SEANCE DU 16 NOVEMBRE 2000


M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Maman, pour explication de vote.
M. André Maman. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à l'issue de l'examen de ce qui constitue le budget de la sécurité sociale, nous nous félicitons en particulier des améliorations apportées au volet « famille » sur l'initiative de la commission des affaires sociales et de son rapporteur mon collègue et ami Jean-Louis Lorrain.
Je pense notamment à la « sanctuarisation » des excédents de la branche famille ainsi qu'à la prolongation du versement des allocations familiales au titre du dernier enfant d'une famille de trois enfants ou plus, amendement voté sur l'initiative du groupe de l'Union centriste.
Par ailleurs, grâce à l'excellent travail de nos différents rapporteurs, le Sénat a pu notamment apporter des garanties supplémentaires en vue de l'indemnisation des victimes de l'amiante, et améliorer sensiblement les modalités de contrôle de l'évolution des dépenses médicales.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe de l'Union centriste votera le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 tel qu'il a été modifié sur l'initiative de la majorité et des commissions du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à la fin d'un très long débat qu'ont fort bien conduit le rapporteur, Claude Descours, et le président, Jean Delaneau, de la commission des affaires sociales, la position de mon groupe, le Rassemblement démocratique et social européen, sera comme à l'accoutumée partagée.
Une petite partie de nos collègues ont vu dans le texte arrivant de l'Assemblée nationale quelques avancées, notamment en ce qui concerne les personnes âgées, la petite enfance et la famille. Ils s'opposeront donc au texte résultant des travaux du Sénat pour marquer leur accord avec le Gouvernement : ils sont pour le texte, mais ils voteront contre, car il a été modifié par le Sénat. (Sourires.)
Mais la grande majorité du groupe, comme l'avait annoncé mon excellent collègue Bernard Joly dans son intervention liminaire, suivra la commission et votera sans réticence le texte, très longuement amendé.
Sans reprendre les nombreuses critiques de détail qui ont pu être faites pendant trois jours, je voudrais, madame la secrétaire d'Etat, me replacer dans ce contexte macroéconomique que Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité a tenu à rappeler pour nous donner une espèce de leçon d'économie politique, nous considérant sans doute comme des débutants en la matière.
Je voudrais très brièvement dénoncer les trois erreurs graves sur lesquelles repose le texte que nous propose le Gouvernement.
La première erreur tient au fait que les exonérations et réductions de CSG remettent en cause le prélèvement simple et généralisé sur l'ensemble des revenus, y compris les revenus du capital.
A cet égard, je voudrais citer une déclaration que j'ai trouvée, pour ma part, excellente : « En mettant un doigt dans l'engrenage des exonérations, qui a déjà fait perdre sa crédibilité et son efficacité à l'impôt sur le revenu, le Gouvernement brise le lien entre le financement par tous selon ses moyens et une protection de qualité pour tous en fonction de son besoin. »
C'est le fondement même de notre système ! Cette phrase n'est pas de moi, elle est de Mme Notat, et elle a été publiée le 22 septembre dernier pour expliquer le sentiment de la CFDT - qui n'est pas, mes chers collègues, un syndicat de droite - sur les projets du Gouvernement.
Je trouve qu'il est très grave de s'engager dans la fabrication d'un deuxième impôt sur le revenu. Par bêtise - en disant cela, madame la secrétaire d'Etat, je pense à beaucoup de gouvernements de toutes tendances - une espèce de phobie nous pousse, en France, à réduire le nombre de ménages qui paient l'impôt sur le revenu, ce qui est stupide et interdit une véritable solidarité.
M. Rocard - et j'ai là ses déclarations - avait justement pensé, à l'époque, faire un prélèvement sur l'ensemble des revenus, ce qui est un élément citoyen. En effet, en nous engageant dans un système d'exonérations qui, bientôt, s'accompagnera de décotes en raison des effets de seuil, puis d'abattements - nous créons un deuxième impôt sur le revenu. C'est une stupidité dans le cadre de la construction de l'Europe que je tenais à dénoncer !
La deuxième erreur est le maintien du lien créé par Mme Aubry - que vous avez citée tout à l'heure, madame le secrétaire d'Etat - entre l'allégement des cotisations sociales pour les bas salaires et la réduction de la durée du travail.
