Séance du 13 juin 2000







M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, auteur de la question n° 829, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Jean-Louis Lorrain. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, un rapport inquiétant du syndicat national des contrôleurs du trafic aérien, présenté vendredi à Bruxelles, précise que le trafic aérien, qui a été multiplié par deux au cours des dix dernières années, doublera encore d'ici à 2015, de telle sorte que, si nous conservons notre niveau de sécurité actuelle, il sera vite obsolète.
Les approches dangereuses entre avions ont augmenté de plus de 50 % l'an dernier en France. Mais les projets que doivent ratifier les trente-six Etats membres de la conférence des ministres européens, responsables de l'aviation civile, sont plus axés sur la résorption des retards croissants que sur le renforcement de la sécurité, ce que dénoncent les contrôleurs aériens.
Sécuriser les centres de contrôle nécessite la modernisation constante des équipement à laquelle fait face la direction générale de l'aviation civile pour s'adapter aux nouveaux modèles d'aéronefs, toujours plus perfectionnés. Cela nécessite également la formation continue du personnel, dernièrement la familiarisation avec le nouveau programme ODS Operator input and display system. Sans omettre la formation initiale, devenir contrôleur demande trois ans d'études et il faut dix ans d'expérience pour devenir un professionnel confirmé.
Les retards sont le symptôme le plus visible de l'aggravation du trafic aérien, la partie émergée de l'iceberg.
Selon les statistiques, ces retards sont dus, pour 50 %, aux réactions en chaîne : un avion qui arrive en retard repartira avec retard. Ils tiennent, pour 28 %, aux transferts de directives entre centres de contrôle pendant le vol des avions : altitudes, trajectoires, etc. Ils proviennent, pour 14 %, des plates-formes aéroportuaires qui gèrent les flux de passagers, de bagages, l'encombrement des pistes et des couloirs de circulation.
Trois organismes gèrent les horaires dans l'aviation civile.
Il s'agit, d'abord, de la compagnie d'aviation. Sa stratégie commerciale concentre souvent les départs sur les mêmes créneaux horaires, plus porteurs sur le plan de la fréquentation.
Il s'agit, ensuite, de la tour de contrôle concernée. Le nombre de tours de contrôle est insuffisant.
Il s'agit, enfin, du CFMU, Control flow management unit, basé à Bruxelles. Cet organisme central de gestion des courants de trafic aérien en Europe est informé des cadences d'atterrissage et de décollage locales - un avion par minute ou toutes les deux minutes - de la durée du vol, de son heure d'arrivée à destination ; il peut l'accepter ou la refuser, proposer une nouvelle heure généralement plus tardive et, par déduction, imposer l'heure du décollage.
Enfin, la sécurité des liaisons aériennes met aussi en jeu la dérégulation. Selon les syndicats, Eurocontrol, chargé d'harmoniser la régulation du trafic européen, une structure de 2 000 personnes, est, avec ses propres experts, coupée des réalités extérieures et se montre « de plus en plus perméable aux groupes de pression ». Bref, elle se soucie plus d'économie que de sécurité.
Les éléments précités et le manque de contrôleurs aériens - quand on sait qu'un contrôleur aérien ne peut surveiller plus de quinze avions sans prendre de risque - appellent plusieurs questions. Avons-nous raison de privilégier la gestion des horaires sur celle de la sécurité ? Les compagnies aériennes ont-elles le droit d'imposer une telle concentration de vols aux mêmes heures ? Quelles peuvent être les orientations du ministère des transports, en matière d'équipements, de personnel, de réglementation logistique, pour réduire le plus possible, en symbiose avec les directives du Parlement européen, les risques encourus par les passagers ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme. Monsieur le sénateur, comme je l'ai dit voilà quelques instants, M. Gayssot participe ce matin à une réunion décisive pour le financement des infrastructures. Il me revient donc de vous communiquer les éléments qu'il a réunis.
La situation dans le ciel français et européen n'est pas satisfaisante, et il est vrai que les retards qui surviennent dans un pays se reportent mécaniquement sur le trafic aérien des pays voisins. Cependant, l'année 1999 ne peut être considérée comme une référence en raison des contraintes extraordinaires que la crise du Kosovo a fait peser sur le trafic aérien. Cette question des retards est donc prise très au sérieux par le Gouvernement. D'ailleurs, plusieurs dispositions ont été prises à cet égard dans la dernière période.
Une réorganisation des secteurs de contrôle aérien a ainsi été réalisée dans le nord-est et le sud de la France, en janvier et mars derniers. La coordination a été renforcée entre autorités civiles et militaires chargées du contrôle aérien et une nouvelle étape mise en oeuvre le 18 mai dernier.
La modernisation des outils de contrôle s'est également poursuivie et il convient de souligner que, sur proposition du Gouvernement, le Parlement a décidé, au cours de la discussion budgétaire pour 2000, de recruter cent-quatre-vingts contrôleurs aériens de plus, poursuivant ainsi les quatre-vingt-dix recrutements supplémentaires de l'année précédente.
Ces dispositions, qui s'appuient aussi sur les personnels de l'aviation civile, doivent être encore amplifiées au moment où les premières mesures prises commencent à porter leurs fruits, puisque, pour les quatre premiers mois de l'année, les retards imputables au contrôle aérien français sont en repli de moitié par rapport à la même période de 1999. Ils sont même revenus au niveau de 1998, malgré un trafic qui s'est accru de 13 % en deux ans.
Ces éléments démontrent qu'il n'est pas nécessaire de procéder à des changements de statut et de structures pour augmenter les capacités, mais qu'il convient plutôt de développer les moyens techniques opérationnels, de recruter et de former de nouveaux contrôleurs aériens.
Enfin, monsieur le sénateur, je peux vous assurer que M. Gayssot est à l'écoute des personnels et qu'un dialogue social constructif et de qualité est mené avec les aiguilleurs du ciel. Cela s'est notamment traduit par la signature du protocole de 1997 avec les syndicats, et le ministre est tout à fait décidé à poursuivre cette démarche dans le même état d'esprit.
M. Jean-Louis Lorrain. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Je remercie Mme la secrétaire d'Etat de son intervention. Néanmoins, le problème des retards n'est qu'un symptôme de la situation. Nous souhaiterions soulever le problème de la nécessité d'une législation européenne pour harmoniser des systèmes, poser le problème des nécessaires rapprochements avec l'armée de l'air en ce qui concerne les espaces aériens et attirer l'attention sur la nécessité de renforcer le pouvoir supranational européen, de développer une gestion européenne commune de l'espace aérien et de créer des processus européens communs de planification des capacités.

FERMETURE DU CENTRE DE PARACHUTISME DE LAON