SEANCE DU 21 NOVEMBRE 2000


M. le président. « Art. 1er. Il est inséré, dans le titre II du livre V de la première partie du code général des collectivités territoriales, un chapitre II bis ainsi rédigé :

« Chapitre II bis

« Concours financiers des collectivités territoriales et de leurs groupements.
« Art. L. 1522-4. - Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, en leur qualité d'actionnaires, allouer des apports en compte courant d'associés aux sociétés d'économie mixte locales dans les conditions définies à l'article L. 1522-5.
« Dans les conditions prévues au chapitre III du présent titre et à l'article L. 300-4-1 du code de l'urbanisme, les collectivités territoriales et leurs groupements, qu'ils soient ou non actionnaires, peuvent, en leur qualité de cocontractants des sociétés d'économie mixte locales, leur allouer des concours financiers, dans le cadre des opérations d'intérêt général ou des missions de service public qu'ils leur confient.
« Les concours financiers visés aux alinéas précédents ne sont pas régis par les dispositions du titre premier du présent livre.
« Art. L. 1522-5. - L'apport en compte courant d'associés visé à l'article L. 1522-4 est alloué dans le cadre d'une convention expresse entre la collectivité territoriale ou le groupement actionnaire, d'une part, et la société d'économie mixte locale, d'autre part, qui prévoit, à peine de nullité :
« 1° la nature, l'objet et la durée de l'apport ;
« 2° le montant, les conditions de remboursement, éventuellement de rémunération ou de transformation en augmentation de capital dudit apport.
« L'apport en compte courant d'associés ne peut être consenti par les collectivités territoriales et leurs groupements actionnaires pour une durée supérieure à deux ans, éventuellement renouvelable une fois. Au terme de cette période, l'apport est remboursé ou transformé en augmentation de capital.
« Toutefois, la transformation de l'apport en augmentation de capital ne peut avoir pour effet de porter la participation de la collectivité ou du groupement au capital social de la société au-delà du plafond résultant des dispositions de l'article L. 1522-2.
« Les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et de leurs groupements actionnaires se prononcent sur l'octroi, le renouvellement ou la transformation en capital d'un apport en compte courant d'associés au vu des documents suivants :
« 1° un rapport d'un représentant de la collectivité territoriale ou du groupement au conseil d'administration ou au conseil de surveillance de la société d'économie mixte locale ;
« 2° une délibération du conseil d'administration ou du conseil de surveillance de la société d'économie mixte locale exposant les motifs d'un tel apport et justifiant son montant, sa durée ainsi que les conditions de son remboursement, de son éventuelle rémunération ou de sa transformation en augmentation de capital.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités de rémunération des apports en compte courant d'associés. »
Par amendement n° 3, le Gouvernement propose de rédiger ainsi cet article :
« Il est inséré dans le code général des collectivités territoriales trois articles L. 1522-4, L. 1522-5 et L. 1522-6 ainsi rédigés :
« Art. L. 1522-4 . - Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent accorder des concours financiers à une société d'économie mixte locale dont ils sont actionnaires en prenant part aux augmentations de capital ou en consentant des avances en compte courant d'associé.
« L'engagement des collectivités territoriales et de leurs groupements sous forme de participation au capital et d'avances en compte courant d'associé ne peut être supérieur à 80 % de l'engagement, sous ces deux formes, de la totalité des actionnaires.
« L'octroi par les collectivités territoriales et leurs groupements d'avances en compte courant d'associé est subordonné au respect des dispositions de l'article L. 1524-1 et du huitième alinéa de l'article L. 1524-5.
« L'avance en compte courant d'associé ne peut être consentie par les collectivités territoriales et leurs groupements actionnaires pour une durée supérieure à deux ans, éventuellement renouvelable une fois. A l'issue de cette période, l'avance devra être remboursée ou transformée en augmentation de capital.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités de rémunération de ces avances.