Au Sénat, comme à l'Assemblée nationale, nous sommes tous d'accord sur la nécessité qu'il y a, pour notre pays, de majorer les salaires réels des travailleurs mal rémunérés. C'est un objectif auquel nous devons tous travailler. Nous pensons qu'il faut le faire en réduisant les charges sociales au niveau du SMIC et un peu au-dessus.
Malheureusement, le lien qui a été créé entre cette réduction des charges sociales et la réduction de la durée du travail est extrêmement dangereux et inopportun.
Ce lien est dangereux parce que tout le monde sait bien que les emplois nouveaux dont on se félicite sont le fait d'entreprises nouvelles et de petites entreprises et non des grandes entreprises.
Ce lien est inopportun parce que tout retournement de la conjoncture économique - il arrivera bien un moment où la conjoncture s'essoufflera - se traduira par une aggravation du chômage. On va dépenser 85 milliards de francs pour financer le passage aux 35 heures, alors qu'avec cette somme on pourrait majorer de 1 000 francs par mois le SMIC et donc le salaire de l'ensemble des salariés qui sont rémunérés à ce niveau-là.
M. Guy Fischer. Chiche !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je dis que l'on est en pleine absurdité et que le texte repose sur une erreur considérable !
Enfin, troisième erreur, Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité s'est glorifiée de l'abrogation de la loi Thomas et a vanté les mérites du fonds de réserve pour les retraites, qui sera géré de manière passéiste par la Caisse des dépôts et consignations...
M. Charles Descours, rapporteur. Oui !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... avec des obligations d'Etat, ce qui évidemment n'apportera aucune plus-value dans les années qui viennent.
Alors que notre pays est engagé, non seulement dans la construction européenne, mais dans le soutien d'une monnaie unique qui va nous imposer très rapidement une harmonisation fiscale, y compris en matière de fiscalité de l'épargne, le refus des fonds de pension est un péché contre l'esprit. Ce sont nos entreprises qui vont en subir les conséquences. A voir le déferlement dans les capitaux de nos entreprises des fonds de pension anglais, américains et suisse, on comprend que nous tournons le dos à la réalité du monde d'aujourd'hui.
C'est une erreur grave dont l'économie française souffrira certainement dans l'avenir.
Les trois erreurs qui sous-tendent ce texte, en dépit de l'arrogance de sa présentation - souvenez-vous de la discussion générale, mes chers collègues - me paraissent donc vraiment graves. C'est pourquoi, avec la grande majorité de mon groupe, je voterai le texte remanié par le Sénat qui a au moins tenté, et dans la partie textuelle et dans la partie rapport de corriger, ces différentes erreurs. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi sur lequel nous sommes invités à nous prononcer ce soir, tel qu'il est amendé par la majorité sénatoriale, est contraire à ses objectifs premiers.
Il est contraire à son objectif social de redistribution puisque le Sénat supprime, par exemple, l'allègement fiscal octroyé aux ménages modestes et qu'il leur enlève un gain de pouvoir d'achat très sensible.
Il est contraire à son objectif économique puisque, à travers différents amendements, le Sénat combat toujours les trente-cinq heures. Rappelons, mes chers collègues, que la réduction du temps de travail a tout de même permis de créer et de préserver plus de 250 000 emplois et que chacun s'accorde a reconnaître l'impact de cette réforme d'ampleur dans la diminution du chômage, qui a baissé de plus de 15 % cette année.
Il est contraire à une politique familiale rénovée, ainsi que le soulignait notre ami Gilbert Chabroux. Le Gouvernement nous propose de rétablir l'égalité entre les familles en garantissant notamment aux plus modestes un accès facilité aux différents modes de garde d'enfants à travers le fonds en faveur des crèches, mais aussi par la réforme de l'AFEAMA et l'aménagement des allocations logement.
Avec la virulence qu'on lui connaît, M. Vasselle dénonce l'attentisme du Gouvernement en matière de retraite. Je relève que la branche vieillesse renoue avec des excédents : 3,47 milliards de francs en 1999 et 3,4 milliards de francs cette année.
Cela nous permet de revaloriser de façon substantielle les pensions et règle un contentieux vieux de seize ans en ce qui concerne les cotisations des régimes complémentaires.
