Séance du 9 mars 1999







M. le président. La parole est à M. Robert, auteur de la question n° 422, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
Celle-ci est excellement représentée aujourd'hui par M. Bartolone, ministre délégué à la ville.
M. Jean-Jacques Robert. Monsieur le président, que Mme le ministre soit excellemment représentée par M. Bartolone, j'en conviens. Pour ma part, j'emploie une procédure inhabituelle, voire relativement exceptionnelle.
En effet, le 24 septembre dernier, avant que soit pris un décret en la matière, j'ai posé à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité une question écrite à laquelle elle a négligé de me répondre en temps voulu. J'ai donc, comme le règlement m'y autorise, face à cette attitude qui témoigne d'un certain mépris vis-à-vis de la représentation nationale, converti ma question écrite en question orale. Et voilà qu'aujourd'hui je découvre que Mme le ministre ne vient pas elle-même traiter avec moi de ce sujet, pourtant très important, des médicaments génériques !
Mais, dans mon malheur, je crois savoir, monsieur le ministre, que vous êtes médecin ! (M. le ministre marque son étonnement.) Je vais donc pouvoir parler des médicaments génériques avec quelqu'un qui, je l'espère, saura se faire mon interprète auprès du ministre concerné.
Au cas particulier, je veux évoquer une situation symbolique d'un état d'esprit.
Je suis assuré social ; je cotise pour ma femme, mes enfants, bref, ma famille. Mon employeur cotise aussi. J'acquiers donc des droits à une assurance maladie.
Je vais consulter mon médecin. Après m'avoir examiné, ce dernier me donne sa prescription, qui comporte le meilleur médicament, celui qu'il considère utile de m'administrer compte tenu de ma personnalité et de mon état de santé.
Je vais donc chez le pharmacien, qui, lui, est autorisé à changer ce médicament, à me donner à la place ce que l'on appelle un « médicament générique ».
Que devient, dans ces conditions, l'assuré cotisant que je suis ? Il n'est plus qu'un assujetti, livré à la volonté de prescription de l'Etat et du pharmacien ! Le médecin n'existe plus !
Je partage le souci d'économie qui anime le plus grand nombre s'agissant des prescriptions de médicaments. Mais ce que je ne comprends pas, c'est que l'individu que je suis disparaisse. On devrait au moins me demander mon accord.
Je vais librement chez mon médecin, j'accepte sa prescription, je me rends chez le pharmacien qui me propose quelque chose d'équivalent à de meilleures conditions. Il devrait me demander si je suis d'accord. Ce n'est pas ce qui est prévu.
Une nouvelle fois, c'est là une attitude méprisante à l'égard de celui qui est malade et qui veut se faire soigner.
On trouvera sans doute de bonnes raisons pour m'expliquer, au nom du Gouvernement, et peut-être même au nom des gouvernements précédents, qui témoignaient du même état d'esprit - je vous mets à l'aise, monsieur le ministre ! - que c'est une bonne solution. Je ne peux pas le croire.
En effet, un nouveau décret est en préparation qui obligera les pharmaciens à délivrer 30 % de médicaments génériques. Cela signifie que nous passons de la prescription du médecin pour la santé au distributeur automatique, un distributeur hautement diplômé ; qui n'avait pas prévu pareille mésaventure.
D'où ma question, monsieur le ministre : pensez-vous tenir compte de l'avis du malade s'imaginant des ordonnances prescrites par le médecin et éventuellement modifiées par le pharmacien ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. Monsieur le sénateur, l'article 29 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 instaure la faculté, pour les pharmaciens d'officine, de substituer au médicament prescrit un autre médicament appartenant au même groupe générique, ce dernier comprenant le médicament princeps et ses génériques.
Cette mesure importante a été adoptée en application du protocole que l'Etat a signé, en septembre dernier, avec la profession. Elle permettra d'accélérer le développement du médicament générique en France, dans le strict respect des exigences de santé publique.
Sachez en effet, monsieur le sénateur, que la définition des génériques est suffisamment stricte pour garantir la parfaite « substitualité » des médicaments considérés.
