Séance du 17 juin 1999







M. le président. Par amendement n° 155 rectifié, M. Haenel et les membres du groupe du rassemblement pour la République proposent d'insérer, après l'article 10, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article 76 du même code, un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Si les nécessités de l'enquête relatives à un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement l'exigent, le juge de la liberté individuelle peut, sur requête écrite et motivée du procureur de la République, autoriser que les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction soient faites sans l'assentiment de la personne chez qui elles ont lieu. Les formes prévues par l'article 56 sont applicables ; ces opérations ne peuvent intervenir en dehors des heures prévues par l'article 59.
« Les autorisations délivrées par le juge de la liberté individuelle sont données pour des perquisitions déterminées. Chaque autorisation fait l'objet d'une décision écrite, précisant la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée ainsi que l'adresse des lieux dans lesquels les visites, perquisitions et saisies peuvent être effectuées, et motivée par référence aux éléments de fait justifiant que ces opérations sont nécessaires. Celles-ci sont effectuées sous le contrôle du juge de la liberté individuelle, qui peut se déplacer pour veiller au respect des dispositions légales. »
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. J'indique d'emblée que la mesure proposée dans cet amendement figurait dans l'avant-projet du Gouvernement. Elle a été abandonnée entre-temps et je souhaite savoir pourquoi. C'est la raison pour laquelle je la reprends. Je pense qu'elle est de nature à faciliter le traitement des enquêtes et à limiter le recours à l'ouverture d'une information pour les affaires simples nécessitant une ou plusieurs perquisitions.
Par ailleurs, je constate que la plupart des administrations économiques - le fisc, les douanes, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes - disposent de facultés voisines de demander au président du tribunal ou au juge délégué l'autorisation d'effectuer une perquisition ou une visite domiciliaire, alors que le procureur de la République est dépourvu de cette possibilité.
Les autres dispositions du projet de loi introduisent une modification conséquente de l'équilibre au cours de l'enquête, du fait, par exemple, de la présence accrue de l'avocat lors de la garde à vue, etc.
Je souhaite donc donner la possibilité à un procureur de la République qui n'ouvrirait une information que pour obtenir telle ou telle mesure de rester dans le cadre de l'enquête préliminaire et de demander ces mesures directement au président du tribunal, donc, en l'occurrence, au juge qui n'est pas dénommé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Vous soulevez, là encore, un problème important. Je remarque, monsieur Haenel, que vous avez utilisé trois fois, dans cet amendement, la dénomination « juge de la liberté individuelle ». Vous pensiez, en fait, au juge visé à l'article 137-1.
M. Hubert Haenel. Lorsque j'ai rédigé cet amendement, on ne savait pas comment l'appeler !
M. Charles Jolibois, rapporteur. Effectivement !
Je rappelle que son rôle ne se limitera pas à la détention provisoire. La seule chose qui lui sera interdite sera de siéger dans les instances où l'on jugera des affaires dont il aura eu à connaître en tant que juge de la détention provisoire.
Cela étant dit, la commission a émis un avis défavorable. Peut-être conviendrait-il de lui confier cette nouvelle mission à l'occasion de l'examen d'un autre texte. Cette nouvelle charge n'était pas prévue dans le présent projet de loi et la commission n'a pas examiné les conséquences qu'elle pourrait avoir.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Moi non plus, je ne suis pas favorable à cet amendement, car il ne faut pas dénaturer les principes traditionnels qui gouvernent l'enquête préliminaire. Les perquisitions effectuées au cours de cette enquête ne peuvent être diligentées qu'avec l'accord de la personne dont le domicile est visité, et dans l'hypothèse inverse, de toute façon, un juge d'instruction doit être saisi.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 155 rectifié.
M. Hubert Haenel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. Je ne suis pas tout à fait convaincu par les arguments de Mme le ministre.
Il y a un problème, a dit M. le rapporteur, et on pourrait réexaminer cette disposition en une autre occasion. Cependant, il est tout de même curieux que le fisc ou les douanes puissent demander au président du tribunal de grande instance l'autorisation de perquisitionner dans ces conditions-là, alors que le procureur de la République ne peut le faire et doit ouvrir une information, donc engager une procédure beaucoup plus longue.
Nous pourrons effectivement examiner de nouveau cette disposition lors de l'examen d'un autre texte. Dans cette attente, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 155 rectifié est retiré.
Par amendement n° 213, M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 10, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 138 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
« 1° Dans le septième alinéa (5°), après les mots : "services", sont insérés les mots : ", associations habilitées".
« 2° Dans le huitième alinéa (6°), après les mots : "de toute autorité", sont insérés les mots : ", de toute association".
« 3° Le même alinéa est complété par les mots : "ainsi qu'aux mesures socio-éducatives destinées à favoriser son insertion sociale et à prévenir la récidive". »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je n'ai pas de raison de cacher que cet amendement m'a été inspiré par des magistrats, et même de hauts magistrats. Et je pense qu'ils avaient parfaitement raison.
Les articles que nous examinerons tout à l'heure, à savoir l'article 28, qui est d'origine, et les articles 28 bis et 28 ter , qui sont nouveaux, traitent tous trois des associations d'aide aux victimes. Il y a en effet lieu de tenir le plus grand compte de ces associations, surtout - et c'est ce que nous préciserons - lorsqu'elles sont conventionnées, car il ne suffit pas qu'elles s'intitulent telles.
De même, il paraît tout à fait normal que, en ce qui concerne le contrôle judiciaire, soient reconnues les associations qui ont précisément pour objet de contribuer à l'application du contrôle judiciaire et qui se trouveront en quelque sorte habilitées du fait que c'est le juge lui-même qui aura recours à elles.
C'est pourquoi il convient de préciser, dans l'article 138 du code de procédure pénale, qui traite du contrôle judiciaire, lequel peut être ordonné par le juge d'instruction ou - il faudra l'ajouter dans le texte si cela n'a été fait - par le juge de la détention provisoire, ce qui est conforme à ce que vous avez décidé tout à l'heure, mes chers collègues, que ce contrôle peut astreindre la personne concernée à se soumettre, selon la décision du juge, à une ou plusieurs des obligations ci-après énumérées :
5° Se présenter périodiquement aux services associations habilitées ou autorités désignés par le juge d'instruction qui sont tenus d'observer la plus stricte discrétion sur les faits reprochés à la personne mise en examen ;
6° Répondre aux convocations de toute autorité, de toute association ou de toute personne qualifiée désignée par le juge d'instruction et se soumettre, le cas échéant, aux mesures de contrôle portant sur ses activités professionnelles ou sur son assiduité à un enseignement ainsi qu'aux mesures socio-éducatives destinées à favoriser son insertion sociale et à prévenir la récidive.
Ai-je besoin de dire que cette réinsertion recherchée par le juge avec l'aide, éventuellement, non seulement de services ou d'autorité, mais aussi d'associations est de nature à protéger les droits des victimes ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis favorable, car cet amendement consacre dans le code de procédure pénale le contrôle judiciaire à caractère socio-éducatif, qui est en effet exercé aujourd'hui par des associations qui sont d'un grand secours pour le ministère dont j'ai la charge.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 213, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 10.

Article 10 bis