Séance du 25 juin 1999







M. le président. Par amendement n° 144 rectifié, M. Fauchon propose d'insérer, après l'article 18, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 187-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 187-1 . - En cas d'appel d'une enveloppe de placement en détention provisoire, la personne mise en examen ou le procureur de la République peut, si l'appel est interjeté le jour même de la décision de placement en détention provisoire, demander à la chambre d'accusation d'examiner par priorité son appel. La personne mise en examen, son avocat ou le procureur de la République peut joindre toutes observations écrites à l'appui de la demande.
« La chambre d'accusation statue au plus tard le quatrième jour ouvrable suivant la demande, au vu des éléments du dossier de la procédure.
« Dans l'attente de la décision de la chambre d'accusation, le magistrat mentionné à l'article 137-1 peut, au moyen d'une ordonnance non susceptible d'appel, prescrire l'incarcération de la personne pour une durée qui ne peut excéder quatre jours. »
La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Il s'agit d'un des points essentiels de ce texte, celui de la mise en détention provisoire, et, en particulier, de la question de savoir si une décision d'une telle conséquence -, c'est l'une des décisions les plus graves, a-t-il été dit dans la discussion générale - puisse être prise par un homme seul, que ce soit le juge d'instruction, ou un autre, comme nous l'avons admis à la demande du Gouvernement.
Mon amendement a pour objet de concilier cette exigence de collégialité avec le fait que nous ne disposons pas des moyens nécessaires pour la faire adopter en règle générale. Mais ce qui ne peut être établi en règle générale peut peut-être l'être pour les cas les plus graves.
On peut considérer que seule une minorité des mises en détention provisoire revêtent un tel caractère de gravité. Il paraît dès lors possible de soumettre la décision de détention provisoire, dans ces cas peu nombreux, à la collégialité qui ne peut être que celle de la chambre d'accusation par la voie d'un appel de la décision du juge, sans que cela provoque un encombrement qui ne serait pas gérable.
Cet appel sera suspensif et sera jugé évidemment dans les plus brefs délais.
Il s'agit, en réalité, d'une nouvelle mouture de ce que nous avions déjà tenté sous la forme du référé préventif. Nous instaurerions ainsi une procédure qui aurait la rapidité du référé. Toutefois, comme jusqu'ici nous n'avons pas réussi à déterminer quel juge serait susceptible d'apprécier ce référé avec toute la capacité de décision souhaitable, nous proposons de remettre l'affaire à la chambre d'accusation, qui exercerait ainsi un contrôle collégial sur les cas les plus graves et les plus problématiques de mise en détention provisoire.
Cela étant, bien entendu, pendant la période considérée qui ne serait que de quelques jours, la personne serait « retenue » : elle serait incarcérée parce qu'on ne peut pas la remettre en liberté, mais elle ne serait pas placée sous le statut du détenu. Chacun sait qu'il y a une grande différence entre ces deux situations.
J'avoue avoir ici un scrupule, scrupule sur lequel j'aimerais connaître l'avis du Gouvernement et de la commission.
En effet, dans le système que j'ai proposé, étant donné la brièveté du temps, j'ai seulement imaginé une procédure écrite. Comme il s'agit des cas les plus graves, on peut considérer qu'il est en réalité souhaitable que s'instaure un débat contradictoire devant la collégialité.
Je reconnais que la question se pose et je me suis demandé si ce débat contradictoire était conciliable avec la brièveté du délai.
Si le système paraît possible au Gouvernement et à la commission, je suis tout disposé à modifier mon amendement en introduisant la possibilité, pour la défense, de demander et d'obtenir un débat contradictoire devant la chambre d'accusation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'amendement n° 144 rectifié est un amendement clé puisque, comme l'a très bien expliqué M. Fauchon, il substitue au référé liberté la collégialité de la chambre d'accusation, donnant ainsi satisfaction à tous ceux qui auraient désiré que trois magistrats décident de cette question extraordinairement grave qu'est la mise en détention provisoire.
Le texte prévoit donc qu'un juge décidera de la détention provisoire. Mais grâce à cette sorte de « passerelle de l'espoir », si une décision nécessite vraiment d'être rapidement revue, c'est la chambre d'accusation qui décidera.
Par ailleurs, monsieur Fauchon, je ne vois pas pourquoi un délai très bref exclurait le débat contradictoire. Je sais, de par mon expérience professionnelle, que nous pouvons être appelés sur l'heure pour des référés même en plein week-end, même le dimanche. Ce n'est pas tous les jours, mais enfin cela arrive.
Quand on est magistrat, quand on est auxiliaire de justice, monsieur Fauchon, on doit être tout le temps en éveil, comme un médecin ; on doit savoir que l'on peut être appelé à intervenir très rapidement.
