Séance du 24 mars 1999






AMÉNAGEMENT ET DÉVELOPPEMENT
DURABLE DU TERRITOIRE

Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 203, 1998-1999) d'orientation pour l'aménagement et de développement durable du territoire et portant modification de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence. [Rapport n° 272 (1998-1999).]
Mes chers collègues, à l'initiative de la commission spéciale, la conférence des présidents nous propose de siéger ce soir pour la suite de l'examen du projet de loi d'orientation relatif à l'aménagement et au développement durable du territoire.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Dans la suite de la discussion générale du projet de loi d'orientation, la parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Madame la ministre, je voudrais souligner, et vous l'avez suggéré dans votre propos, que cette assemblée qui comprend le président de l'association des maires de France, le président de l'association des présidents de conseils généraux et le président de l'association des régions de France, ainsi que de nombreux responsables de collectivités territoriales, est sans aucun doute la mieux placée pour analyser votre texte.
En effet, l'aménagement du territoire, c'est aussi, et peut-être surtout, la définition des rapports entre les collectivités, de par leurs compétences, leur interdépendance, leurs moyens financiers et, plus matériellement, les infrastructures qui les relient.
Il est légitime de supposer, ou d'espérer, que votre projet a pour principe majeur l'égalité des chances entre tous les citoyens et pour objectif un rééquilibrage, le plus harmonieux possible, entre les potentialités des divers points du territoire. Cela ne signifie pas rechercher l'uniformité ; cela veut dire compenser les handicaps éventuels de certaines collectivités par l'utilisation d'outils adaptés.
Nous bénéficions d'une extraordinaire opportunité, madame la ministre, avec la révolution des télécommunications : le téléphone, le fax, le Minitel, la télévision, le courrier électronique et l'Internet permettent d'être informé ou d'informer de façon identique quel que soit le point du territoire. A l'époque de la mondialisation des échanges et de leur intensification, c'est essentiel et cela contribue de manière déterminante à l'égalité des chances.
Cette égalité des chances est notre objectif à tous. Elle signifie, pour les collectivistes, que l'Etat doit gommer les différences et, pour les sociaux-libéraux, que l''Etat met à la disposition de chacun des moyens égaux afin que chaque citoyen puisse développer pleinement ses potentialités.
Ces moyens, ce sont particulièrement les services publics. L'Etat, seul « maître des horloges » dans un monde en mutation constante, peut, en lien avec les collectivités territoriales, se permettre d'organiser, de prévoir et de mettre à la disposition des citoyens ces moyens qui s'inscrivent dans la durée.
Or l'orientation qui se dessine aujourd'hui pour les services publics ne donne pas les mêmes chances à chacun, en dépit de principes réaffirmés. M. le Premier ministre a d'ailleurs évoqué, dès novembre dernier, la fin du moratoire dans les communes rurales, et vous l'avez rappelé.
Un exemple : La Poste.
Lors d'une audition, le 27 janvier dernier, le président de La Poste affirmait son attachement à ses missions de service public. Cependant, estimant à 4 milliards de francs le surcoût du maintien du réseau dans les zones non directement rentables, il souhaitait une « mutualisation » de ce coût entre les administrations, La Poste, les collectivités locales, les entreprises publiques ou privées. Etant donné les différences considérables entre les capacités financières des collectivités locales, cette proposition est tout à fait contraire au principe de l'égalité des chances.
Je m'inquiète aussi lorsque, dans la Lettre de la DATAR du mois de mars, il est écrit que « les collectivités locales seront désormais autorisées à apporter, par convention, leur concours au fonctionnement d'un service public » - l'espression est savoureuse ! C'est pour le moins une « solution innovante » que de faire payer deux fois le contribuable des zones rurales : une fois par ses impôts, une seconde par les impôts locaux !
La question de l'avenir de La Poste est trop primordiale pour ne pas être débattue en toute transparence. Alors, madame la ministre, ne cherchez pas avec ce texte à insérer un « cavalier législatif » à l'article 15 bis pour transposer a minima la directive de 1997. S'il ne faut pas s'effrayer de la concurrence européenne, il faut néanmoins réfléchir de manière constructive et en profondeur afin de proposer une solution équitable. Le Sénat réclame depuis longtemps une loi d'orientation postale : il est grand temps de la mettre à l'ordre du jour.
Vous avez annoncé à plusieurs reprises, sans développer, que votre projet de loi d'orientation doit se placer dans un contexte européen. On ne peut que partager ce point de vue. En présentant votre texte, vous avez, d'une part, souligné que les politiques communautaires avaient une capacité de financement déterminante pour l'organisation des territoires nationaux et, d'autre part, rappelé que l'aménagement du territoire rassemblait l'ensemble des politiques publiques qui devaient être mises en cohérence.
Je vous pose donc la question : en quoi ce projet de loi d'orientation prend-il en compte les enjeux européens, en particulier l'Agenda 2000 ? La nouvelle politique agricole commune diminuera le revenu des agriculteurs ; la baisse des fonds structurels accentuera l'écart entre les régions pauvres et les régions riches. Et cependant, dans ce contexte, vous aviez précédemment déclaré vouloir mettre fin à la politique « ruralo-ruraliste » !
Ainsi, selon vous, les habitants des zones rurales vivraient mieux que ceux des villes, auraient un meilleur accès aux services publics, des salaires plus élevés, un accès à la culture plus aisé.
Pour ma part, je réponds bien évidemment non. Et il s'agit là non pas d'un combat ruraliste, mais d'une lutte pour gommer les disparités qui pénalisent notre territoire national tout entier, car seul un territoire équilibré permettra de développer toutes ses potentialités.
Aménager le territoire, c'est utiliser au mieux l'atout que représente notre espace national. Tous vos homologues européens vous le diront : ils nous envient tout cet espace qui est l'une de nos richesses, alors que votre gouvernement préfère concentrer ses efforts sur les villes.
Privilégier les villes aura pour première conséquence une plus grande attractivité de celles-ci pour les entreprises et contribuera à accélérer la spirale de la désertification des campagnes et de l'inégalité des chances.
La démarche devrait être exactement inverse : faire un effort particulier sur les zones rurales par le biais des services publics et des infrastructures afin d'y attirer les entreprises. La poursuite de l'exode rural va à l'encontre de l'intérêt de l'ensemble des citoyens. L'agglutination dans les grands centres urbains va à l'encontre du bien-être de leurs habitants et de notre culture.
Aujourd'hui, c'est dans les pays les plus pauvres que l'on constate le développement de mégalopoles surpeuplées. Souhaite-t-on vraiment favoriser Metropolis à l'heure où les pays les plus développés sont à la recherche de modèles de développement plus équilibrés ?
Néanmoins, vous dites votre souci de lutter en faveur des zones fragiles, rurales ou urbaines, et de refuser l'antagonisme entre ruraux et citadins. Les efforts financiers nécessaires pour revitaliser les zones rurales seraient beaucoup moins lourds que les efforts colossaux que nécessitent de nouvelles lignes de métro ou le énième boulevard périphérique concentrique autour de nos plus grandes villes.
Madame la ministre, les citoyens se sentent souvent étrangers et à l'écart des décisions qui les concernent. Pour contrebalancer cette réalité, il faut notamment leur permettre d'habiter ou de revenir là où ils ont leurs racines. Je crains que votre projet de loi d'orientation n'aille pas dans ce sens. Je voterai donc pour les propositions de la commission spéciale. (Applaudissements sur les travées du RDSE, des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)

(M. Jean Faure remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. La parole est à M. Gruillot.
M. Georges Gruillot. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, tout responsable politique élu pour servir ses concitoyens, il n'est pas inutile de le rappeler, doit en permanence, s'il est honnête, être soucieux de l'objectif qu'il poursuit, c'est-à-dire s'interroger sur le type de société qu'il faut promouvoir pour améliorer la qualité de vie du plus grand nombre.
Une fois l'objectif clairement identifié, une très grande partie des questions que pose l'organisation de cette société trouveront une résolution plus facile.
Cette démarche intellectuelle, indispensable, doit précéder toute décision d'aménagement du territoire ; elle est même déjà, elle-même, l'aménagement du territoire, tout le reste n'étant que des déclinaisons.
Vous, madame, en ministre responsable, vous vous êtes posé la question, capitale pour l'avenir de notre pays, et je vous en sais gré. Le monde évolue vite, très vite ; nous devons en permanence nous adapter à ses mutations et, en cela, votre démarche d'adaptation de la loi Pasqua-Hoeffel, « vieille de quatre ans », est louable.
Mais, madame, nos avis divergent ensuite sur le fond, c'est-à-dire sur le type de société que nous souhaitons construire, et sur la méthode que vous nous proposez, dans l'urgence et sans véritable concertation pour un sujet de cette envergure.
Permettez-moi de ne m'attarder que sur le fond.
De quel type de société la France a-t-elle besoin ? Depuis le dernier grand conflit mondial, donc depuis plus d'un demi-siècle, la France, de très profondément rurale, est devenue très majoritairement urbaine.
Cela s'explique par la conjonction de trois phénomènes : la colossale révolution agricole apportée par la mécanisation, l'industrialisation rapide, mais indispensable, de notre pays et l'urgence de la reconstruction, qui nous a amenés à gérer ces deux évolutions trop vite, sans réflexion prospective.
Un peu sans l'avoir voulu, nous nous sommes retrouvés avec cette France des 80/20 dont tout le monde parle, et avec toutes les difficultés que cela entraîne. Si le chômage est considéré par beaucoup comme le grand problème de l'heure, je suis de ceux qui pensent que les problèmes des banlieues et des grandes cités nouvelles sont au moins aussi importants et qu'ils seront encore beaucoup plus épineux à résoudre.
Aujourd'hui, un Français sur deux, soit trente millions de nos concitoyens, vit dans ce type de cité, où les concentrations excessives et souvent inhumaines génèrent, jour après jour, toutes ces dépravations sociales, morales et civiques en face desquelles, malgré toutes les bonnes volontés dont elles sont porteuses, les politiques dites « de la ville » mises en place par les gouvernements successifs se montrent peu efficaces.
La seule véritable réponse à ce grave problème, madame le ministre, réside dans une répartition plus harmonieuse de nos concitoyens sur le territoire national. Dégonflons les concentrations excessives et réinvestissons les territoires diffus : voilà la ligne de conduite qui devrait guider nos choix en matière d'aménagement du territoire.
Or, si la loi de 1995, finalement assez prospective, permettait d'aller dans ce sens, la correction que vous nous en proposez aujourd'hui se présente plutôt, me semble-t-il, comme une réponse a minima , un peu passéiste, aux seuls besoins existants, si ce n'est même comme un encouragement à continuer la concentration.
Dans le monde - d'autres en ont déjà parlé - de grands pays modernes, comme les Etats-Unis, la Grande-Bretagne ou l'Allemagne, ont déjà choisi, avec des résultats encourageants, cette voie du développement étalé dans l'espace qui offre aux hommes et aux femmes de meilleures conditions d'épanouissement. Nos rapporteurs l'indiquent d'ailleurs en détail dans leur excellent rapport écrit, et je voudrais profiter de l'occasion pour les féliciter du travail qu'ils ont accompli sous la houlette du président François-Poncet.
