SEANCE DU 16 NOVEMBRE 2000


M. le président. « Art. 31 bis. - Le dernier alinéa du II de l'article L. 162-15-3 du code de la sécurité sociale est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Le rapport transmis au plus tard le 15 novembre établit également un bilan des dépenses pour l'année en cours ainsi que des annexes modificatives et des mesures mentionnées prises en vertu de l'article L. 162-15-2. Les annexes et, le cas échéant, les mesures mentionnées à l'article L. 162-15-2 accompagnant ce rapport tiennent compte de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie visé au 4° du I de l'article LO 111-3 proposé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale déposé pour l'année suivante à l'Assemblée nationale. »
Par amendement n° 24, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Monsieur Cazeau, moi aussi je souhaite une nouvelle convention, mais l'existence même des lettres-clés flottantes empêche la signature de toute convention que ce soit avec les syndicats majoritaires.
J'ai auditionné tous les présidents de syndicats médicaux et même paramédicaux. Je les connais, depuis le temps ! Il ressort de mes entretiens que celui qui signe la convention perd les élections. Et c'est vrai. MG-France, qui était le seul syndicat à avoir signé la convention, n'a recueilli que 20 % des voix des médecins généralistes. Un vrai problème se pose donc. Aucune convention ne pourra être conclue tant que subsistera le système des lettres-clés flottantes. Il faut donc trouver une autre solution.
Par ailleurs, les lettres-clés flottantes ont une deuxième conséquence. Ce sont les fameuses conférences de la CNAM qui se tiennent tous les quatre mois. La prochaine se réunira le 15 novembre. Dans la mesure où le Gouvernement - pour la deuxième année consécutive - a rebasé l'ONDAM, la CNAM examine les dépenses de santé intervenues depuis le vote de la loi de décembre dernier et indique qu'elles ont dépassé de 10 milliards ou de 15 milliards de francs le montant prévu. Mais comme nous avons un ONDAM rebasé, un coup d'éponge sera passé sur ces 10 milliards ou 15 milliards de francs.
M. Evin, avec lequel nous avons également l'habitude de travailler depuis longtemps, a proposé à l'Assemblée nationale un amendement quelque peu ubuesque. En effet, aux termes de ce dernier, la CNAM qui se réunira le 15 novembre constatera des dépenses excessives et dépassant l'ONDAM, mais elle ne devra pas prendre de sanctions puisque, a-t-il précisé, le projet de loi que nous sommes en train d'examiner se base sur un ONDAM qui tient compte de ces dépassements mais qui les absout. Nous voyons bien, encore une fois, que nous sommes dans un système complètement fou.
Dans la logique de ce que je proposais tout à l'heure, je demande donc la suppression de l'article 31 bis, puisque il n'a pas lieu d'être.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous aurez tous compris que ma logique n'est pas celle que défendent MM. Descours et Delaneau, et de la majorité sénatoriale. Je suis opposée à cet amendement. Je souhaite qu'il soit repoussé par le Sénat.
Je rappelle que j'ai souscrit, au nom du Gouvernement, à la précision apportée par l'article 31 bis introduit lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale. Elle me paraît donner une souplesse supplémentaire au dispositif prévu pour les rapports d'équilibre et pouvoir améliorer l'articulation entre le rapport établi en fin d'année et les perspectives d'évolution de l'assurance maladie.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 24.
M. Bernard Cazeau. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau. M. Descours a fait mention d'une remarque d'un syndicat de professionnel ; je ne sais pas duquel il s'agit. Moi aussi, j'entends depuis longtemps les différents syndicats ; j'ai même appartenu à l'un d'entre eux. Cette remarque est la suivante : celui qui signe la convention perd les élections. Que cela signifie-t-il dans ce débat ?
M. Charles Descours, rapporteur. C'est une constatation !
M. Bernard Cazeau. L'objectif des syndicats professionnels, et je l'ai entendu encore récemment, ce n'est pas de gagner les élections,...
M. Charles Descours, rapporteur. C'est de ne pas les perdre !
M. Bernard Cazeau. ... c'est de trouver des solutions qui permettent aux professionnels responsables d'exercer leur art - et non leur science car la médecine est un art - dans des conditions modernes, sociales, qui, comme la plupart des professionnels de santé le souhaitent, s'inscrivent dans le cadre de l'action sociale qui est menée depuis pratiquement cinquante ans dans notre pays.
Contrairement à l'amendement que nous propose M. le rapporteur, celui qui a été voté à l'Assemblée nationale améliore le dispositif. A mes yeux, il est non pas ubuesque mais logique. En effet, comment apprécier en novembre ce qui sera modifié à travers l'ONDAM, comme c'est le cas cette année ? Il me paraît normal d'attendre février, c'est-à-dire après la première rencontre entre les professionnels et les caisses, pour apprécier exactement la dérive.
C'est pourquoi il me paraît judicieux de maintenir la disposition adoptée au Palais-Bourbon.
M. Dominique Leclerc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Je veux dire pourquoi je soutiens l'amendement de M. le rapporteur.
L'intitulé de ce chapitre est le suivant : « Règlement des litiges avec les professionnels de santé ». Nos avons longuement évoqué la politique conventionnelle. Or, que je sache, pour mettre en place une convention il faut un minimum d'entente entre les partenaires !
Tout à l'heure, on s'est félicité que, avec le temps, beaucoup de personnes aient évolué. C'est le cas, notamment, si j'ai bien entendu Mme la ministre, et ce fait a été relaté par la presse, au niveau du Gouvernement. C'est également le cas des professionnels de santé, mais ils doivent être représentatifs.
Cependant, il y a aussi un autre partenaire. Mes propos ne tiennent pas du seul corporatisme, je tiens à le dire, car, étant toujours en activité professionnelle, je vis ces situations au quotidien. Il y a, disais-je, un autre partenaire et, parfois, on s'interroge sur sa légitimité à évaluer une pratique médicale qui ne peut pas être mise seulement en abaques et en tables de référence, même si cela est utile. Il faut aussi un minimum de considération - le mot est assez exact - pour que les trois parties puissent s'entendre. Ce n'est possible qu'à cette condition. Je souscris aux propos de M. le rapporteur : cela ne peut plus continuer ainsi.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, il y a déjà, actuellement, une pénurie de médecins. Croyez-moi, un trop grand nombre de médecins se précipitent pour bénéficier du MICA, le mécanisme d'incitation à la cessation anticipée d'activité. Dans certaines parties de notre pays, il sera difficile de trouver des praticiens. Ce qui est en question in fine, c'est la santé de nos concitoyens et la politique de santé de notre pays.
Au-delà de toutes ces chicaneries relative à l'ONDAM, ce qui devrait nous importer ce soir, c'est la proposition que vient de présenter Charles Descours.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 24, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 31 bis est supprimé.

Article 32