« Art. L. 1522-5 . - Les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et de leurs groupements actionnaires se prononcent sur l'octroi et le renouvellement ou la transformation en capital d'une avance visée à l'article L. 1522-4 au vu des documents suivants :
« 1° un rapport du représentant de la collectivité territoriale ou du groupement au conseil d'administration ou du conseil de surveillance de la société ;
« 2° une délibération du conseil d'administration ou du conseil de surveillance de la société prise à une majorité des deux tiers exposant les raisons d'une telle avance et justifiant son montant, sa durée ainsi que les conditions de son remboursement, de son éventuelle rémunération ou de sa transformation en augmentation de capital ;
« 3° un rapport spécial du commissaire aux comptes de la société certifiant, d'une part, que l'engagement des collectivités territoriales et de leurs groupements sous forme de participation au capital et d'avance en compte courant d'associé n'excède pas le plafond fixé au deuxième alinéa de l'article L. 1522-4 et, d'autre part, que l'ensemble des éléments présentés est conforme à la situation financière actuelle et que les données prévisionnelles sont cohérentes avec l'ensemble des informations disponibles.
« Art. L. 1522-6 . - L'avance en compte courant d'associé est accordée dans le cadre d'une convention entre la collectivité territoriale ou le groupement actionnaire, d'une part, et la société, d'autre part, qui prévoit, à peine de nullité :
« 1° la nature, la durée et l'objet du concours financier ;
« 2° le montant, les conditions de remboursement, éventuellement de rémunération, ou de la transformation en capital du concours financier ainsi que les obligations de chacune des parties. »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je souhaite tout d'abord rappeler - je l'ai évoqué brièvement tout à l'heure dans mon intervention - que le Gouvernement partage le souci du Sénat d'autoriser les collectivités territoriales et leurs groupements à accorder des avances en compte courant d'associé pour les SEM locales. Cette mesure a pour objet de donner une marge de manoeuvre supplémentaire pour la modernisation de l'action des SEM. Ces sociétés d'économie mixte ne doivent pas - je reprends volontiers l'expression heureuse de M. le rapporteur - aborder leurs interventions avec « les mains liées dans le dos ». Toutefois, il est souhaitable que soient apportées certaines précisions sur les conditions dans lesquelles ces avances peuvent être attribuées.
Tout d'abord, ces avances ne sont pas soumises, vous le savez, au moment de leur attribution, au respect de la proportion 80 %-20 % entre les engagements financiers des collectivités locales et les autres partenaires. Le Gouvernement craint qu'il n'en résulte un risque de contournement de cette règle essentielle à l'économie mixte et à la protection des collectivités locales contre des risques financiers qui ne seraient pas maîtrisés.
Ensuite, il paraît utile que l'octroi de ces avances soit subordonné au respect des obligations prévues par le code général des collectivités territoriales en matière d'information du représentant de l'Etat sur l'activité des sociétés et des collectivités sur le rapport annuel de leur mandataire au conseil d'administration ou au conseil de surveillance de ces sociétés.
Enfin, une complète information de l'assemblée délibérante de la collectivité locale préalablement à l'octroi de l'avance paraît tout à fait indispensable. Le rapport spécial du commissaire aux comptes de la société doit ainsi permettre d'apprécier la réalité du besoin de cette avance.
Tels sont les trois motifs qui ont conduit le Gouvernement à déposer cet amendement : il tend à élargir les possibilités de consentir des avances en compte courant d'associé pour les sociétés d'économie mixte locales, mais en posant quelques limites.
Pour en faciliter la lisibilité, il est apparu préférable de réécrire l'ensemble de l'article 1er.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Girod, rapporteur. La lecture de l'amendement du Gouvernement a fait lever en moi un certain nombre de références intellectuelles.
Si mes souvenirs sont exacts, c'est Ugolin qui dévorait ses enfants pour leur conserver un père ! Par ailleurs, une vieille tradition parlementaire consiste à dire que, lorsque l'on n'est pas d'accord sur le fond, on attaque sur la forme.