La France, me semble-t-il, serait sage de suivre l'exemple des grands pays que je viens de citer, et elle en a les moyens.
Je veux parler d'abord de l'amélioration de l'irrigation des espaces peu peuplés par des choix judicieux et volontaristes d'infrastructures de communications adaptées.
Je veux parler ensuite de la possibilité de doter ces territoires des équipements publics indispensables à la qualité de vie que nos concitoyens souhaitent rencontrer où qu'ils soient placés sur le territoire.
Je veux parler également du développement économique et de sa conséquence directe, la création d'emplois, dans des types d'activités tertiaires ou industrielles beaucoup plus envisageables aujourd'hui qu'autrefois, où seules les activités liées à la terre pouvaient y voir le jour.
Vous êtes mieux placée que quiconque, madame, pour savoir que la qualité de l'environnement devient de plus en plus une carte maîtresse d'attractivité économique des territoires.
La commission a, je crois, très utilement complété votre texe en ajoutant un volet développement économique. J'aurai l'occasion, par voie d'amendements, d'essayer de l'enrichir encore en ce sens, en insistant sur deux points qui me sont chers : la reconnaissance officielle des outils de développement économique dont se sont dotées les collectivités territoriales et la possibilité pour les régions de montagne d'organiser leur développement autrement qu'autour des seuls volets agriculture et tourisme.
Je veux parler, enfin, de la possibilité qu'a l'Etat de rendre certains territoires plus attractifs que d'autres par toutes sortes de péréquations dont il a la maîtrise. On en parle beaucoup. Déjà en 1994, lors du grand débat national qui préparait la loi de 1995, cette question avait été au coeur de toutes les réflexions. Mais, jusqu'alors, la mise en oeuvre est véritablement homéopathique.
Quand on a la possibilité de jouer sur les coûts différenciés de bon nombre de services, et même de fournitures comme les carburants, sur des fiscalités différenciées, incitatives ou dissuasives, sur des aides publiques spécifiques à des zones souhaitées plus attractives, on peut déclencher de vastes mouvements de populations.
Depuis mars 1982, voilà dix-sept ans, j'ai essayé, à mon niveau, de mettre en oeuvre ce que je viens brièvement de vous expliquer sur cette petite parcelle de France qu'est mon département du Doubs, qui représente à peu près un centième en surface et en population de notre pays. Et vous le savez bien.
Je ne l'ai pas fait seul, bien entendu, mais avec mes trente-quatre collègues conseillers généraux, qui, guidés par leur bon sens, ont unanimement choisi comme axe majeur de nos politiques la qualité de vie de nos concitoyens.
Pour ce faire, nous avons décidé une forme de développement qui privilégie l'homme dans son environnement naturel et non un développement qui concentre les richesses là où elles existent déjà.
Les résultats, certes modestes, sont là. Malgré de graves handicaps naturels, le Doubs est reconnu aujourd'hui pour la qualité de vie qu'y rencontrent nos concitoyens. Il est à la fois l'un des plus verts de France et le plus industrialisé. Essaimant de ses pôles industriels traditionnels, des entreprises se sont installées ou développées dans tous les cantons ruraux, qui, tous, ont vu augmenter leur population depuis quinze ans et, vraisemblablement, continuent de connaître une croissance démographique qui devrait être confirmée par le prochain recensement, et ce malgré une forte diminution, comme partout ailleurs en France, des actifs agricoles.
Je crois que nous avons véritablement participé, localement, à l'amélioration de la qualité de vie de nos concitoyens ; c'est là notre rôle.
Ce qui est vrai là, madame la ministre, peut l'être ailleurs, à condition, me semble-t-il, de ne jamais oublier que l'homme est au coeur du débat. Toute démarche d'aménagement du territoire qui l'oublierait relèverait, à mon sens, d'une lourde faute politique. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel. Madame la ministre, au sein du projet de loi que vous nous présentez, projet fondé sur une approche résolument nouvelle de l'aménagement du territoire, les schémas de services collectifs sont le lieu privilégié de la mise en oeuvre du principe de développement durable, le point d'équilibre entre les objectifs de l'Etat et les attentes des régions.
Ces schémas constituent une innovation majeure au service de la planification nationale et entreront pour une part significative dans l'ossature des futurs contrats de plan Etat-régions. Ils sont également une déclinaison de la notion de service public et de la conception française de cette notion fondamentale qui fait l'objet d'un débat aujourd'hui.
C'est justement cette approche française, cette conception de l'organisation de la société que nous voulons faire partager à nos partenaires européens afin que se construise aussi une Europe des services publics.
Il n'y a pas d'aménagement du territoire si l'Etat n'est pas engagé dans le maintien d'un bon niveau de service public et, s'il faut se féliciter des propositions contenues dans le projet de loi - plan pluriannuel d'organisation des services publics, procédure en cas de décision de réorganisation ou de suppression, création des maisons de services publics - il faudra, aussi, bien sûr, qu'elles se traduisent par une adéquation entre les affirmations et les comportements. Les problèmes liés à l'établissement de la carte scolaire ou à l'organisation hospitalière illustrent bien, aujourd'hui, ce besoin de cohérence.
Les huit schémas de services collectifs nous permettent d'opérer une mutation radicale de notre approche de l'aménagement du territoire en substituant à une logique d'offre une logique de service.
En effet, ces schémas témoignent d'une volonté nouvelle : celle de faire dorénavant aller les services vers la population, celle de mettre les services publics au service des citoyens.
Les huit schémas figurant dans ce projet de loi sont de portée inégale. Deux d'entre eux, par exemple, sont particulièrement nourris : celui qui concerne l'enseignement supérieur et celui qui concerne les transports.
Je m'attacherai plus particulièrement à formuler quelques réflexions sur le schéma de services collectifs de l'information et de la communication, qui a fait l'objet, dans la continuité de l'intérêt qu'elle porte à ces questions, d'une grande attention de la part de la commission spéciale.
Les nouvelles technologies de l'information et de la communication constituent l'un des moyens essentiels permettant d'assurer la réussite effective de l'aménagement solidaire du territoire et de contribuer activement à un désenclavement de certaines zones géographiques.
Ce schéma s'appuie sur des impératifs essentiels : des impératifs sociaux et territoriaux - proximité, permanence de l'accès aux services, accessibilité pour tous à des prix abordables - mais aussi des impératifs économiques - qualité des services rendus, performance et adaptation à l'évolution des techniques. En bref, il s'agit d'un égal accès de qualité pour tous.
Nos collègues de l'Assemblée nationale ont notablement enrichi le texte initial. Je retiendrai deux modifications qui me paraissent essentielles.
La première, dont l'initiative revient à notre collègue François Brottes, consiste en la définition des « conditions optimales » pour l'utilisation des technologies de l'information et de la communication. L'objet de ces précisions est important puisqu'elles visent à pallier des carences actuellement constatées - mauvaise couverture de certains territoires en téléphonie mobile - ou l'inadéquation de certains textes réglementaires - je pense aux critères d'implantation des cabines téléphoniques, par exemple.
La deuxième consiste en la reécriture partielle de l'alinéa traitant de l'accès des services publics à distance, reécriture moins restrictive, puisqu'il est fait mention désormais de l'accès à distance au service public et non plus à certains services publics.
Si ce schéma ainsi modifié recueille globalement notre accord, je souhaite cependant formuler deux réflexions.
Tout d'abord, à mes yeux, ce schéma ne fait pas suffisamment le lien entre l'utilisation des technologies de l'information et de la communication, le maintien des services publics et l'implantation d'activités en zone rurale.
En effet, l'utilisation de ces technologies doit permettre une meilleure répartition de l'intelligence, de la matière grise, que vous avez souvent évoquée, madame la ministre, et des moyens sur le territoire. Elle devrait contribuer à transférer des activités à distance pour compenser un volume d'activité insuffisant sur le plan local.
Ensuite, à l'exception du domaine de l'enseignement, s'il fixe des objectifs, ce schéma ne fait pas référence aux moyens - notamment aux moyens financiers - d'y parvenir. Certes, il ne s'agit pas précisément de l'objet du schéma cadre, qui nous engage sur vingt ans, mais j'aurais aimé, madame la ministre, que vous puissiez nous éclairer sur les moyens qu'il est possible de mobiliser pour sa mise en oeuvre.
Je souhaite, dès à présent, présenter quelques observations sur la directive européenne relative aux services postaux. Je m'en tiendrai pour l'instant à deux points principaux : notre conception du service public postal et les divergences nées de l'introduction, par le Gouvernement de l'article 15 bis.
Je ne reviendrai pas sur les différences sémantiques des termes utilisés : service universel postal ou service public postal. Je noterai simplement que le terme « universel » est un terme de transposition et qu'il découle de l'obligation de disposer du même vocable partout en Europe. En tout état de cause, le caractère de service public du service universel postal ne fait aucun doute.
Ce qu'il m'importe de souligner ici, c'est notre attachement à La Poste en tant que service public essentiel à la structuration du territoire et au maintien du lien social. On peut considérer qu'à l'occasion de cette transposition intervient une avancée du service public, dont le contenu s'enrichit, par exemple en incluant le service des colis.
De nombreux pays européens ont fait le choix d'une libéralisation totale de leur secteur postal. La France, elle, par la voix du Gouvernement et du Président de la République, a fait un autre choix : celui de confier à La Poste le plus grand nombre possible de services réservés, qui resteront sous monopole. Nous ne pouvons que nous en féliciter ; il faut en effet que le service public postal, auquel nous sommes attachés, soit conforté, au travers de trois principes fondamentaux : l'égalité, la continuité et l'adaptabilité.
Quant à la conception française, réaffirmée dans le contrat d'objectifs et de progrès, elle se définit comme suit, chaque terme ayant une importance majeure : un service public de qualité, accessible à tous, en permanence, sur l'ensemble du territoire et à des prix abordables.
Cela dit, nous ne pouvons ignorer les grands enjeux internationaux et l'ouverture croissante à la concurrence. Notre démarche se doit donc d'être une démarche d'ensemble assurant la transposition de la directive et le renforcement du service public postal « à la française », mais aussi la préservation et la promotion d'un service public modernisé et dynamique.
Comment, dès lors, ne pas évoquer la position de la commission spéciale, qui propose la suppression du contenu de cet article additionnel et annonce le dépôt d'une loi d'orientation postale dans les six mois à venir. Nous ne sommes pas d'accord avec cette position, sans penser pour autant qu'il y ait matière à polémiquer.
A notre sens, le débat porte non pas tant sur le fond de la directive que sur la forme, la commission considérant que la procédure retenue est peu respectueuse du Parlement.
Nous pouvons, je pense, nous retrouver autour de cette idée : telle qu'elle a lieu, cette transposition n'est pas idéale. Elle appelle un projet de loi d'orientation sur le système postal français. M. Christian Pierret a dit son intention de le déposer rapidement, ce que vous avez également annoncé dans votre discours introductif, madame la ministre. Je suis certain que vous nous le confirmerez.
En attendant, cet article additionnel permet d'éviter que ne se crée un vide juridique et de pouvoir opposer un texte aux opérateurs concurrents de La Poste.
Cet article, auquel s'ajoute le contrat d'objectifs et de progrès, pose les principes fondamentaux du service public postal, au service de la cohésion sociale et territoriale de notre pays.
