Séance du 6 décembre 1998







M. le président. « Art. 85. - Il est créé, au chapitre VII du titre II du livre Ier du code général des impôts, un article 302 bis -0 K ainsi rédigé :
« Art. 302 bis 0 K. - I. - A compter du 1er avril 1999, une taxe dénommée « taxe d'aéroport » est perçue au profit des exploitants des aérodromes dont le trafic s'élève au cours de la dernière année civile connue à plus de 1 000 passagers, embarqués ou débarqués.
« II. - La taxe est due par toute entreprise de transport aérien public et s'ajoute au prix acquitté par le passager.
« III. - La taxe est assise sur le nombre de passagers de l'entreprise embarquant sur l'aérodrome, quelles que soient les conditions tarifaires accordées par le transporteur, aux mêmes exceptions et conditions que celles énoncées à l'article 302 bis K pour la taxe de l'aviation civile.
« IV. - Le tarif de la taxe applicable sur chaque aérodrome est compris entre les valeurs correspondant à la classe dont il relève.
« Les aérodromes sont répartis en cinq classes en fonction du nombre de passagers, embarqués ou débarqués, au cours de la dernière année civile connue sur l'aérodrome ou le système aéroportuaire dont il dépend au sens du m de l'article 2 du règlement (CEE) n° 2408/92 du Conseil du 23 juillet 1992, concernant l'accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires.
« Les classes d'aérodromes et les limites supérieures et inférieures des tarifs correspondants sont fixées comme suit :




CLASSES








1

2

3

4

5
Trafic de l'aérodrome ou du système aéroportuaire en total des passagers, embarqués ou débarqués.

A partir de 10 000 001


De 4 000 001 à 10 000 000

De 400 001 à 4 000 000

De 50 001 à 400 000

De 1 001 à 50 000
Tarifs par passager De 16 F à 20 F De 8 F à 17 F De 17 F à 32 F De 32 F à 65 F De 65 F à 99 F



« Un arrêté, pris par le ministre chargé du budget et le ministre chargé de l'aviation civile, fixe la liste des aérodromes concernés par classe et, au sein de chaque classe, la tarif de la taxe applicable pour chaque aérodrome.
« Ce tarif est fonction du coût sur l'aérodrome des services de sécurité-incendie-sauvetage, de lutte contre le péril aviaire et de sûreté ainsi que des mesures effectuées dans le cadre des contrôles environnementaux tel qu'il résulte notamment des prestations assurées en application de la réglementation en vigueur et de l'évolution prévisible des coûts.
« Les entreprises de transport aérien déclarent chaque mois, sur un imprimé fourni par l'administration de l'aviation civile, le nombre de passagers embarqués le mois précédent sur chacun des vols effectués au départ de chaque aérodrome.
« Cette déclaration, accompagnée du paiement de la taxe due, est adressée, sous réserve des dispositions du VI, aux comptables du budget annexe de l'aviation civile.
« V. - La taxe est recouvrée et contrôlée selon les mêmes règles, conditions, garanties et sanctions que celles prévues pour la taxe de l'article 302 bis K.
« Sous réserve des dispositions du VI, le contentieux est suivi par la direction générale de l'aviation civile. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à la taxe de l'aviation civile.
« VI. - Par dérogation aux dispositions qui précèdent, les déclarations et paiements de la taxe perçue au profit d'un établissement public national doté d'un comptable public sont adressés à l'agent comptable de cet établissement. L'établissement public recouvre et contrôle la taxe, notamment au plan contentieux, selon les règles fixées aux alinéas précédents. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° II-42, MM. Marini et Collin, au nom de la commission des finances, proposent de supprimer cet article.
Par amendement n° II-102, le Gouvernement propose :
I. - De rédiger ainsi le I du texte présenté par cet article pour l'article 302 bis OK du code général des impôts :
« I. A compter du 1er juillet 1999, une taxe dénommée "taxe d'aéroport" est perçue au profit des personnes publiques ou privées exploitant des aérodromes dont le trafic embarqué ou débarqué s'élève au cours de la dernière année civile connue à plus de 1 000 unités de trafic (UDT). Une unité de trafic est égale à un passager ou 100 kilogrammes de fret ou de courrier. »
II. - Dans le II du texte proposé par cet article pour l'article 302 bis OK précité, de remplacer le mot : « passager » par le mot : « client ».
III. - De rédiger ainsi le III du texte proposé par cet article pour l'article 302 bis OK précité :
« III. - La taxe est assise sur le nombre de passagers et la masse de fret et de courrier embarqués par l'entreprise sur l'aérodrome, quelles que soient les conditions tarifaires accordées par le transporteur, aux mêmes exceptions et conditions que celles énoncées à l'article 302 bis K. »
IV. - Au début du deuxième alinéa du IV du texte proposé par cet article pour l'article 302 bis OK précité, de remplacer les mots : « Les aérodromes sont répartis en cinq classes en fonction du nombre de passagers » par les mots : « Les aérodromes sont répartis en trois classes en fonction du nombre d'unités de trafic ».
V. - De remplacer le troisième alinéa et le tableau du IV du texte proposé par cet article pour l'article 302 bis OK par les dispositions suivantes :
« Les classes d'aérodromes sont fixées comme suit :


