SEANCE DU 1ER DECEMBRE 2000


M. le président. La séance est reprise.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe de l'Union centriste, cinq minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, cinq minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum pour vingt-cinq minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget de la mer, qui s'élève à 6 708 millions de francs, est en augmentation de 2,36 %. Si l'on tient compte de l'ensemble des contributions des autres ministères, le montant des crédits affectés représente aujourd'hui près de 10,5 milliards de francs.
Ces chiffres sont encourageants et rompent avec les années de basses eaux auxquelles les gouvernements précédents nous avaient habitués.
Mais comment ne pas s'interroger sur la faiblesse en valeur absolue du budget d'un secteur au coeur des préoccupations écologiques actuelles en matière de préservation de l'environnement, de transport et de développement durable ?
Ce budget, monsieur le ministre, ne nous semble pas correspondre exactement aux exigences auxquelles nous aurons à faire face en ce nouveau millénaire.
L'Etablissement national des invalides de la marine, l'ENIM, consomme 72 % de ce budget ; aussi, nous devons viser à augmenter en valeur les 26 % restant, sans bien sûr porter atteinte au budget de l'ENIM et à ses évolutions nécessaires.
Soulignons au passage que, même si un certain nombre de mesures ont été prises pour garantir le pouvoir d'achat des retraités, elles ne reposent encore que sur la compensation entre les régimes sociaux de base et consacrent de surcroît l'affaiblissement des recettes du régime par la réduction du nombre des emplois du secteur.
La question de l'emploi et de l'investissement dans le domaine maritime est, de ce point de vue, particulièrement essentielle.
Les solutions antérieurement définies dans ce cadre - système des quirats, défiscalisation des investissements - ont démontré leurs insuffisances et la nécessité d'un engagement public plus important, que la douloureuse affaire des Ateliers et Chantiers du Havre permet de souligner encore un peu plus. En ce sens, nous approuvons le plan « port 2000 » mais des besoins nouveaux apparaissent, en particulier ceux qui ont trait au renouvellement indispensable du parc mondial des navires ; ceux-ci, qui sont souvent obsolètes, qui, la plupart du temps, ont amorti leur investissement, continuent d'être affrétés par les compagnies.
Car un savoir-faire français existe, dont nul n'oserait douter qu'il puisse rivaliser, à qualité comparable, avec la concurrence asiatique, pour autant que cesse la pression internationale en faveur de la baisse des coûts salariaux. Alors, pourquoi pas Le Havre en complément de Saint-Nazaire ?
S'agissant de l'emploi, deux choses essentielles doivent, de notre point de vue, être retenues.
La première est l'effort accompli par le ministère en matière d'enseignement, et donc de renouvellement des cadres.
Les efforts doivent être poursuivis, notamment en direction de la formation secondaire et de son intégration dans l'enseignement public. Les 315 postes budgétaires créés l'an dernier relèvent de ce souci. Mais les moyens budgétaires engagés par le projet de loi de finances pour 2001 sont-ils réellement à la hauteur de l'ambition de créer un grand service public de l'enseignement public maritime et, plus globalement, d'inscrire au coeur des priorités la formation, indispensable pour attirer les jeunes et redynamiser l'emploi et l'activité ?
Certes, il est aussi d'autres urgences, notamment celle qui concerne la sécurité maritime. En ce domaine, nous nous félicitons que le Gouvernement ait, dès son arrivée, inversé la tendance, en augmentant les emplois d'inspecteurs de sécurité et se préoccupe aujourd'hui du renforcement des CROSS - centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage - des ULAM - unités littorales des affaires maritimes - des remorqueurs et de toute la logistique nécessaire face aux catastrophes.
La seconde, précisément, élargit la problématique à la réglementation internationale de l'espace maritime.
Après la catastrophe écologique qui a touché les côtes du littoral atlantique à la suite du naufrage du pétrolier Erika affrété par TotalFina Elf, le naufrage du chimiquier Ievoli Sun fait peser la menace de lourds préjudices écologiques sur le littoral du Cotentin.