Plus largement, ce débat autour de La Poste est bien symptomatique de la conception du service public à la française que nous défendons. La présence d'un service public modernisé, adapté aux besoins, bref, la présence d'un Etat moderne sur tout le territoire, est bien un élément pivot d'une politique d'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Besse.
M. Roger Besse. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi « Pasqua », qui avait suscité tant d'espoir, s'efface pour laisser place à la loi « Voynet ». Autre majorité, autre ministre, autre loi : tout cela est dans la logique de la vie politique et ne me trouble pas.
Nous voici engagés dans une profonde modification de la loi de 1995, nous voici engagés dans une autre voie, une voie elle aussi durable puisqu'il s'agit en principe de dessiner la France des prochaines décennies.
C'est-là, madame la ministre, une grande et noble ambition.
Pour ma part, je ne vous ferai pas de procès d'intention : je ne doute pas de votre volonté, de votre pugnacité, moins encore de votre compétence.
En revanche, j'éprouve quelques doutes quant aux modalités d'application de cette loi, et plus encore quant aux moyens que vous réussirez à mobiliser pour la rendre véritablement efficace.
Vos intentions sont bonnes et louables.
Comment en effet ne pas être en accord avec vous lorsque vous affirmez l'indispensable solidarité à l'égard des populations ou des parties du territoire qui se trouvent en situation de retard ou de décrochage ?
Comment ne pas être en accord avec vous lorsque vous affirmez vouloir tout mettre en oeuvre pour permettre l'égalité des chances entre les citoyens et que vous ajoutez : « Cela suppose que l'on puisse bénéficier des mêmes possibilités d'épanouissement individuel et professionnel où que l'on vive dans notre pays » ?
Votre volonté affichée correspond à ce que nous souhaitons pour notre pays, mais elle rélève trop de la pétition de principe.
En effet, madame la ministre, la réalité est, hélas ! tout autre. Pas partout, certes, et c'est tant mieux !
Dans le temps qui m'est imparti, je me bornerai à évoquer, à titre d'exemple, le cas des zones de montagne et des départements dits « défavorisés », en proie à un dépeuplement endémique, marqués par les stigmates du déclin.
S'agissant d'un département tel que celui que j'ai l'honneur de représenter, je ne trouve, dans votre projet de loi, madame la ministre, ni de motifs d'espoir ni les signes forts seuls susceptibles d'inverser le cours des choses.
En quelques chiffres, en quelques mots, je campe le tableau.
La population du Cantal s'élevait à 230 000 habitants en 1880, contre 150 000 habitants en 1999, dont une proportion de personnes âgées bien supérieure à la moyenne nationale, avec, pour corollaire, des charges croissantes d'aide sociale.
Le produit intérieur brut du département représente moins de 75 % de la moyenne nationale, ce qui devrait normalement permettre à mon département de bénéficier de l'objectif 1 ; mais il en est exclu du fait de l'application de règles communautaires, qui ne retiennent que les régions.
A cette situation inquiétante s'ajoute un enclavement historique qui n'a jamais été vaincu, au cours d'années jalonnées de promesses non tenues et de décisions toujours reportées.
Notre préfecture reste ainsi la plus enclavée de France, à plus d'une heure trente de la seule autoroute accessible, à plus de deux heures de la préfecture de région. Et nous sommes dans l'obligation de franchir le seul tunnel en France qui soit encore à circulation unilatérale alternée pour les poids lourds, et cela sur route nationale.
Je citerai encore l'absence de toute perspective en matière d'autoroutes, alors que d'autres régions en sont saturées et vont jusqu'à les rejeter.
Comme un malheur n'arrive jamais seul, ce problème routier est aggravé par la vétusté dramatique d'un réseau ferroviaire qui s'est vu amputé au cours des dernières années de 175 kilomètres de lignes réduites à l'état de friches.
Notre réseau ferroviaire est archaïque, équipté de matériel datant de 1954, marqué par des temps de parcours dissuasifs qui ne manquant pas de laisser rêveurs ceux qui se hasardent à l'emprunter.
Ainsi, il faut six heures trente pour rejoindre Paris - dans le meilleur des cas ! - sept heures trente pour rejoindre la ville de Lyon, distante de 300 kilomètres seulement ; j'ajoute, pour votre information, en souhaitant votre visite, madame la ministre, que huit heures cinquante seraient nécessaires pour aller de Dole à Aurillac ! (Sourires.)
Pour l'Auvergne, le TGV est, je le crains, un rêve inaccessible, tandis que le pendulaire n'est pas à attendre avant plusieurs années.
Aurillac bénéficie, certes, d'une ligne aérienne régulière, mais à quel prix : 2 950 francs l'aller et retour entre Aurillac et Paris !
L'accès pour tous aux services publics est également un leurre. Les écoles ferment - 123 postes ont été supprimés en cinq ans - et s'éloignent donc des élèves, de même que les universités s'éloignent des étudiants, les services de santé des malades, les perceptions des contribuables et les bureaux de poste de leurs usagers.
Redéploiements et fermetures sont notre lot quotidien.
S'ajoutent à cette situation les préoccupations de nos agriculteurs, soumis à l'angoisse de la réforme de la PAC et à celle des fonds structurels européens.
Je pourrais poursuivre longtemps encore cette litanie en vous parlant du commerce, de l'artisanat, de l'industrie, qui luttent chaque jour à armes inégales pour résister et pour survivre.
Comment, lorsqu'on est quotidiennement confronté à de tels problèmes, prétendre faire venir des entreprises nouvelles, attirer des touristes, rentabiliser des structures, concevoir des projets ambitieux, en un mot croire en l'avenir ?
Comment retenir mes compatriotes, qui, à contrecoeur, vont dans les grandes métropoles pour y réussir, parfois remarquablement, pour valoriser leurs talents, pour investir, pour instruire leurs enfants, pour se cultiver, pour se soigner ?
Dans ces zones difficiles, le sentiment d'injustice prend le pas sur le sentiment de cohésion nationale. A la fracture sociale s'ajoute la fracture territoriale.
Vous l'avez compris, madame la ministre, tout ce qui est fait depuis trente ans va à l'encontre de la politique d'aménagement du territoire ; le texte que vous proposez ne me semble pas prendre suffisamment en compte les défis auxquels sont confrontées les zones rurales de montagne.
Durant trop d'années, trop d'erreurs ont été commises. Pour inverser le cours des choses, pour rompre la spirale du déclin, pour rééquilibrer le territoire, pour faire renaître l'espoir, il faut des mesures fortes et différenciées, lisibles et simples dans leur application.
« La modernité ne consiste pas à appliquer partout et autoritairement les mêmes solutions. Il faut adapter nos structures et nos procédures aux réalités, et non l'inverse. »
Les difficultés que je viens de décrire ne sont pas insolubles. Les hommes et les femmes de nos zones de montagne sont volontaires, courageux, entreprenants. Ils ne désespèrent pas, car ils ont le sentiment d'habiter sur des terres difficiles, certes, mais tellement belles.
Ces territoires sont à reconquérir. Ils portent en eux les germes du futur. Le temps presse ; dans dix ans, il sera trop tard.
Pour soutenir nos efforts de reconquête, pour ouvrir nos routes et nos territoires, pour rattraper nos retards, nous avons besoin de la nation : la nation a le devoir de peser de tout son poids chaque fois que se joue le sort d'une partie de son territoire.
La loi qui portera désormais votre nom, madame la ministre, ne sera une grande loi que si elle peut redonner confiance à l'autre France, qu'il s'agisse de celle des banlieues déshéritées ou de celle des zones défavorisées, si elle peut construire une véritable démocratie de proximité, à l'écoute de tous les citoyens, à la mesure de leurs talents, au service de leurs projets.
Il faut très concrètement partir des besoins des populations, donner aux élus les moyens d'y répondre, leur permettre d'obtenir rapidement des résultats.
Les débats à l'Assemblée nationale ont permis de rééquilibrer quelque peu votre projet de loi en faveur du monde rural et des zones de montagne. Il faut faire plus et mieux, madame la ministre. Je souhaite ardemment que les travaux du Sénat permettent d'améliorer votre projet de loi afin de répondre à votre souci de solidarité envers les territoires qui, selon vos propres termes, « se trouvent en situation de retard et de décrochage ».
C'est à ce prix, et à ce prix seulement, j'en suis convaincu, que votre projet de loi deviendra, comme je l'espère, une bonne loi. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et sur certaines travées du RDSE. - M. Bony applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, ainsi donc, le Sénat, maison des territoires de France, selon une tradition qui lui est chère et un rôle qui lui est dévolu par la Constitution, est amené à se prononcer sur le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.
Loin de moi, madame le ministre, l'idée d'être votre professeur et de corriger votre copie. Cependant, vous me permettrez de disserter sur les nombreuses imperfections de fond et de forme que j'ai relevées dans le texte que vous nous proposez.
Je tiens tout d'abord à revenir sur l'opportunité de ce projet de loi. En effet, notre pays n'est-il pas déjà doté d'une loi d'orientation, votée à l'initiative de notre excellent collègue, alors ministre d'Etat, M. Charles Pasqua ? Elle n'a, semble-t-il, pas l'heur de vous plaire. Serait-ce parce que, à cette époque, vous n'étiez pas au pouvoir ? Je n'ose l'imaginer !
J'ai noté que certains de nos collègues qui siègent sur les travées de gauche de cet hémicycle avaient déclaré, ici ou là, que cette loi n'avait pas été appliquée : mais alors qu'en est-il des vingt-trois décrets et des dix-neuf arrêtés pris en application de celle-ci ?
La loi Pasqua est née d'une vaste consultation : près de sept mois de débats parlementaires et une succession de discussions menées sur le terrain pendant près d'un an. Vous, que nous proposez-vous ? Une future « loi Voynet » - permettez-moi de vous rendre cet hommage - née dans un ministère, de la plume de quelques hauts fonctionnaires parisiens. Ce n'est pas une loi d'orientation ; c'est une loi d'intention ! (M. Braye applaudit.) C'est un texte de desiderata - les vôtres ! - un texte plus modeste que nous le redoutions, je vous le concède, mais un texte par essence dogmatique.
Il nous arrive après que le Parlement a déjà été saisi de multiples textes dits « de fond » : je citerai les deux lois Zuccarelli et la loi Chevènement. Voici maintenant la loi Voynet. Si le Gouvernement continue ainsi, nous aurons bientôt voté cette année plus de lois d'orientation que de révisions de la Constitution ; c'est dire ! (Sourires.)
Je déplore que vous ayez isolé la discussion de ce projet de loi, refusant de l'articuler avec les autres réformes de l'organisation urbaine et de l'intercommunalité.
Je déplore aussi que cette discussion intervienne à la veille d'une nouvelle phase de programmation des fonds structurels européens.
Permettez-moi, madame le ministre, de considérer que votre projet de loi a fait l'objet d'une rédaction hâtive et hasardeuse. Sinon, comment expliquez-vous que la commission de l'Assemblée nationale chargée de l'examen de ce texte, et composée majoritairement par vos amis, ait adopté cent cinquante amendements sur trente-six articles ?
Et, une nouvelle fois, le Gouvernement de décréter l'urgence ! La majorité serait-elle animée à ce point d'un sentiment de précarité de sa condition ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'environnement et de l'aménagement du territoire. C'est l'hôpital qui se moque de la charité !