CLASSES





1

2

3
Nombre d'unités de trafic de l'aérodrome ou du système aéroportuaire.

A partir
de 10 000 001


De 4 000 001
à 10 000 000

De 1 001
à 4 000 000


« Les limites supérieures et inférieures des tarifs correspondants aux classes d'aérodromes sont fixées comme suit :


CLASSES





1

2

3
Tarifs par passager De 16 à 20 F De 8 à 17 F

De 17 à 50 F

Tarifs par tonne de fret ou de courrier De 2 à 4 F De 1 à 4 F De 4 à 10 F


VI. - De rédiger ainsi le cinquième alinéa du IV du texte proposé par cet article pour l'article 302 bis OK précité :
« Le produit de la taxe est affecté sur chaque aérodrome au financement des services de sécurité-incendie-sauvetage, de lutte contre le péril aviaire, de sûreté et des mesures effectuées dans le cadre des contrôles environnementaux. Le tarif de la taxe est fonction sur chaque aérodrome du besoin de financement, tel qu'il résulte notamment des prestations assurées en application de la réglementation en vigueur, de l'évolution prévisible des coûts et des autres recettes de l'exploitant. Le tarif défini pour le fret et le courrier s'applique au tonnage total déclaré par chaque entreprise le mois considéré, arrondi à la tonne inférieure. »
VII. - Dans le sixième alinéa du IV du texte proposé par cet article pour l'article 302 bis OK précité, de remplacer les mots : « le nombre de passagers embarqués le mois précédent sur chacun des vols » par les mots : « le nombre de passagers et la masse de fret et de courrier embarqués le mois précédent pour les vols ».
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour défendre l'amendement n° II-42.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement de suppression est cohérent avec les suppressions de la taxe de l'aviation civile et de l'article créant le FIATA, déjà votées par le Sénat.
La commission des finances propose donc de supprimer l'article créant la taxe d'aéroport pour une série de raisons très fortes.
Il est tout particulièrement choquant de créer une taxe affectée directement à des aéroports dont ni le produit ni surtout les charges qu'elle financerait ne seraient retracés dans un quelconque document budgétaire : c'est contraire à la Constitution et à l'ordonnance portant loi organique. Ajoutons qu'il est étonnant de prévoir d'affecter un impôt à des personnes qui peuvent être de droit privé.
Notre amendement de suppression est aussi motivé par le fait que la taxe d'aéroport, impôt catégoriel spécifique pesant sur les seules compagnies aériennes, apporterait la totalité du financement des missions d'intérêt général de préservation de la sécurité et de la sûreté publiques.
Une telle conception de l'impôt, monsieur le ministre, nous paraît pernicieuse.
Il faut veiller à ce que la contribution commune, autrement dit le budget de l'Etat, visée à l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, finance les sujétions normales qu'imposent à l'Etat ses missions régaliennes de préservation de la sûreté publique.
Si l'on peut admettre que le transport aérien finance lui-même les charges induites par les sujétions exceptionnelles qui lui sont propres, on ne peut admettre, en revanche, que soit mise à sa charge la totalité des coûts qu'engendre une mission essentielle de l'Etat.
Enfin, la taxe d'aéroport, telle qu'elle est conçue, poserait sans doute des problèmes au regard de l'aménagement du territoire puisque son tarif dans les petits aéroports serait très élevé.
Le Gouvernement a déposé un amendement témoignant de son intention de baisser ce tarif. Cette initiative reportera probablement le problème sur les collectivités locales qui abritent de petits aéroports, à moins que le Gouvernement ne souhaite accroître la péréquation.
J'ajouterai un bref commentaire sur les problèmes d'aménagement du territoire.
La politique d'aménagement du territoire vise à produire un bien collectif : l'occupation raisonnable de l'espace français. Cela nécessite des moyens financiers, et on est souvent tenté de les trouver dans des systèmes de péréquation. J'insiste sur le fait que ces systèmes ne doivent pas être sollicités à tout coup.
Il faut faire une distinction entre les péréquations qui concernent des impôts à large assiette et à contribuables nombreux et celles qui concernent des impôts à assiette réduite et à contribuables rares. Dans ce dernier cas, la péréquation suscite des transferts de charges qui peuvent être très pénalisants pour les financeurs nets. Il faut, là aussi, veiller à ce que l'impôt spécifique ne soit pas abusivement utilisé.