Ce projet consolide les affectations au fonds de réserve mis en place par le Gouvernement de Lionel Jospin, qui s'inscrit pleinement dans la préservation du système par répartition.
Il est vrai que la droite sénatoriale s'inscrit, elle, dans une démarche différente : celle des fonds de pension, qu'elle a d'ailleurs rétablis lors de notre récente discussion sur l'épargne salariale.
Vous nous accusez d'opter pour une maîtrise comptable des dépenses de santé ; mais une telle maîtrise est une nécessité.
Elle suppose la responsabilité de chacun des acteurs, non seulement de l'Etat mais aussi de l'assurance maladie, des professions médicales et des usagers. C'est en maîtrisant les dépenses que nous trouverons les marges de manoeuvre nécessaires à une meilleure couverture des besoins nouveaux, à l'amélioration du niveau de protection de nos concitoyens : ce projet de loi étend le champ d'application de la CMU, il consolide la situation de l'hôpital public et donne des moyens au secteur privé.
En fait, l'essentiel de l'argumentation de la droite sénatoriale, au cours de ce débat, s'est focalisée tantôt sur les affectations de ressources qui permettent de compenser les exonérations de cotisations sociales ciblées sur la création d'emploi, tantôt sur le choix de montages juridiques, tantôt enfin sur l'utilisation des excédents...
Il est vrai que, sous MM. Balladur et Juppé, il vous fallait gérer près de 60 milliards de francs de déficit annuel...
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Il atteignait 100 milliards de francs quand M. Bérégovoy a quitté le Gouvernement.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. ... et que vous préfériez initier des réformes sans les financer. Je ne reviendrai pas sur la loi « famille », qui reste vraiment exemplaire à cet égard.
Compte tenu des mesures restrictives que vous préconisez, je pense que vous ne serez pas étonnés, mes chers collègues, que les sénateurs socialistes ne votent pas en faveur du projet de loi,...
M. Dominique Leclerc. C'est dommage !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. ... complètement dénaturé, qui est soumis à notre vote.
M. le président. La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. L'examen par le Parlement des lois de financement de la sécurité sociale constitue un progrès démocratique indéniable. Cependant, à l'occasion de cette cinquième année, force est de reconnaître que les méandres du financement de la sécurité sociale sont de plus en plus obscure en raison des manipulations gouvernementales.
Je crois que la réforme initiée, voilà maintenant cinq ans, avait une tout autre ambition.
Le Sénat aurait aimé se prononcer sur la politique du Gouvernement en matière de santé, de vieillesse de famille. Je regrette, mais ce ne sont pas dix recommandations de la Conférence nationale de la santé qui peuvent tenir lieu de politique nationale de la santé.
Au lieu de débats sur la politique de prévention en matière de santé, sur l'avenir de nos régimes de retraite, sur l'élan nécessaire à donner à notre politique familiale, au lieu de ces débats de société qui intéressent nos concitoyens, vous nous parlez, FOREC, madame le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Eh oui ! Il le faut bien !
M. Dominique Leclerc. Nous condamnons bien évidemment cette attitude.
Qui de l'avenir des trois branches principales du système pour les familles ?
Vous organisez un mécanisme pérenne de confiscation des excédents de cette branche, excédents obtenus, une fois n'est pas coutume, par une bonne gestion des dépenses en faveur des familles, par des recettes gonflées par la croissance, mais également par le transfert imposé de deux charges indues et iniques : la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, qui incombait jusque-là au budget de l'Etat, et le supplément de retraite pour ceux qui ont élevé plus de trois enfants.
Madame la ministre déléguée à la famille prétend que la politique familiale du Gouvernement, qui doit être universelle, est ambitieuse et s'adresse à toutes les familles. Il est bien regrettable que cette volonté affichée ne dépasse pas le stade des paroles et que les faits démontrent que vous avez toujours fait le contraire de ce que vous déclarez.
Le groupe du RPR considère que la politique familiale doit aider l'enfant, tous les enfants et pas seulement ceux des familles les plus modestes : c'est cela pour nous l'universalité !