M. Bernard Fournier. Je considère que cette déclaration d'urgence n'est pas responsable : vous mettez en péril la qualité même de votre texte en vous privant des améliorations qui pourraient lui être apportées par le jeu de la navette.
Vous organisez, de surcroît, le dessaisissement du Parlement pendant vingt ans en donnant le pouvoir à l'administration pendant le temps d'une génération. Mais quelle image avez-vous donc du parlementarisme et de la démocratie ?
Je doute de l'opportunité de cette disposition et elle me cause quelques soucis.
S'agissant d'aménagement du territoire, comment ne pas en nourrir lorsque j'entends certains, dont le préfet de la Loire, pour prendre un exemple qui m'est cher, se prononcer à mots plus ou moins découverts sur la suppression éventuelle d'un arrondissement : celui, charnière, de Montbrison, et ce dans un département qui ne compte que trois arrondissements.
Comment ne pas être inquiet quand il ne se passe pas un trimestre sans que j'apprenne, dans mon département, une suppression de services postaux, de services fiscaux, de tribunaux ?
Sur le fond du projet de loi, je tiens à relever plusieurs incohérences et plusieurs imprécisions.
J'évoquerai d'abord la disparition du schéma national d'aménagement du territoire à la faveur de la création de huit schémas sectoriels, dont aucun ne fait référence aux services publics en milieu rural. C'est là une mesure qui m'apparaît aussi importante que contestable.
En outre, dans la mesure où se trouve supprimé l'élément de référence national, serons-nous dans le même position lors des négociations avec nos partenaires européens ? J'en doute !
J'ai bien noté aussi que vous teniez à inscrire la notion de durabilité au coeur de votre projet. C'est une intention louable, certes, car je ne connais pas un élu qui soit opposé au développement des territoires et au fait que ce développement soit soutenu. En revanche, je regrette que cette notion ne soit pas articulée avec nos débats sur le projet de loi d'orientation agricole ; c'était, je le crois, le cadre naturel d'une telle réflexion.
Je crains que la philosophie du texte - si je puis m'exprimer ainsi ! - ne soit d'inspiration purement citadine. Je refuse que l'on oppose le monde des villes à celui des campagnes. Il ne faut pas organiser le divorce entre deux France ; la France est une et indivisible. Elle est peut-être une mosaïque, mais elle est aussi et surtout riche de ses différences.
Le talent du législateur, c'est d'organiser le dialogue social. Il me semble que la ruralité peut être l'élément modérateur face aux violences des « conurbations ». Or il n'y a rien sur ce volet dans le projet de loi dont nous allons débattre. C'est dommage et c'est une occasion manquée !
Il n'y a rien non plus sur la sécurité. Alors que nos banlieues s'enflamment, je m'étonne que le Gouvernement n'ait pas jugé opportun d'inclure dans le schéma qui va organiser le maillage des territoires pour les vingt années à venir une réponse à ce problème.
D'autres questions demeurent en suspens, notamment sur la répartition des compétences entre les collectivités territoriales. Je souhaite que nos débats soient entendus par le Gouvernement et qu'ils permettent l'expression d'un nouvel axe de décentralisation. Mais, de grâce ! que l'on n'assiste pas, comme j'en ai le sentiment, à une énième vague de jacobinisme centralisateur.
Qu'en sera-t-il de l'équilibre entre les territoires ? Chacun a en tête le fait que la France est une superposition de structures. Personne n'ose nommer l'échelon superflu ou qui ferait doublon ; nous n'échapperons pas un jour à ce débat.
En conséquence, nous réaffirmons dans cet hémicycle que les pays sont des territoires de projets et non de pouvoir : il n'est pas nécessaire de créer un nouvel échelon, alors que nos concitoyens ne comprennent déjà pas la dichotomie du territoire.
J'aborderai, enfin, un domaine qui me tient viscéralement à coeur et sur lequel le projet de loi Voynet est loin d'apporter toutes les assurances indispensables pour nous, représentants des élus locaux : il s'agit du maintien des services publics en milieu rural.
J'ai évoqué, tout à l'heure, la situation de la Loire. De telles mises en cause de la présence des services publics ne sont plus acceptables.
Le précédent gouvernement avait gelé la suppression des administrations de proximité, car il avait compris le lien qui existe entre l'aménagement du territoire et le service d'intérêt général : lorsque c'est la poste, le tribunal, le commissariat ou la trésorerie que l'on ferme, c'est encore la mort des villages qui est organisée ; c'est aussi l'assassinat de la mémoire de plusieurs siècles d'histoire et de labeurs.
D'autres collègues évoqueront nos inquiétudes sur la péréquation. Pour ma part, je conclurai sur les doutes que je nourris quant à l'inscription de la France dans les arcs européens : arc alpin et arc méditerranéen, notamment. C'est une vision globale des communications qu'il nous faut avoir.
Deux pistes de réflexion sont absentes de votre texte, madame le ministre : le désenclavement des territoires défavorisés, d'une part - et, croyez-moi, je connais les difficultés que cela entraîne - et, d'autre part, - c'est sans doute là votre « patte », peut-être teintée d'écologisme - la politique autoroutière nationale, qui n'apparaît pas comme un élément structurant des territoires.
Il est pourtant primordial pour nos régions de capter les flux qui engorgent les grands axes. Je ne citerai pour exemples que l'aménagement de la RN 88 entre Toulouse et Lyon ou la desserte Saint-Etienne-Lyon par l'A 47. Sur ces points, je souhaite que le Sénat corrige votre copie.
Telle est la lecture que nous faisons de votre texte, madame le ministre. Nos critiques se veulent constructives. Considérez qu'elles vous viennent d'acteurs de terrain, qui sont au contact des réalités quotidiennes. Puissiez-vous les entendre ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Madame le ministre, je vous demande encore un petit effort. Après ce marathon de la discussion générale - trente-trois orateurs m'ont précédé - il est difficile d'intervenir le dernier, d'autant que, pratiquement, tout a été dit.
M. Charles Revet, rapporteur de la commission spéciale. On vous fait confiance !
M. Alain Vasselle. Vous avez entendu les doléances de l'ensemble de mes collègues, mais aussi l'enthousiasme développé par certains, ainsi que le souci à la fois du président de la commission des affaires économiques et du Plan, des rapporteurs et d'un certain nombre de nos collègues, de trouver une position consensuelle sur ce texte important.
En fait, ce projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, appelé aujourd'hui « loi Voynet », ne vient que compléter ou amender cette grande loi que nous avons votée en son temps, la loi Pasqua, sur laquelle la Haute Assemblée a effectué un travail considérable : avec le président François-Poncet nous avons oeuvré pendant plusieurs mois dans le cadre de la commission spéciale qui avait été créée à cet effet.
Nous avions l'illusion de penser que le travail alors réalisé avait été de qualité et qu'il n'était pas nécessaire d'y revenir. Sans doute la philosophie de l'aménagement du territoire du gouvernement précédent et celle de l'actuel gouvernement ne sont-elles pas les mêmes, ce qui vous conduit à nous proposer un certain nombre d'aménagements, madame le ministre.
Je rejoins les remarques formulées par certains de nos collègues, notamment par M. Fournier.
Je suis l'élu d'un canton rural situé dans un département où la ruralité représente encore quelque chose, même si des départements comme la Loire, la Lozère ou la Creuse ont plus de raisons - et des raisons justifiées ! - de parler de la réalité de la ruralité et des difficultés auxquelles ils se heurtent en termes d'aménagement du territoire.
La connaissance que j'ai de cette ruralité me donne le sentiment, madame le ministre, que la préoccupation exprimée par le Gouvernement au travers de votre texte est plus tournée vers les villes et le réseau urbain que vers le réseau rural. Peut-être avez-vous considéré que le travail qui avait été effectué par le précédent gouvernement en matière de ruralité était parfait, qu'il n'y avait plus rien à ajouter et que, en définitive, la loi Pasqua était tout à fait équilibrée en ce domaine, alors que, en matière de réseau urbain, il y avait lieu d'intervenir à nouveau.
Vous avez donné également une note environnementale à votre texte. Nous ne pouvons que nous en féliciter : la préoccupation environnementale est importante, et il convient de l'intégrer dans une politique globale d'aménagement du territoire.
J'ai le sentiment que la part faite au réseau urbain est trop belle. A l'égard de cette préoccupation majeure, j'espère que nous allons apporter des améliorations qui démontreront le souci du Sénat d'élaborer un texte aussi équilibré que possible en termes d'aménagement du territoire, tant sur le plan rural que sur le plan urbain.
Sur la forme, madame le ministre, je regrette - nombre de nos collègues, dont M. Fournier, ont exprimé le même regret - que l'on n'ait pas eu le souci d'examiner simultanément les trois textes qui concernent, soit directement soit indirectement, l'aménagement du territoire.
Il est particulièrement regrettable que nous discutions aujourd'hui de votre projet de loi, si important et si intéressant soit-il, et que nous n'examinions que dans un deuxième temps la loi sur l'intercommunalité et, dans un troisième temps, le texte que défendra M. Zuccarelli. Il s'agit là des trois volets d'un ensemble et ils auraient dû être examinés en même temps. Bien évidemment, nous veillerons à la cohérence des aménagements que nous proposerons lors de l'examen de ces différents textes. Cependant, l'approche risque de manquer d'homogénéité, alors qu'il aurait été nécessaire d'avoir une approche globale, jusque dans le détail, des dispositions présentées.
Je limiterai mon intervention à quelques questions portant sur les mesures qui sont prévues dans le projet de loi.
La première question concerne la politique des pays.
Vous proposez de favoriser, en tant que de besoin, pour la signature de futurs contrats de plan, la création de syndicats mixtes. Plusieurs orateurs vous ont fait valoir qu'il ne serait pas heureux de créer un niveau institutionnel supplémentaire au sein de nos collectivités territoriales. Je sais bien que tel n'est pas votre objectif, mais il y a là un risque.
Je fais partie de ceux qui pensent qu'il n'était pas utile, au travers des pays, d'encourager les communes à se constituer en syndicats mixtes pour la seule signature d'un contrat de plan.
Le pays tel qu'il avait été conçu à l'origine dans la loi Pasqua me paraît être, à la fois dans la lettre et dans l'esprit, la structure la meilleure, pour ne pas dire la moins mauvaise, sachant que la perfection n'est pas de ce monde. D'ailleurs, le rapporteur Gérard Larcher vous proposera de revenir à la rédaction initiale et je ne peux que m'en féliciter.
Madame le ministre - et je souhaite que vous prêtiez un peu d'attention à cette question - quelle est la logique du Gouvernement ? Veut-il favoriser trois niveaux d'institutions : l'Europe, les régions et les groupements de communes ? Dans l'affirmative, les départements et les communes ont-ils encore leur raison d'être en tant que tels ?
M. Charles Revet, rapporteur. Bonne question !
M. Alain Vasselle. Est-ce que l'on veut que, demain - je ne sais à quelle échéance : dans dix, quinze ou vingt ans - en milieu rural, la commune soit considérée comme l'équivalent du quartier d'une grande ville, d'une ville moyenne ou d'une ville plus importante ?