Quelle méfiance à l'égard des collectivités territoriales !
Monsieur le secrétaire d'Etat, soyons sérieux ! Le texte qui vous est proposé par la commission des lois comporte deux aspects, notamment un aspect que je qualifierais d'architectural : la création d'un chapitre spécial dans le code général des collectivités territoriales relatif aux concours des sociétés d'économie mixte. Il s'agit d'un souci de clarification, qui ne figure pas dans l'amendement du Gouvernement.
Mais là n'est pas le fond du problème ! Le fond du problème, c'est que l'amendement du Gouvernement multiplie tellement les conditions d'octroi d'une avance en compte courant qu'en réalité il n'y aura jamais d'avance en compte courant.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi prévoir cette succession de démarches préalables, en particulier un rapport spécial du commissaire aux comptes sur la formule est curieuse - « les données prévisionnelles » ? L'avance en compte courant n'intervient que lorsqu'une difficulté ponctuelle se présente : la collectivité territoriale doit pouvoir donner à la SEM locale la souplesse qu'aurait une société privée placée dans les mêmes conditions. S'il faut que le concours financier des actionnaires privés soit équivalent - dans certains cas, ceux-ci sont moins motivés que la collectivité territoriale -, les délais seront tels que, de toute façon, l'opportunité sera passée avant que la mise en concurrence ne soit en place.
Nous souhaitons tous, monsieur le secrétaire d'Etat, que les sociétés d'économie mixte soient gérées dans un « but » comparable à celui des sociétés de droit privé, c'est-à-dire avec une idée sous-jacente de rentabilité, surtout si l'on veut que ces SEM en viennent à exercer un certain nombre de compétences d'ordre privé dans tel ou tel domaine : transport, parking, culture...
Les personnes privées n'apporteront leur concours aux SEM que dans la mesure où elles seront intéressées aux résultats et qu'elles pourront éventuellement toucher des dividendes. Il n'est pas certain que la collectivité territoriale soit aussi pressée de toucher ses dividendes que l'actionnaire privé.
La disposition relative aux comptes courants permettrait de résoudre ce problème, la collectivité territoriale laissant éventuellement au sein de la SEM, pour deux ans supplémentaires, les dividendes qu'elle pourrait percevoir, alors que les actionnaires privés souhaiteraient les toucher immédiatement. Si vous imposez des règles de parité à hauteur des participations des différents intervenants dans le capital, vous videz la mesure de tout son sens.
La multiplication des objections par rapport à la motivation de fond nous semble excessive. D'ailleurs, les dispositions prévues par la commission des lois qui prévoient une délibération concordante de la collectivité et de l'organe délibérant de la SEM sont suffisamment claires. Multiplier les précautions me semble être presque de la défiance vis-à-vis des collectivités et de leur capacité à apprécier les risques qu'elles prennent. Cela va à l'encontre de la libre administration des collectivités territoriales.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ce n'est pas le ministère qui raisonne à la place des élus locaux, ce sont les élus locaux qui raisonnent sur leurs problèmes. Par conséquent, la commission des lois, à une majorité fort courte, certes, puisque les avis étaient très partagés, a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 3 du Gouvernement, préférant la rédaction qu'elle avait proposée à la suite de ses délibérations précédentes.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3.
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Nous savons que les propositions de loi sont des miraculées de l'ordre du jour prioritaire, dont elles se sont dégagées, je reprends le mot, miraculement.
Si ces propositions de loi font l'objet d'une réécriture par le Gouvernement - car c'est à cela que nous assistons, et pas seulement en ce qui concerne l'article 1er ! - que reste-t-il de la prérogative parlementaire ? Elle se réduit comme peau de chagrin !
Il s'agit donc d'une question de principe.
Je souhaite ajouter une question de détail, mais qui a son importance : la limitation de l'avance à une durée ne pouvant être supérieure deux ans, éventuellement renouvelable une fois, est porteuse de gros inconvénients, notamment pour les opérations d'aménagement urbain. Certaines de celles-ci « traînent » pour des raisons indépendantes de la volonté de la collectivité, par exemple pour des problèmes de relogement.
