Séance du 25 juin 1999







M. le président. « Art. 19. _ I. _ L'article 149 du même code est ainsi modifié :
« 1° Après les mots : "une indemnité", la fin de l'article est ainsi rédigée : "est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, afin de réparer le préjudice moral et matériel qu'elle a subi à cette occasion. Toutefois, aucune indemnisation n'est due lorsque cette décision résulte de la reconnaissance de son irresponsabilité au sens de l'article 122-1 du code pénal, de la prescription ou de l'amnistie, ou lorsque la personne a fait l'objet d'une détention provisoire pour s'être librement et volontairement accusée ou laissée accuser à tort." » ;
« 1° bis Il est ajouté une phrase ainsi rédigée :
« A la demande de l'intéressé, le préjudice est évalué par expertise contradictoire réalisée dans les conditions des articles 156 et suivants. » ;
« 2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la décision de non lieu, de relaxe ou d'acquittement lui est notifiée, la personne est avisée de son droit de demander une indemnisation, ainsi que des dispositions des articles 149-1 et 149-2. »
« II. _ L'article 149-2 du même code est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, les mots : "par une décision non motivée" sont remplacés par les mots : "par une décision motivée" ;
« 2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Les débats ont lieu en audience publique, sauf opposition du requérant. A sa demande, celui-ci est entendu personnellement ou par l'intermédiaire de son conseil. » ;
« 3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La décision de la commission d'indemnisation allouant une indemnité est communiquée aux magistrats qui ont concouru à la mise ou au maintien en détention provisoire. »
Sur l'article 19, je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 123, M. Charasse propose de rédiger comme suit cet article :
« I. - L'article 149-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 149-1. - L'indemnité prévue à l'article précédent est allouée par une sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat qui statue sur les demandes d'indemnisation en tenant compte de l'intégralité du préjudice matériel et moral et des pertes de revenus et versée de manière provisoire à l'intéressé. L'indemnité devient définitive après approbation du Parlement dans la prochaine loi de finances. »
« II. - L'article 149-2 du même code est supprimé. »
Par amendement n° 225, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le I de l'article 19 :
« I. - L'article 149 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 149. - Toute personne mise en détention provisoire a droit à la réparation intégrale du préjudice matériel et moral résultant de cette détention si elle a bénéficié d'une décision définitive de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement d'où il ressort que n'a pas été apportée la preuve qu'elle a commis les faits qui lui étaient reprochés.
« N'a toutefois pas droit à une indemnisation la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire après s'être librement et volontairement accusée ou laissée accuser dans le but de faire échapper l'auteur véritable de l'infraction à sa responsabilité. »
Par amendement n° 38 rectifié bis, M. Jolibois, au nom de la commission des lois, propose de remplacer le deuxième alinéa (1°) du I de l'article 19 par deux alinéas ainsi rédigés :
« 1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Toute personne mise en détention provisoire a droit à la réparation intégrale du préjudice matériel et moral résultant de cette détention si elle a bénéficié d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. Toutefois, aucune indemnisation n'est due lorsque cette décision a pour seul fondement la reconnaissance de son irresponsabilité au sens de l'article 122-1 du code pénal, une amnistie postérieure à la mise en détention provisoire, ou lorsque la personne a fait l'objet d'une détention provisoire pour s'être librement et volontairement accusée ou laissée accuser à tort en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites. »
Par amendement n° 157 rectifié, M. Haenel et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent d'insérer, après le paragraphe I de l'article 19, un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - L'article 149-1 du même code est ainsi modifié :
« 1° La première phrase du troisième alinéa est complétée in fine, par les mots : "qui désigne également dans les mêmes conditions trois suppléants et le médiateur" ;
« 2° La dernière phrase du troisième alinéa est abrogée. »
La parole et à M. Charasse, pour présenter l'amendement n° 123.
M. Michel Charasse. Il s'agit de la procédure en matière d'indemnisation des détentions provisoires abusives.
Actuellement, les demandes d'indemnisation sont examinées par une commission de la Cour de cassation mais, nous le constatons les uns et les autres, les indemnités allouées font apparaître quelques bizarreries, leur montant étant parfois très modeste, ce qui revient à dire que la Cour de cassation a certainement des difficultés à participer de bonne foi à la réparation de l'erreur.
