Séance du 25 juin 1999







M. le président. Par amendement n° 239, M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 22, un article additionnel ainsi rédigé :
« A l'article 803 du code de procédure pénale, après le mot : "considéré" sont insérés les mots : "par celui, procureur de la République ou juge d'instruction, qui en ordonne le transfert". »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Par la loi du 4 janvier 1993, nous avons introduit un article 803 dans le code de procédure pénale, à l'instigation, - je dois rendre à César ce qui lui appartient - de notre ancien collègue, mon ami Jacques Carat, qui était extrêmement choqué de voir fréquemment des personnes portant des menottes.
J'entends bien que, si l'article 22 que nous venons d'adopter devient définitif, les médias ne diffuseront plus l'image de personnes n'ayant pas « encore » fait l'objet d'un jugement de condamnation portant des menottes. Mais cela n'empêchera pas de voir, ailleurs que dans les médias, des gens menottés, dans la rue notamment.
Cela doit être évité autant qu'il est possible, n'est-il pas vrai ? A tel point que le Parlement avait voté, je crois bien à l'unamité, les dispositions actuelles de l'article 803, dont je donne lecture : « Nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s'il est considére soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite. »
Cet article n'a rien changé parce qu'on continue à mettre des menottes à tous les prévenus.
Je me souviens que j'avais moi-même, je crois l'avoir déjà dit, été choqué que le docteur Garetta, après avoir traversé l'Atlantique en avion pour se constituer prisonnier, se voire mettre des menottes au moment où il descendait de l'avion, alors que le moins qu'on puisse dire est qu'il ne remplissait aucune des conditions aujourd'hui prévues par l'article 803 du code de la procédure pénale.
La circulaire générale du 1er mars 1993 explique qu'« Il appartient aux fonctionnaires ou militaires de l'escorte d'apprécier, compte tenu des circonstances de l'affaire de l'âge - du capitaine, sans doute ? - (Sourires.) et des renseignements de personnalité recueillis sur la personne escortée, la réalité des risques qui justifient seuls, selon la volonté du législateur, le port des menottes ou des entraves ».
Il est évident que le personnel de l'escorte, qui ne connaît ni le dossier ni l'intéressé, ouvre le parapluie et passe les menottes à l'intéressé pour le cas où, il voudrait prendre la poudre d'escampette.
M. Hubert Haenel. On les comprend !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On les comprend très bien, je ne leur reproche rien ! Je me contente de demander que ce soit le procureur de la République ou le juge d'instruction auquel on amène l'intéressé ou celui du bureau duquel sort l'intéressé qui dise à l'escorte s'il faut ou non mettre les menottes. Je propose que ce soit lui, qui connaît le dossier, qui connaît l'intéressé - j'allais dire qui connaît son âge ; mais évidemment, je plaisante, je ne vois pas du tout ce que l'âge vient faire dans cette affaire - qui prenne cette responsabilité.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement. Si un texte doit être modifié, c'est la circulaire. En tout cas ce n'est pas au Parlement d'intervenir.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. On a souvent le sentiment que rien n'est fait pour éviter le port des menottes.
Je vais donc relire l'article 803 du code de procédure pénale : « Nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s'il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite. »
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bien sûr !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Ces dispositions sont déjà restrictives. Et le Gouvernement a ajouté, dans le projet de loi, les dispositions suivantes : « Dans ces deux hypothèses, toutes mesures utiles doivent être prises, dans les conditions compatibles avec les exigences de sécurité, pour éviter qu'une personne menottée ou entravée soit photographiée ou fasse l'objet d'un enregistrement audiovisuel. »
De nombreuses contraintes pèsent donc déjà sur les autorités judiciaires...
M. Hubert Haenel. Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. ... et sur les personnes qui sont chargées de l'escorte.
Pourquoi n'est-il pas possible de transférer la responsabilité des conditions pratiques de l'escorte à l'autorité judiciaire ? Tout simplement parce que c'est l'escorte qui est responsable (Bien sûr ! sur les travées du RPR) et, dans la pratique, elle seule peut apprécier les circonstances et décider si la personne peut sans danger être conduite sans menottes en dehors du palais de justice.
Il faut laisser la responsabilité juridique au niveau exact où elle peut s'exercer. Quant aux autorités judiciaires, elles ne peuvent être responsables que de ce qui se passe dans leur cabinet.
M. René-Georges Laurin. Très bien !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 239.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je serai bref. L'argument de Mme la garde des sceaux, qui consiste à dire que seule l'escorte peut décider du port des menottes parce que c'est elle qui est responsable, ne résiste pas à l'examen : si l'on votait cet amendement, c'est non pas l'escorte qui serait responsable, mais le procureur ou le juge d'instruction !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 239, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 22 bis