Apparemment, les Torrey Canyon, Olympic Bravery, Boehlen, Amoco Cadiz et autres Tanio n'ont pas encore suffi à modifier durablement la donne et à éviter la persistance du risque écologique. Chaque jour, chaque semaine apporte son lot de dangers. A titre d'exemple, cette semaine, 2 000 tonnes d'ammonitrates prennent l'eau dans le petit port de Plévin en Côtes-d'Armor. A quand la catastrophe qui anéantira le bassin de coquilles saint-jacques auquel nous tenons tous tant ?
Nous constatons avec satisfaction que la France se place à la pointe du combat pour la sécurité maritime et l'évolution des normes environnementales en matière de navigation au long cours.
Mais nous avons l'impression que cette volonté française se heurte de manière frontale aux très mauvaises habitudes qui ont été prises, au seul motif de favoriser l'abaissement des coûts du transport maritime par une fuite en avant effrénée sur les coûts salariaux et les garanties en matière de sécurité.
Les armateurs, les affréteurs, autrement dit les donneurs d'ordre, exercent une telle pression sur les prix du transport que celui-ci n'est plus en mesure d'intégrer le coût des risques écologiques. On a malheureusement de bonnes raisons de croire que la sanction appliquée suivant le principe du pollueur-payeur est de facto inopérante.
Par ailleurs, des réglementations existent à l'échelon tant européen qu'international. Mais, soit parce qu'elles sont peu contraignantes, soit lorsqu'elles le sont, parce qu'un laxisme existe quant à leur application, elles sont trop souvent contournées, plus fondamentalement encore, parce que l'organisation du transport maritime est fondée sur un marché où les grandes compagnies imposent leur loi aux Etats.
Si les Etats sont défaillants, il n'y a aucune raison pour que, dans un environnement d'accroissement de la concurrence, les normes de sécurité soient respectées car - qui le nierait ? - elles sont incompatibles avec une régulation laissée aux seules forces du marché.
La situation fiscale de TotalFina a fait l'objet de toutes les attentions de notre commission des finances. Une part des extraordinaires bénéfices réalisés par le groupe pétrolier devrait, de notre point de vue, être mobilisée sur la sécurité maritime.
Le renforcement des moyens, des effectifs et des investissements inscrits dans ce projet de budget est tout à fait positif, mais il n'est qu'un élément de l'action que notre pays doit mener, et il doit être poursuivi sans relâche.
C'est avec un ton solennel, monsieur le ministre, que je veux vous dire mes craintes justifiées de voir se reproduire près des côtes bretonnes, normandes ou picardes, de nouvelles catastrophes dans la mesure où de nombreux navires-poubelles continuent de circuler et de transporter des produits dangereux pour l'environnement. Je crains qu'en pareil cas nos populations ne cherchent pas d'autres coupables que ceux qu'ils ont près d'eux, à savoir tout d'abord le Gouvernement et l'Etat français. C'est pourquoi il convient de frapper fort auprès des instances européennes et de l'OMI, l'Organisation maritime internationale, pour harmoniser les normes de sécurité sur le plan tant européen que mondial. Je connais votre détermination, monsieur le ministre, et vous aurez compris que cette sollicitation et avant tout un encouragement.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. J'ai compris !
M. Gérard Le Cam. Je vous saurais gré, monsieur le ministre, de bien vouloir nous indiquer, au terme de cette période de présidence française de l'Union européenne, quelles démarches ont été mises en oeuvre sur cette question de l'harmonisation.
Ce sont là les interrogations et observations que nous comptions produire lors de l'examen des crédits de ce projet de budget, dont nous approuvons les orientations. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Maman.
M. André Maman. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos sera bref et portera essentiellement sur la sécurité maritime.
Les crédits consacrés à la mer progressent de près de 7 % dans le budget pour 2001. Ils s'élèvent à plus de 6 milliards de francs. Cela peut être vraisemblablement imputé à une douloureuse prise de conscience des enjeux liés à la sécurité maritime. Je rappelle, à cet égard, que ce budget avait connu, l'an passé, une régression surprenante.