En revanche, il est exclu que le patient se voie délivrer un médicament autre que celui qui a été prescrit sans que son attention ait été appelée sur ce changement par le pharmacien.
Il est bien clair enfin que le patient pourra refuser cette opération. Mais le ministère de la santé compte sur les pharmaciens d'abord, mais aussi sur les médecins et sur l'industrie pharmaceutique pour expliquer à nos concitoyens que la substitution est sans incidence sur l'efficacité du traitement.
Ce dispositif prévoit, par ailleurs - simple rappel de la loi - que le prescripteur pourra, si la situation particulière du patient le justifie, s'opposer au changement de médicament.
En la circonstance, monsieur le sénateur, les pouvoirs publics ont fait montre d'une particulière diligence. La loi a été publiée le 23 décembre dernier et ses textes d'application ont été soumis à une concertation auprès de l'ensemble des professionnels. Un protocole d'accord a d'ailleurs été conclu avec les pharmaciens et une disposition relative aux relations entre l'assurance maladie et les pharmaciens, ainsi qu'aux modes de rémunération de ces derniers, a été incluse dans le projet de loi adopté par le conseil des ministres la semaine dernière.
De plus, monsieur le sénateur, l'ensemble des mesures qui visent à informatiser les cabinets médicaux apporteront une aide précieuse aux médecins car ils connaîtront très précisément, au moment de rédiger leur ordonnance, l'ensemble des médicaments d'une gamme ; ils pourront ainsi prendre en compte la dimension économique de la santé dans leurs soins dispensés à leurs patients.
En l'occurrence, monsieur le sénateur, il est possible, au travers du dispositif arrêté par le Gouvernement, de bien soigner l'ensemble de nos concitoyens selon le principe que chacun a désormais en tête : la santé n'a pas de prix, mais elle a un coût.
M. Jean-Jacques Robert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Robert.
M. Jean-Jacques Robert. Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette réponse soigneusement préparée, fondée sur des textes que je connaissais d'ailleurs.
Vous n'avez pas fait état du fait qu'il n'a pas été répondu à ma question écrite, que j'ai dû transformer - ce qui est désagréable à la fois pour le Gouvernement et pour moi - en question orale.
Ai-je bien entendu ce que vous avez dit ?... Le patient pourrait refuser la modification proposée par le pharmacien. Je ne crois pas que cela figure dans le texte qui a été publié depuis le dépôt de ma question. Puis-je être assuré de la qualité de cette réponse ? Est-elle opposable à tous ?
Vous, vous parlez de coût ; moi, je vous parle de l'homme qui cotise et qui s'assure, et qui ne veut pas être ignoré par les syndicats des différentes organisations professionnelles, par l'Etat, qui s'est arrogé aujourd'hui des pouvoirs, à cause, il est vrai, des déficits, et par les caisses de sécurité sociale, car, la carte Vitale aidant, l'homme deviendra un numéro, et je n'ai jamais aimé la mathématique appliquée à l'homme !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je vous présente mes excuses au nom de tous les gouvernements pour le retard apporté dans les réponses aux questions écrites. Sachez que le Premier ministre a demandé avec insistance à l'ensemble des membres de son gouvernement de répondre dans des délais satisfaisants.
Monsieur le sénateur, je vous ai apporté une précision quant à la possibilité pour le patient de refuser une modification de prescription proposée par le pharmacien.
Certes, nous ne sommes pas des numéros, mais l'objectif que nous devons viser les uns et les autres, actuellement, dans un pays qui est le deuxième au monde en ce qui concerne les dépenses de santé, c'est soigner convenablement l'ensemble de nos compatriotes en ayant un taux de remboursement qui soit beaucoup plus adéquat.
Le véritable problème, aujourd'hui, tient non pas tant au niveau de dépenses - nous sommes en deuxième position, juste derrière le Canada - mais plutôt à celui des remboursements, qui n'est pas encore suffisant.
Le Gouvernement doit donc se demander comment donner le plus de potentiel possible à la dépense pharmaceutique pour réussir à maintenir les équilibres et, peut-être, à améliorer les remboursements.

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