En définitive, le maire sera réduit à remplir les fonctions qu'il exerce en sa qualité de représentant de l'Etat, d'officier de police et d'officier d'état civil, et toutes les missions de gestion, d'équipement et d'aménagement reviendront à l'intercommunalité. Dorénavant, le maire ne jouera plus qu'un second rôle.
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Alain Vasselle. Voulez-vous vous engager dans cette logique ou bien voulez-vous retenir une autre logique, madame le ministre ?
Ma deuxième question concerne les contrats de plan.
Jusqu'ici à présent, les contrats de plan étaient conclus entre les régions et l'Etat. Les départements y étaient associés par la contribution financière qui était prévue, mais ils n'en étaient pas les signataires.
Demain, les départements et les pays seront signataires des contrats de plan. Compte tenu du calendrier et des moyens qui seront réservés dans le budget de l'Etat pour assurer le financement des contrats de plan, ne risquons-nous pas de faire naître de faux espoirs au profit de la ruralité et des pays ?
Les moyens seront-ils au rendez-vous pour mener à bien les projets d'aménagement du territoire dans ce pays ? Le calendrier et la procédure permettront-ils d'aboutir dans le cadre du futur contrat de plan ?
J'en viens à ma troisième question.
Il est absolument nécessaire d'avoir une approche aussi fine que possible du maintien des services de proximité en milieu rural. Tel est l'objet des maisons de pays. J'ai cependant le sentiment qu'on a une approche trop générale du sujet et que la notion de proximité n'est pas suffisamment prise en compte. Cette préoccupation figure-t-elle dans votre texte, madame la ministre ?
Enfin, ma quatrième et dernière question concerne la notion de collectivité chef de file.
D'après ce que j'ai pu comprendre, la rédaction qui a été retenue à cet égard a fait l'objet d'un consensus entre l'association des présidents de conseils généraux, l'association nationale des élus régionaux et l'association des maires de France. Cette rédaction met en avant le rôle de chef de file de la région et du département, dans le cadre de l'exercice de leurs compétences.
Je considère, quant à moi, qu'il convient de modifier l'amendement présenté par la commission sur ce sujet, de façon que, lors de l'élaboration des contrats de plan, les communes puissent également, au travers de leurs groupements, jouer ce rôle de chef de file. Il importe de ne pas réserver cette faculté aux seuls départements ou régions.
Telles sont les questions que je tenais à vous poser, madame la ministre, et sur lesquelles je voulais appeler l'attention de l'ensemble de mes collègues. Bien entendu, dans le cadre de la discussion des articles, nous aurons l'occasion de revenir sur un certain nombre de points.
Je souhaite vivement que les propositions du Sénat soient retenues par le Gouvernement et, à l'instar du président François-Poncet, qu'un consensus très large se dessine, mais en respectant la cohérence de la loi Pasqua. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat général auquel vous avez contribué a été d'un grand intérêt. En tout cas, il aura permis de confirmer les propos que j'ai tenus dans mon intervention liminaire s'agissant de la passion de votre assemblée pour ce sujet qui est essentiel pour l'avenir de notre pays.
Je me réjouis que, à quelques exceptions près, nous ayons évité les caricatures, les oppositions stériles, les faux procès. Il n'a guère été question ici de « mépris de la ruralité », de « tuer le département », de « privilégier la ville » ou d'opposer, de façon stérile, la ville et la campagne, et je m'en réjouis.
Vous le comprendrez, je ne répondrai pas dans le détail à chacune de vos interrogations. L'examen des différents articles nous permettra, en effet, de préciser davantage ce que nous cherchons à retenir dans ce texte de loi. Mais je ne veux pas non plus éviter les grands sujets que vous avez abordés.
Tout d'abord, vous avez été nombreux - par exemple, MM. Delfau, François-Poncet, Gérard Larcher et Hoeffel -, et je le comprends, à regretter le recours à la procédure d'urgence. A tous, je dis que, moi aussi, j'aurais aimé que ce projet de loi puisse être inscrit plus tôt au calendrier du Parlement ; mais ce calendrier est très chargé et cela n'a pas été possible. En effet, nous avons devant nous un certain nombre des rendez-vous fondamentaux pour l'avenir du territoire national.
Etait-il possible de faire autrement ? L'Etat et les régions devront signer, avant la fin de l'année, de nouveaux contrats de plan. Une nouvelle génération de fonds structurels devra être mise en oeuvre. Cette fois, et c'est une chance, le calendrier des opérations financées avec des crédits européens sera le même que celui de nos contrats nationaux.
M. Puech a d'ailleurs souligné la lourdeur et la difficulté de cette tâche. Le rendez-vous du 1er janvier 2000 ne sera tenu que si nous y mettons tous du nôtre. C'est ce que je crois noter dans les contacts que j'ai sur le terrain avec les présidents des conseils régionaux, des conseils généraux et avec les acteurs du développement territorial.
Pouvions-nous aborder ces échéances sans avoir arrêté les orientations et les moyens que nous souhaitions mettre en oeuvre ? Je ne le crois pas. Je suis consciente de la frustration que cela représente pour les parlementaires, mais aussi pour le Gouvernement et pour les services de l'Etat.
J'ai répondu, aussi souvent que possible, à vos invitations, que ce soit devant vos commissions ou lors du débat que vous avez organisé au mois de décembre sur l'aménagement du territoire. Aussi, nous ne découvrons pas aujourd'hui le texte sur lequel vous êtes appelés à délibérer ; nous en avons discuté à de nombreuses reprises depuis huit mois.
Ce texte a été largement analysé et commenté par vos soins. Si j'en crois les nombreux articles, de presse relatant vos prises de positions et leurs évolutions, le débat a permis de lever un certain nombre de préventions et de difficultés, et a déjà permis d'enrichir les projets du Gouvernement, avant l'examen du texte par l'Assemblée nationale, à l'issue de celui-ci et au moment où le Sénat aborde la présente discussion.
Je voudrais répondre également à vos questions relatives à la place du Parlement dans l'élaboration de la politique d'aménagement du territoire.
Votre commission spéciale a regretté la disparition du schéma national prévu par le loi Pasqua. Sans demander son rétablissement, le président Jean François-Poncet a vu, dans cette disparition, une perte de compétence du Parlement. Comme M. Bellanger, j'y vois plutôt la disparition d'une sorte de « démocratie virtuelle » et la restauration de relations plus justes et plus honnêtes entre le Gouvernement et le Parlement.
Le schéma national, dont l'élaboration n'a jamais pu être conduite à son terme - je tiens à votre disposition un document intérimaire qui est malheureusement un catalogue de considérations générales et de priorités non hiérarchisées - était un document très général, beaucoup plus qu'aucun des articles du projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui, et dont M. Pasqua lui-même avait pris soin d'indiquer, lors de la présentation du projet de loi à l'Assemblée nationale, qu'il n'aurait qu'une valeur indicative, comme tout document de planification établi par l'Etat, n'obligeant que « par la conviction qu'il suscite ». Comme vous le savez, il n'a jamais été question d'arrêter les schémas sectoriels, qui n'ont d'ailleurs jamais vu le jour, autrement que par décrets.
En l'occurrence, la situation est très différente. Le texte qui vous est proposé confère au pouvoir législatif un rôle bien plus important que ce n'était le cas jusqu'à présent dans l'élaboration de la politique d'aménagement du territoire. En effet, vous allez définir dans la loi d'orientation non seulement les orientations générales, mais également les grands choix stratégiques de chacun des schémas de services collectifs, qui font tous l'objet d'un ou de plusieurs articles.
L'article 2 du projet de loi prévoit que le Gouvernement présentera au Parlement, deux ans avant l'échéance des prochains contrats de plan Etat-région, un projet de loi permettant un réexamen et, si nécessaire, une réorientation de la politique nationale d'aménagement du territoire.
L'article 4 dispose que le Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire - qui, je dois le rappeler ici, est non pas une invention de l'actuel Gouvernement, mais une reprise du texte de M. Charles Pasqua - présentera chaque année un rapport au Parlement sur la mise en oeuvre de cette politique.
Enfin, l'article 8 bis vise à créer deux délégations parlementaires qui auront pour mission de contrôler l'activité du Gouvernement dans le domaine de l'aménagement et du développement durable du territoire.
Comment peut-on sérieusement dire, après cela, que les droits du Parlement ne sont pas reconnus ?
N'y a-t-il pas là un ensemble de dispositions qui vont bien au-delà d'un rendez-vous un peu formel, un peu rituel, pour un débat général ? N'y a-t-il pas là un ensemble de dispositifs qui vous permettront d'exercer au quotidien un rôle d'orientation, d'évaluation, de contrôle de l'exécutif ?
Si vous le permettez, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ajouterai quelques mots à propos de l'état dans lequel se trouvaient ces dossiers en juin 1997. Je dois en effet dire à nouveau ici que si un certain nombre de décrets - les plus faciles à rédiger et les plus urgents - ont bien été publiés dans des délais tout à fait raisonnables, je le reconnais volontiers - hier, j'ai eu l'occasion de dire deux mots à M. Jean-Claude Gaudin, mais je ne lui ferai pas l'insulte, en son absence, de lui faire porter la responsabilité du défaut de mise en application de la loi Pasqua - l'essentiel des dispositifs les plus innovants et les plus intéressants pour les parlementaires étaient au point mort.
Les grands chantiers législatifs sont restés en l'état, c'est-à-dire au plus un catalogue d'annonces, au plus un programme de travail, qu'il s'agisse de la clarification des compétences, de la loi sur les zones de revitalisation rurale, du schéma national, des schémas directeurs sectoriels, de la réforme de la fiscalité locale, de la péréquation ou de l'organisation intercommunale. Vous en conviendrez avec moi, il ne s'agit pas là de chantiers secondaires. D'ailleurs, le Gouvernement auquel j'appartiens n'est pas lui non plus en situation de tout rénover et de proposer un bouleversement complet de nos institutions et des rapports de forces entre nos assemblées et nos collectivités.
Je voudrais également citer l'allongement de la durée des contrats de plan Etat-région, qui est passée de cinq ans à six ans. Cette décision prise d'une façon unilatérale a entaché la crédibilité de la parole de l'Etat sans permettre le rattrapage nécessaire dans le financement des contrats de plan Etat-régions.
M. André Lejeune. C'est vrai !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Vous l'aurez noté, je n'avais pas souhaité en faire état dans mon intervention liminaire, et je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'y consacrer trop de temps.
La tâche est lourde, elle est complexe, elle nécessite nombre de conversations entre nous. La situation dans laquelle nous nous trouvons correspond à l'état de cette discussion. Nous allons garder ce qui, dans la loi Pasqua, fonctionne et est considéré par nous tous comme intéressant, nous allons modifier, pour tenter d'améliorer et d'aller plus loin, ce qui n'était qu'ébauché et nous allons renoncer à ce qui correspondait à de simples effets d'annonce, lesquels doivent peut-être faire l'objet de discussions plus approfondies et plus intenses. Nous reprendrons, je l'imagine, ce chantier à d'autres niveaux, à d'autres moments. La discussion du projet de loi de M. Jean-Pierre Chevènement sur l'intercommunalité et celle du projet de loi de M. Emile Zuccarelli sur l'intervention financière en matière économique des collectivités locales en seront les premières occasions.