Le montant des crédits affectés à la sécurité maritime, dans le projet de budget pour 2001, traduit-il le caractère prioritaire de celle-ci ? La réponse est négative. Il ne s'agit, malheureusement, que d'une remise à niveau, rendue obligatoire, et nécessaire, par des années de négligence vis-à-vis du budget de la marine marchande. En outre, même méritoire, cette remise à niveau est partielle et insuffisante, tant les besoins sont importants. Pour avoir une idée de l'ampleur de ces derniers, il suffit de consulter le rapport de la mission commune d'information du Sénat sur le naufrage de l' Erika , rédigé par nos deux excellents collègues, que je voudrais saluer ici, Mme Anne Heinis et M. Henri de Richemont. Il décrit parfaitement ce qu'ils nomment « la grande misère de la sécurité maritime », en donnant les caractères de cette scandaleuse situation, qui résulte de crédits budgétaires très insuffisants, de moyens humains déficients, du manque cruel d'inspecteurs de la sécurité des navires, du manque de moyens des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, de la faiblesse des moyens de prévention de la pollution et, enfin, de l'inacceptable obsolescence de la signalisation maritime.
Cette mission indiquait, avec force, que la sécurité ne devait pas être victime des contraintes budgétaires. Elle préconisait également l'amélioration des contrôles, la sécurisation de la structure des navires et le renforcement de la transparence et de la prévention. D'autres propositions portaient sur le renforcement des moyens de lutte contre la pollution.
Trouve-t-on dans le projet de budget qui nous est présenté ce soir les éléments nous permettant de répondre, ou de commencer à répondre, aux carences et aux lacunes que je viens d'indiquer ?
Le constat, s'il n'est pas entièrement négatif, ne peut malgré tout emporter l'adhésion. Ainsi, je regrette profondément que les crédits consacrés à la protection et à l'aménagement du littoral soient, cette année, en nette régression. Ils ne représentent plus que 0,3 % du budget de la marine marchande. Quant aux moyens consacrés à la police maritime, au contrôle de la sécurité des navires, à la surveillance maritime, à la sécurité des personnes et des biens dans l'espace maritime et à la protection des ressources halieutiques, il est surprenant de constater que les crédits qui y sont alloués atteignent, cette année, 132 millions de francs, soit une baisse de 2,4 % par rapport à l'an dernier. Malgré l'importance des missions qu'ils recouvrent, ils ne représentent que 2,1 % des crédits du budget de la marine marchande. Il est inutile d'ajouter quoi que ce soit, car ces chiffres parlent d'eux-mêmes.
Les moyens dégagés sont donc malheureusement insuffisants, voire dérisoires, au regard de l'ampleur des besoins. Manifestement, il est très clair que la volonté politique de renforcer la sécurité maritime n'est pas au rendez-vous. Votre budget, monsieur le ministre, n'est même pas un budget de rattrapage. Ce n'est certes pas un budget sur lequel on puisse construire une véritable sécurité maritime.
Il aura malheureusement fallu les naufrages de l' Erika et de l' Ievoli Sun pour que la France se rappelle qu'elle est une grande nation maritime et que cette qualité exige des moyens financiers très importants. Elle exige également une forte volonté politique de se donner ces moyens. Que devra-t-il nous arriver pour que le Gouvernement prenne enfin conscience qu'une grande nation maritime qui n'a pas de véritable sécurité maritime n'est rien ? Dois-je vous rappeler, enfin, que notre pays compte plus de 5 000 kilomètres de côtes ? Comment pouvez-vous parler d'une priorité accordée à la sécurité maritime par ce budget, alors que le Gouvernement auquel vous appartenez ne compte même pas un ministère de la mer ?
Je terminerai par une remarque de bon sens : oui, l'Europe est vraisemblablement le cadre naturel d'une future réglementation, relative à la sécurité maritime de notre continent. Non, elle ne peut pas être un alibi invoqué pour échapper à nos propres responsabilités et pour excuser nos propres fautes.
Pour toutes les raisons que j'ai invoquées, monsieur le ministre, le groupe de l'Union centriste ne votera pas ce budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'actualité récente nous rappelle avec force que, dans le domaine maritime, sans contrôle strict de l'état des bateaux, sans responsabilisation financière et pénale des armateurs, des affréteurs et des sociétés de classification, sans un système plus transparent qui doit faire payer le juste coût de notre sécurité, nous ne parviendrons pas à enrayer le risque de catastrophes qui menacent nos côtes dès que la tempête se lève.