A l'issue de ce délai de deux ans, il faudra bien trouver un financement ! A défaut, la société devra déposer son bilan, ou bien procéder à une augmentation de capital. Il se peut que les actionnaires ne soient pas disposés à suivre, ou que la collectivité territoriale elle-même ne souhaite pas une augmentation de capital. On fera donc appel à des concours financiers extérieurs, qui, par définition, sont évidemment plus coûteux que l'avance de la collectivité territoriale. Qui payera ce surcoût ? Nécessairement l'argent public !
Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, je me rallie à la position prise par la commission des lois.
M. Christian Bonnet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet. J'ai toujours pensé que les sociétés d'économie mixte pouvaient être à la fois la meilleure et, parfois, la pire des choses.
Mon ami Jean-Pierre Fourcade, tout en faisant référence à l'expérience malheureuse à laquelle il avait assisté, a déclaré qu'il était d'accord avec le texte. Pour ma part, c'est en raison des expériences malheureuses dont j'ai eu connaissance que je ne peux pas être d'accord avec M. le rapporteur.
Je suis, au contraire, d'accord avec la position du Gouvernement. Il me paraît souhaitable, pour éviter les déconvenues, notamment aux élus, d'encadrer l'activité des SEM. Qu'il soit nécessaire de réformer les SEM, c'est certain ! Qu'il soit nécessaire de les encadrer, c'est tout aussi indispensable !
Je me rallie à certaines phrases qui ont été prononcées par M. le secrétaire d'Etat. Je l'ai entendu dire : « Certaines expériences malheureuses montrent que cela peut conduire à des sinistres financiers importants. » Il a ajouté : « Il faut prévenir des risques financiers parfois lourds de conséquences pour les budgets communaux. »
Compte tenu de l'expérience qui est la mienne, je répète que, sans les SEM, nombre de réalisations n'auraient pas vu le jour. Les SEM peuvent donc être la meilleure des choses. Toutefois, elles sont à l'origine de nombreuses déconvenues... pour ne pas parler de choses moins plaisantes.
C'est pourquoi je ne peux me rallier à la position de la commission.
M. Thierry Foucaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. En l'occurrence, on va, me semble-t-il, à l'encontre de l'initiative parlementaire, et on reprend les mauvais côté du projet de loi Zuccarelli.
S'agissant de la forme, la rédaction proposée par cet amendement est à peu près identique à celle que présente la commission. Mais, en fait, c'est comme le Canada dry. En effet, l'amendement prévoit de limiter la participation à 80 % du capital et des avances en compte courant, ce qui pourrait avoir pour effet de restreindre la participation des collectivités au capital des SEM en deçà de ce à quoi elles ont droit aujourd'hui.
Un de nos collègues a évoqué la question des risques financiers pour les sociétés d'économie mixte et, surtout, pour les collectivités locales. Permettez-moi de lui répondre que le risque pour les collectivités locales aujourd'hui ne se situe pas, sur le fond, du côté des sociétés d'économie mixte - mais je n'ouvrirai pas maintenant le débat sur la place des collectivités locales dans la société et sur les problèmes financiers qui se posent à cet égard. N'accusons pas les SEM de représenter un risque pour les collectivités locales.
Je pense, pour ma part, que la mesure préconisée par les auteurs de l'amendement va à l'encontre des souhaits exprimés par les élus locaux et de ce qu'il est nécessaire de faire pour assurer le développement des sociétés d'économie mixte.
Il en est de même - je profite de l'occasion pour l'indiquer dès à présent - pour l'amendement n° 11 du Gouvernement, qui prévoit que les 20 % restants du capital doivent être détenus par le secteur privé.
Pour toutes ces raisons, notre groupe ne votera donc pas ces amendements.