C'est notamment pour ces raisons que la commission des finances vous recommande très vivement, mes chers collègues, de supprimer l'article 85.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° II-102, et pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° II-42.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je ne reviendrai pas en détail sur le dispositif proposé par le Gouvernement. Celui-ci est rendu nécessaire par l'arrêt du Conseil d'Etat du 20 mai 1998, qui a annulé les arrêtés fixant les taux de redevance pour services terminaux de la circulation aérienne.
J'ai fait une présentation complète de ce dispositif ici même, à l'occasion de la discussion du projet de loi relatif à certains services aux transports aériens.
Il s'agit, vous le savez, de substituer à un financement assuré par une redevance un financement assuré par l'impôt pour la prise en charge de dépenses que le Conseil d'Etat considère comme des dépenses d'intérêt général, à savoir, essentiellement, les dépenses des services de sécurité incendie et de sûreté aéroportuaire.
Ce dispositif a fait l'objet de trois amendements du Gouvernement au projet de loi de finances pour 1999, amendements qui ont été adoptés en première lecture par l'Assemblée nationale.
L'ensemble du dispositif peut se résumer en trois points.
C'est d'abord la création, au profit des gestionnaires d'aérodrome, d'une taxe d'aéroport assise sur le passager et due par les entreprises de transport aérien public.
C'est ensuite le remplacement de la taxe de sécurité-sûreté et de la taxe de péréquation du transport aérien par une taxe unique de l'aviation civile, alimentant, pour une part, le budget annexe de l'aviation civile et, pour une autre part, le fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien.
C'est enfin l'extension du fonds de péréquation du transport aérien, le FPTA, qui prendra la dénomination de fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, ou FIATA. Cette extension permettra de prendre en charge des opérations de sécurité qui sont actuellement financées par la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne, la RSTCA, ainsi que les dépenses de péréquation des coûts des services aéroportuaires d'intérêt général au profit des plus petits aéroports.
J'ai entendu, au cours de la discussion, les remarques et les suggestions des rapporteurs, MM. Collin et Le Grand. Je regrette, messieurs, que certaines de vos critiques aient pu conduire la commission des finances à demander la suppression du dispositif proposé par le Gouvernement sans même attendre de savoir si ces critiques ne conduisaient pas le Gouvernement à reprendre sa réflexion en vue d'améliorer son dispositif, à la suite de l'échange de vues avec le Parlement.
Or le Gouvernement a effectivement « revu sa copie » et il va vous proposer, par la voie de nouveaux amendements, des améliorations qui, je l'espère, répondront aux préoccupations que vous avez formulées et qui reflètent, je le reconnais, de réels problèmes.
D'ores et déjà, un premier amendement est présenté aujourd'hui au Sénat. Les autres le seront à l'Assemblée nationale.
Par cet amendement n° II-102 à l'article 85 portant création de la taxe aéroportuaire, le Gouvernement vous propose, tout d'abord, d'élargir l'assiette de cette taxe au fret. Cette question avait été soulevée dans votre assemblée. Pour des raisons d'équité devant l'impôt, le fret doit en effet être soumis à la taxe d'aéroport ; les avions de fret sont d'ailleurs déjà soumis à la redevance d'atterrissage, qui va diminuer avec la création de la taxe d'aéroport.
Le tarif proposé pour le fret est cependant moindre que celui qui est appliqué aux passagers. D'une part, les normes de sécurité incendie sont allégées pour les aéronefs tout cargo et, d'autre part, les dépenses de sûreté pour le fret sont mises à la charge des transitaires ou, à défaut, des compagnies aériennes.
Le produit de la taxe restera inchangé. Le niveau de la taxe sur les passagers sera moins important.
Par ailleurs, cet amendement prend en compte la préoccupation d'aménagement du territoire qui avait été exprimée par de nombreux parlementaires, et notamment par M. Le Grand.