M. Pierre Fauchon. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Dès maintenant et fort de l'avis de M. le rapporteur, je souhaite rectifier mon amendement en le complétant par la phrase suivante : « A sa demande, l'avocat de la personne mise en examen présente oralement des observations devant la chambre d'accusation, lors d'une audience dont est avisé le ministère public pour qu'il prenne, le cas échéant, ses réquisitions, l'avocat ayant la parole en dernier. »
On assure ainsi le débat contradictoire devant la collégialité pour les cas qui seraient, je le répète, d'une exceptionnelle gravité.
M. le président. Monsieur Fauchon, je me permets de vous suggérer une rectification de forme, afin de rendre votre texte parfaitement clair. Il s'agirait de rédiger ainsi la fin de la phrase à ajouter : « pour qu'il prenne, le cas échéant, ses réquisitions, l'avocat y a la parole en dernier. »
M. Pierre Fauchon. C'est parfait, monsieur le président !
M. Hubert Haenel. C'est digne de l'Académie française !
M. le président. N'exagérons rien !
Je suis donc saisi d'un amendement n° 144 rectifié bis, présenté par M. Fauchon et tendant à insérer, après l'article 18, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 187-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 187-1 - En cas d'appel d'une ordonnance de placement en détention provisoire, la personne mise en examen ou le procureur de la République peut, si l'appel est interjeté le jour même de la décision de placement en détention provisoire, demander à la chambre d'accusation d'examiner par priorité son appel. La personne mise en examen, son avocat ou le procureur de la République peut joindre toutes observations écrites à l'appui de la demande.
« La chambre d'accusation statue au plus tard le quatrième jour ouvrable suivant la demande, au vu des éléments du dossier de la procédure.
« Dans l'attente de la décision de la chambre d'accusation, le magistrat mentionné à l'article 137-1 peut, au moyen d'une ordonnance non susceptible d'appel, prescrire l'incarcération de la personne pour une durée qui ne peut excéder quatre jours.
« A sa demande, l'avocat de la personne mise en examen présente oralement des observations devant la chambre d'accusation, lors d'une audience dont est avisé le ministère public pour qu'il prenne, le cas échéant, ses réquisitions ; l'avocat y a la parole en dernier. »
Quel est l'avis de la commission sur cet amendement n° 144 rectifié bis ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Cet amendement tend à améliorer la procédure du référé-liberté.
Le Gouvernement ne peut pas être défavorable à un tel amendement.
L'institution du juge de la détention ne constituant nullement un recours contre les décisions du juge d'instruction, il est normal que les recours existant actuellement - référé-liberté et appel - demeurent et soient le plus efficaces possible.
Or la procédure de référé-liberté est considérée, à tort ou à raison, comme n'ayant pas donné satisfaction. Pourquoi pas, dans ces conditions, confier la décision de statuer en référé, au vu du seul dossier, aux trois conseillers de la chambre d'accusation et non pas à son seul président, tout en augmentant très légèrement le délai pour statuer ?
Dans la mesure où cet amendement a, par ailleurs, été rectifié et ne prévoit plus que la personne serait retenue par un officier de police judiciaire jusqu'à la décision du référé, je m'en remets, au nom du Gouvernement, à la sagesse du Sénat.
S'agissant de l'ultime rectification apportée par M. Fauchon, sur le fond, la présence de l'avocat ne pose évidemment pas de problème au Gouvernement. Seul le délai de transmission peut éventuellement présenter quelques difficultés. Ce point pourra être réexaminé à l'occasion de la navette.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je pense que le Gouvernement a bien fait de s'en remettre à la sagesse du Sénat et que la sagesse va se traduire par une décision positive.
Je voudrais souligner très rapidement la qualité juridique de ce qui nous est proposé. En commission, nous nous sommes interrogés sur l'efficacité de ce système, que nous acceptons, qui consiste à remplacer l'homme seul par un autre homme seul.
Bien sûr, la tentation de la collégialité a effleuré - et même, parfois, plus qu'effleuré - un certain nombre d'entre nous. Désireux de faire un travail constructif, nous nous sommes efforcés de trouver, non un compromis, mais une solution véritablement positive, permettant, dans un certain nombre de cas, de faire intervenir la collégialité dès lors que l'on peut nourrir quelques doutes sur la qualité intrinsèque de la décision rendue par ce juge que nous ne qualifions pas, qui n'est ni le juge de la liberté ni le juge de la détention.
Je considère donc que cet amendement est un éléent important de notre travail en commission.
M. Hubert Haenel. Tout à fait !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 144 rectifié bis, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 18.

Section 3

Dispositions relatives
à l'indemnisation des détentions provisoires

Article 19 et article additionnel après l'article 19