Séance du 1er juin 1999






ORGANISATION INTERNATIONALE
DE TÉLÉCOMMUNICATIONS MOBILES
PAR SATELLITES

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 239, 1998-1999) autorisant la ratification des amendements à la convention portant création de l'Organisation internationale de télécommunications maritimes par satellites (INMARSAT) relatifs à la création de l'Organisation internationale de télécommunications mobiles par satellites (ensemble une annexe). [Rapport n° 323, (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, la décision d'adopter des amendements à la convention INMARSAT fait suite à une négociation multilatérale engageant les quatre-vingt-six Etats membres de cette organisation internationale de télécommunications mobiles par satellite. Son objectif est de permettre de la transformer en une « nouvelle INMARSAT », société sous tutelle, afin d'assurer sa survie et son développement dans un contexte de concurrence accrue.
Ce changement de statut intègre également une dimension politique importante, celle du maintien de sa mission de base, notamment pour la fourniture des services de détresse en mer et de sécurité maritime.
Les amendements adoptés à Londres le 24 avril 1998 vont se traduire par la création d'une société par actions à responsabilité limitée de droit national supervisée par un conseil d'administration fiduciaire, à laquelle sont transférés les activités opérationnelles et les actifs correspondants d'INMARSAT.
Les amendements vont également se traduire par le maintien de l'Organisation intergouvernementale, au sein de laquelle les gouvernements assureront, au travers de l'assemblée des parties, la surveillance effective du système mondial de détresse et de sécurité en mer et l'exercice par la société de ses activités conformément à certains « principes de base » : non-discrimination sur la base de la nationalité, activités à des fins pacifiques, couverture géographique liée aux besoins de communications mobiles par satellites et concurrence loyale.
Cette nouvelle organisation « à deux niveaux » permet d'apporter à INMARSAT la structure privée nécessaire à son développement tout en garantissant, grâce au maintien de l'organisation intergouvernementale, la poursuite de ses activités de base selon des principes que l'on pourrait qualifier de « service universel ».
Cette transformation est importante pour la défense des intérêts français sur le plan international. Le changement de structure permettra au signataire français, France Télécom, de valoriser ses investissements en transformant ses parts d'investissement en actions. L'Etat en tant qu'actionnaire de l'opérateur historique y trouvera donc un avantage. Par ailleurs, le développement des activités d'INMARSAT sur de nouveaux marchés devrait avoir des effets en retour importants pour les entreprises françaises et européennes de construction et de lancement de satellites, ainsi que pour les fournisseurs de services utilisant INMARSAT.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appellent les amendements à la convention INMARSAT qui font l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Rouvière, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi que vient de le préciser M. le ministre, le présent projet de loi intéresse l'Organisation de télécommunications mobiles par satellites, l'INMARSAT, qui a été créée en 1979.
L'assemblée des Etats parties a adopté le 24 avril 1998 des modifications à la convention qui avait créé INMARSAT voilà près de vingt ans.
Ces amendements, qui font l'objet du présent projet de loi autorisant leur ratification, tendent à transformer l'organisation originelle en une « nouvelle INMARSAT », société sous tutelle d'une organisation intergouvernementale et destinée à assurer sa pérennité dans un contexte économique et industriel devenu très concurrentiel.
En effet, la téléphonie mobile par satellite, outre ses applications prioritaires de détresse et de sécurité, constitue, dans son volet commercial destiné à un public plus large, un outil précieux, notamment dans les zones qui ne sont pas couvertes par les réseaux traditionnels de téléphonie mobile.
Ce secteur de la téléphonie mobile par satellite, initialement protégé au bénéfice d'INMARSAT fait, depuis 1998, l'objet d'une forte concurrence.
La modification statutaire présentement soumise à notre examen a donc précisément pour objet de donner à l'organisation, dont la France, à travers France Télécom, est un partenaire actif, toutes ses chances pour affronter ce nouveau contexte industriel et concurrentiel.
INMARSAT a été pionnière dans le secteur de la téléphonie mobile par satellite. Les terminaux mis aujourd'hui à la disposition des usagers se déclinent en plusieurs catégories de matériel, les plus récents étant généralement plus compacts, d'un coût d'acquisition et d'utilisation plus réduits, bien qu'ils restent relativement onéreux, notamment pour les particuliers.
INMARSAT a bénéficié jusqu'en 1998 d'une longue période de monopole sur le marché mondial de la téléphonie mobile par satellite. Depuis novembre 1998, cependant, une concurrence s'est fait jour avec le projet Iridium, lancé par l'américain Motorola. Cependant - les journaux en faisaient état encore récemment - ce projet rencontre aujourd'hui des difficultés financières sérieuses qui risquent de compromettre la poursuite du programme. A l'horizon 2000, Globalstar et ICO, filiale d'INMARSAT financée par les principaux signataires et par le constructeur américain Hugues, apparaîtront également sur le marché.
Pour être à même de figurer en bonne place dans le nouvel environnement concurrentiel des systèmes de téléphonie mobile par satellites, une modification de la structure actuelle de coopérative internationale était nécessaire. En effet, les contraintes financières, la recherche d'alliances avec divers partenaires imposaient, assez rapidement, une forme de privatisation.