Les mesures que vous nous avez présentées sont bien modestes en comparaison de la nécessité de relancer une véritable politique familiale. Pour cette raison, notre groupe approuve le mécanisme de préservation des excédents de la branche famille proposé par la commission des affaires sociales, excédents qui seront consacrés aux familles et à personne d'autre.
S'agissant de l'avenir des retraites, le Gouvernement se contente de repousser l'échéance d'année en année et n'a rien fait, hormis la création d'un fonds doté de ressources très faibles au regard des enjeux. Son inaction confine à l'irresponsabilité.
Oui, madame la secrétaire d'Etat, vous nous dites que tout s'arrangera. C'est impossible !
Sans céder au catastrophisme, il faut exposer les faits tels qu'il sont. Chacun sait que les besoins en financement de nos différents régimes de retraite vont exploser. Tous les experts sérieux les considèrent comme potentiellement incapables de financer ces fameuses prestations à partir de 2005. Votre gouvernement devra assumer, devant les retraités et les générations qui suivent, la responsabilité de son immobilisme. Peut-être, ce dernier n'est-il pas étranger à certaines échéances électorales ?
Ce que nous voulons tous, et en particulier les membres du groupe du RPR, c'est : conforter la retraite par répartition ; harmoniser les différents régimes, car ce que veulent avant tout les Français, c'est davantage d'équité ; enfin, mettre en place une véritable épargne retraite.
C'est la raison pour laquelle nous approuvons les amendements proposés par Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse, et adoptés par le Sénat.
Au regard de la politique de santé, nous pensons que, dans ce domaine, comme dans les autres, vous ne préparez pas l'avenir. Il ne figure rien pour la prévention et l'éducation à la santé, rien pour résoudre les problèmes de démographie médicale rien pour l'organisation et la prise en charge des urgences, la restructuration des hôpitaux. Il n'est nullement question de la tarification à la pathologie, de la fongibilité des enveloppes et de bien d'autres points.
En revanche, le Gouvernement pérennise le mécanisme inacceptable des sanctions collectives par le biais de lettres-clés flottantes. Notre groupe n'accepte pas ces mesures qui n'encouragent pas l'adaptation permanente des dépenses de santé en fonction de l'évolution des pratiques, des techniques médicales et des véritables besoins dont on ne parle plus, ceux qui sont liés à l'inévitable vieillissement de notre population. Croyez-vous que cette politique soit incitative pour les professionnels de santé, surtout pour ceux - c'est la majorité d'entre eux - qui ont le sentiments de faire des efforts et que vous sanctionnez aveuglement ?
Notre groupe vote contre les sanctions collectives et opte pour une responsabilité individuelle fondée sur de bonnes pratiques médicales ; nous savons que c'est possible.
En ce qui concerne les comptes de l'assurance maladie, je constate que les dépenses de santé continuent de déraper devant l'incapacité du Gouvernement à mettre en place les instruments d'une maîtrise médicalisée, qui ne pourrait que recueillir l'assentiment des partenaires.
S'agissant des recettes, la CSG était simple et compréhensible, elle reposait sur la totalité des revenus. Le Gouvernement a choisi de porter atteinte à l'universalité de ce prélèvement. Notre groupe s'y oppose et préfère l'instauration d'un crédit d'impôt tel que le propose les deux commissions saisies sur ce texte.
En tout état de cause, nos collègues Charles Descours, Alain Vasselle, Jean-Louis Lorrain, Jacques Oudin et Jean Delaneau, au travers de leurs propositions et de leurs rapports ont permis d'éclairer les travaux de notre assemblée. Sans eux, il nous aurait été difficile de nous reconnaître dans la complexité des dispositifs proposés.
Au nom de tous mes collègues, je tenais à les remercier. Grâce à leurs propositions, que nous venons d'adopter, le texte a retrouvé, comme vient de le dire Jean-Pierre Fourcade, de la cohérence et de la transparence.
C'est pourquoi le groupe du RPR votera ce texte tel que nous venons de l'amender.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Au terme de longs débats, nous voici en présence d'un assez étrange projet de loi de financement de la sécurité sociale.
L'impression générale que je retire de cette discussion, impression partagée par les membres de mon groupe, est que le texte voté par l'Assemblée nationale a été littéralement taillé en pièces par la majorité sénatoriale.