Le nombre de classes d'aéroports sera ramené de cinq à trois. Ainsi, les aéroports dont le trafic est inférieur à quatre millions de passagers seront inclus dans une classe dont la taxe devra être fixée entre 17 francs et 50 francs. Pour les petits aéroports, tant le plafond que le plancher sont abaissés de façon substantielle ; c'est un point que M. Collin avait abordé. La péréquation au bénéfice des petits aéroports passera, en année pleine, de 15 millions à 25 millions de francs environ.
A ces financements pourront s'ajouter, lorsqu'ils existent, les concours extérieurs dont bénéficient aujourd'hui ces aéroports.
Je tiens d'ailleurs à souligner, en écho aux interventions de vos rapporteurs, qu'en aucun cas il ne sera demandé aux collectivités locales d'augmenter leur financement. La péréquation devrait même permettre de réduire le besoin de subventions sans affecter les recettes des plus petits aéroports. Cela répond, je crois, au souci manifesté par nombre d'élus.
S'agissant de l'année 1999, cette mesure est sans incidence financière, compte tenu du report au 1er juillet de la date de mise en oeuvre de la taxe d'aéroport.
L'amendement est, à cet égard, en cohérence avec la date figurant à l'article de validation du projet de loi relatif à l'organisation de certains services, date qui a été modifiée par votre assemblée.
Telles sont les améliorations proposées par le Gouvernement.
Je souhaite que, en considération de ces réelles avancées, la commission des finances renonce à demander la suppression de l'article 85.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. La commission des affaires économiques a un double souci, que j'ai tenté d'exprimer au travers du rapport que j'ai présenté tout à l'heure en son nom.
Elle a d'abord, je le rappelle, un souci de cohérence et même de cohésion avec la pertinence des arguments qui ont été développés par M. le rapporteur spécial de la commission des finances. C'est la raison pour laquelle la commission des affaires économiques adoptera une position identique à celle de la commission des finances.
Notre second souci est de voir pris en compte l'aménagement du territoire.
J'ai soulevé cette question tout à l'heure à propos de la taxe d'aéroport, qui varie de 8 à 99 francs selon la taille de la plate-forme ; il est évident que les plus petites plates-formes sont pénalisées dans ce système.
Par ailleurs, nous souhaitons voir maintenu, en tout cas dans sa philosophie, le fonds de péréquation du transport aérien. On le retrouve, certes, dans le FIATA. Toutefois, dans votre proposition, monsieur le ministre, le contrôle du devenir du FPTA tend à nous échapper.
C'est pourquoi je souhaite que, si d'aventure l'Assemblée nationale ne suivait pas la position du Sénat, la commission mixte paritaire prenne en considération cette préoccupation d'aménagement du territoire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement II-102 ?
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Malheureusement, monsieur le ministre, nous n'allons pas tomber d'accord.
Tout d'abord, la commission des finances n'a pas examiné en profondeur cet amendement, qui a été déposé vendredi par le Gouvernement et qui tend à modifier l'article 85, lui-même issu d'un amendement d'origine gouvernementale au projet de loi de finances. Que d'amendements !
De correction en correction, on arrivera peut-être à un système satisfaisant, mais on n'en est pas encore là !
La commission des finances n'a pas examiné précisément cet amendement, mais elle s'est penchée sur l'ensemble des questions de financement des missions d'intérêt général dans le transport aérien et des moyens nécessaires à leur exécution.
Pourquoi l'amendement du Gouvernement ne peut-il nous conduire à retirer notre propre amendement de suppression ? Tout simplement parce qu'il ne satisfait vraiment aucune des trois exigences de la commission.
Premièrement, le produit de la taxe d'aéroport et ses affectations restent totalement « hors budget ». L'amendement affiche d'ailleurs courageusement la couleur puisqu'il précise que la taxe d'aéroport pourrait être affectée à des entreprises privées, et ce directement.
Je pourrais ironiser, monsieur le ministre, sur le fait que ce soit vous, en particulier, qui présentiez une mesure qui nous ramène à l'Ancien Régime ; je ne le ferai pas ! (Sourires.)
Deuxièmement, l'amendement apporte-t-il des solutions aux difficultés suscitées, du point de vue de l'aménagement du territoire, par le dispositif initial ? Sans doute votre correctif vous amène-t-il à dénaturer un peu le système que vous souhaitiez mettre en place et qui était un système de vérité des coûts. Nous ne devons pas être a priori hostiles à de tels systèmes mais, en l'espèce, la vérité des coûts n'a pas la vertu de révéler des préférences. En effet, les coûts en cause sont ceux de missions obligatoires. La seule question est de savoir si, avec un tel système, l'existence même des petits aéroports peut être pérenne.