De fait, se trouvant au sommet de la pyramide judiciaire, elle n'est pas la mieux placée pour reconnaître la faute du service auquel elle appartient, faute à laquelle, au demeurant, elle a pu participer en rejetant des pourvois.
Je pense donc qu'il faut que l'autorité qui, en la matière, règle les indemnisations soit totalement indépendante et qu'elle n'ait été amenée à participer ni de près ni de loin au processus qui a conduit au placement et au maintien en détention abusive.
Mes chers collègues, la détention abusive, c'est grave : c'est le contraire du principe de liberté sur lequel est fondé la société démocratique française depuis 1789.
On ne peut pas se contenter d'indemnités parfois ridicules et qui, peuvent même, je le souligne, être fixées en fonction de l'origine sociale du bénéficiaire, tant il est vrai qu'un riche est, en général, mieux indemnisé qu'un pauvre, ce qui tend à signifier que, dans ce cas, le préjudice matériel pèse plus lourd que le préjudice moral.
C'est la raison pour laquelle, par l'amendement n° 123, je propose que, désormais, ce soit une sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat qui statue en la matière. Après tout, c'est une faute du service public de la justice, et donc une faute de l'Etat. Or, en principe, les fautes de l'Etat sont réparées par le juge administratif.
J'ajoute que, s'agissant de l'application du principe de liberté, le contrôle parlementaire doit s'exercer. Je propose donc, en outre, que l'indemnité allouée par la sous-section précitée ait un caractère provisoire jusqu'à ce qu'elle ait été approuvée par le Parlement dans la loi de finances. Cela signifie que les crédits seraient individualisés en loi de finances pour que l'on sache exactement ce que l'on vote et au bénéfice de qui.
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous n'êtes pas le premier signataire de l'amendement n° 225, mais je suppose que c'est vous qui allez le défendre...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je n'en suis pas, en effet, le premier signataire : c'est une erreur, mais je ne rectifie pas l'amendement pour autant !
M. Hubert Haenel. Il y a présomption de paternité ! (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En l'occurrence, pater is est, et j'en suis bien l'auteur ! (Nouveaux sourires.) Je le soutiens d'ailleurs depuis déjà un certain nombre d'années.
M. le président. Vous avez donc la parole pour présenter cet amendement n° 225.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, je souhaiterais que mon amendement n° 226 soit appelé en discussion commune avec ces amendements-ci, car il traite de la question de savoir quelle est la commission qui doit décider de l'indemnisation. Or je viens de m'apercevoir que l'amendement n° 123, qu'a présenté à l'instant M. Charasse, et l'amendement n° 157 rectifié, que présentera tout à l'heure M. Haenel, traitent de la même question.
En effet, si l'amendement n° 226 n'était pas intégré dans la présente discussion commune, il risquerait de tomber sans que j'aie pu m'exprimer à son sujet, comme cela s'est produit précédemment avec un autre de mes amendements.
M. le président. Mes chers collègues, M. Dreyfus-Schmidt demande que l'amendement n° 226, portant artile additionnel après l'article 19, vienne en discussion commune avec les amendements portant sur l'article 19.
Il n'y a pas d'opposition.
Il en est ainsi décidé.
Par amendement n° 226, M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 19, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 149-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 149-1. - L'indemnité prévue à l'article précédent est allouée par décision de la commission prévue à l'article 706-4. »
Veuillez poursuivre, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'amendement n° 225 a trait non à la question de savoir qui paie l'indemnité mais à ce que doit être cette indemnité.
Je rappelle que, jusqu'en 1996, la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive pouvait se voir attribuer une indemnité, sans autre précision, et ce à la condition que cette détention lui ait causé un préjudice « manifestement anormal et d'une particulière gravité ».
Cette indemnité était accordée par la commission unique qui siégeait et continue de siéger à la Cour de cassation, et qui était particulièrement pingre en la matière, même si elle l'est devenue un peu moins.
M. Michel Charasse. Il faut reconnaître les fautes de la maison !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Sur notre proposition, ces mots, « manifestement anormal et d'une particulière gravité », ont tout de même été supprimés par la loi du 30 décembre 1996, mais M. Toubon s'opposait au caractère obligatoire de la réparation au motif qu'elle ne devait pas intervenir dans un certain nombre de cas qu'il énumérait et qui étaient parfaitement exacts : reconnaissance de l'irresponsabilité de l'intéressé, amnistie, prescription - mais on ne voit pas très bien que quelqu'un ait été détenu si les faits étaient prescrits ! - et, enfin, le cas où l'intéressé s'est lui-même accusé à tort.