Je suis consciente du travail qui avait été accompli à l'époque,...
M. Jacques Oudin. Ah !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... et notamment de la mobilisation née d'une large consultation à laquelle avait procédé le Gouvernement et que M. Hoeffel a rappelée. Néanmoins, je ne pense pas, même si M. Félix Leyzour, qui était l'un des vôtres en 1994, s'est permis d'ironiser et a remporté, semble-t-il, beaucoup de succès à l'Assemblée nationale en le rappelant, que cette large consultation, qui se plaçait dans un contexte politique très particulier, doive être renouvelée.
Nous en avons tiré les enseignements. Nous avons considéré que toutes les potentialités de cette consultation n'avaient pas été exploitées, mais qu'il n'était pas pour autant nécessaire de rouvrir la discussion.
Certains se sont interrogés sur la nécessité de légiférer à nouveau. Certains ont regretté le manque de stabilité de nos lois. Il n'est pas question de dessaisir le Parlement pour vingt ans ni de donner de grands coups de volant pour changer radicalement de direction.
Nous sommes en train de réfléchir, comme vous l'aviez fait à l'époque, à l'horizon du moyen terme - à l'époque, M. Charles Pasqua parlait de 2015 ; aujourd'hui, nous travaillons à l'horizon de vingt ans, ce qui ne signifie pas que pendant vingt ans on ne fera plus rien, cela veut dire que très régulièrement on fera l'effort d'actualiser notre réflexion, toujours dans une perspective à moyen terme. Je ne pense pas que la politique d'aménagement du territoire puisse se décider au coup par coup. Je ne pense pas que vous pourriez sérieusement me reprocher cette volonté de travailler avec la conscience précise des conséquences sur le moyen et sur le long terme des décisions que nous prenons aujourd'hui.
En tout cas, le Gouvernement ne s'est pas lancé dans cette entreprise par idéologie ou par désir de légiférer à tout prix. Comme vous le savez, le texte que je vous propose est une révision de la loi Pasqua. Ses dispositions, pour les trois quarts d'entre elles, ne sont pas remises en cause - je pense notamment aux dispositifs concernant les zones rurales, que vous me suspectez pourtant de négliger et qui ont été intégralement maintenus, mais aussi aux dispositions relatives à la montagne qui, elles, ont été mises en oeuvre depuis deux ans.
Nous sommes animés par un double souci : maintenir ce qui fonctionne et le faire fonctionner sans a priori idéologique ou politicien, mais aussi réorienter ce qui doit l'être autour des grandes orientations que j'ai présentées au début de mon propos. Même ceux d'entre vous qui ont une approche critique du projet de loi ont bien voulu reconnaître qu'il contient des idées intéressantes qui « complètent la loi Pasqua », pour reprendre l'expression de M. le rapporteur.
Je voudrais maintenant répondre aux nombreuses questions qui m'ont été posées sur la péréquation, et plus généralement sur les conséquences que le Gouvernement entendait tirer de l'article 68 de la loi du 4 février 1995, qui n'est pas abrogé.
MM. François-Poncet, Belot et Delfau ont souhaité connaître les intentions du Gouvernement en matière de péréquation financière entre les collectivités. Je vous donne acte que le rapport prévu à l'article 68 n'a pas été déposé avant le 2 avril 1996, date fixée par la loi Pasqua, et qu'il ne l'a pas été les années suivantes. Mais la continuité s'arrête là ! En effet, le Gouvernement actuel n'a pas oublié le principe de la péréquation financière.
Il a mis en place, dans la loi de finances, un contrat de solidarité et de croissance pour trois ans, qui se traduit par des efforts de péréquation inédits.
En premier lieu, l'accélération de la redistribution par la DGF, la dotation forfaitaire versée aux communes augmente de 1,5 %, la dotation de solidarité rurale - DSR - de 24,5 %, la dotation de solidarité urbaine - DSU - de 45 %, grâce à un abondement supplémentaire de 500 millions de francs ; la dotation d'intercommunalité, quant à elle, progresse de 5 %.
En second lieu, la baisse de la DCTP, la dotation de compensation de la taxe professionnelle, a été strictement limitée aux collectivités les moins défavorisées, toutes les autres en étant exonérées.
Enfin, même la compensation de la suppression de la part « salaire » de la taxe professionnelle constitue une forme de péréquation puisqu'elle aura pour effet de continuer à verser une taxe professionnelle, sous forme de dotation, aux collectivités qui connaissent sur leur territoire des pertes d'emploi et des disparitions d'entreprises.
Le ministre de l'intérieur a, par ailleurs, préparé un projet de loi sur l'intercommunalité, dans le sens que vous préconisez. Vous savez que ce texte, dont vous débattrez prochainement, encourage fortement la mutualisation de la taxe professionnelle, notamment dans les cent quarante et une aires urbaines qui concentrent 75 % de cet impôt et où les taux sont anormalement disparates. Cet encouragement est financé par une ressource nouvelle, de 500 millions de francs par an pendant cinq ans hors DGF, de sorte que les dotations de solidarité versées aux communes et la DGF des communautés de communes ne soient plus pénalisées. Enfin, ce même projet augmente la péréquation organisée par le fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France, le FSRIF, lequel passera d'ici à cinq ans de quelque 700 millions de francs à environ 1 milliard de francs.
Si le Gouvernement n'a pas remis le rapport que vous attendiez des gouvernements précédents, il le met en quelque sorte en application. Il poursuit dans la ligne tracée en 1991, année de création de la DSU et du FSRIF comme du fonds de correction des déséquilibres régionaux. Il fait jouer pleinement la péréquation dans la DGF, telle qu'elle a été organisée par la loi Hoeffel de 1993 et améliorée par la loi Perben de 1996.
Il reste certes beaucoup à faire. Le groupe de travail créé en 1998 au sein du comité des finances locales pourra formuler de nouvelles propositions, qui pourront trouver leur application législative si la croissance le permet. Je vous rappelle en effet que la péréquation connaît des limites que sont le nécessaire équilibre des budgets locaux, le principe constitutionnel de libre administration et, soyons lucides, le fait qu'aucune commune, aucun département, aucune région n'accepterait des évolutions négatives de leur dotation pour favoriser un plus grand effort de solidarité. Vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, que cette contrainte s'impose à tous.
D'ores et déjà, le volume de la péréquation est loin d'être négligeable, sans compter même les mutualisations volontaires des ressources et des charges, par exemple à travers l'intercommunalité. Dans la dotation globale de fonctionnement, les dotations de solidarité versées aux communes et à leur groupement atteignent, en 1999, plus de 10 milliards de francs sur 80 milliards de francs, soit 12,5 %.
La péréquation horizontale, entre collectivités, pour plus limitée qu'elle soit, n'en est pas moins significative : 575 millions de francs de dotation de fonctionnement minimale financée par la DGF des départements favorisés, près de 400 millions de francs dans le fonds de correction des déséquilibres régionaux, environ 3 milliards de francs redistribués par les fonds départementaux de taxe professionnelle et plus de 4,5 milliards de francs dans le Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle.
Une indication qualitative permet de mesurer l'efficacité de ces mécanismes. Pour les communes, par exemple, le total de la DGF et du FNPTP par habitant est supérieur de 40 % à la moyenne dans les communes les plus pauvres.
M. Belot m'a invitée à ne pas créer de nouveaux fonds et à faire fonctionner ceux qui existent, en regrettant le manque de volonté des gouvernements successifs, selon lui, dans ce domaine.
Il ne nous arrive pas souvent de rire à propos d'aménagement du territoire, mais j'ai quand même au moins souri en lisant les pages que la commission spéciale consacre à la mise en oeuvre de ces fonds. Un vrai talent dans l'art de la cosmétique est à souligner ! En effet, on ne dit pas un mot du fait que les années noires pour les crédits affectés à ces fonds ont été surtout 1996 et 1997 - moins 36 % - que le plancher a été atteint en 1997 et que les années de croissance ont été 1990, 1991, 1994 et... 1998 !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Pensez-vous ! Ils ne vont pas le dire !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je rappelle que la moitié des autorisations de programmes ouvertes en 1995 a été annulée dès le mois de mai de cette année-là, soit trois mois après l'adoption de la loi du 4 février qui devait ouvrir une nouvelle période de l'aménagement du territoire.
Je me suis attachée à renforcer l'efficacité du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire et à le recentrer sur son objet premier.
Quant au Fonds national de développement des entreprises, il n'a été doté, selon M. Belot, que de 200 millions de francs en cinq ans depuis sa création. Mais M. Belot oublie de dire que la dotation a été nulle en 1995, en 1996 et en 1997, et que c'est sur mon initiative qu'elle s'est élevée à 200 millions de francs en 1998 ! (Eh oui ! sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ce n'est pas beau, monsieur Belot ! (Sourires.)
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. M. Gérard Larcher s'est élevé contre la procédure de réforme de la prime d'aménagement du territoire.
Je soulignerai que la parution dans la presse de la carte qu'il a brandie à la tribune et dont je me réjouis qu'il puisse l'avoir obtenue...
M. Gérard Larcher, rapporteur de la commission spéciale. Nous aurions préféré en disposer en commission spéciale !
M. Charles Revet, rapporteur de la commission spéciale. C'est quand même préoccupant qu'on l'ait eue par la presse !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je vais y venir, et vous allez peut-être regretter d'avoir évoqué ce sujet !
La parution dans la presse de cette carte, disais-je, intervient quelques jours après son examen par le CNADT, le Conseil national d'aménagement et de développement du territoire.
Cette carte correspond non pas à une décision du Gouvernement, mais au choix préconisé par la commission permanente du CNADT parmi plusieurs scénarios qui lui ont été proposés par la DATAR.
Et là, je voudrais être très claire ! Ce n'est pas à des renards expérimentés comme vous l'êtes que je vais expliquer comment on fait des cartes ! (Vives exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Rires sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Gérard Larcher, rapporteur. Attention à la régulation des prédateurs !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Vous aurez noté que je n'ai pas parlé de « vieux » renards expérimentés.
M. Dominique Braye. Et elle insiste !
M. Gérard Larcher, rapporteur. M. Braye est un spécialiste en animaux !
M. Hubert Haenel. Ne provoquez pas le Sénat, madame le ministre !
M. le président. Laissez Mme le ministre s'exprimer, mes chers collègues !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Mais les renards sont connus pour être des animaux malins !
M. Jean-Pierre Raffarin. Comme les vipères ! (Sourires.)
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. C'est vrai !
Mesdames, messieurs les sénateurs, l'utilisation d'un seul critère pour élaborer une carte aboutit à quelque chose de tout à fait objectif, puisque l'on mesure un fait. En revanche, l'utilisation d'un faisceau de critères avec une pondération différente pour chacun de ces derniers aboutit à des cartes qui s'éloignent progressivement de l'objectivité et qui deviennent des cartes éminemment politiques. La présentation de plusieurs scénarios en annonçant quels critères ont présidé à l'élaboration des différentes cartes et en demandant de trancher entre des critères qui n'ont que l'apparence de l'objectivité est une démarche honnête que tous les gouvernements devraient, à mon avis, avoir à coeur de respecter. Cela n'a malheureusement pas été le cas par le passé.