La sécurité en mer, c'est l'affaire des marins, bien sûr, mais c'est aussi l'affaire de l'Europe, des Etats et de l'Organisation maritime internationale, c'est donc aussi notre affaire.
Vous connaissez, monsieur Le Cam, l'engagement de la présidence française de l'Union européenne en ce sens, vous l'avez dit. Dès le début de l'année, nous avons envoyé trois mémorandum : un à l'Europe, à l'OMI et un au FIPOL. C'était en février.
Les discussions à l'OMI sont ainsi largement engagées pour obtenir le doublement des contrôles en cale sèche à partir de quinze ans d'âge - et, doublement, cela signifie non pas tous les cinq ans, mais tous les deux ans et demi - et l'élimination d'un tiers des navires à simple coque à l'échelle mondiale d'ici à 2005 et des deux tiers d'ici à 2010, ce qui nous mettra, monsieur Maman, au niveau des Etats-Unis.
S'agissant des discussions communautaires, nous avons obtenu un accord à l'unanimité des Etats membres en faveur d'un renforcement du contrôle de l'Etat du port, d'un agrément et d'une responsabilisation financière des sociétés de classification, ainsi que l'élimination progressive des navires à simple coque.
J'étais il y a deux jours au Parlement européen, et j'ai constaté la volonté des trois institutions européennes - le Parlement, la Commission et le Conseil - d'aller rapidement de l'avant.
Mais nous devons aller encore au-delà, et envisager la création d'une agence européenne de la sécurité maritime pour renforcer - sur ce point, je vous rejoins, madame Heinis - la surveillance et la transparence du secteur du transport maritime et responsabiliser les opérateurs.
A cet égard, je souhaiterais que tous les parlementaires se sentent concernés par un sujet que M. Le Cam a évoqué, à savoir les conditions de vie et de travail des marins. On ne parle pas assez souvent de la surexploitation de ces hommes ! Pourtant, vous savez toutes et tous qu'ils subissent des conditions indignes de notre époque. Et, même s'il faut remplacer les navires-poubelles, les causes de beaucoup d'accidents ne sont pas seulement liées à la structure des navires et aux problèmes de la navigation : les facteurs humains dovient être pris en compte.
Si notre volonté est forte au niveau communautaire et international, elle l'est tout autant au niveau budgétaire, et vous ne serez donc pas surpris si, cette année encore, la sécurité est une des priorités de mon budget.
Mais je n'ai pas attendu cette année pour renforcer le budget de la mer, notamment sur les aspects de sécurité, monsieur Lise ! J'ai pris conscience, dès mon arrivée en 1997, des besoins en ce domaine. Et, si vous considérez que ce budget est encore faible, si vous trouvez qu'il ne s'agit que d'une remise à niveau, monsieur Maman, c'est qu'il a été vraiment abandonné jusqu'en 1997.
Je vais même avouer à Mme Heinis qu'en l'écoutant je me demandais si elle s'adressait bien à moi. Je pensais : « Ce n'est pas possible ! Pour dire autant de mal de la situation des ports et de la politique maritime dans ce pays, elle doit viser les deux gouvernements qui m'ont précédé ! Elle ne peut pas me viser moi, puisque depuis que je suis arrivé j'ai commencé à inverser les choses ! » Je ne comprenais pas votre agressivité, madame Heinis, mais, en réfléchissant, j'ai compris : vous visiez certainement les deux gouvernements qui m'ont précédé, et vous aviez finalement raison !
Quand on part de si bas pour redresser une telle situation, ce n'est pas toujours aussi simple. Pourtant, il faut le faire !
Ainsi, en ce qui concerne les effectifs, nous revenons de loin. Jusqu'en 1997, le nombre d'agents figurant au budget de la mer n'a cessé de décroître régulièrement. Depuis, j'ai inversé la tendance : 75 postes budgétaires seront créés pour la sécurité maritime en 2001, dont 66 sur le budget de la mer.
