Séance du 23 mars 2000







M. le président. « Art. 4. - L'Etat prend en charge les investissements nécessaires à l'aménagement et à la réhabilitation des aires prévues au premier alinéa du II de l'article 1er, dans la proportion de 70 % des dépenses engagées dans le délai fixé à l'article 2, dans la limite d'un plafond fixé par décret.
« La région, le département et les caisses d'allocations familiales peuvent accorder des subventions complémentaires pour la réalisation de ces aires d'accueil. »
Par amendement n° 16, M. Delevoye, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa de cet article, après les mots : « de l'article 1er, », d'insérer les mots : « ainsi que la réparation de dommages éventuels, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Nous avons salué l'effort du Gouvernement en matière d'incitation financière et de participation à l'investissement. Mais, à la demande de M. Lassourd, qui a souhaité que puisse être intégrée, dans les travaux pris en charge par l'Etat, la réparation des dommages éventuels causés aux aires d'accueil, la commission a déposé le présent amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le projet de loi prévoit que les aides de l'Etat iront également à la réhabilitation des aires d'accueil, et les dispositifs d'aide à la gestion qui sont mis en place, s'il en est fait bon usage, permettront de rendre moins fréquents les dommages éventuels.
M. Ladislas Poniatowski. C'est une vision optimiste !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement prend l'engagement de résoudre ce problème par voie réglementaire, de telle sorte que l'aide de l'Etat n'intervienne qu'après appréciation de la situation. Ainsi, les dommages qui ne seront pas liés à un défaut de bonne maintenance et de bonne gestion pourront être pris en compte. Mais gardons-nous de tout systématisme afin de conserver au projet de loi un pouvoir d'incitation à la bonne maintenance et à la bonne gestion.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. J'apprécie toujours chez M. le secrétaire d'Etat...
M. Ladislas Poniatowski. Son optimisme. (Sourires.)
M. le président. ... son optimisme, en effet. C'est sans doute la raison de sa belle longévité parlementaire et ministérielle, dont nous le félicitons. (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Absolument ! Et c'est probablement son implantation locale qui l'aide à régler son pas pour cheminer vers les sommets qu'il entend gravir.
Pour notre part, monsieur le secrétaire d'Etat, nous estimons que le partenariat ne peut pas concerner uniquement les investissements. La pérennisation des aires d'accueil mérite un accompagnement de l'Etat, et donc une participation de l'Etat à la réparation des dommages éventuels.
Cela me semble nécessaire pour que la lassitude que vous évoquiez ne se transforme pas en découragement ou en abandon.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 16.
M. Patrick Lassourd. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd. Je voterai bien entendu cet amendement que j'avais proposé en première lecture.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il y a la réhabilitation et la réparation de dommages éventuels.
La réhabilitation s'entend pour des aires d'accueil atteintes d'obsolescence, qu'il faut bien entendu réaménager. Dans ce cas, il s'agit d'un investissement. Mais le présent amendement traite de la réparation des dommages intervenus sur les aires d'accueil équipées.
Tous les maires savent...
M. Nicolas About. C'est la réalité du terrain !
M. Patrick Lassourd. ... que, régulièrement, des dégradations extrêmement importantes sont effectuées sur les terrains d'accueil, qui sont quelquefois complètement mis à nu et dont aucune installation, sanitaire ou autre, ne demeure.
Il me semble donc que la contractualisation proposée par le Gouvernement pour l'aménagement des aires d'accueil doive s'accompagner d'une aide aux collectivités locales, en cas de dommages extrêmement importants.
M. Nicolas About. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. About.
M. Nicolas About. L'optimisme affiché par M. le secrétaire d'Etat dans ce domaine me surprend. Il sait pourtant bien, comme nous, qu'il est difficile de maintenir en état une aire d'accueil.
Tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, vous disiez que, dans les Yvelines, il y avait cent trente-huit places. C'est parce que vous omettiez de citer les centaines de places qui ont été totalement détruites. Et je ne parle pas du gardien qui a été roué de coups et laissé pour mort sur le site !
En tout cas, je suis heureux de l'optimisme de l'Etat et du Gouvernement car je ne souhaite qu'une chose, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est qu'après qu'aura été réalisé le plan d'équipement des aires d'accueil, qu'auront été mises en place des associations qui emploieront des gardiens, lesquels seront épaulés par une police de qualité, vous assuriez les conditions d'une bonne gestion de ces aires d'accueil, vous assuriez les rentrées d'argent nécessaires et le maintien en l'état de ces sites afin que les collectivités incapables, mais suppléées par l'Etat, aient enfin sur leur territoire des aires d'accueil entretenues, remises régulièrement en état et gérées de façon exemplaire. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je voudrais dissiper toute ambiguïté car je ne crois pas pécher par optimisme.
Le Gouvernement propose au Parlement d'adopter un dispositif d'aide à la gestion des aires d'accueil qui impliquera les finances publiques d'une manière permanente. Je rappelle qu'à 10 000 francs par place - c'est la somme envisagée - une aire d'accueil de trente places représentera une aide annuelle d'un montant de 300 000 francs. La mobilisation d'une telle somme justifie que soient bien sûr responsabilisés ceux qui auront la charge du gardiennage et de la maintenance de ces aires. Ce que je ne veux pas, c'est que, dès maintenant, on considère qu'il pourra y avoir des négligences et qu'en tout état de cause l'Etat paiera.