En procédant ainsi, le Gouvernement et l'administration ont souhaité faire leur travail de façon transparente et aussi objective que possible, avant de transmettre des cartes à Bruxelles, en respectant les prérogatives des instances consultatives créées par la loi Pasqua.
Cette méthode me paraît constituer un progrès certain par rapport à celle de M. Pasqua qui, en l'absence de toute concertation, avait procédé en son temps à un découpage du territoire sur des bases cantonales ou infracantonales, favorables à bien des arrangements, négligeant les nécessaires solidarités locales, certains territoires retenus voisinant des poches de prospérité et de richesse. (Protestations sur certaines travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Alain Vasselle. N'importe quoi !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Nul n'est en mesure d'indiquer aujourd'hui quels critères ont présidé à l'élaboration du zonage PAT d'alors. A l'inverse, le gouvernement auquel j'appartiens pourra indiquer de façon parfaitement claire, le moment venu, lorsqu'il aura pris ses décisions dans ce domaine, les conditions dans lesquelles il a retenu telle ou telle option.
Je dois revenir, une fois encore, sur la question des infrastructures, et spécialement sur la place des routes et des autoroutes dans l'aménagement et le développement du territoire.
M. Dominique Braye. Ah !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Encore une fois, il ne s'agit pas de savoir si tel ou tel d'entre nous est supposé être en faveur de la construction d'infrastuctures de transport, ou supposé y être hostile. Ce débat n'a pas de sens, et je n'ai jamais contesté la nécessité de poursuivre l'effort d'équipement de notre pays.
Ce que je conteste, c'est la priorité toujours accordée au transport routier par rapport aux autres modes de transport, et l'absence d'une conception d'ensemble de l'organisation des déplacements des hommes et des marchandises qui conduit à une mauvaise combinaison des différents modes de transport entre eux.
L'autoroute est un équipement pertinent...
M. Dominique Braye. Ah !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... pour acheminer des flux très importants. Mais quand elle est parallèle à un itinéraire à faible ou moyen trafic, c'est une mauvaise solution.
M. Dominique Braye. Eh oui !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Sur la liaison Langres-Belfort, par exemple, qui a été évoquée, sans qu'il la cite, par M. Joyandet, le taux de rentabilité d'une solution autoroutière est de 12 %, et celui d'un aménagement de la route nationale à deux fois deux voies de 36 %.
En disant cela, je pense être non pas dans le registre de la rêverie écologique, mais dans celui de la réflexion économique, qui porte d'abord et avant tout sur l'optimisation de l'allocation des ressources, comme disent les spécialistes de cette discipline. (Exclamations sur les travées du RPR.)
De ce point de vue, la proposition de MM. Belot et Oudin consistant à financer les futures autoroutes par un prélèvement sur les autoroutes elles-mêmes n'est sans doute pas la meilleure.
M. Alain Vasselle. C'est la moins mauvaise !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. C'est un système fermé sur lui-même, qui encourage les prises de décisions prédéterminées, centrées sur le seul souci de développement du réseau. (M. Oudin fait un signe de dénégation.) L'intermodalité risquerait alors d'être une référence obligée sans véritable contenu concret.
M. Jacques Oudin. Cela ne veut rien dire !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Les conséquences de cette démarche sont connues. La primauté donnée à l'offre de nouvelles autoroutes sur l'analyse de la demande conduit parfois à un surdimensionnement des investissements et au déficit abyssal de certaines infrastructures ; je pense, par exemple, au projet de A 29 reliant Amiens à Saint-Quentin.
M. Jacques Oudin. C'est absurde, tout cela !
M. Michel Souplet. C'est le xixe siècle !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je reviendrai sur le xixe siècle ! La fuite en avant les yeux fermés, ce n'est pas forcément le progrès non plus !
L'augmentation de 40 % en quatre ans du coût d'une autoroute doit aussi nous faire réfléchir. Elle est due à la fois au fait que le plus facile est réalisé et à la nécessaire prise en compte des contraintes environnementales qui augmente le coût des investissements sans donner de satisfaction complète quant aux problèmes posés pour l'environnement.
Le sous-équipement autoroutier de la France évoqué par M. Oudin est très relatif. La comparaison du nombre de kilomètres d'autoroutes n'est pas le critère le plus pertinent. Si l'on prend en compte le nombre de kilomètres par habitant ou la densité du trafic, la France se trouve en situation très comparable à celle de ses principaux partenaires.
Le choix du Gouvernement a été de nourrir le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables et de préparer une réforme qui fasse sa place à chacun des modes de transport. (Exclamations sur les travées du RPR.)
L'exemple de Rotterdam, retenu par M. Oudin, illustre le bien-fondé de la démarche du Gouvernement plus qu'il ne vient renforcer sa démonstration. Rotterdam gagne par les services et la logistique qu'elle offre, pas par ses autoroutes perpétuellement saturées. (M. Josselin de Rohan s'exclame.) Les Pays-Bas ont une croissance de leur trafic routier plus lente que celle des autres modes de transport.
La Suisse et l'Autriche s'engagent sur la voie du ferroutage et, contrairement aux idées reçues, l'équipement autoroutier de l'Allemagne ou de l'Italie est moindre en densité par habitant et par véhicule que celui de la France. Alors, cessons d'aller chercher hors de France des justifications mal assurées pour justifier la poursuite d'une politique qui mérite d'être réexaminée !
Je reviens un instant sur le développement durable. Il ne se confond pas avec l'environnement mais prend en compte l'efficacité économique, la justice sociale et l'approche à long terme de la qualité de l'environnement et de la protection des ressources rares. Attentif aux générations futures et à la concertation, il place la personne humaine au coeur du projet. Il est plus large que la définition qu'en a faite M. Gérard Larcher, qui s'en approche pourtant assez fortement. Il a pour objectif de faire de l'aménagement du territoire autre chose que la réparation des dégâts du développement.
La peinture dramatique faite par certains d'entre vous - je pense notamment à MM. Belot et Richert - de la situation de certaines zones rurales ou urbaines en crise illustre parfaitement les conséquences d'un développement non durable. Le vide et le trop-plein ont un coût insoutenable. La dévitalisation et la concentration ne sont que les deux faces d'un même mal-développement.
M. Dominique Braye. C'est ce que vous faites !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. La part des crédits de l'aménagement du territoire consacrée à la réparation des dommages passés dans les bassins miniers de Lorraine et du Nord - Pas-de-Calais, aux reconversions industrielles ou au traitement des dégâts écologiques dans les bassins de la Loire ou en Bretagne est très importante.
Le coût financier et humain du mal-développement des décennies passées est absolument considérable. Il a été bien décrit par Mme Beaudeau.
Je préciserai que la responsabilité en incombe non à la politique que j'ai menée depuis dix-huit mois, mais aux politiques menées pendant des décennies,...
M. Alain Vasselle. Zorro est arrivé !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... avec une politique agricole privilégiant constamment la production sur des campagnes vivantes où des paysans nombreux vivraient dignement de leur travail, avec le souci de construire massivement des logements dans des villes développées de façon anarchique, avec la désertification des centres-villes et l'extension non maîtrisée des entrées de villes, détruites par des grandes surfaces, avec, enfin, les routes, considérées comme l'alpha et l'oméga du désenclavement qui, pourtant - il faut le reconnaître - est, comme le développement, toujours relatif. Comme si le projet n'était pas aussi important que l'infrastructure ! Un territoire désenclavé qui n'a pas de projet de développement cohérent se vide, comme MM. Raffarin, Puech et Gruillot l'ont rappelé chacun à leur façon.
Je soulignerai aussi combien nous avons eu du mal, par le passé, à anticiper les évolutions, l'émergence de nouveaux besoins, de nouvelles attentes de la société, combien nous avons mis du temps à oser la reconversion de secteurs industriels vieillissants. Cela nous a coûté fort cher.
Essayons de ne pas renouveler ce qui a été si souvent le cas ! J'estime très lucide et courageux le discours prononcé ici sur le mal-développement, mais je constate que l'on en revient aux caricatures dès lors que l'on pense aux solutions. Ce que l'on a fait par le passé ne fonctionne pas ? C'est injuste, c'est insoutenable ? Eh bien, on continue !
M. Charles Revet, rapporteur. C'est ce que vous proposez !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. C'est parce que l'on n'a pas encore assez privilégié la compétitivité, la performance et le désenclavement ! Je pense vraiment que l'on est un peu à côté de la plaque en la matière.
M. Jacques Oudin. Je me demande qui est à côté de la plaque !
M. Alain Vasselle. C'est vous qui êtes à côté de la plaque !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Nous avons besoin d'approfondir notre réflexion pour penser un développement durable des territoires, privilégiant l'emploi, la justice sociale, le développement endogène des territoires et minimisant les impacts sur nos ressources et sur la dynamique territoriale.
Les schémas de services collectifs seront une première traduction de cette approche. Ils devraient assurer la cohérence de l'approche nationale, comme MM. Belot et Fatous l'ont très bien démontré.
Notre démarche consiste à assurer la cohérence des choix, à hiérarchiser les priorités et à marier deux approches également nécessaires : d'une part, l'optimisation de l'existant, qu'il s'agisse du service rendu, des matériels, des équipements ou des infrastructures et, d'autre part, la décision de construire ou de s'équiper quand le constat est fait de la nécessité de ces nouveaux équipements ou de ces nouvelles infrastructures.
S'agissant du schéma de l'enseignement supérieur et de la recherche, je tiens à assurer Mme Beaudeau de la priorité accordée à la recherche dans ce schéma et de l'importance de son développement, et à réfuter l'idée selon laquelle le rééquilibrage de la recherche au profit de la province aurait coïncidé avec la baisse de son niveau général.
MM. Joyandet et Laffitte ont bien décrit l'importance des schémas des nouvelles technologies de l'information et de la communication. L'article qui leur est consacré dans le projet de loi dessine les grands objectifs, fixe les grandes priorités du cahier des charges, mais c'est dans le cadre de l'examen du projet de loi sur les télécommunications qu'il nous faudra travailler. La loi d'orientation ne peut, à elle seule, pallier tous les manques en raison de l'évolution rapide de ces services et des opportunités qu'ils offrent.
Le schéma de services des espaces naturels et ruraux, souvent évoqué, vise à donner une approche cohérente des différentes fonctions de l'espace rural.
L'une des menaces, pour notre agriculture comme pour les espaces naturels, réside dans l'expansion urbaine, deux fois plus rapide que la croissance démographique et économique dans nos grandes agglomérations, en Ile-de-France, en Rhône-Alpes, en Provence ou autour de Rennes ou de Toulouse. Ce sujet sera traité par le schéma de services des espaces naturels et ruraux.
Le projet de loi ne regarde pas les campagnes dans le rétroviseur, il ne prône pas non plus la seule conservation de l'existant. Au contraire, loin de tracer une frontière artificielle entre des sanctuaires naturels beaux et improductifs, d'une part, et des zones productives qui pourraient être dévastées de l'autre, il vise à prendre en compte l'ensemble des enjeux : la production, la protection, la fonction de loisir - qu'il soit traditionnel ou non - la chasse, la pêche, la randonnée, les loisirs verts, par exemple. Il vise à dynamiser et à soutenir les initiatives, à prolonger les efforts qui sont faits par le Gouvernement pour reconnaître la plurifonctionnalité de l'agriculture et pour reconnaître l'existence d'activités non agricoles dans des zones rurales qui marient de plus en plus souvent l'artisanat, le commerce, le dynamisme économique et la valorisation des atouts.