M. Jean-Pierre Fourcade. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Je me rallie à la position de la commission des lois, car je considère que l'amendement du Gouvernement, dont je comprends les motivations, est trop strict et qu'il encadre trop le dispositif.
C'est toujours la même théorie : un chef de bureau d'un ministère est beaucoup plus compétent, s'agissant des problèmes de terrain, que n'importe quel élu local, fût-il en place depuis trente ans dans une grande collectivité !
En l'occurrence, c'est l'application de cette théorie.
Certes, on peut, à la rigueur, accepter les prescriptions de l'article L. 1522-4, car la rédaction du Gouvernement me paraît convenable, sauf en ce qui concerne le délai de deux ans, éventuellement renouvelable une fois, que M. Caldaguès a évoqué voilà quelques instants. S'agissant des sociétés d'aménagement, imposer le remboursement au bout de quatre ans prouve que celui qui a conçu ce texte n'a jamais vu de près fonctionner une société d'aménagement. Jamais ! (Marques d'approbation sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.) Il faut tout de même que les commissaires du Gouvernement apprennent quelque chose quand ils viennent au Parlement, qu'ils ne soient pas passifs ! La disposition qui prévoit le remboursement après quatre ans est idiote.
M. Jean-Pierre Schosteck. Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade. Nous venons d'ailleurs de voter une loi sur l'archéologie préventive, qui allongera encore les délais en matière d'aménagement.
Je le répète : on peut accepter, à la rigueur, la rédaction proposée pour l'article L. 1522-4, en corrigeant la disposition relative à la durée de deux ans.
En revanche, la rédaction proposée pour l'article L. 1522-5 n'est pas acceptable. En effet, aux termes de celle-ci, les collectivités locales se prononcent au vu d'un certain nombre de documents, notamment une délibération du conseil d'administration prise à la majorité des deux tiers. Nous sommes en dehors de toute réglementation commerciale. Les sociétés d'économie mixte sont-elles des sociétés de droit commercial ou des organismes particuliers dans lesquels on multiplie les procédures ? Il ne manque plus que l'avis préalable de la chambre régionale des comptes et l'intervention du préfet de région, afin de voir si le préfet du département ne s'est pas trompé, pour que la boucle soit bouclée.
La rédaction proposée me paraît inacceptable. C'est pourquoi je suivrai la commission des lois.
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. J'aurais pu me dispenser d'expliquer mon vote car j'avais déclaré à l'avance que j'étais défavorable à l'amendement. Ce qui m'a incité à demander de nouveau la parole, c'est l'intervention de mon excellent ami M. Christian Bonnet.
Nous sommes tous conscients des difficultés qui ont pu se produire, des abus qui ont pu être commis et des dangers contre lesquels il faut prémunir les collectivités locales : pas un de ceux qui, parmi nous, savent ce qu'est une société d'économie mixte ne les ignorent. Il ne faudrait donc pas accréditer l'idée que, parce que nous ne votons pas le texte du Gouvernement, nous oublions cet aspect de la question. Si nous n'étions pas conscients de tous les problèmes soulevés par M. Christian Bonnet, dont chacun connaît la rigueur, cette proposition de loi n'aurait, à l'évidence, pas été déposée.
J'ai tenu à faire cette mise au point car votre intervention, mon cher ami, pouvait prêter à confusion.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Il s'agit d'un article important. Je voudrais réagir sur trois points.
En ce qui concerne le débat de fond, à savoir la nature de l'économie mixte, je dirai aux différents intervenants que, s'agissant de l'encouragement à l'économie mixte, le Gouvernement est au moins aussi allant que M. Paul Girod. Cependant, il faut bien entendre aussi, dans les propos de M. Bonnet, un certain nombre d'appels à la prudence qui sont fondés sur l'expérience que nous avons tous de ces situations, sur la nécessité de faire en sorte que les assemblées des collectivités locales puissent véritablement maîtriser, dans un cadre juridique plus précis, leur intervention par l'intermédiaire des SEM. Je tiens à dire également à M. Jean-Pierre Fourcade, sans entrer dans un débat idéologique sur les sociétés d'économie mixte, que les SEM sont bien des sociétés d'économie mixte ; ce ne sont ni des établissements publics, ni Vivendi. Il faut trouver un point d'équilibre pour organiser leur mode d'intervention.
