement n° I-49, MM. Belot, Branger, Doublet, Michel Mercier, Badré, Raffarin, Hoeffel, Barnier, Arnaud, Baudot, Ostermann, Lesbros, Adnot, du Luart, Hérisson, Demilly, Oudin, Faure, Gouteyron, Borotra, Clouet et Paul Girod proposent d'insérer, après l'article 41 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le second alinéa de l'article L. 1615-2 du code général des collectivités locales est modifié comme suit :
« A. - Après les mots : "établissements publics de coopération intercommunale" sont ajoutés les mots : "et les syndicats mixtes exclusivement composés de membres éligibles au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée".
« B. - Les mots : "en lieu et place des communes membres propriétaires" sont remplacés par les mots : "en lieu et place de leurs membres propriétaires".
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'élargissement des critères d'éligibilité au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée sont compensées, à due concurrence, par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code géénral des impôts. »
La parole est à M. Belot.
M. Claude Belot. Il s'agit de régler une situation qui n'est pas acceptable.
Nous développons aujourd'hui de plus en plus de projets dans le cadre de l'intercommunalité ; des syndicats mixtes se créent avec des communes, avec des communautés de communes et j'observe, pour être l'un des représentants du Sénat dans les travaux de la conférence nationale d'aménagement du territoire, qu'il est prévu que le syndicat mixte soit l'organisme gestionnaire de la coordination entre tous les partenaires du territoire. Or nous constatons que, dès lors que le syndicat mixte est maître d'oeuvrage sur une propriété communale, il ne peut être éligible au FCTVA, ce qui bloque beaucoup de dossiers.
Vous avez objecté à nos collègues de l'Assemblée nationale - et votre réponse est parue au Journal officiel du 18 octobre - que cela n'était pas possible, car ces syndicats mixtes comportaient des organismes qui n'étaient pas eux-mêmes éligibles au FCTVA. C'est une observation tout à fait recevable ! Certains syndicats mixtes comprennent ainsi des compagnies consulaires diverses, ou d'autres organismes. En revanche, certains autres syndicats mixtes ne regroupent que des collectivités éligibles au FCTVA !
Nous vous proposons donc que le statut juridique de l'établissement porteur du projet ne détermine pas son éligibilité au FCTVA à partir du moment où toutes les collectivités qui le composent sont elles-mêmes éligibles.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà un bon amendement, qui tend à mettre fin à une incohérence : avis favorable !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. L'amendement présenté par M. Belot ne présente pas les inconvénients des dispositions qui ont été discutées antérieurement, car il est circonscrit aux syndicats mixtes composés uniquement de membres éligibles au FCTVA.
Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-49.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Je veux attirer l'attention de mes collègues sur l'intérêt de cet amendement, qui est un amendement totalement écologique. Il s'applique en effet, pas uniquement mais largement, aux collectivités chargées de la rénovation des zones humides et des marais qui composent ces syndicats mixtes, zones où l'on remet en état un certain nombre de réseaux hydrauliques. C'est donc un enjeu important qui est concerné par l'amendement de notre collègue Claude Belot, amendement que certains d'entre nous ont eu l'honneur de cosigner.
Voilà une grande avancée que, je l'espère, le Sénat, dans sa sagesse, aura à coeur d'adopter.
M. Roland du Luart. Très bien ! C'est le retour des bécassines ! (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-49, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 41 bis.
Par amendement n° I-253, M. Moreigne et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 41 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les collectivités locales et leurs groupements bénéficient des attributions du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée au titre des dépenses d'investissements exposées sur des biens de section au titre d'opérations de réhabilitation du patrimoine.
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par une hausse des droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code des impôts. »
La parole est à M. Moreigne.
M. Michel Moreigne. Cet amendement a pour objet d'attirer l'attention du Gouvernement sur le patrimoine rural au terme de cette Année du patrimoine.
Nous avons pu constater sur le terrain un certain nombre d'anomalies, parmi lesquelles la non-éligibilité au fonds de compensation pour la TVA pour les travaux réalisés sur le petit patrimoine rural non protégé qui appartient à des biens de section mais que les communes ont à l'évidence le devoir de maintenir et d'entretenir.
