SEANCE DU 5 DECEMBRE 2000


M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : II. - Environnement.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a décidé l'expérimentation d'une nouvelle procédure destinée, pour reprendre les termes mêmes du président de la commission des finances, à rendre notre débat plus interactif, plus vivant et plus animé. Nous avons procédé à une première expérience, avec un certain succès, lors de la discussion du budget des transports terrestres.
Ainsi, Mme le ministre répondra immédiatement et successivement au rapporteur spécial, aux deux rapporteurs pour avis et à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.
Lorsque les orateurs des groupes seront appelés à intervenir, pour cinq minutes maximum, le ministre répondra immédiatement à chacun d'entre eux dans la limite de trois minutes, avec la possibilité d'une brève répartie de deux minutes pour chaque orateur.
Au vu de l'expérience du budget des transports terrestres, il ne semble pas souhaitable que les rapporteurs ou les orateurs multiplient à l'envi le nombre des questions, car le Gouvernement dispose d'un temps limité.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la ministre, en examinant le budget de l'environnement et l'affectation de ses différents crédits, j'ai été frappé, concernant votre ministère, par une évidence qui me paraît symbolisée par cette fable de La Fontaine dont voici la morale :

« Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,
Tout petit prince a des ambassadeurs,
Tout marquis veut avoir des pages. »