Vous semblez considérer que des tarifs de taxe d'aéroport trop élevés pénaliseraient excessivement les petites plates-formes, après avoir prétendu que votre réforme ne changerait rien à la situation actuelle. Passons ! Mais vous savez qu'en diminuant le tarif maximal de la taxe vous augmentez les besoins résiduels, qu'il faudra financer autrement.
Comme l'Etat ne semble pas souhaiter combler la différence, il restera deux solutions : soit les finances des collectivités locales seront sollicitées, et l'aménagement du territoire n'y aura rien gagné ; soit on fera appel à la péréquation et, compte tenu de l'étroitesse de son champ, il y aura des transferts de charge pénalisants pour certains, en particulier pour les aéroports confrontés à la concurrence internationale.
En tout état de cause, je ne suis pas sûr que votre dispositif puisse complaire à Bruxelles puisqu'il débouche sur des besoins d'aides mal spécifiés.
Troisièmement, enfin, vous continuez à refuser que le budget général finance les sujétions qu'imposent à l'Etat ses missions les plus essentielles.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Et voilà !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Tout viendra de l'impôt catégoriel spécifique, qu'il s'agisse de la taxe d'aéroport ou de la taxe de l'aviation civile, à moins que vous ne comptiez sur les collectivités locales.
Le choix de l'impôt spécifique de la taxe-redevance, pour financer les charges normales de la sûreté publique, c'est-à-dire celles qui ne proviennent pas des conditions exceptionnelles que suppose le transport aérien, est un choix pernicieux que nous récusons.
Il conduit, d'ailleurs, à de substantielles difficultés d'arbitrage qu'illustre l'extension de l'assiette des taxes d'aéroport et de l'aviation civile au fret que vous proposez maintenant. Je ne sais si cette extension est indispensable pour que votre dispositif soit conforme au principe d'égalité devant les charges publiques. Mais j'estime qu'elle n'est pas suffisante puisque la contribution commune aux charges publiques visée par l'article XIII de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne sera pas appelée.
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bonne argumentation !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Au fond, vous introduisez un élément de détail en oubliant, et nous le regrettons, l'essentiel. C'est dommage, car notre solution aurait sans doute permis de proposer un dispositif solide du point de vue constitutionnel et satisfaisant pour les petits aérodromes. Vous ne l'approuvez pas et, en conséquence, à regret, nous maintenons l'amendement n° II-42.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'ajouterai une simple remarque à l'excellent propos tenu par M. le rapporteur spécial.
L'amendement n° II-102, monsieur le ministre, vise, certes, à améliorer la rédaction initiale. Mais la solution que vous nous proposez ne nous satisfait pas pleinement.
Cet amendement vise à inclure le fret dans l'assiette de la taxe d'aéroport. Bien que je comprenne les raisons, juridiques en particulier, pour lesquelles vous avez formulé cette proposition,...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est à la demande du rapporteur général de l'Assemblée nationale !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... je tiens à rappeler le milieu très concurrentiel dans lequel évoluent nos plates-formes, quelles qu'elles soient. La compétitivité de la plate-forme de Paris par rapport à ses concurrentes européennes, notamment Amsterdam, est, vous le savez tout comme nous, monsieur le ministre, chose fragile.
Alors que le coût unitaire du passage du fret aérien par Aéroports de Paris est déjà aujourd'hui légèrement supérieur, me dit-on, à celui qui est pratiqué dans les plates-formes comparables, notamment Amsterdam, il serait encore accru de 4 % à 6 % si cette mesure s'appliquait.
N'oublions pas, par ailleurs, que nous avons amplement débattu, dans le cadre de l'article 26 de la première partie du projet de loi de finances, de l'extension de la taxe sur les bureaux d'Ile-de-France aux locaux d'entreposage et de stockage. Cette taxe sera particulièrement pénalisante, d'après les calculs qui m'ont été communiqués, pour Aéroports de Paris, si elle est maintenue dans ces proportions. Le surcoût s'établirait en effet, si ma mémoire est bonne, entre 7 et 10 millions de francs.