Force a été de constater que le contrôle des navires étrangers est une arme de dissuasion décisive, dont l'efficacité est proportionnelle à la pression exercée. La concrétisation de la volonté politique affichée - car il faut une volonté politique ! - en faveur du renforcement de cette pression passe par le doublement de la capacité de contrôle dans les ports, et nous nous y engageons, mais pas dans deux ou trois ans : dès 2001 !
Monsieur Lise, vous considérez que le taux de contrôle dans les ports a diminué, et vous avez bien fait d'évoquer ce point, car vous me donnez l'occasion de préciser que ce n'est pas parce que le nombre d'inspecteurs a diminué - au contraire : il a augmenté depuis 1997 - mais parce que nous avons donné des consignes, depuis trois ans, pour mieux cibler les navires, pour les inspecter plus longtemps. Certes, nous pourrions, comme cela se fait parfois ailleurs, faire du chiffre pour du chiffre et dire ensuite que nos inspecteurs ont contrôlé beaucoup de navires, mais s'ils ne font que passer, s'ils ne restent qu'une demi-heure sur le bateau, le bilan chiffré sera peut-être bon, mais la qualité du contrôle sera médiocre. Moi, je ne travaille pas comme cela : avec les inspecteurs que j'ai, j'essaie de faire réaliser des contrôles sérieux, et de les cibler au maximum. Cela étant, il faut davantage d'inspecteurs, j'en conviens.
C'est pourquoi nous avons décidé de doubler le nombre d'inspecteurs dans ce budget. En outre, pour pouvoir engager suffisamment d'inspecteurs rapidement, mesdames, messieurs les sénateurs, nous prévoyons une augmentation sensible des primes - de l'ordre de 4 000 francs - pour rendre cette profession plus attractive.
Par ailleurs, un centre de formation sera créé à Nantes et fonctionnera dès la rentrée prochaine. Comme vous pouvez le constater, nous ne nous contentons pas de reprendre les mesures qui étaient prévues dans le projet de budget précédent : nous agissons.
En ce qui concerne les crédits affectés à la sécurité maritime, les dotations en moyens de fonctionnement sont en hausse de plus de 5 %, mais, surtout, les moyens d'engagement en autorisations de programme s'élèvent à 148 millions de francs, contre 92,25 millions de francs dans la loi de finances pour 2000. Il s'agit donc non pas d'une stagnation, mais d'une progression de plus de 60 % !
Ces crédits permettront de financer notamment l'acquisition d'un second patrouilleur de haute mer dès 2001 et de baliseurs neufs pour les ports du Havre, de Dunkerque et de Brest au titre de la signalisation maritime.
Cette augmentation des crédits profitera également aux CROSS, vous l'avez dit, monsieur Lise. Ces derniers assureront en 2001 l'extension des missions qui leur sont confiées en matière de sécurité maritime, de protection de l'environnement marin et de gestion de l'effort de la pêche, et en particulier la surveillance et le suivi plus systématique des navires.
Le comité interministériel du 27 juin dernier a proposé un certain nombre de mesures en faveur de la sécurité maritime. Pour renforcer l'attractivité de nos ports et le pavillon français, les équipements des CROSS seront modernisés et l'ensemble des radars de la Manche seront renouvelés.
Parallèlement, les crédits affectés à la signalisation maritime augmentent aussi bien en fonctionnement qu'en investissement, permettant la réparation des phares, balises et bouées qui ont été endommagés par la tempête, mais aussi la modernisation de la flotte de balisage sur trois ans au lieu des cinq ans initialement prévus.
Enfin, connaissant l'importance de la Société nationale de sauvetage en mer, la SNSM - je crois qu'il faut en parler un peu plus ! - j'ai souhaité, dans le dispositif de sécurité en mer, que la subvention d'équipement pour 2001 intègre la réserve parlementaire de 0,5 million de francs accordée l'année dernière par votre assemblée.
Mais renforcer la sécurité maritime, cela passe aussi par le renforcement du pavillon français, Mme Heinis l'a souligné, et je suis de cet avis.
Ainsi, le projet de budget pour 2001 traduit la préoccupation de l'Etat d'accroître son soutien à la flotte de commerce battant pavillon français au bénéfice de l'emploi maritime. Les crédits de ce secteur connaîtront ainsi un accroissement de 21,4 %.