Qu'on en juge : un tiers des articles ont été supprimés, un autre tiers si transformés qu'ils en ont été mutilés, le tiers restant n'ayant pas de portée trop fondamentale pour justifier l'acharnement de la commission des affaires sociales, de la commission des finances ou des groupes de la majorité.
Après la bataille, le paysage est particulièrement révélateur des intentions qui ont animé les initiateurs de cette entreprise de démolition.
Ainsi retranchés sur une idéologie somme toute libérale - M. Fourcade nous l'a rappelé - agitant le spectre de la démographie, vous avez, mes chers collègues, rétabli la loi Thomas sur l'épargne retraite, qui, chacun le sait bien, n'est que le faux nez des fonds de pension et de la financiarisation accrue de l'économie.
Dans la foulée, vous avez prôné la privatisation de la gestion du fonds de réserve pour les retraites, tendant à la transformer en super SICAV, amenée à voguer au gré du vent et des humeurs des marchés financiers.
S'agissant de certaines mesures emblématiques du projet de loi, vous avez décidé, en supprimant l'article 2 par exemple, de refuser le bénéfice d'une baisse de la CSG et de la CRDS aux salariés et aux retraités les plus modestes, préférant la mise en place d'un crédit d'impôts qui profitera d'abord à ceux qui en paient et qui ne sont sûrement pas les smicards ou les petits retraités visés initialement par le projet de loi.
Dans les faits, lors même que la part des salaires dans la valeur ajoutée n'a pas connu, ces dernières années, de progression très sensible, au contraire, vous refusez objectivement la progression des revenus d'activité salariée.
Que dire encore de vos positions, purement idéologiques, de tir de barrage sur des questions aussi importantes que le financement de la mise en place des 35 heures dans le cadre du FOREC, le financement de l'allocation de rentrée scolaire, le financement de la majoration des pensions de retraite pour les mères de famille, le financement de l'allocation logement ou encore la mise en place du fonds d'investissement pour les crèches ?
Que vous ayez jugé plus utile, dans le débat, de défendre les intérêts des cliniques privées et du secteur privé dans l'hôpital public est révélateur de vos choix et de vos conceptions.
Ces controverses nous apportent au moins une première leçon.
Dans un contexte de croissance économique, on ne peut, en effet, que souhaiter que la protection sociale, par une utilisation judicieuse de ses ressources, soit mise en situation de couvrir l'ensemble des prestations de protection sociale et de solidarité nationale existantes.
Nous ne sommes pas partisans d'un transfert permanent de recettes fiscales vers les régimes de protection sociale. Nous ne sommes pas plus attachés à la multiplication des fonds spécifiques dédiés à la résolution de tel ou tel besoin collectif, quand bien même cela permettrait, dans un premier temps, de résoudre un problème posé par la vie.
Nous pensons même que la croissance économique, aujourd'hui existante, doit permettre d'assurer la prise en charge effective par les différentes branches de la protection sociale du large champ des besoins collectifs exprimés.
Un observateur attentif de nos débats ne pourrait d'ailleurs manquer de souligner que la majorité sénatoriale s'est inscrite, tout au long de la discussion, dans une logique qui tendait à nier, voire à regretter la réalité de cette croissance.
Oui, monsieur le rapporteur, il est possible de financer les allocations familiales dès le premier enfant et la réduction négociée du temps de travail.
Nous ne sommes plus à l'époque où, quand vous étiez aux affaires, les déficits s'accumulaient - 250 milliards de francs entre 1993 et 1997 - et les prélèvements augmentaient, sans contrepartie tangible en matière de qualité des prestations et des garanties.
Vous êtes enfermés et enferrés dans la logique comptable du plan Juppé, que les Français ont pourtant condamné sans équivoque, au printemps 1997.
M. Charles Descours, rapporteur. J'ai supprimé l'ONDAM !
M. Guy Fischer. Pour autant, des besoins sociaux demeurent et la participation du groupe communiste républicain et citoyen au débat a, autant que faire se pouvait, consisté à en faire l'illustration et à en porter les aspirations au coeur même de cet hémicycle.
On attend en effet de la gauche au pouvoir, madame le secrétaire d'Etat, une démarche encore plus ambitieuse et plus volontaire que celle qui figure dans ce projet de loi, dont nous ne pouvons cacher qu'il nous laissait, à l'origine, une impression mitigée.
