Séance du 25 juin 1999







M. le président. « Art. 21 bis . _ I. _ La dernière phrase du dernier alinéa de l'article 151 du même code est remplacée par deux alinéas ainsi rédigés :
« L'officier de police judiciaire accuse réception de sa mission.
« Il indique en même temps au juge s'il lui est possible de respecter le délai imparti ou s'il souhaite bénéficier d'un délai supplémentaire pour les raisons qu'il indique. »
« II. _ Le premier alinéa de l'article 161 du même code est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Les experts accusent réception de leur mission. Ils indiquent en même temps au juge s'il leur est possible de respecter le délai imparti ou s'ils souhaitent bénéficier d'un délai supplémentaire pour les raisons qu'ils indiquent. »
Par amendement n° 231, M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de supprimer cet article.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les députés ont apporté au projet de loi un certain nombre d'ajouts, dont certains sont intéressants. Cela ne me paraît pas être le cas de cet article 21 bis, qui tend simplement à faire perdre un peu plus de temps aux officiers de police judiciaire chargés de commissions rogatoires et aux experts chargés de missions par les juges d'instruction. Ces derniers disposent déjà de trop peu de temps, notamment parce qu'ils ne sont pas assez nombreux pour accomplir les tâches qui leur sont assignées et probablement pour d'autres raisons aussi.
Demander à l'officier de police judiciaire d'indiquer au juge s'il lui est possible de respecter le délai imparti ou s'il souhaite bénéficier d'un délai supplémentaire pour des raisons qu'il doit indiquer, c'est lui donner un travail supplémentaire important pendant lequel il ne pourra exécuter ses autres tâches. A la rigueur, il pourrait téléphoner ! Mais on est sûr que le juge d'instruction s'en sera entretenu avec lui, comme il le fait bien souvent.
Dans la même optique, il est souvent difficile de trouver des experts. Les juges font ce qu'ils peuvent, non pas pour discuter les honoraires - ils le font trop peu souvent - mais pour en trouver. Ils font aussi ce qu'ils peuvent pour accélérer les délais.
Comment procéder ? La solution n'a jamais été trouvée. Le seul moyen est celui de la concurrence. Il faut davantage d'experts et d'officiers de police judiciaire. En tout état de cause, les dispositions qui nous sont proposées sont non seulement inutiles mais nuisibles. C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 21 bis .
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission s'en remet à la sagesse du Sénat car elle s'est aperçue que le dispositif créé par l'Assemblée nationale entraînait une complication et un alourdissement de la procédure.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Sagesse également.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 231.
M. Hubert Haenel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. Il est utile que, lorsqu'une commission rogatoire ou un soit-transmis du parquet est adressé à un officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie, on sache ce qu'il va en advenir, tout au moins quant aux délais.
Trop souvent, c'est la police judiciaire qui décide des urgences, des opportunités, de l'accélération ou du ralentissement. Je crois donc que les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale méritent une attention particulière.
L'expérience prouve qu'on ne sait pas ce que deviennent les commissions rogatoires et les soit-transmis envoyés par les magistrats et les juges d'instruction. J'ai même vérifié l'an dernier, que à l'occasion de mes investigations sur les classements sans suite, certains parquets ne demandaient même pas d'explication quand, un an ou deux ans plus tard, un soit-transmis ne leur revenait pas.
Le dispositif proposé n'est peut-être pas le meilleur. Mais il est intéressant d'instaurer un dialogue entre la police judiciaire, le parquet, lorsqu'il s'agit d'une enquête préliminaire, ou le juge d'instruction, dans le cadre d'une instruction ou d'une commission rogatoire.
J'ajoute qu'il est toujours curieux de voir que, lorsqu'il s'agit d'essayer d'instaurer un minimum de dialogue entre le magistrat et la police judiciaire, beaucoup de collègues, de toutes opinions d'ailleurs, disent : oh non ! il ne faut pas leur compliquer la tâche.
Je précise que mes observations s'appliquent également au cas des experts. Il y a les grands principes et la réalité de la pratique quotidienne.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Après ce qu'a très bien dit M. Dreyfus-Schmidt, je vous invite, mes chers collègues, à réfléchir sur ce que cela donnera dans la pratique. Le code de procédure pénale est formel et nous devons toujours nous en souvenir, c'est l'autorité judiciaire, en l'occurrence le juge d'instruction, qui dirige l'action de la police judiciaire ; c'est un rapport d'autorité. Le juge d'instruction adresse sa commission rogatoire et, d'après cet article 21 bis, l'officier de police judiciaire pourrait lui faire savoir qu'il ne lui est pas possible de respecter le délai imparti. Que fera dès lors le juge ? Il va céder et dire si des observations sont échangées, comme c'est l'usage, c'est terminé ! Mais, avec ce dispositif, vous inscrivez dans le code de procédure pénale un système incroyablement compliqué qui nécessitera la preuve des diligences rapportées, avec tous les risques que cela peut impliquer sur la régularité de la procédure, pour une efficacité « zéro ».
Il n'appartient pas à un officier de police judiciaire placé sous l'autorité du juge de lui dire par écrit : « j'accuse réception de ma mission et je vous fais savoir que je ne peux pas respecter le délai imparti ». Il lui appartient simplement de dire que ce sera difficile, et le juge peut alors reconsidérer sa demande.
On ne peut pas inscrire de telles dispositions dans le code de procédure pénale !
Pour ce qui est des experts, la pratique, c'est le dialogue, nous le savons tous.
Ces dispositions n'ont pas leur place dans le code de procédure pénale, elles alourdiront le texte et ne feront qu'engendrer des complications supplémentaires.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 231, pour lequel la commission et le Gouvernement s'en remettent à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 21 bis est supprimé.

Article 21 ter