Cette augmentation prend en compte la remise à niveau des crédits permettant le remboursement aux armements maritimes de la taxe professionnelle et l'extension aux armements maritimes assurant la desserte de la Corse du dispositif de remboursement des contributions sociales patronales obligatoires.
Un nouveau pas devra être franchi à la suite des décisions du comité interministériel de la mer du 27 juin dernier, qui doit permettre d'étendre aux allocations familiales et aux cotisations ASSEDIC le remboursement des charges sociales pour les entreprises dont les navires, immatriculés aux registres métropolitain ou des TAAF, les terres Australes et Antarctiques françaises, sont confrontés à la concurrence internationale. Cela se fera sous réserve d'un accord d'entreprise pour les armements ayant des navires sous ce registre, accord qui portera notamment aussi sur les effectifs et sur la formation.
Pour répondre à votre préoccupation, monsieur Lise, ces remboursements seront accélérés, pour éviter les problèmes de trésorerie que vous soulignez.
Par ailleurs, pour répondre à votre préoccupation légitime, monsieur Le Cam, un véritable régime social sera créé pour tous les marins sur le registre des TAAF, en pleine concertation avec les représentants des marins. Et, pour contrôler les conditions de travail, notamment sur ces navires, un nouveau dispositif d'inspection du travail maritime au sein des services déconcentrés des affaires maritimes, avec de nouvelles missions, sera mis en place.
Il est ainsi créé dix emplois à cet effet en 2001.
En complément de ces interventions budgétaires de l'Etat, le dispositif de GIE fiscal, mis en place en 1998, a permis de stimuler les investissements navals. Depuis sa création, ce régime fiscal a, en effet, permis de financer trente-deux navires, pour un montant de 8,3 milliards de francs.
Grâce à toutes ces mesures, nous avons stoppé la tendance à la baisse observée jusqu'en 1997 et que Mme Heinis a, à juste titre, dénoncée avec force.
Il faut également renforcer la sécurité dans les ports et accélérer leur modernisation.
Les moyens d'engagement consacrés aux ports maritimes s'accroissent, monsieur Massion, de 5,3 %, vous l'avez dit. Cette progression répond à la volonté d'accompagner la croissance, aujourd'hui effective et confirmée, des trafics portuaires, dans le contexte de développement des échanges maritimes mondiaux.
Cette évolution positive est confirmée par les résultats des neuf premiers mois de l'année 2000, qui montrent une croissance globale des trafics des ports autonomes maritimes : en dépit des inégalités constatées entre les ports, elle s'élève, en moyenne, à 6 %. Les ports autonomes traitent 80 % du trafic total et ils enregistent une croissance moyenne de 8,5 % de leurs trafics de marchandises diverses, notamment conteneurisées.
Sur ce dernier créneau, le port du Havre présente des perspectives de développement prometteuses et le projet de budget pour 2001 intègre les crédits nécessaires - 200 millions de francs en autorisations de programmes - à la poursuite de l'extension de ses infrastructures, avec le projet « Port 2000 » qui a pour ambition de faire de ce port une grande plate-forme à l'échelle européenne des échanges de marchandises conteneurisées.
Pour vous répondre plus précisément, monsieur Massion, les travaux commenceront, comme prévu, au tout début de l'année 2001, pour une mise en service des premiers quais en 2004.
D'autres investissements d'extension de capacité ou de modernisation - de dimension plus modeste, certes - seront aussi nécessaires dans d'autres ports pour soutenir le développement de leurs trafics de marchandises diverses. C'est le cas, en particulier, à Dunkerque, où le trafic de marchandises conteneurisées s'accroît de plus de 20 % en 2000 par rapport à 1999, mais aussi à Rouen, à Saint-Nazaire et à Marseille, ports qui devraient connaître en 2000 une croissance proche de 10 % de leur trafic de conteneurs.
