Séance du 17 juin 1999
M. le président.
« Art. 10 C. - La carte judiciaire sera révisée dans les deux années qui
suivent la publication de la loi n° du renforçant la protection de la
présomption d'innocence et les droits des victimes. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 25, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose
de supprimer cet article.
Par amendement n° 152 rectifié, M. Haenel et les membres du groupe du
Rassemblement pour la République proposent de compléter l'article 10 C par un
second alinéa ainsi rédigé :
« Un rapport sur l'état d'avancement de ces travaux sera remis au Parlement à
l'issue de la première année. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 25.
M. Charles Jolibois,
rapporteur. L'article 10 C, introduit dans le projet de loi par
l'Assemblée nationale, prévoit une révision de la carte judiciaire dans les
deux années suivant l'entrée en vigueur de la loi.
M. Hubert Haenel.
C'est impossible !
M. Charles Jolibois,
rapporteur. La révision de la carte judiciaire est demandée
collectivement depuis longtemps. En 1996, la mission d'information créée au
sein de la commission pour conduire une réflexion sur les moyens de la justice,
mission que j'avais eu l'honneur de présider, avait formulé des propositions
précises en ce sens dans un rapport rédigé par M. Fauchon.
Toutefois, la méthode choisie par l'Assemblée nationale, avec cet article 10
C, ne paraît pas pouvoir être retenue.
M. Michel Charasse.
C'est une injonction !
M. Charles Jolibois.
C'est effectivement une injonction au Gouvernement, qui n'a aucune chance
d'être respectée.
M. Hubert Haenel.
Bien sûr !
M. Charles Jolibois,
rapporteur. En outre, toutes les interprétations sont possibles en ce qui
concerne l'ampleur de la révision de la carte judiciaire. Le Gouvernement vient
d'annoncer, par exemple, que le tribunal de Bressuire devenait une chambre
détachée du tribunal de Niort. N'est-ce pas le début d'une révision de la carte
judiciaire ?
Cet amendement n° 25 est donc l'occasion pour le Sénat d'interroger Mme le
garde des sceaux sur l'état des travaux de la mission qu'elle a mise en place
en vue de la réforme de la carte judiciaire et de demander la suppression de
l'article 10 C, qui n'a pas lieu d'être dans le projet de loi.
M. le président.
La parole est à M. Haenel, pour défendre l'amendement n° 152 rectifié.
M. Hubert Haenel.
Je partage tout à fait les propos que vient de tenir M. le rapporteur.
Il est souhaitable - et tel était le sens de mon amendement - que le Parlement
soit tenu régulièrement informé, pas obligatoirement par un rapport formalisé,
des travaux menés actuellement par la Chancellerie sur la réactualisation de la
carte judiciaire. Mais le fait de prévoir une révision de la carte judiciaire
dans les deux années suivant la publication de la loi me paraît un voeu pieux
!
Compte tenu des observations que vient de faire M. le rapporteur, je retire
mon amendement.
M. le président.
L'amendement n° 152 rectifié est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 25 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux. Je suis favorable à l'amendement n° 25 de la
commission.
Je ferai simplement remarquer à ceux qui se montrent sceptiques sur la réforme
de la carte judiciaire que, hier et aujourd'hui, a été annoncée la réforme de
la carte des tribunaux de commerce, dans six cours d'appel : Rouen, Caen, Riom,
Montpellier, Dijon et Poitiers. Cette réforme a été naturellement précédée -
vous connaissez ma méthode - par une concertation approfondie, qui a duré
plusieurs mois et qui a abouti en effet à la suppression d'un certain nombre de
tribunaux de commerce, selon des critères tenant compte de la spécificité des
territoires, notamment des exigences de l'aménagement du territoire.
Ces six premières cours d'appel ont évidemment été choisies parce qu'elles
comptaient le plus grand nombre de tribunaux de commerce. Mais j'indique à la
Haute Assemblée que j'ai fermement l'intention de respecter mon engagement de
terminer avant la fin de l'année la réforme de la carte de l'ensemble des
tribunaux de commerce, qui sera naturellement poursuivie avec les autres
tribunaux.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
On peut même les supprimer tous ! Je n'y vois pas d'inconvénient !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 25.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je voterai l'amendement n° 25 parce que l'article 10 C ajouté par l'Assemblée
nationale est une injonction. Les ordres de juridiction sont créés par la loi,
mais l'implantation des juridictions relève du seul pouvoir réglementaire,
...
M. Hubert Haenel.
Du seul pouvoir réglementaire, en effet !
M. Michel Charasse.
... et le législateur ne peut pas donner d'ordre concernant l'exercice du
pouvoir réglementaire. Je m'étonne donc que cet article ait été voté par
l'Assemblée nationale.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Tout à fait !
M. Hubert Haenel.
Très bien !
M. Pierre Fauchon.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon.
Je voterai bien entendu moi aussi cet amendement. Je saisis cette occasion
pour dire à Mme le garde des sceaux et à ses services ma satisfaction. Ayant
été, parmi quelques-uns, le plus motivé et le plus mobilisé sur cette question
de la réforme de la carte judiciaire, j'ai longtemps eu l'impression que, si la
chancellerie voulait bien en parler et créer des commissions, le projet
n'avançait guère, cependant. C'est donc avec beaucoup de satisfaction et de
plaisir que je constate que cette affaire est traitée avec sérieux et
résolution.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
On n'est plus au temps de Toubon ni de Méhaignerie !
M. Pierre Fauchon.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, un peu d'élégance, je vous en prie, dans vos propos
!
Madame le garde des sceaux, je me réjouis de voir que la démarche que vous
poursuivez actuellement est menée avec un mélange de prudence et de sagesse,
mais aussi avec une résolution à laquelle je tiens à rendre hommage.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 25, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 10 C est supprimé.
Intitulé de la section 1 A (suite)