Un mot encore pour rappeler que l'approche solidarisée que pays et agglomérations organisent doit contribuer à résoudre les problèmes péri-urbains qu'a soulignés M. Larcher à juste raison.
Je reconnais bien volontiers le caractère un peu laconique du projet de loi sur ce thème et je regrette, finalement, que nous ne disposions pas encore des résultats du recensement car ils pourraient objectiver l'ampleur du phénomène de « rurbanisation » ou de péri-urbanisation. Mais on pressent son ampleur et l'on voit bien que les outils d'aménagement et d'urbanisme dont nous disposons ne sont pas tout à fait à la mesure des enjeux : ces territoires sont le lieu de démarches de développement économique local.
M. Raffarin a fait un certain nombre de propositions qui ont vocation à trouver place moins dans ce projet de loi que dans le texte relatif à l'intervention économique des collectivités locales, que présentera M. Zuccarelli, et dans le travail sur la rénovation des zonages, qui devrait être finalisé avant la fin de l'année. Je les considère en tout état de cause avec bienveillance, tout comme l'idée du fonds régional pour l'emploi et le développement qui a été avancée par M. Le Cam. L'Assemblée nationale a adopté un tel dispositif, qui doit être étudié dans ses modalités d'application.
La plupart d'entre vous se sont félicités des dispositions relatives aux pays.
Je tiens d'abord à réaffirmer à M. Le Cam que les pays respecteront les communes et le caractère volontaire d'une coopération intercommunale de projet. Je confirme par ailleurs à M. Delfau qu'il n'y a pas de découpage autoritaire préétabli à la DATAR.
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je souhaite préciser à M. Boyer que les pays peuvent s'affranchir, en tant que territoires de projet, des limites administratives départementales ou régionales et que la maîtrise d'ouvrage des projets sera assurée par les communes ou les établissements publics de coopération compétents, voire par telle chambre consulaire ou tel autre organisme local.
Je voudrais confirmer que les formules institutionnelles retenues doivent être les moins contraignantes possibles tout en assurant la sécurité juridique et financière que permettent syndicats mixtes ou groupements d'intérêt public. J'ai bien noté, d'ailleurs, que tel avait été le souci de l'Assemblée nationale, qui a souhaité travailler en plusieurs temps : d'abord une phase d'expérimentation, de réflexion sur les périmètres, sur la nature des projets, une structure extrêmement souple de type associatif étant éventuellement privilégiée ; puis, au moment où les projets monteront en puissance, où l'on devra gérer de l'argent public, une plus grande sécurité sera nécessaire pour assurer rigueur et transparence dans la gestion.
J'ai bien noté aussi - et j'avoue humblement que c'est un point que j'avais sous-estimé - l'inquiétude évoquée par M. Belot concernant la dotation de solidarité rurale dans les pays. C'est un point qu'il faudra réexaminer.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Tout à fait !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. La mobilisation du territoire suppose aussi - c'est ma conviction - d'accorder une confiance aux acteurs locaux. Je ne partage pas les préventions de ceux qui considèrent qu'ils vont encore perdre leur temps au sein des conseils de développement. Je pense au contraire qu'il est indissociable d'associer les forces vives à cette réflexion. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
M. Dominique Braye. Quelles forces vives ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je suis moi aussi une élue locale, je suis moi aussi soucieuse de la réalité du terrain et je considère que les forces vives d'un territoire, ce ne sont pas seulement les élus : ce sont aussi les chefs d'entreprise, les artisans, les commerçants, les associations, les acteurs sociaux et les acteurs culturels, bref, tous ceux dont les idées et la mobilisation au quotidien sont indispensables pour faire vivre un projet de territoire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
J'ai bien noté le soutien appuyé qu'apportaient à ces concepts des élus de sensibilité aussi différente que MM. Bellanger, Delfau ou Raffarin : nous sommes tous conscients de la nécessité d'une approche interrégionale.
La loi Pasqua avait parié sur le volontariat et sur des relations horizontales entre les régions pour monter des projets de territoires et des projets dépassant les limites de ces régions. Il s'agit d'ailleurs, nous le constatons, d'une aspiration forte des régions qui se sont engagées dans des programmes de coopération interrégionale au plan communautaire. Je note d'ailleurs que bien des régions qui ne sont pas frontalières ont également l'ambition de s'engager dans la prochaine génération de ces contrats.
Cette approche interrégionale a besoin d'être dynamisée, à la fois dans le bassin parisien mais aussi dans d'autres régions, telles que le bassin Rhône Méditerranée ou le Grand Ouest.
Elle a besoin également d'être singulièrement stimulée en ce qui concerne les massifs : seul le Massif central s'est lancé dans l'élaboration d'un schéma interrégional de massifs, tel que le prévoyait la loi Pasqua. J'ai écrit aux différents préfets coordonnateurs de massifs pour leur demander de relancer cette dynamique de veille à l'identification autonome d'un volet « montagne » dans les contrats de plan de chacune des régions concernées.
Je me réjouis par ailleurs que les préventions aient été levées concernant la remise en cause des départements, dont il n'est question ni dans les lignes ni entre les lignes du projet de loi. Les départements participeront, au sein de la conférence régionale d'aménagement du territoire, au sein de la commission départementale de coopération intercommunale ou directement, à la mise en oeuvre des diverses dispositions de cette loi.
Comme vous, tout ce qui va dans le sens de la clarification des compétences m'intéresse. Je suis sensible à la notion de « chef de file » évoquée par M. Hoeffel et Mme Bardou. J'exprime cependant ma surprise devant la proposition concrète qui vous est faite car elle dépèce les compétences de développement économique et d'aménagement du territoire des régions au profit des départements, sans régler le problème de la répartition des compétences telles qu'elles sont définies par les lois de 1982, 1983, 1986 et 1992.
Je parlerai maintenant du service public, sur lequel nous aurons l'occasion de revenir longuement lors de l'examen des articles correspondants du projet de loi.
Les dispositions retenues ne se traduiront pas, monsieur Le Cam, par des privatisations, mêmes partielles, et les formulations ambiguës qui figuraient dans une première rédaction du projet de loi ont été modifiées.
Je serai très attentive au respect de l'engagement pris par M. Zuccarelli, selon lequel la mise en place des maisons de services publics n'entraînerait pas de coûts supplémentaires pour les collectivités locales.
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Pour conclure, j'ajouterai quelques mots à propos de l'Europe.
Je crois que l'Assemblée nationale a effectivement non pas bâclé le travail, mais un peu négligé cet aspect, en considérant que l'aménagement du territoire n'était pas une compétence communautaire.
C'est formellement vrai mais, en même temps, on ne peut pas se contenter durablement de formules lapidaires qui conduisent certains d'entre vous à décrire la France comme étant au coeur de l'Europe et d'autres à considérer qu'elle est excentrée et en voie de marginalisation.
Pour ma part, je suis à votre disposition pour mener une vraie réflexion sur la place de la France dans l'Europe en devenir. Je considère comme absolument fondamental, du point de vue non seulement de l'aménagement du territoire mais aussi de la géopolitique et de la politique au sens noble du terme, que nous réfléchissions sur nos relations avec les pays les plus atlantiques, avec ceux du pourtour méditerranéen et avec les pays de l'Est européen candidats à l'adhésion, et que nous essayions de définir de façon positive, et non pas uniquement défensive, la place et les responsabilités de la France dans la phase de construction de l'Europe qui est devant nous.
Au terme de cette discussion générale, j'espère, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avoir rassurés sur les intentions du Gouvernement. Nous ne serons pas d'accord sur tout - je ne me fais pas d'illusion à cet égard - et la suite de la discussion sera vive. Je formule en tout cas le voeu que notre démarche soit constructive, et je me réjouis par avance de poursuivre ce débat avec vous. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Gérard Larcher, rapporteur de la commission spéciale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Larcher, rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Madame le ministre, avant d'entamer la discussion des articles, permettez-moi de réagir sur deux points aux propos que vous avez tenus : en second lieu sur le caractère « cosmétique » du rapport, mais en premier lieu sur la réponse que vous avez faite en ce qui concerne les infrastructures, notamment autoroutières, et la comparaison avec les Pays-Bas.
Comparer notre situation à celle des Pays-Bas et, pour ce motif, renvoyer l'appréciation de la nécessité d'infrastructures autoroutières à des comparaisons avec l'encombrement des autoroutes néerlandaises,...
M. Josselin de Rohan. Ce n'est pas sérieux !
M. Gérard Larcher, rapporteur. ... c'est méconnaître que le transport de fret, c'est 35 % aux Pays-Bas contre moins de 6 % chez nous !
M. Josselin de Rohan. Eh oui !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Au demeurant, notre collègue Daniel Hoeffel a clairement rappelé que la cohésion avec l'Europe passe aussi par la voie fluviale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
En outre, madame le ministre, je dois vous rappeler que les Néerlandais, conscients de la situation, ont dégagé, par une décision parlementaire, l'équivalent de 30 milliards de francs français d'inscription budgétaire, dont l'équivalent de 25 milliards de francs provenant de fonds publics, pour la construction d'une ligne, la Betuvelijn , dédiée au fret et permettant de relier Rotterdam à l'Allemagne.
Pour nous, ne pas mener une politique volontariste en matière de liens entre ports et hinterlands , arrière-pays pris au sens le plus large - jonction de la Méditerranée sur l'Europe du Nord, jonction de notre port du Havre sur l'Europe du Centre, liaison du port de Dunkerque avec Seine-Nord - ...
M. Charles Revet, rapporteur. C'est très important !
M. Gérard Larcher, rapporteur. ... c'est condamner nos ports à l'asphyxie et à la mort. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Jean-Louis Lorrain. Absolument !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Cette comparaison, madame le ministre, pardonnez-moi, ne me semble pas adaptée à nos réalités.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Enfin, s'agissant des fonds, si tout le monde a péché, à tout péché miséricorde ! Mais avant de laver les péchés, permettez-moi de rappeler quelques chiffres d'inscriptions budgétaires concernant « les fonds cosmétiques ».
Pour le FNADT, le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, sur le titre VI, en investissement, nous sommes passés de 1 398 millions de francs en 1995 à 1 080 millions de francs en 1999 ; pour le fonds de gestion de l'espace rural, nous sommes passés de 500 millions de francs en 1995 à 388 millions de francs en 1996, à 150 millions de francs en 1997, pour arriver à zéro en 1999, et il y aurait beaucoup à dire concernant le transfert sur les contrats territoriaux d'exploitation !
Sur d'autres fonds, comme le Fonds national de développement des entreprises, M. Pépin avait suffisamment regretté, dans un récent rapport, que ses dotations n'augmentent pas pour que nous ne prenions pas la décision de 1997 comme une décision heureuse : plus 200 millions de francs.
Voilà la réalité !
Nous avons, en d'autres temps, regretté que tous ces fonds ne soient pas plus rapidement dotés et mis en place. Mais dire que le péché a cessé au printemps 1997, c'est aller un peu vite en besogne par rapport au chiffres « cosmétiques ». (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)

Demande de priorité et demande de réserve