Il me semble difficile de tenir certains discours, de dire d'un côté que l'on doit tenir compte de l'importance du petit patrimoine, de son intérêt pour valoriser l'économie d'un département ou d'une collectivité tandis que, d'un autre côté, on empêche, en quelque sorte, malgré les aides que peuvent apporter les régions, les départements et l'Etat, la mise en oeuvre effective de la rénovation du petit patrimoine rural par cette non-éligibilité au fonds de compensation pour la TVA.
Monsieur le secrétaire d'Etat, cet amendement n'est pas nouveau. L'année dernière déjà, j'avais attiré votre attention sur ce problème. Une fois encore, je m'en remets à votre sagesse.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Dans sa sagesse, la commission a souhaité entendre d'abord le Gouvernement. (Rires.)
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. M. Moreigne a plaidé avec beaucoup de talent pour ce que l'on appelle des biens de section au titre d'opérations de réhabilitation du patrimoine.
En clair, de quoi s'agit-il ? De moulins, de pigeonniers, de granges anciennes ou autres qui appartiennent au patrimoine privé de nos concitoyens, mais qui, en quelque sorte, apportent au cadre de vie un agrément qui, s'il n'est pas d'utilité publique, est néanmoins tout à fait appréciable.
Le Gouvernement - M. Haut l'a reconnu - a évolué, en matière d'éligibilité au fonds de compensation pour la TVA, parce qu'il y avait manifestement, dans l'urgence, des catastrophes à prévenir. Dans ces cas, le Gouvernement a dérogé à la règle de patrimonialité. Autrement dit, les collectivités peuvent effectuer des travaux sur des berges privées parce qu'il y a, en aval, des risques qu'il faut prévenir.
En l'espèce, l'urgence paraît moindre, dans la mesure où il s'agit de permettre à des propriétaires privés de biens qui ne sont pas inscrits à l'inventaire des monuments historiques de procéder à un certain nombre de travaux d'entretien et de bénéficier, à cet effet, du remboursement de la TVA.
L'intention est, certes, sympathique, et le Gouvernement peut encore évoluer, mais, pour ce faire, il a besoin de temps. Cette année, en matière de fonds de compensation pour la TVA, nous en resterons donc aux travaux d'urgence sur les berges de nos torrents.
En conséquence, je vous demande, monsieur Moreigne, de bien vouloir retirer l'amendement - vous le présenterez peut-être de nouveau dans les années à venir ! - faute de quoi je serai obligé de demander son rejet.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Sans doute convient-il d'approfondir la question, et je suis à votre disposition, monsieur Moreigne, pour mieux comprendre les problèmes patrimoniaux des biens de section, car j'ai certainement, comme peut-être les représentants du Gouvernement et de l'administration ici présents, à parfaire mes faibles connaissances en cette matière.
Compte tenu de la réponse de M. le secrétaire d'Etat, mieux vaudrait retirer votre amendement ; sinon, l'avis de la commission serait également défavorable.
M. le président. L'amendement n° I-253 est-il maintenu, monsieur Moreigne ?
M. Michel Moreigne. J'ai l'impression que ni M. le secrétaire d'Etat ni M. le rapporteur général ne connaissent la réalité des biens de section.
Les biens de section sont des sections de commune ...
M. Michel Mercier. Eh oui !
M. Michel Moreigne. ... et non pas des biens privés. Ils ont un statut particulier. Ils appartiennent à un ensemble de sectionnaires d'une commune. Leur statut n'est donc ni public ni privé mais quelque peu hybride.
Encore une fois, il faut encourager le maintien, et donc l'entretien, du patrimoine rural non protégé, de ces petites fontaines, de ces fours à pain, de ces lavoirs, ...
M. Michel Charasse. Des croix !
M. Michel Moreigne. Oui, monsieur Charasse, des croix, des calvaires,...
M. Michel Charasse. Des chapelles !
M. Michel Moreigne. ... des chapelles qui sont sur des biens de section, qui ne sont donc pas directement des propriétés communales, mais que les communes ont néanmoins le devoir d'entretenir, dont elles ne peuvent se désintéresser.
L'Etat ne peut donc, je le répète, encourager la valorisation du patrimoine rural non protégé lié à l'eau, comme les moulins, ou au feu, comme les fours à pain, et, dans le même temps, se laver les mains de cette affaire en disant aux collectivités qu'elles n'ont qu'à se débrouiller, à restaurer comme elles le veulent, à maintenir comme elles le peuvent, sauf peut-être à avoir simplement recours aux micro-entreprises, monsieur le secrétaire d'Etat !