Tel est l'objet des amendements à la convention originelle portant création d'INMARSAT qui ont été adoptés par l'assemblée des parties réunies à Londres en avril 1998 et qui entraînent la restructuration de l'organisation, conduisant à la juxtaposition, d'une part, d'une société par actions, de droit britannique, entièrement nouvelle, et, d'autre part, de l'organisation intergouvernementale, maintenue dans son rôle - c'est important - d'utilité publique. Je tiens à préciser que ces amendements ont été acceptés par la Commission européenne.
Cette organisation, en effet, sous un nouveau statut - objet du présent accord - est maintenue dans le dispositif. Les gouvernements des Etats membres, à travers l'assemblée des Etats parties, auront à veiller au respect de cinq principes de base que je ne rappellerai pas, car vous y avez déjà fait allusion, monsieur le ministre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis, en modifiant la structure originelle d'INMARSAT, permet à celle-ci de se placer en position favorable dans le contexte concurrentiel au sein duquel il lui faudra désormais évoluer.
Compte tenu des implications économiques et industrielles du présent projet de loi, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui l'a adopté à l'unanimité, je ne peux que vous inviter, mes chers collègues, à suivre la commission.
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée la ratification des amendements à la convention portant création de l'Organisation internationale de télécommunications maritimes par satellites (IMMARSAT) relatifs à la création de l'Organisation internationale de télécommunications mobiles par satellites (ensemble une annexe), adoptés à Londres le 24 avril 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
La parole est à Mme Bidard-Reydet pour explication de vote.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi, dont l'objet est de proposer une modification des statuts de l'Organisation internationale des télécommunications mobiles par satellites, l'INMARSAT, répond à la nécessité d'adapter les structures de cet opérateur de satellites à vocation maritime, terrestre et aéronautique à un environnement concurrentiel exacerbé.
Rappelons que l'organisation INMARSAT a permis d'assurer le développement du secteur des télécommunications mobiles par satellites pendant près de vingt ans sur des bases de coopération internationale et d'intérêt réciproque au prorata des investissements consentis par chacun des quatre-vingt-six Etats signataires de la convention de 1979.
Ce système est apparu à ce point satisfaisant que l'assemblée des Etats parties à l'organisation réunie le 24 avril 1998 pour modifier ladite convention a jugé bon de préserver le principe d'une structure intergouvernementale assurant le contrôle et la surveillance de la société de droit privé qui désormais constituera la nouvelle INMARSAT.
On ne peut, bien évidemment, que se féliciter que certains pays, dont la France, aient tenu à garantir un certain équilibre entre la gestion des activités commerciales, assurée par une société par actions, et le respect des obligations de service public, garanti par le maintien de l'organisation intergouvernementale.
Toutefois, cet équilibre organique à deux niveaux entre l'organisation, d'une part, et la société, d'autre part, est-il un gage suffisant du maintien de l'équilibre qui a prévalu jusqu'ici entre développement des activités sur de nouveaux marchés et exécution des engagements de service public ?
Je souhaite, à cet égard, faire quelques remarques.
D'une part, si les amendements à la convention qu'il nous est proposé de ratifier offrent un certain nombre de garanties, notamment à l'article 3, les « principes de base » que les actionnaires d'INMARSAT-PLC seront tenus de respecter nous apparaissent tout à la fois formels dans leur intention et d'une portée quelque peu limitée dans leur champ d'application.
A titre d'exemple, l'obligation de desservir les zones rurales et isolées des pays en développement n'est assortie d'aucun critère de nature à vérifier concrètement le respect de ces objectifs.
D'autre part, de quels moyens l'organisation disposera-t-elle pour veiller à faire respecter les obligations de service public par la société, alors que celle-ci sera désormais installée dans une position concurrentielle et cherchera donc à rentabiliser les apports de capitaux de ses actionnaires ?
Plutôt que de s'engager dans une course à la concurrence, n'eût-il pas été préférable de rechercher des formes de partenariat avec les nouveaux venus sur le marché satellitaire ?
Une autre interrogation porte sur la répartition du capital d'INMARSAT-PLC. Il est en effet annoncé une fixation d'un plafond de 15 % de la part maximale autorisée pour un actionnaire et, dans le même temps, une exception pour l'actionnaire américain, qui détient actuellement plus de 22 % de la valeur globale des investissements.
Cela ne revient-il pas à refuser à tout autre actionnaire la possibilité d'accéder au niveau atteint par l'opérateur américain et à contribuer ainsi à déséquilibrer sur le long terme les relations entre actionnaires des différents Etats ?
Rappelons, à cet égard, que les principaux concurrents d'INMARSAT, en particulier Iridium et Globalstar, sont eux-mêmes sous forte domination des Etats-Unis. Dès lors, on peut s'interroger sur la place, à plus long terme, dans ce secteur, des Européens, et notamment des Français, en l'occurrence France Télécom, qui ne détiendra que 5 % du capital !
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra donc pour exprimer ses réserves sur la pérennité et la viabilité du nouveau système mis en place.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

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