Si cette interprétation prévalait, je serais obligé d'invoquer l'article 40 de la Constitution. Sinon, convenez qu'il ne peut s'agir que de dommages ne mettant pas en cause la gestion de l'association qui aura été chargée du gardiennage et de la maintenance. Ce n'est que dans le cas où la responsabilité du gestionnaire ne pourra être prise en défaut que l'Etat pourra être amené à intervenir en réparation. C'est ce que nous affirmerons par la voie réglementaire. Je souhaitais que ce soit clairement précisé devant la Haute Assemblée, monsieur le président.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Monsieur le secrétaire d'Etat, je comprends votre réflexion, tout en ne partageant pas votre conclusion.
J'aurais peut-être une proposition à vous faire.
Puisqu'il y aura un schéma départemental, nous souhaitons pouvoir réparer les aires d'accueil qui seront détruites de manière à conserver la même capacité d'accueil. Or, vous vous montrez réservé par rapport à cette volonté.
Pourquoi ne pourrions-nous pas conclure un contrat au terme duquel, après un bilan annuel, l'aide de l'Etat serait mobilisée lorsque les dégradations intervenues ne pourraient être imputées uniquement à la commune ? A ce moment-là, il faut imaginer un financement supra-communal, car si les communes n'ont pas l'assurance de bénéficier d'une mutualisation pour la réparation des aires d'accueil, elles ne s'engageront pas.
Vous savez très bien ce qui se passe en matière de réhabilitation dans les quartiers en difficulté - c'est un peu votre matière de prédilection. Les urbanistes et les architectes disent que plus on répare rapidement les dégradations, plus on arrête vite le processus de dégradation.
Si des aires d'accueil de qualité et bien situées sont dégradées, que faut-il faire ? Faut-il porter plainte à l'encontre de ceux et celles qui ont commis ces dégradations, au risque de créer des tensions entre les communautés tziganes ? Faut-il engager des procédures pour obtenir réparation et ne pas remédier immédiatement aux dégradations ? Mais, en ce cas, les gens du voyage qui viendront ultérieurement seront victimes des membres de leur communauté qui n'auront pas respecté les investissements.
Il serait préférable que la commission consultative puisse, dans des situations d'urgence, constater les dégâts et les réparations nécessaires pour que l'on puisse mobiliser des fonds d'Etat. Il faudrait introduire dans le texte cet esprit, qui est peut-être difficile à traduire. En tout cas, on ne peut pas se contenter d'une politique ponctuelle. Il faut développer un partenariat, que je souhaite efficace.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 16.
M. Ladislas Poniatowski. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Cet amendement peut sembler modeste, mais il est en fait important.
Monsieur le secrétaire d'Etat, tout au long de la discussion vous avez évoqué les bons élèves, c'est-à-dire les communes qui possédaient déjà sur leur territoire des aires d'accueil. Or, l'amendement dont nous discutons a le mérite d'adresser un message à ces communes. Il faut savoir que les meilleurs avocats pour s'opposer à votre projet sont justement ces bons élèves, ceux qui subissent des dégâts depuis des mois, voire des années. Si vous voulez que de nouvelles communes jouent le jeu et que votre loi soit bien appliquée demain, il faut répondre à ceux qui se plaignent.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes un élu local, certes, mais vous êtes un mauvais exemple, car vous êtes maire d'une grande ville. Or, comme il n'y a plus de terrain disponible dans les grandes villes pour y installer des aires d'accueil, ce sont les villes moyennes et petites qui seront sollicitées.
Si vous voulez que les élus de ces communes appliquent le schéma départemental, vous devez leur adresser un message leur laissant entendre que l'Etat sera à leur côté, y compris lorsque seront commis d'éventuels dommages.
M. Patrick Lassourd. Absolument !
M. Ladislas Poniatowski. C'est la raison pour laquelle je voterai l'amendement n° 16.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je voudrais simplement faire écho à l'intervention de M. le rapporteur.
Le Gouvernement n'est absolument pas opposé à ce que la commission consultative départementale traite le problème. Ce qui le gêne, dans l'amendement, c'est le systématisme de l'intervention, qui pourrait couvrir des cas de négligence.
Le Gouvernement souhaite, si des dégâts sont commis, d'abord que les réparations soient effectuées d'urgence, faute de quoi les dégradations ne feraient que s'amplifier, ensuite que les procédures contre d'éventuels responsables soient engagées, car il n'est pas question de laisser l'impunité prévaloir.
Dans la mesure où le texte prévoit la possibilité d'intervention de fonds d'Etat pour des réhabilitations, la commission consultative départementale pourrait utilement clarifier les cas où cette intervention jouerait.
Telle est l'interprétation que le Gouvernement souhaite donner de l'amendement proposé. C'est la raison pour laquelle il n'a pas invoqué l'article 40, bien qu'il l'eût pu.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Monsieur le ministre, nous partageons votre analyse selon laquelle cet amendement tend non à exonérer les négligeants, mais, comme le disait M. Poniatowski, à rassurer les volontaires.
M. Patrick Lassourd. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 27, MM. Carle, Humbert et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent, à la fin du premier alinéa de l'article 4, de supprimer les mots : « , dans la limite d'un plafond fixé par décret ».
La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Les auteurs de cet amendement souhaitent supprimer la référence à un plafond de dépenses déterminé par voie réglementaire, afin que soit pris en compte le fait que les coûts de réalisation d'aires d'accueil ne sont pas nécessairement les mêmes partout, en région parisienne et en province, par exemple.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Sur cet amendement, je suis malheureusement obligé d'invoquer l'article 40.
M. Nicolas About. Bien sûr !
M. le président. Monsieur Massion, l'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. Marc Massion, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il l'est, monsieur le président.
M. Nicolas About. Nous aurions pu gager cet amendement avec une taxe sur les roulottes et les Mercedes ! (Sourires.)
M. le président. L'article 40 étant applicable, l'amendement n° 16 n'est pas recevable.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Article 5