A la suite du comité interministériel de la mer, actuellement, des rapprochements sont en cours entre différents ports dans une zone géographique donnée, notamment dans le nord de la France. Des évolutions très positives sont actuellement constatées à cet égard : j'étais récemment à Nantes et à Saint-Nazaire, où une réelle volonté existe pour faire en sorte qu'une synergie - et non pas une concurrence - s'établisse entre des ports qui sont voisins, de manière à répondre avec plus d'efficacité aux ports de l'Europe du Nord.
Comme vous l'avez souligné, monsieur Massion, la sécurité des ports maritimes sera aussi renforcée, s'agissant tant de leur exploitation, avec la création de seize postes supplémentaires d'officier de port ou d'officier de port adjoint, que de leurs équipements, avec un programme de rénovation d'infrastructures inclus dans les nouveaux contrats de plan Etat-région, par lesquels l'Etat s'est engagé à quadrupler ses concours aux investissements portuaires. Je dis bien que le montant de ces concours est multiplié par quatre par rapport à ce qui avait été fait par les deux gouvernements précédents, que vous avez sûrement voulu viser tout à l'heure, madame Heinis ! (Sourires.) Cela n'est pas rien !
En outre, notre littoral, dont l'actualité vient encore de démontrer à quel point il peut être soumis à de grands risques, doit être mieux protégé.
Contrairement à ce que vous avez annoncé, monsieur Maman, l'Etat entend consacrer à cette fin des moyens importants, ce qu'il a déjà commencé à faire, en 2000, avec une ouverture spécifique de crédits pour un montant substantiel, après le naufrage de l' Erika et les tempêtes de l'hiver dernier : 7,5 millions de francs ont ainsi été mobilisés pour des opérations exceptionnelles de remise en état du domaine public maritime, 10 millions de francs ont été dégagés pour faire face aux abandons de navire dans les ports, 40 millions de francs ont été consacrés à la reconstitution complète des équipements du dispositif « Polmar-Terre » et 100 millions de francs ont été alloués, dont 70 millions de francs au titre du budget de la mer, à la restauration de digues de protection contre l'érosion marine.
Regardez bien les chiffres ! Le projet de budget pour 2001 prévoit une augmentation de 16 % du montant des moyens d'engagement alloués à la protection de notre littoral et s'inscrit ainsi dans la continuité des efforts déjà réalisés l'an dernier. Les exercices de préparation à la mise en oeuvre des plans de lutte coordonnés contre la pollution accidentelle seront renforcés et des avenants aux contrats de plan accroîtront les concours de l'Etat en matière de défense des côtes littorales contre les effets de la mer.
Par ailleurs, la sécurité des marins passe également par un système de formation performant et une protection sociale renforcée.
Sur ce plan, l'année 2001 verra la poursuite de la réforme du système de formation maritime, avec notamment la continuation de la rénovation des cursus afin de mettre ceux-ci en conformité avec les nouvelles normes internationales définies par l'OMI, et le développement du Centre national de formation des formateurs maritimes de Nantes.
Cet accroissement des effectifs scolarisés s'accompagne de la création de quatre emplois d'enseignant dans le projet de loi de finances pour 2001. A cet effet, les moyens affectés à la formation connaissent une progression à périmètre constant. La dotation de l'Association pour la gérance des écoles maritimes et aquacoles, l'AGEMA, ne subit qu'une diminution apparente, car un transfert de 16,45 millions de francs est opéré sur les chapitres de personnel au titre du passage sous statut public des personnels de l'enseignement maritime secondaire. Trente-quatre postes ont été créés cette année pour répondre aux besoins. Nous n'oublions donc pas la formation.
Enfin, en matière sociale, la subvention de l'Etat à l'Etablissement national des invalides de la marine, l'ENIM, atteint un montant de 4,8 milliards de francs, soit une hausse de 1,9 % par rapport à cette année. Ce montant, qui représente une part significative des crédits consacrés au secteur maritime, témoigne de la solidarité que la communauté nationale se doit de manifester aux gens de mer. Il permettra notamment d'étendre la protection sociale dont bénéficient les ressortissants du régime spécial, par le biais de deux mesures inscrites dans la loi de financement de la sécurité sociale.