Nous proposions alors d'inscrire ces exceptions dans la loi, puis nous récidivions en 1998 et, cette fois, le Sénat adoptait notre amendement.
Apparemment, c'est ce même amendement qu'en première lecture du présent projet de loi reprenait à peu près Mme la rapportrice devant l'Assemblée nationale.
M. Hubert Haenel. Rapportrice ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On dit bien instituteur, institutrice.
M. Michel Charasse. Pompier, pompière !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous m'écoutez ou vous faites des plaisanteries de mauvais goût ?...
M. Jean Chérioux. Pourquoi cette appréciation ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. « Pompier, pompière » ne me paraissait pas convenable !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt vous avez seul la parole. Ne perdons pas de temps !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Apparemment, disais-je, c'est ce même amendement qu'en première lecture du projet de loi reprenait à peu près Mme la rapportrice devant l'Assemblée nationale bien que l'actuelle ministre de la justice ait, à son tour, évoqué de nouvelles exceptions pour lesquelles il ne serait pas juste que l'intéressé soit indemnisé : abrogation de la loi pénale, annulation de la procédure suivie d'une reprise des poursuites aboutissant à une condamnation définitive...
Finalement, l'amendement a été voté à l'Assemblée nationale après que Mme la rapportrice eut reconnu « bien volontiers la médiocrité de la rédaction relative aux exceptions, dont l'énumération mérite au surplus d'être repensée », avant de suggérer à l'Assemblée nationale d'« adopter l'amendement, quitte à y revenir au cours des lectures ultérieures pour améliorer considérablement » le texte.
Autrement dit, elle compte sur le Sénat pour améliorer le texte, et c'est ce que nous avons essayé de faire dans notre proposition, qui n'énumère pas des hypothèses - d'abord, parce que la manière est lourde ; ensuite, parce que l'on risque d'en oublier - mais emploie une formule selon moi satisfaisante, en tout cas préférable à celle que propose le Gouvernement - j'aurai l'occasion d'y revenir tout à l'heure - laquelle vise des cas qui n'ont pas à l'être.
Je crois en effet que tous les cas de figure...
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous avez dépassé votre temps de parole, même en tenant compte des « arrêts de jeu ».
M. Hubert Haenel. D'ailleurs, nous avons compris !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ah ! Si tout le monde a compris...
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 38 rectifié bis.
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'Assemblée nationale a décidé de rendre l'indemnisation des détentions provisoires automatique en cas de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. Elle a prévu des exceptions, mais la liste retenue est apparue contestable à la commision. C'est la raison pour laquelle celle-ci propose une nouvelle rédaction de cet article.
Nous pensons en effet qu'il n'est pas anormal qu'une personne mise en détention provisoire pour une infraction prescrite ait droit à une indemnisation. Je pense même que c'est un des cas où l'indemnisation est le plus justifiée : on ne doit pas mettre quelqu'un en détention provisoire pour des faits prescrits !
La commission a en outre modifié son amendement pour tenir compte de la rédaction proposée par M. Dreyfus-Schmidt - j'espère qu'il s'en est aperçu ! - en ce qui concerne le principe de l'indemnisation. La rédaction doit être suffisamment explicite pour servir, en quelque sorte, de guide à la commission de la Cour de cassation : « Toute personne mise en détention provisoire a droit à la réparation intégrale du préjudice matériel et moral résultant de cette détention si elle a bénéficié d'une décision de non-lieu... »
Le libellé même du principe de l'indemnisation indique que celle-ci doit tenir compte de tous les éléments du préjudice admis généralement en droit français.
M. le président. La parole est à M. Haenel, pour défendre l'amendement n° 157 rectifié.
M. Hubert Haenel. M. le rapporteur comme tous les précédents intervenants et bien d'autres personnes en dehors de cet hémicycle s'accordent pour reconnaître que l'Etat peine à indemniser les personnes indûment incarcérées. Tous déplorent les difficultés du système judiciaire à reconnaître ses erreurs.
Bien qu'issus de la Cour de cassation, les membres de la commission jugent non pas en droit mais en équité, notion floue et subjective qui oblige les magistrats à apprécier les dossiers au cas par cas. Ils ne prennent en compte ni les frais engagés lors de la procédure, ni les éventuelles conséquences sur l'entourage de la personne détenue, ni même les effets parfois désastreux d'une simple mise en examen.