Des questions essentielles, comme le relèvement des minima sociaux, l'égalité effective d'accès à la santé, l'amélioration du pouvoir d'achat des retraites et des prestations familiales et la prise en charge de la dépendance, dans une autre logique que celle de la « tuyauterie » mise en place par la droite en 1996, appellent d'autres réponses que celles qui sont aujourd'hui proposées, trop marquées par une logique comptable qui a pourtant fait la preuve de son inefficience, à terme.
Nous nous posons en sentinelles vigilantes, attentives et actives de notre système de protection sociale et versons au débat, sans cesse recommencé, les propositions que nous avons formulées tout au long de la discussion.
Bien sûr, nous ne voterons pas le texte issu des travaux du Sénat.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en cette fin de débat, mon propos sera bref.
Tout d'abord, la commission s'est inquiétée de la dénaturation de la loi de financement de la sécurité sociale organisée désormais autour du financement des 35 heures et servant d'instrument à la politique fiscale du Gouvernement.
En outre, à part quelques échanges sur la famille et sur la santé, souvent en marge, d'ailleurs, de la loi de financement proprement dite, notre débat m'a paru tout à fait décevant. Nombre de questions posées au Gouvernement sont restées sans réponse. Il en est ainsi du problème de la CADES, la caisse d'amortissement de la dette sociale. Relevons également le problème de la CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, à propos de l'article 20 : la loi a été violée par le Gouvernement, qui devait transmettre au Parlement l'avis de la CNIL et qui ne l'a pas fait.
Le Parlement a été trompé, non pas par vous, madame le secrétaire d'Etat, ni par l'actuelle ministre, mais par Mme Aubry ; tout est dans le projet de loi que l'on nous a remis. Et l'affaire était si grave que, brusquement, la nuit dernière, à minuit, cette arrogance dont parlait tout à l'heure Jean-Pierre Fourcade s'est éteinte.
Notre commission n'avait pas pu véritablement interroger le Gouvernement en raison d'une audition abrégée - une heure et quart ! - par les contraintes de l'agenda des ministres concernés. Elle n'a d'ailleurs guère eu davantage de chance en séance publique, comme si le Gouvernement avait renoncé, sur de nombreux points, à maîtriser la discussion de son propre texte.
Je ne peux pas ne pas être frappé par la façon dont, à l'Assemblée nationale, a été adopté l'article 19 A relatif à l'abrogation de la loi Thomas. Mme le ministre s'est réjouie devant nous de son adoption. Mais s'est-elle posé la question de sa recevabilité ? Aucune réponse sur ce point.
Au Sénat, madame le secrétaire d'Etat, vous avez opposé l'article 40 de la Constitution à un amendement étendant le bénéfice de la CMU aux titulaires du minimum vieillesse.
En revanche, vous ne l'avez pas opposé à un amendement de revalorisation massive des retraites. Le Sénat n'avait aucune bonne raison de ne pas voter ce dernier amendement dès lors que le Gouvernement soulignait lui-même qu'il fallait que les retraités bénéficient aujourd'hui des fruits de la croissance et que, pour les retraités de demain, il serait toujours temps de voir.
Tout cela donne le sentiment d'un grand désordre de la part du Gouvernement et d'un débat mal engagé, mal préparé et mal conduit. Cela ne serait pas grave s'il ne s'était agi de débattre d'une chose aussi sérieuse que l'avenir de notre protection sociale, dont le budget est supérieur, je le rappelle, à celui de l'Etat !
Si les lois de modernisation sociale et de modernisation de la santé avaient été soumises au Parlement au printemps, comme Mme Aubry s'y était engagée à la fin de l'année dernière, sans doute y aurait-il eu moins de confusion. Peut-être aurions-nous eu, à ce moment-là, des lignes plus claires en ce qui concerne la politique sociale et la politique de santé que le Gouvernement voulait engager, lignes qui manquent cruellement à cette loi de financement dépourvue, de ce fait, de toute épine dorsale.
D'ailleurs, notre commission en tirera des conclusions. Nous allons considérer avec attention la suite qui sera donnée au rapport que Charles Descours avait remis en juin 1999 sur les lois de financement de la sécurité sociale, document qui fait autorité.