La première permet, dans certaines limites, de valider pour la retraite les périodes passées par les marins en invalidité maladie. Une telle réforme était réclamée par les organisations de marins et d'anciens marins. Elle comble, en effet, une sérieuse lacune du régime spécial, puisque les pensions de retraite, et donc de réversion, ne prenaient en compte que les années d'activité du marin. Si celui-ci, de son vivant, bénéficiait de la pension d'invalidité, sa veuve ne percevait parfois qu'une pension de réversion prenant en compte peu d'annuités, et donc d'un montant très faible. Cette situation sera désormais corrigée.
La seconde mesure a été introduite ici même sur l'initiative de vos collègues, Mmes Dieulangard et Boyer, qui ont présenté, avec l'accord du Gouvernement, un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale que le Sénat a adopté. Cet amendement permet d'augmenter sensiblement le montant des indemnités versées aux marins se trouvant en arrêt maladie, puisque désormais la cotisation vieillesse à la charge des marins concernés sera calculée non plus sur la base de la totalité du salaire forfaitaire de référence, mais selon une assiette correspondant au montant brut de cette indemnité.
Ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de budget de la mer est ambitieux, tourné vers le développement économique durable et caractérisé par un souci marqué de donner une priorité absolue à la sécurité, à l'environnement, aux marins et à la population de nos côtes. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je voudrais simplement remercier M. le ministre d'avoir bien voulu répondre à l'invitation du Sénat d'expérimenter une nouvelle forme de débat budgétaire.
Monsieur le président, je voudrais également vous adresser mes remerciements pour avoir, avec la délicatesse qui vous caractérise, permis que les échanges s'effectuent selon des modalités nouvelles, qui, après quelques petites adaptations, devraient donner satisfaction.
Cette partie expérimentale de la discussion a permis à nombre de nos collègues de poser des questions et d'obtenir des réponses précises. Elle contraste avec la partie plus traditionnelle du débat budgétaire, qui est constituée d'une succession de propos très intéressants mais souvent généraux.
Enfin, je voudrais rappeler que la nomenclature budgétaire, qui est décidée par le Gouvernement et non pas par le Sénat, amène la commission des finances à se prononcer par un seul vote sur l'ensemble des crédits du ministère de l'équipement, des transports et du logement. M. le ministre a un empire sous sa responsabilité.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je n'ai pas tout, il me manque les finances !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Il vous est arrivé, monsieur le ministre, de regretter que le Sénat ne puisse pas se prononcer sur tel ou tel de vos budgets, mais ce fait résulte d'une décision du Gouvernement ! Nous sommes donc prêts, l'an prochain, à adopter une autre démarche.
S'agissant, plus globalement, de la position que la commission des finances recommande ce soir au Sénat d'adopter, nous vous plaignons, au fond, vous qui présidez le conseil des ministres des transports européens, d'être sans doute le moins heureux pour l'investissement civil, qui est devenu très faible en France. J'ai déjà rappelé en effet que son montant est devenu inférieur au coût du passage aux 35 heures pour notre pays. Cela montre que vous êtes, à l'évidence, une victime, et, pour vous donner de la force en vue des négociations que vous devrez mener avec le Premier ministre pour le prochain budget, la commission des finances du Sénat préconisera le rejet de l'ensemble de vos crédits, à l'exception de l'article 60 ter , que, pour saluer l'effort que vous avez bien voulu consentir, nous voterons.
M. le président. Monsieur le président de la commission des finances, je voudrais ajouter que c'est une initiative de votre part qui nous a permis de vivre cette démarche expérimentale. Le Sénat peut vous en être reconnaissant, car il s'agit là d'une modernisation souhaitable. Il reste sans doute à affiner cette procédure et peut-être, dans la partie conventionnelle du débat budgétaire, conviendrait-il d'alléger quelque peu la présentation des rapports. Il ne faudrait pas non plus mettre le ministre face à une difficulté insurmontable compte tenu du délai très réduit dont il dispose, mais M. Gayssot a parfaitement joué le jeu et il faut l'en remercier.
Nous allons maintenant procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'équipement, les transports et le logement.
Je rappelle que le Sénat a déjà examiné aujourd'hui même les crédits affectés au tourisme, à l'urbanisme, au logement et aux transports terrestres et au transport aérien et à la météorologie.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 1 213 286 420 francs. »