Compte tenu de ces deux dispositifs, la compétitivité de la plate-forme aéroportuaire de Paris, chose fragile dans l'Europe et dans le monde que nous connaissons, nécessite que l'on recherche les meilleures solutions possible pour financer des charges qui, elles-mêmes, sont bien entendu incontestables. Nous n'avons pas eu le sentiment que l'amendement n° II-102 soit la meilleure solution possible. C'est pourquoi nous maintenons notre amendement n° II-42.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-42.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Bergé-Lavigne.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Je me suis déjà exprimée à deux reprises, lors de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances, sur la position adoptée par la commission des finances à propos de la réforme des taxes aéroportuaires. Je n'insisterai donc pas longuement.
Refuser en bloc cette réforme sans faire de contre-propositions ne me semble pas une bonne manière de légiférer.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Relisez le rapport !
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Vos propositions auraient pu être présentées au Sénat.
Alors que le Gouvernement s'est efforcé de préparer une nouvelle disposition, je regrette vraiment l'attitude peu construtive et rigide de M. Collin. (Protestations sur le banc de la commission.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est l'attitude de la commission des finances.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Le groupe socialiste ne peut donc que voter contre l'amendement n° II-42.
En revanche, je me réjouis que le Gouvernement, conformément aux engagements qu'il avait pris ici même, ait tenu compte des remarques juridiques formulées par certains mais surtout de celles qui ont été présentées par les sénateurs socialistes à propos des conséquences, en termes d'aménagement du territoire, des montants relativement élevés des taxes fixées pour les petites plates-formes aéroportuaires.
Le nouveau dispositif que vous nous proposez, monsieur le ministre, nous paraît équilibré au regard des exigences de l'aménagement du territoire. Pour les plus petites plates-formes, le tarif plancher diminue de 48 francs par passager, passant de 65 francs à 17 francs, et le tarif plafond diminue de près de moitié, passant de 99 francs à 50 francs. Ainsi, la charge supportée par le passager me paraît tout à fait acceptable.
Par ailleurs, en vue d'éviter toute rupture d'égalité entre usagers, vous avez étendu la taxe aux trafics frêt et courrier, qui nécessitent aussi la mobilisation de moyens pour assurer les services de sécurité et d'incendie et pour lutter contre le péril aviaire.
Le nouveau dispositif nous paraît plus juste et mieux approprié aux impératifs d'aménagement du territoire. Le groupe socialiste le votera donc. Nous espérons, l'an prochain, pouvoir en tirer un bilan positif en termes de sûreté et de sécurité, d'une part, d'aménagement du territoire et de compétitivité de nos compagnies aériennes, d'autre part. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. A mon tour, je déplore la rigidité de la commission des finances, que je veux attribuer, monsieur Collin, à la présentation tardive de l'amendement n° II-102.
Face à la complexité de ces questions et après avoir entendu les propos tenus par les orateurs des différents groupes lors de précédentes discussions, le Gouvernement a souhaité aller de l'avant et créer les conditions juridiques nécessaires pour avancer dans la résolution des problèmes posés.
Je souhaite que la commission mixte paritaire permette de ramener la sérénité dans les débats et aboutisse à des propositions acceptables par tous.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° II-42, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ? ...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 44:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 317
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 222
Contre 95

En conséquence, l'article 85 est supprimé et l'amendement n° II-102 n'a plus d'objet.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget annexe de l'aviation civile et figurant aux articles 49 et 50.