Nous entendons poursuivre cette réflexion et déboucher sur une amélioration de la discussion des lois de financement, en étroite collaboration avec la commission des finances.
Nous voulons ainsi mettre fin à la dérive que connaissent ces lois du fait des pratiques regrettables auxquelles le Gouvernement sacrifie depuis quatre ans. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 17:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 318
Majorité absolue des suffrages 160
Pour l'adoption 220
Contre 98

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Monsieur le président de la commission, je regrette que vous ayez cru bon de tenir les propos que vous avez tenus sur tel ou tel membre du Gouvernement.
Sans vouloir reprendre tout le débat à cette heure, je tiens cependant à revenir sur ces trois journées pour saluer la qualité des échanges, échanges parfois vifs, mais toujours courtois et souvent enrichissants, que nous avons eus autour de ce texte extrêmement important.
Certes, subsistent entre nous quelques points de désaccord sur lesquels je ne reviens pas - les différentes explications de vote sur l'ensemble les ont abondamment éclairés - mais je souligne l'intérêt d'avoir un débat chaque année sur les lois de financement de la sécurité sociale.
Il est vrai qu'aujourd'hui nous sommes encore conduits à parler de projets de santé publique au moment même où nous fixons les équilibres et les comptes de la sécurité sociale.
Sachez que, dans un avenir proche, nous aurons un débat d'orientation préalable à la discussion sur les comptes.
Votre assemblée a tout de même voté conforme plusieurs articles, preuve que nous pouvons trouver des terrains d'accord et je voudrais m'en féliciter avec vous, monsieur le rapporteur.
Je citerai l'article 2 A, sur l'assiette de la CSG et de la CRDS, l'article 3 bis, sur l'exonération de ces contributions de l'indemnité de cessation d'activité des travailleurs de l'amiante, l'article 5 bis , sur les cotisations des jeunes agriculteurs, l'article 8, sur la réduction dégressive des cotisations sociales patronales appliquée aux indemnités de congés payés, l'article 14, sur l'aide pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée, l'article 19 bis , sur l'allocation veuvage, l'article 23, sur le fonds de solidarité vieillesse, l'article 28, sur la couverture maladie des non-salariés, l'article 30, sur le fonds d'aide à la qualité des soins de ville, les articles 34 à 36, sur les établissements de santé privés et sur le service de santé des armées, enfin l'article 41 ter , sur les conventions entre la CNAM et les distributeurs de dispositifs médicaux.
La commission mixte paritaire a devant elle un travail positif et, lorsque nous nous retrouverons, notre débat sera moins long.
Je note également que le texte du Gouvernement a été amélioré par plusieurs amendements, notamment sur le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.
Grâce à un amendement de Mme Dieulangard, le texte a été enrichi de dispositions favorables aux marins.
Je remercie les sénateurs de la gauche plurielle, qui ont soutenu vaillamment la politique du Gouvernement et qui ont su adroitement et finement enrichir ce texte, comme l'avait déjà fait l'Assemblée nationale.
Monsieur Fourcade, j'ai remarqué que vous étiez devenu un ardent défenseur de la CGS...
M. Jean-Pierre Fourcade. On peut changer !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. ... et je m'en félicite car les voix de votre groupe et la vôtre avaient manqué lors du vote et failli condamner le projet de M. Michel Rocard.
Donc, finalement, le temps lui a donné raison. Je lui ferai part de votre soutien postérieur ; il s'en réjouira.
Notre travail n'aurait pu se dérouler dans de bonnes conditions sans le concours efficace des rapporteurs, de la présidence, du service de la séance, des administrateurs, des commissions et des huissiers. Je leur adresse mes chaleureux remerciements, comme à l'ensemble des sénatrices et des sénateurs qui ont participé activement à ces débats, témoignant ainsi d'un réel intérêt pour les sujets qui concernent au plus haut point l'ensemble de nos concitoyens.
C'est un dispositif de protection sociale préservé, consolidé, équilibré, qui permet de développer une véritable politique de santé, équitable, de qualité et accessible à tous.
Je vous remercie donc de la qualité des travaux que nous avons menés pendant ces trois jours. (Applaudissements.)

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