Séance du 10 mars 1999







M. le président. « Art. 10. - Les comptes des autorités administratives mentionnées à l'article 1er et dotées de la personnalité morale sont tenus à la disposition du public, ainsi que ceux des organismes dont le budget annuel est supérieur à un montant fixé par décret en Conseil d'Etat et qui bénéficient, de la part de l'Etat ou d'une personne morale de droit public, d'aides ou de subventions supérieures à un seuil fixé par le même décret. Ce décret détermine également la nature et le contenu des documents mis à la disposition du public en application du présent article. »
Par amendement n° 15, M. Amoudry, au nom de la commission propose de rédiger comme suit cet article :
« Le premier alinéa de l'article 29 bis de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises est complété par une phrase ainsi rédigée : "Le bilan et le compte de résultat sont déposés à la préfecture du département où se situe le siège de l'association pour y être consultés". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur. Cet article pose le principe général selon lequel les autorités administratives et les organismes aidés ou subventionnés sur des fonds publics tiennent leurs comptes à disposition du public.
Or, nulle part n'est défini ce que sont ces comptes, quels sont les organismes visés par cette obligation, ni quelles sont les conséquences concrètes d'une telle disposition. En particulier, rien n'est dit, à ce sujet, dans l'étude d'impact.
Concernant la publicité des comptes de l'Etat et des collectivités locales, l'article 10 n'apporte rien de nouveau. Il en est d'ailleurs de même s'agissant des comptes de la sécurité sociale et de ceux de la plupart des entreprises privées, dont les comptes annuels sont annexés au registre du commerce et des sociétés.
Restent dans le champ d'application de cet article les associations régies par la loi du 1er juillet 1901.
Conformément au rapport du comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics, remis en mars 1998, et concernant le contrôle par l'Etat des associations subventionnées, la commission des lois propose de préciser le champ d'application de cet article en le rendant applicable expressément aux associations régies par la loi de 1901.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Limiter, comme le propose la commission, l'obligation de mise à disposition du public aux seules associations subventionnées constitue un recul par rapport à l'objectif d'informer de façon transparente le citoyen.
Il me paraît en effet légitime que les citoyens puissent, comme le prévoit la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dans son article XIV, « constater par eux-mêmes la nécessité de la contribution publique et en suivre l'emploi ».
Les établissements publics nationaux et locaux, les associations, les entreprises bénéficiaires de fonds publics doivent être astreints à communiquer leurs comptes en contrepartie de l'aide publique qu'ils perçoivent. Cette contrainte n'est pas disproportionnée par rapport à l'avantage qu'ils retirent des fonds publics.
De manière concrète, les dispositions fixées par décret organiseront la mise en oeuvre de ce principe en conciliant l'impératif de transparence avec la recherche de la simplicité. Il n'est pas dans notre intention, au travers de ce texte, de compliquer la vie de tout un chacun !
Des seuils différenciés, qui seront fixés à l'issue d'une concertation appropriée, permettront d'atteindre ces objectifs sans contraindre à l'excès les acteurs économiques et sociaux.
Ainsi, pour illustrer mon propos, le décret d'application pourra prévoir plusieurs seuils en fonction du type d'organisme ou du type d'aide. Les seuils déjà prévus pour les associations aidées par les collectivités locales - 500 000 francs ou 50 % du budget - ou ceux qui sont prévus par la loi du 29 juillet 1993 - un million de francs - constituent une première indication. Ils peuvent sembler élevés ; il appartient aux concertations et à la discussion interministérielle sur les futurs décrets de déterminer les seuils pertinents.
S'agissant des modalités selon lesquelles ces comptes seront mis à la disposition du public pour être consultés, le décret s'attachera à définir la procédure la moins contraignante possible. Par exemple, les comptes des associations subventionnés pourraient être consultés auprès de l'organisme public qui a accordé la subvention.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 15.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 15.
M. Robert Bret. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Tel que rédigé dans le projet de loi, l'article 10 aurait pour effet de soumettre l'ensemble des entreprises privées recevant une aide publique, par exemple au titre de la politique de l'emploi, à l'obligation de rendre leurs comptes publics. On comprend mieux, après avoir écouté M. le rapporteur, pourquoi la majorité sénatoriale refuse cet article !
Nous voterons donc contre l'amendement.
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur. Je tiens à répondre à M. le ministre et à M. Bret qu'aux yeux de la commission il ne s'agit pas d'un recul puisque, conformément au droit existant, les comptes de la quasi-totalité des sociétés et entreprises sont consultables au registre du commerce. Donc, sur le fond, le présent texte n'apporte rien de plus.
Voilà pourquoi, dans l'optique que j'évoquais tout à l'heure, nous avons proposé de viser les associations de la loi 1901, d'autant que le rapport intitulé : « Le contrôle par l'Etat des associations subventionnées » constate l'insuffisance de transparence de certaines associations subventionnées sur fonds publics. Vingt-deux propositions ont été formulées ; cinq d'entre elles relèvent du domaine de la loi. En ce domaine, il y a donc matière à légiférer.
S'agissant des entreprises, ce que nous voulons éviter, c'est que celles qui n'ont pas l'obligation d'être inscrites au registre du commerce, certaines sociétés en nom collectif, donc les toutes petites sociétés, se voient imposer une obligation nouvelle qui serait extrêmement disproportionnée au regard de l'aide éventuelle qu'elles pourraient avoir reçue au titre de la politique de l'emploi ou pour toute autre raison.
La commission des lois n'a donc pas du tout l'intention, et encore moins la volonté, de faire preuve de partialité en la matière. Son analyse se fonde sur les textes en vigueur.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 10 est ainsi rédigé.

Article 11