Séance du 25 juin 1999







M. le président. La séance est reprise.
Je viens d'être saisi d'un sous-amendement n° 279, présenté par le Gouvernement, et tendant, dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 225 pour l'article 149 du code de procédure pénale, à remplacer les mots : « d'où il ressort que n'a pas été apportée » par les mots : « dès lors que la motivation ne fait pas apparaître ».
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Il est très difficile de travailler ainsi en urgence.
Si la commission a déposé l'amendement n° 38 rectifié bis, c'est parce qu'elle a considéré que l'expression : « d'où il ressort que n'a pas été apportée la preuve qu'elle a commis les faits qui lui étaient reprochés » était ambiguë. En effet, elle ne couvre pas la notion d'amnistie, puisque quand vous êtes amnistié, vous avez commis les faits qui vous sont reprochés, mais ces faits sont réputés effacés.
La commission souhaitait introduire l'amnistie comme exception. L'amnistie, c'est l'oubli, le pardon, l'auteur des faits est réputé ne les avoir jamais commis. La rédaction résultant du sous-amendement n° 279 comporte une ambiguïté. Aussi la commission préfère-t-elle son amendement n° 38 rectifié bis, qui insiste sur ce point en introduisant l'amnistie de manière claire et nette : « Toutefois, aucune indemnisation n'est due lorsque cette décision a pour seul fondement la reconnaissance de son irresponsabilité au sens de l'article 122-1 du code pénal, une amnistie postérieure à la mise en détention provisoire, ou lorsque la personne a fait l'objet d'une détention provisoire... »
Le sous-amendement n° 279 ne répond pas, à mon avis, à notre préoccupation. Il ne s'agit pas de mettre son orgueil dans un texte, mais ce point n'est pas couvert par la rédaction du sous-amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais si !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. D'après nos experts, la rédaction actuelle du projet de loi couvre l'amnistie.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bien sûr !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Peut-être pourrons-nous être plus précis ensuite, mais, je le répète, d'après nos experts, l'amnistie est couverte.
M. Michel Charasse. Mais oui, la preuve n'a pas été rapportée, amnistie ou pas !
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 279.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Le sous-amendement du Gouvernement répond aux préoccupations tant de M. Dreyfus-Schmidt que de M. le rapporteur. Il est bien évident, en effet, que, amnistie ou pas, si la responsabilité de l'intéressé a été prouvée, il ne peut pas y avoir indemnisation.
Je voterai donc le sous-amendement n° 279 et l'amendement n° 225.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 279, repoussé par la commission.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 225.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je n'ai pas voulu m'expliquer sur le sous-amendement, et je le regrette, mais je pense qu'il disait la même chose que notre texte avec plus de précision.
Je me permets d'insister et auprès de M. le rapporteur et auprès de nos collègues : s'il y a amnistie, il n'y a évidemment pas de décision rendue et encore moins de décision d'où il résulterait que la personne n'a pas commis les faits qui lui étaient reprochés. Evidemment pas !
Cette formulation exclut donc tout à fait l'amnistie. L'explication qui vous a été donnée, bien entendu avec la meilleure bonne foi par M. le rapporteur, est évidemment fausse. Relisez le texte !
Je reviens au texte qui nous occupe en cet instant.
Si je vous demande de voter l'amendement n° 225, et non l'amendement n° 38 rectifié bis, c'est non pas par amour-propre d'auteur, mais pour en finir avec cette discussion dans la mesure où nous croyons avoir trouvé enfin la formulation qui s'impose.
La commission prévoit en effet qu'aucune indemnisation n'est due lorsque cette décision a pour seul fondement la reconnaissance de l'irresponsabilité de la personne. Ce cas est déjà couvert par notre rédaction : « dès lors qu'il ressort que la motivation ne fait pas apparaître la preuve que la personne a commis les faits qui lui étaient reprochés ». Ce n'est donc pas le problème.
De plus, l'irresponsabilité n'est jamais le seul fondement. Il peut y en avoir d'autres. Il n'y a donc pas de raison de viser ce cas précis.
Par ailleurs, l'amendement de la commission précise : « une amnistie postérieure à la mise en détention provisoire... ». Il est évident que s'il y a amnistie il n'y a pas de décision faisant apparaître que la personne n'a pas commis les faits. Cette précision n'est donc pas non plus nécessaire.
L'amendement de la commission précise enfin : « ou lorsque la personne a fait l'objet d'une détention provisoire pour s'être librement... ». Là encore, cette motivation peut ne pas être la seule, mais la personne mise en détention provisoire n'en serait pas moins exclue du droit à indemnisation. C'est pourquoi nous prévoyons dans notre amendement n° 225 la formulation suivante : « après s'être laissée accusée ».
