Séance du 9 juin 1999







M. le président. « Art. 34 bis. - L'article 53 de la loi n° 82-155 du 11 février 1982 de nationalisation est complété par un II ainsi rédigé :
« II. - Il est créé un Haut Conseil du secteur financier public et semi-public.
« Ce collège est composé des membres du Haut Conseil du secteur public et de cinq personnalités choisies pour leurs compétences en matière d'établissements financiers et de crédit chargés d'une mission d'intérêt public.
« Il examine toute question relative au rôle, à la coordination et aux modalités d'intervention du secteur financier public, dans les domaines notamment du financement des activités d'intérêt général et du secteur non marchand, du financement de l'emploi et de la formation, et de la lutte contre les exclusions financières.
« Il peut émettre des avis et faire procéder aux études qu'il estime nécessaires. Il fait toute proposition utile dans un rapport publié tous les deux ans, qu'il présente au Parlement.
« Un décret précise les modalités d'application du présent paragraphe. »
Par amendement n° 26, M. Marini, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. J'aimerais ne pas être désagréable avec notre collègue Mme Beaudeau...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Cà commence bien !
M. Philippe Marini, rapporteur. Toutefois, je ne peux pas ne pas présenter cet amendement, qui tend à la suppression du haut conseil du secteur financier public et semi-public.
Je l'ai dit dans la discussion générale, je ne comprends pas ce qu'apporte cette nouvelle « chose » qui aurait vocation à suivre l'évolution du secteur public. Que signifie « suivre » ? Est-ce suivre sa gestion... ses activités ?
A la limite, le haut conseil du secteur public, n'est-ce pas le Parlement, le Sénat, ou sa commission des finances ?
Créer encore un organisme, qu'il faudra ensuite doter de moyens, d'un président, de voitures de fonction - que sais-je encore ? - ne me paraît pas vraiment indispensable.
En outre, je le répète, je suis surpris que l'on englobe dans le secteur public des organismes privés, comme le sont les caisses d'épargne en vertu de leur nouveau statut. Même si ces entreprises privées sont - c'est vrai, monsieur le secrétaire d'Etat - susceptibles d'exercer pour partie des missions d'intérêt général, ce ne sont pas, pour autant, des entreprises du secteur public.
M. Jean-Louis Carrère. Elles sont d'intérêt public !
M. Philippe Marini, rapporteur. Dans l'article 34 bis , il est fait mention d'un « haut conseil du secteur financier public et semi-public ». En droit - tous les cours des professeurs de faculté l'attestent - les expressions « secteur public » ou « secteur semi-public » ont un sens bien précis, et cela n'englobe pas les caisses d'épargne.
Voilà pourquoi, au-delà même des raisons de principe que j'évoquais au début, l'article 34 bis , introduit par voie d'amendement à l'Assemblée nationale, nous paraît inadéquat et doit donc, à nos yeux, être supprimé.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur, je suis heureux que, dans votre élan, vous n'ayez pas proposé la suppression du haut conseil du secteur public, pendant que vous y étiez ! Ce haut conseil du secteur public est, en fait, une institution originale dont les travaux permettent de suivre, avec un grand profit et beaucoup de pertinence, l'évolution du secteur public.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je suis trop modéré, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. A partir du moment où le Gouvernement et la majorité qui le soutient à l'Assemblée nationale considèrent qu'il faut un pôle financier public important pour exercer en partie des missions de service public, l'institution de ce haut conseil du secteur financier public et semi-public, qui, contrairement à ce que vous soupçonnez, ne sera pas dispendieux, est à la fois utile et symbolique.
M. Philippe Marini, rapporteur. Symbolique !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Il permettra de bien suivre les importantes missions de service public qui sont exercées soit par des institutions financières publiques, soit par des institutions financières de statut coopératif et de statut privé qui ont des missions de service public.
J'émets donc un avis défavorable, et je vous remercie, monsieur le rapporteur, de m'avoir donné l'occasion, par cet amendement, de marquer toute l'importance que le Gouvernement attache à cette nouvelle institution.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 26.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Bien évidemment, nous voterons contre cet amendement, qui vise à supprimer l'article 34 bis du projet de loi, article dont la rédaction n'est pas sans présenter quelques similitudes - sans en épouser tout à fait les formes et le fond - avec la proposition que nous avions formulée ici lors de l'examen du projet de loi et consistant à favoriser l'émergence d'un pôle financier public habilité à engager une démarche nouvelle de service public du crédit au bénéfice du développement de l'emploi et de la formation.
La rédaction actuelle de l'article 34 bis montre que le Gouvernement a été sensible pour partie, mais pour partie seulement, à notre argumentation, notamment à la nécessité de créer d'indispensables synergies de fonctionnement entre les établissements et les institutions de crédit accomplissant aujourd'hui ces missions de service public.
Bien entendu - ce n'est pas une surprise ! - dès que l'on parle de « public » quand il s'agit de banques et de crédit, M. le rapporteur invoque l'inconcevable. Obéissant à une sorte de réflexe que je ne saurais qualifier, mais qui me paraît naturel et traditionnel chez lui, il propose de supprimer l'article.
Nous ne pouvons que souligner ici de nouveau que le débat est, au contraire, particulièrement ouvert au regard d'une utilisation nouvelle du crédit bancaire. Nous estimons en effet - dois-je le redire ? - que l'économie et l'activité de production ne doivent pas être mises au service de la banque ou de la Bourse, que c'est même exactement l'ordre inverse de priorité qu'il faut retenir.
Telles sont les raisons qui nous conduisent à voter contre l'amendement n° 26.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, repoussé par le Gouvernement.
M. Jean-Louis Carrère. Le groupe socialiste vote contre.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 34 bis est supprimé.

Article 35