J'en viens aux avances en compte courant.
La durée qui est prévue dans l'amendement du Gouvernement est la même que celle qui est envisagée par la commission, c'est-à-dire deux ans, renouvelables. J'ai trouvé un peu rapide et sans doute injuste votre mise en cause des commissaires du Gouvernement qui m'accompagnent ce matin. Ils ont porté sur cette question la même appréciation que la commission des lois du Sénat. Or personne ne peut penser un instant que celle-ci méconnaît le fonctionnement concret des sociétés d'économie mixte locales.
Enfin, je reviens un instant sur la motivation du Gouvernement. Il s'agit bien de préserver la règle des 80 % de fonds publics et des 20 % de fonds privés, avant comme après la consolidation des avances, et ce dans des conditions qui paraissent acceptables. Le Gouvernement entend simplement rappeler l'esprit de ce qu'est une société d'économie mixte. Il ne souhaite en aucune manière, bien entendu, s'opposer à l'excellent travail parlementaire, dont j'ai rappelé la qualité tout à l'heure.
M. Paul Girod, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous ai bien écouté. Permettez-moi de revenir sur la durée.
Mes chers collègues, par souci d'honnêteté, je suis obligé de dire, et je l'aurais fait de toute manière, que M. le secrétaire d'Etat a raison lorsqu'il affirme que la durée de deux ans, renouvelable une fois, figure dans la proposition de loi. Pourquoi avons-nous prévu une telle disposition ? C'est pour une raison simple. Si on n'avait pas, dans le temps, une limitation précise, nous risquerions de tomber sur un autre problème : le privilège du Trésor et la possibilité pour une collectivité territoriale de « camoufler » ou de placer ses excédents financiers dans une société d'économie mixte qui rémunérerait les apports en compte courant. C'est aussi la raison pour laquelle la commission des lois a prévu qu'un décret en Conseil d'Etat déterminera les modalités de rémunération de ces apports en compte courant, de manière que ce problème ne se pose pas.
Quant à la difficulté qui pourrait apparaître, s'agissant de l'aménagement, au bout de quatre ans, entre nous soit dit en passant, elle n'est pas si délicate à résoudre. Dans ce cas précis, on peut prévoir un remboursement et la réouverture de l'avance en compte courant sur délibération motivée.
Aussi, le problème posé par une opération de très longue durée peut être résolu dans la pratique sans pour autant introduire dans la loi une fragilité par rapport au privilège du Trésor et une possibilité de placement qui constituerait un détournement du système global d'équilibre de nos finances publiques. Il est préférable de maintenir cette précaution en l'état.
En revanche, monsieur le secrétaire d'Etat, et je regrette de devoir vous le dire, les précautions que vous prenez ne sont pas justifiables - je vous retourne le compliment du Conseil constitutionnel sur la « nature juridique » des sociétés d'économie mixte par rapport aux autres sociétés commerciales. Si vous nous imposez ce principe de la proportion de 80 % du capital détenus par les collectivités et 20 % détenus par les autres actionnaires en cumulant les avances en compte courant, dont le montant peut éventuellement être élevé, et le capital, cela veut dire qu'il n'y aura jamais d'avances en compte courant. Si là est l'objectif, dites-le franchement. Dites que vous êtes hostile aux avances en compte courant dans les sociétés d'économie mixte. Mais ne prenez pas cette sorte de faux nez, qui rappelle celui du projet de loi de M. Zuccarelli, lequel disait en substance : les avances en compte courant sont autorisées ; elles sont impossibles en fait. Cela n'est pas acceptable !
La commission des lois maintient donc son avis défavorable sur l'amendement du Gouvernement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article additionnel après l'article 1er