Vous le constatez, notre amendement couvre toutes les hypothèses, contrairement à l'amendement n° 38 rectifié bis, qui est donc moins bon. Je me permets d'insister très vivement, car il s'agit d'une question de forme, puisque nous sommes d'accord sur le fond. Les termes de notre amendement ont été pesés. Dans sa première phrase, la commission s'est largement inspirée de notre proposition - je lui en sais gré - mais elle n'est pas allée jusqu'au bout. Excusez-moi de le dire, mais elle a commis une erreur !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 225, repoussé par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 38 rectifié bis, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi d'un amendement n° 123 rectifié bis, présenté par M. Charasse, et tendant à rédiger comme suit le II de l'article 19 :
« II. - A. - L'article 149-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 149-1. - L'indemnité prévue à l'article précédent est allouée par le Conseil d'Etat qui statue sur les demandes d'indemnisation en tenant compte de l'intégralité du préjudice matériel et moral de l'intéressé. L'indemnité fait l'objet d'une disposition spéciale de la plus prochaine loi de finances. »
« B. - L'article 149-2 du même code est supprimé. »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Dans cet amendement, certaines dispositions ont été modifiées.
D'abord, la juridiction qui alloue l'indemnité a été changée. Ce n'est pas très grave. Toutefois, je ne crois pas nécessaire de répéter comment on calcule l'indemnité, puisque cela a déjà été précisé dans l'amendement n° 38 rectifié bis que le Sénat vient d'adopter. Il suffit donc de préciser simplement : « L'indemnité prévue à l'article précédent est allouée par le Conseil d'Etat. »
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si vous voulez !
M. Charles Jolibois, rapporteur. Par ailleurs, cet amendement prévoit que l'indemnité fait l'objet d'une disposition spéciale de la plus prochaine loi de finances. C'est très surprenant. L'amendement prévoyant un principe indemnitaire, il n'y a pas lieu que l'indemnité fasse l'objet d'une disposition spéciale dans une loi de finances. En effet, il serait nécessaire d'y faire figurer la liste de toutes les personnes concernées.
M. Michel Charasse. J'accepte bien volontiers que l'on s'en tienne au texte suivant : « L'indemnité prévue à l'article précédent est allouée par le Conseil d'Etat. »
M. Charles Jolibois, rapporteur. Quand on fait les choses simplement, il est plus facile de se mettre d'accord ! La commission émet un avis favorable.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 123 rectifié ter présenté par M. Charasse, et tendant à rédiger comme suit le II de l'article 19 :
« II. - A. - L'article 149-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 149-1. - L'indemnité prévue à l'article précédent est allouée par le Conseil d'Etat.
« B. - L'article 149-2 du même code est supprimé. »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. J'émets un avis défavorable.
Je souhaite rappeler la jurisprudence du Conseil d'Etat. Elle est fondée, depuis des années, sur la distinction entre l'organisation et le fonctionnement du service public judiciaire ; je dispose de la liste de toutes les décisions jurisprudentielles. Cette distinction est le fondement de la répartition des compétences juridictionnelles.
Il est vrai que le Conseil d'Etat juge lui-même qu'il est compétent pour les actions en légalité, mais à la condition qu'elles ne se rattachent à aucune procédure judiciaire. Il s'agit ici - je veux le souligner - de la détention provisoire : nous sommes donc au coeur de l'activité judiciaire et de son fonctionnement, comme le reconnaît encore le Conseil d'Etat en considérant lui-même l'autorité judiciaire seule compétente.
Dans la ligne jurisprudentielle fixée par le Tribunal des conflits et par le Conseil d'Etat, le contentieux de la détention provisoire infondée doit relever du seul juge judiciaire. Le Gouvernement ne souhaite pas que la loi modifie cette jurisprudence.
La conception des articles 149 et 148-1 du code de procédure pénale issus de la loi du 17 juillet 1970 doit rester judiciaire. L'amendement n° 123 rectifié ter introduirait de la confusion dans un partage des compétences entre les deux ordres de juridiction qui est maintenant bien fixé.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 123 rectifié ter.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le groupe socialiste est absolument d'accord avec ce que vient de dire Mme le garde des sceaux, à l'exception de notre ami Michel Charasse.
M. Michel Charasse. A titre personnel !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je l'ai bien compris !
Je suis très étonné que la commission des lois émette un avis favorable sur cet amendement, car à aucune page du rapport je n'ai lu qu'elle était favorable à une compétence du Conseil d'Etat en la matière : ce serait une révolution, en effet.
Je suppose que M. Haenel, qui proposait que soient prises des précautions dans la formation de la commission unique siégeant à la Cour de cassation, est d'accord avec nous et non pas avec la commission et M. Charasse. Cela n'aura plus d'importance le jour où le Conseil d'Etat sera supprimé et où l'on s'en remettra enfin à un ordre judiciaire unique. (M. Charasse s'exclame.)