Je maintiens donc l'amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-253.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette affaire ne devrait pas être un sujet de grande division au sein du Sénat.
Je suis moi-même, on le sait, très strict sur le fonds de compensation pour la TVA, dans la mesure où j'ai fait voter autrefois les règles qui s'appliquent actuellement.
Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, tout ce qui constitue incontestablement des travaux de collectivités locales effectués dans l'intérêt général doit être éligible au fonds.
Les sections de commune sont une curiosité juridique. Il existe d'ailleurs très peu de spécialistes en France du droit de ces sections de commune. Je connais un conseiller d'Etat qui s'est spécialisé sur cette question, qui a écrit de très nombreuses chroniques,...
M. Michel Mercier. Par fascicules au Jurisclasseur .
M. Michel Charasse. Effectivement !... c'est M. Marillia.
M. Michel Mercier. De Clermont-Ferrand !
M. Michel Charasse. Exactement ! Il est le grand spécialiste et, à mon avis, le spécialiste unique, en France, de cette curiosité juridique assez complexe.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais vous expliquer le système.
Normalement, la section de commune est administrée par une commission syndicale élue par les sectionnaires.
M. Michel Mercier. La commission de section !
M. Michel Charasse. Mais, dans de très nombreux cas, les sectionnaires négligent ou refusent d'élire la commission syndicale.
Et après mise en demeure par le conseil municipal, la loi prévoit que le conseil municipal se substitue à la commission syndicale de section pour effectuer les travaux d'intérêt général urgents et indispensables.
Or, monsieur le secrétaire d'Etat, la jurisprudence comme le code des marchés ont reconnu de longue date le caractère de travaux communaux aux investissements effectués par le conseil municipal sur les biens des sections de commune.
Par conséquent, à mon avis, l'amendement de M. Moreigne et du groupe socialiste est parfaitement dans la logique du FCTVA.
Ce que je souhaite, c'est que le Sénat ne « retoque » pas cet amendement et que vous profitiez de la navette, monsieur le secrétaire d'Etat, pour faire la mise au point qui s'impose.
Je dirai en effet amicalement à M. Michel Moreigne que : « opérations de réhabilitation du patrimoine » est une formule très vague qui peut, à la limite, englober un peu tout et n'importe quoi.
Je souhaite donc que nous adoptions cet amendement ce soir parce qu'il s'agit bien de travaux communaux. La jurisprudence et le code du marché le disent : la commune ne peut pas intervenir sur une section de commune sans respecter le code des marchés, sans l'appliquer à ses travaux, dont les financements sont ceux qui sont habituellement utilisés, y compris, d'ailleurs, avec les ressources de la section - lorsque celle-ci en a, ce qui n'est pas toujours le cas.
A la faveur de la navette, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite que vous fassiez réfléchir vos services pour voir comment l'on peut réécrire de manière plus précise la formule : « opérations de réhabilitation du patrimoine », qui, par son caractère général, pourrait éventuellement conduire non pas à des abus, car il s'agit de petites choses - ce n'est pas la mort du FCTVA ! - mais à des excès qui seraient, au fond, peu compatibles avec la philosophie stricte du FCTVA que le Sénat s'est d'ailleurs toujours attaché à préserver.
Telle est la raison pour laquelle je voterai, avec mes amis, l'amendement de M. Moreigne et du groupe socialiste.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, je vais faire un mea culpa.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est normal, il s'agit de croix et de clochers ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. En effet, tout à l'heure, à titre personnel, j'ai demandé aux auteurs de l'amendement de le retirer, faute de quoi la commission demanderait son rejet.
A ce moment-là, je n'avais pas encore entendu les explications de nos collègues. Or, les biens de section - on voudra bien me le pardonner - je n'en ai jamais rencontré dans le département de l'Oise. Je devrais aller plus souvent dans la Creuse ou le Puy-de-Dôme, c'est certain !
M. Michel Mercier. Ou dans le Rhône !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Compte tenu de ce qui a été dit, il me paraît effectivement raisonnable, maintenant - je m'exprime toujours à titre personnel - de voter l'amendement. (Très bien ! sur de nombreuses travées.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je veux simplement dire que le plaidoyer de Michel Charasse pour les croix et les clochers de nos campagnes m'amène à réfléchir. (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-253, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Cet amendement a été adopté à l'unanimité. M. Charasse est redoutable ! (Sourires.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 41 bis.

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