La loi impose seulement, jusqu'à présent, de réparer l'injustice d'une détention indue et de moduler le montant de l'indemnisation en fonction du statut social du demandeur et de son préjudice moral supposé. Cela explique bien entendu un certain nombre de variations qui sont dues, selon moi, en partie à la composition de cette commission d'indemnisation, qui est une simple émanation de la Cour de cassation. Rappelons qu'elle est composée du premier président de la haute juridiction ou de son représentant, ainsi que de deux magistrats du siège et de trois suppléants. Les décisions de la commission qui ne sont pas motivées sont rendues à huis clos en chambre du conseil et ne sont pas susceptibles de recours.
Certes, le projet de loi impose la motivation des décisions et autorise la publicité des débats. Il s'agit d'un net progrès, mais il faudrait aller plus loin, car il n'est pas sain que seuls les juges jugent les juges.
Il me paraît donc opportun qu'un tiers participe à l'évaluation de cette indemnisation. Il pourrait s'agir d'un membre du Conseil d'Etat ou de la Cour des comptes, voire d'un sénateur ou d'un député. Je vous suggère, pour ma part, que ce soit le Médiateur, ce qui évitera peut-être de bouleverser la répartition des compétences entre l'ordre judiciaire et l'ordre administratif que nous propose M. Charasse.
Mon amendement tend ainsi à introduire une sorte de mixité dans la composition de la commission d'indemnisation.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 226.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Actuellement, il y a une commission unique devant la Cour de cassation. Ce dispositif se comprenait très bien à une époque où l'indemnité pouvait être allouée à condition que le préjudice soit anormal, l'évaluation étant, si j'ose dire, « pifométrique » puisque le préjudice matériel et moral n'était pas intégralement réparé. Par conséquent, si l'on voulait éviter une grande disparité de jurisprudence, il était prudent de n'avoir qu'une commission. Tel n'est cependant plus le cas. Heureusement ! Le nombre d'indemnités accordées est déjà nettement plus important, et peut-être le sera-t-il encore davantage.
Mais, surtout, il n'y a pas de raison que l'indemnisation des intéressés ne puisse pas être décidée au tribunal le plus proche. Or, au sein de chaque tribunal de grande instance, il existe une commission chargée notamment d'indemniser les victimes d'infractions pénales, qui fonctionne parfaitement dans d'excellentes conditions à charge d'appel et de manière contradictoire, les parties pouvant être présentes. C'est pourquoi nous proposons, par notre amendement n° 226, que cette commission-là soit compétente.
J'ai ainsi répondu à l'amendement de M. Haenel qui tend à faire participer le médiateur et je ne sais qui à cette commission pour en modifier la composition, commission qui resterait donc unique et continuerait à siéger à la Cour de cassation, c'est-à-dire très loin des demandeurs qu'il est question d'indemniser.
En revanche, je n'ai pas répondu à l'amendement n° 123 de notre collègue Michel Charasse, chez lequel je découvre une confiance absolue non pas dans la justice et la magistrature, mais dans les tribunaux administratifs.
C'est ce qu'il fait dans son amendement n° 123, par lequel il demande que l'indemnité ne devienne définitive qu'après un vote du Parlement. Autrement dit, cela peut prendre un certain temps ! Certes, l'indemnité serait versée de manière provisoire mais, si le Parlement n'est pas d'accord, l'intéressé devrait la restituer !
Le Sénat - je me permets d'insister sur ce point - en tenant compte ou non des observations de M. Haenel, a le choix entre la section du contentieux du Conseil d'Etat et la commission qui siège dans chaque tribunal de grande instance. Lorsque la carte judiciaire aura été rapidement modifiée, les tribunaux de grande instance seront, paraît-il, moins nombreux. L'accès des « détenus provisoires à tort » à ceux qui resteront me paraît normal même si, en l'espèce, ceux qu'il s'agit d'indemniser ne sont pas victimes d'infractions.
D'ailleurs, la commission actuelle n'a pas d'intitulé. Elle ne s'appelle pas, comme on l'entend souvent, « commission d'indemnisation des victimes d'infractions », qui est celle qui est visée à l'article 706-4 du code de procédure pénale.
C'est pourquoi nous insistons beaucoup pour que vous acceptiez notre amendement n° 226, pour lequel je serais enclin à demander la priorité car, comme vous l'avez constaté, il existe deux problèmes : il s'agit de savoir, d'une part, ce que sera l'indemnité et, d'autre part, qui l'attribuera. Je souhaiterais donc que ces deux questions soient éventuellement votées séparément.