Mais nous n'en sommes pas là ! Pour l'instant, il faut que chacun s'occupe de ce qui le regarde. Ce n'est pas au Conseil d'Etat de juger l'ordre judiciaire. Cela ne tient absolument pas la route !
Nous proposons, pour notre part, que compétence soit donnée à la commission prévue à l'article 706-4 du code de procédure pénale, qui est sur le terrain, qui est proche des plaideurs, ...
M. Hubert Haenel. Trop proche !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... qui siège dans chaque tribunal de grande instance, qui n'a pas de nom, par-dessus le marché,...
M. Hubert Haenel. Et alors ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... qui est certes chargée jusqu'à présent de l'indemnisation des victimes d'infraction pénale, mais qui peut tout aussi bien être chargée de l'indemnisation des personnes ayant fait de la détention provisoire à tort. C'est vraiment, me semble-t-il, le meilleur système possible. Il existe une commission qui fait ses preuves tous les jours, avec appel possible. Pourquoi ne pas la charger de l'indemnisation des victimes puisque c'est de cela qu'il s'agit ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'amendement de M. Charasse, dans sa rédaction initiale - nous en sommes en effet à la quatrième modification ! - avait fait l'objet d'un avis défavorable de la commission.
Cet amendement ayant été rectifié plusieurs fois et réduit à sa plus simple expression, il ne pose plus qu'une simple question : le contentieux de l'indemnisation doit-il passer des juges de la Cour de cassation aux juges du Conseil d'Etat, et donc changer d'ordre de juridiction ?
S'agissant d'un amendement rectifié en séance, la commission n'a pu statuer. Peut-être le rapporteur manque-t-il de sagesse, mais il s'en remettra sur ce point à celle du Sénat. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.)
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je trouve toutes ces explications - je ne parle pas de celles de M. le rapporteur - assez curieuses.
Tout d'abord, la jurisprudence découle de la loi. Si la loi change, la jurisprudence est bien obligée d'en tenir compte ; et rien ne nous interdit de remettre en cause une jurisprudence, sauf s'il s'agit d'une jurisprudence fondée notamment sur un principe fondamental de valeur constitutionnelle, ce qui, en l'occurrence, n'est pas le cas.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si !
M. Michel Charasse. Par ailleurs - je voudrais ainsi répondre à mon ami Michel Dreyfus-Schmidt - connaissez-vous un système dans lequel le P-DG d'une compagnie de camionneurs fixe lui-même l'indemnisation d'un préjudice causé sur son ordre par l'un de ses chauffeurs ? C'est en effet la même maison !
Quand M. Dreyfus-Schmidt propose, à l'amendement n° 226, de choisir une autre commission composée de magistrats de l'ordre judiciaire, j'estime que ce n'est pas la même maison qui peut fixer le montant des indemnités pour préjudice causé par la maison ! Il faut donc, à mon avis, une autorité indépendante.
De surcroît, la Cour de cassation a pu participer à la détention provisoire abusive en rejetant un certain nombre de pourvois. Par conséquent, elle me paraît mal placée pour reconnaître les fautes du corps et pour les réparer. Il est donc beaucoup plus sain de transférer cela au Conseil d'Etat. De plus, la fonction du Conseil d'Etat, depuis toujours, est tout de même d'indemniser les fautes de l'Etat.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela va beaucoup plus vite...
M. Hubert Haenel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. M. Dreyfus-Schmidt s'oppose à l'amendement n° 123 rectifié ter de M. Charasse ainsi qu'à mon amendement, en considérant qu'il existe un système d'apparence plus simple et plus efficace.
Mais je ne vois pas, comment, dans le même tribunal, les membres d'une commission qui n'a même pas de nom oseront fixer une indemnité, condamnant en quelque sorte ce qu'ont fait leurs collègues dans le même tribunal ! Ce n'est pas réaliste !
Je propose pour ma part une autre solution, qui, apparemment, ne recueille l'avis favorable ni de la commission ni de la plupart de mes collègues.
Par conséquent, je me rallie en définitive à l'amendement moult fois modifié présenté par M. Charasse, et je retire mon amendement n° 157 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela accélérera l'indemnisation !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je vous en prie !
L'amendement n° 157 rectifié est retiré.
M. Robert Badinter. Je demande la parole, pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Mme le garde des sceaux a très bien rappelé les principes.
Je n'ai pas besoin de souligner devant la Haute Assemblée que c'est la magistrature de l'ordre judiciaire qui est gardienne constitutionnellement des libertés individuelles. A ce titre, tous les problèmes liés à la question fondamentale, la première en matière de libertés individuelles, celle de la détention provisoire, relèvent de l'ordre judiciaire.