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, elles le seront d'autant plus que je suis saisi d'un amendement n° 123 rectifié, présenté par M. Charasse, et tendant à rédiger comme suit le II de l'article 19 :
« II. - A. - L'article 149-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 149-1 . - L'indemnité prévue à l'article précédent est allouée par une sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat qui statue sur les demandes d'indemnisation en tenant compte de l'intégralité du préjudice matériel et moral de l'intéressé. L'indemnité fait l'objet d'une disposition spéciale de la plus prochaine loi de finances.
« B. - L'article 149-2 du même code est supprimé. »
Ainsi ne sont plus en discussion commune que les amendements n°s 225 et 38 rectifié bis, qui tendent à rédiger le I de l'article 19. Ensuite, viendront en discussion l'amendement n° 157 rectifié, qui vise à insérer un paragraphe additionnel après le paragraphe I de ce même article, puis l'amendement n° 123 rectifié, qui a pour objet de rédiger le paragraphe II de ce même article et, enfin, l'amendement n° 226, qui tend à insérer un article additionnel après ce même article.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 225 ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement tend à rédiger l'article 149 du code de procédure pénale relatif à l'indemnisation des détentions provisoires.
Nous estimons, quant à nous, que la liste des cas qui ne donneront lieu à aucune indemnisation, telle qu'elle figure dans l'amendement n° 38 rectifié bis de la commission, est plus concise et plus claire.
Je rappelle la rédaction que nous avons proposée : « Toutefois, aucune indemnisation n'est due lorsque cette décision a pour seul fondement la reconnaissance de son irresponsabilité au sens de l'article 122-1 du code pénal, une amnistie postérieure à la mise en détention provisoire, ou lorsque la personne a fait l'objet d'une détention provisoire pour s'être librement et volontairement accusée ou laissée accuser à tort en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites. »
Le texte de la commission reprend en une seule phrase la proposition de M. Dreyfus-Schmidt tendant à inscrire dans la loi le principe même de la réparation d'un dommage causé, en le rattachant à la théorie générale des dommages en droit français.
« Toute personne mise en détention provisoire a droit à la réparation intégrale du préjudice matériel et moral... ». Telle est la première phrase qui figure dans l'amendement n° 225 de M. Dreyfus-Schmidt.
C'est la raison pour laquelle la commission propose de s'en tenir à l'amendement n° 38 rectifié bis, et est défavorable à l'amendement n° 225.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 225 et 38 rectifié bis ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 225, qui lui paraît couvrir clairement les hypothèses dans lesquelles l'indemnisation doit intervenir. Il exclut du champ de l'indemnisation les cas dans lesquels la preuve de la culpabilité de l'intéressé a été apportée, le non-lieu, la relaxe ou l'acquittement résultant d'événements tels que la prescription, l'amnistie ou l'abrogation de la loi pénale.
Cet amendement serait toutefois mieux rédigé si le premier alinéa était ainsi libellé : « Toute personne mise en détention provisoire a droit à la réparation intégrale du préjudice matériel et moral résultant de cette détention si elle a bénéficié d'une décision définitive de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement, dès lors que la motivation ne fait pas apparaître que la preuve a été rapportée qu'elle a commis les faits qui lui était reprochés. » Le droit à l'indemnisation résultera ainsi d'une constatation objective découlant de la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement.
S'agissant de l'amendement n° 38 rectifié bis, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
L'amendement n° 225 me semble atteindre de manière plus précise l'objectif auquel nous tendons et qui est de prévoir l'indemnisation des personnes bénéficiant d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement, dans les seuls cas où elles n'ont pas commis les faits.
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, acceptez-vous de rectifier l'amendement n° 225 dans le sens suggéré par Mme le ministre ? Compte tenu du caractère substantiel de la modification, nous devons toutefois bien être d'accord sur les termes.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tels que je les ai perçus, j'accepte, monsieur le président. Mais je souhaiterais que Mme le garde des sceaux nous fasse parvenir le texte exact.
M. le président. Madame le garde des sceaux, il serait peut-être plus simple que vous déposiez un sous amendement.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. J'en suis d'accord.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants, pour permettre à Mme le garde des sceaux de rédiger ce sous-amendement.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures vingt-huit, est reprise à dix heures trente.)