J'ajoute qu'on ne voit pas au nom de quoi, d'un seul coup, des magistrats de l'ordre administratif seraient à même d'apprécier un préjudice causé à des personnes dans le cadre d'une procédure judiciaire. Il faut en rester à la ligne constante de notre droit dans ce domaine.
M. Pierre Fauchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Monsieur le président, je suis moi aussi étonné par la proposition de M. Charasse et partage l'avis de M. Badinter.
Monsieur Charasse, vous venez de dire, voilà un instant, que c'est la raison d'être du Conseil d'Etat que d'apprécier les dommages causés par l'Etat. Non, sa raison d'être première et essentielle, c'est d'abord d'apprécier la régularité des décisions prises par les agents de la puissance publique ! Dès lors qu'il entre dans la voie de l'indemnisation, il sort donc un peu de sa vocation première.
Intervenant dans la discussion générale à propos du référé administratif, j'ai exprimé l'idée selon laquelle, quand il s'agit d'indemniser des préjudices, il faut éviter des divergences de jurisprudence. Mieux vaut que la juridiction judiciaire apprécie les préjudices pour l'ensemble des circonstances de préjudice.
Dans cet état d'esprit, je ne vois pas pourquoi on dissocierait le cas particulier que nous évoquons de l'ensemble des hypothèses de préjudices causés. Cela fait partie des techniques d'appréciation propres à l'ordre judiciaire.
On en a rappelé les raisons de principe, qui sont d'ailleurs importantes. Il ne faut pas que l'ordre judiciaire soit soumis à une sorte de contrôle de l'ordre administratif. Sur le plan pratique, de plus, renvoyer l'indemnisation au Conseil d'Etat, comme M. Dreyfus-Schmidt l'a rappelé tout à l'heure, c'est, entre nous soit dit, la renvoyer aux calendes grecques,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bien sûr !
M. Pierre Fauchon. ... ou à une date relativement lointaine.
Tout cela n'est pas conforme aux principes et n'est pas bien raisonnable. Il faut en revenir à une appréciation au sein de l'ordre judiciaire.
Cela étant, je ne suis pas sûr que la solution proposée soit vraiment satisfaisante. Mais nous verrons peut-être au cours de la navette comment l'améliorer. (M. Hubert Haenel s'exclame.)
En tout cas, transférer cette appréciation au Conseil d'Etat me paraît être, dans les principes et dans la pratique, une idée contestable. (Exclamations.)
M. le président. Mes chers collègues, il est impossible de travailler sur un texte complexe si tout le monde parle en même temps !
Je ferai respecter, si vous le voulez bien, les dispositions du règlement du Sénat à ce sujet !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je ne suis pas suspect de corporatisme particulier à l'égard du Conseil d'Etat...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est ce que vous dites toujours dans ce cas-là !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, si vous commencez...
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Il s'arrête !
M. Jean Chérioux. Le mauvais exemple est donné par un ancien membre du bureau !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je dois faire remarquer que nous sommes confrontés à un problème particulier et que nous devons peut-être marquer, par des modifications de principe, des inflexions importantes.
Il existe en effet une certaine tradition, qui est le respect de l'autorité judiciaire. Mais là, sur quel terrain nous situons-nous ? Sur le terrain de l'indemnisation. Or, aux termes du texte, établi d'une façon parfaitement correcte, l'indemnisation découle de l'appréciation d'une situation objective. Si l'amendement n° 123 rectifié ter était adopté, il reviendrait au Conseil d'Etat de fixer, le cas échéant, le montant de l'indemnité.
Je dirai presque sous forme de boutade que je ne suis pas persuadé que le passage du juge judiciaire au juge administratif pour la fixation des indemnités se révèle favorable à la victime.
M. Pierre Fauchon. C'est le contraire !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. En effet, je me souviens de l'époque antérieure à une loi de 1953 où il valait bien mieux se faire écraser par un camion civil plutôt que par un camion militaire, l'indemnisation étant alors près de quatre fois moindre dans le second cas !
Tout cela a finalement été unifié et, maintenant, quel que soit le camion par lequel on a été écrasé, l'indemnisation est équivalente.
Sur le fond des choses, je ne suis donc nullement convaincu que les finances publiques aient finalement à souffrir du passage de l'ordre judiciaire à l'ordre administratif du contentieux de l'indemnisation. Mais c'est un aspect tout à fait secondaire.
Personnellement, je pense que, dans l'hypothèse d'une défaillance du système judiciaire, il n'est pas mauvais qu'il ne revienne pas au système judiciaire d'en apprécier lui-même les conséquences.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 123 rectifié ter, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 226 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 19, modifié.

(L'article 19 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 19 (suite)