Je vous laisse le soin de deviner de quelle fable il s'agit !
Mes chers collègues, je voudrais en quelques mots vous donner les raisons qui ont conduit la commission des finances à rejeter les crédits de ce ministère. Elles sont évidentes à la lecture du tableau qui figure à la page 14 du « jaune » budgétaire sur l'état récapitulatif de l'effort financier au titre de l'environnement ou encore de la page 9 de mon rapport.
Les crédits de personnel passent de 598 millions de francs à 718 millions de francs ; les dépenses de fonctionnement passent de 664 millions de francs à 785 millions de francs ; les dépenses en faveur de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie passent de 1,717 milliard de francs à 491 millions de francs. L'augmentation générale de 9 % n'est donc qu'apparente. En réalité, à périmètre constant, le budget de l'environnement diminue de 22 %. D'ailleurs, globalement, les crédits « environnement » de l'ensemble des ministères passent de 14 milliards de francs à 12 milliards de francs. Nous constatons donc bien une baisse de l'effort fait en direction de l'environnement.
Trois principes se dégagent de cette analyse : le ministère de l'environnement a sacrifié à la croissance de son périmètre et de ses moyens les dépenses en faveur de l'environnement ; la priorité des priorités est donnée aux dépenses de fonctionnement ; le détournement de la fiscalité écologique s'amplifie.
Premièrement, la logique de pouvoir est en oeuvre.
Comment se réjouir en constatant que le budget consacré à l'environnement baisse de 22 %, alors qu'on le présente en augmentation de 9 % et que l'essentiel est consacré aux dépenses de fonctionnement ? Le transfert de l'Institut de protection et de sûreté nucléaire du ministère de l'industrie au ministère de l'environnement sert de leurre, le volume des crédits étant affiché à presque 5 milliards de francs, alors qu'il est en réalité et à périmètre constant inférieur de 1,3 milliard de francs. De plus, il est l'objet d'un marchandage : moins de crédits pour l'environnement, plus de périmètre pour le ministère.
On peut s'interroger sur l'intérêt d'un tel transfert et sur sa justification. En effet, est-il justifié par une suspicion à l'égard du ministère de l'industrie réputé trop favorable au nucléaire ? Si tel est le cas, le raisonnement inverse peut s'appliquer. Quelle sera donc la crédibilité d'un établissement aux ordres d'un ministère antinucléaire ?
Ce doute engendré par une telle suspicion est insupportable. La commission préconise donc que cet établissement soit rattaché aux services du Premier ministre ou doté d'un statut autonome.
On peut également se poser la question de savoir si nous n'assisterons pas, l'année prochaine, à une opération similaire pour les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement ?
Deuxièmement, la priorité est donnée aux dépenses de fonctionnement.
L'année 2001 enregistre la création de trois cents emplois supplémentaires au profit du ministère - sans aucun transfert contrairement aux autres années -, dont cent huit pour l'administration centrale.
Autant la politique de transfert n'était pas critiquable, autant ce renforcement l'est, car il représente la négation du rôle environnemental que devraient jouer tous les ministères.
Lorsqu'on apprécie dans la durée la conséquence de cette attitude et que l'on voit la montée en puissance des moyens qui seront nécessaires - ce sera à terme plus de 50 milliards de francs - on est d'autant plus effaré que tout devrait nous inciter à maîtriser la dépense publique !
Encore faudrait-il ajouter les 150 emplois supplémentaires qui sont prévus à l'Institut français de l'environnement, à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, dans les parcs nationaux, à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, à l'Agence de sécurité sanitaire environnementale et à l'Institut de protection et de sûreté nucléaire, et dont 22 emplois iront au titre des trente-cinq heures dans ce dernier organisme.
Troisièmement, le détournement de la fiscalité écologique s'amplifie.
La manière dont a été conduite l'opération relative à la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, est tout à fait intéressante et caractérise assez bien la volonté du Gouvernement de mettre en place une fiscalité dite « écologique », donc à connotation positive, pour ensuite l'utiliser à d'autres fins.
Ainsi, en 1997, le nombre des dossiers non traités est en augmentation. En 1998, une extrapolation est faite sur l'évolution des besoins qui justifient une augmentation des cinq taxes - de 1 300 millions de francs à 1 800 millions de francs - et, dans le même temps, on procède à une baisse des subventions de 40 %. En 1999, on affiche le maintien des fonds de l'ADEME, mais, le mandatement effectué en fin d'année ne concernant que 44 % des crédits, on constate un report de 998 millions de francs. Enfin, en 2 000, sur 2,7 milliards de francs disponibles à l'ADEME, le mandatement n'est à ce jour que de 269 millions de francs.
L'opération vérité était nécessaire et elle ne gênera pas l'ADEME. La TGAP va au financement des trente-cinq heures pour près de 7 milliards de francs, en incluant les 3,8 milliards de francs prévus en faveur de la taxe sur l'énergie. Bercy peut donc tranquillement récupérer 1,3 milliard de francs sur le dos de l'ADEME : ni vu ni connu !
On est en droit de s'interroger.
Etait-il nécessaire d'augmenter de 50 % les taxes ? Je ne le crois pas. Etait-il nécessaire de diminuer les subventions de 40 %, en demandant au passage aux collectivités locales de se substituer à l'effort de l'ADEME à travers les contrats de plan ?
Une chose est certaine, les crédits nécessaires pour prévenir, guérir et aménager ont disparu.
On peut donner d'autres exemples de détournement.
Les 500 millions de francs destinés au Fonds national de solidarité pour l'eau, le FNSE, et prélevés sur les agences sont-ils le prélude à un même processus ? En examinant la consommation des crédits, on constate que seuls les crédits de fonctionnement ont été utilisés. Leur part devrait d'ailleurs progresser en 2001, puisqu'ils passeront de 42 % à 53 % de cette enveloppe.
En revanche, les dépenses d'investissement, elles, n'ont été réalisées qu'à hauteur de 17 %. Il reste aujourd'hui des crédits non consommés à hauteur de 76 millions de francs pour la restauration des rivières, de 32 millions de francs pour la restauration du milieu dégradé et de 68 millions de francs pour la pollution diffuse.
On peut penser que les agences en auraient fait meilleur usage, mais on peut surtout s'inquiéter du fait que la volonté de rendre constitutionnelles les redevances des agences ne soit en réalité qu'une occasion de plus pour instituer d'autres taxes - par exemple sur la modification du régime des eaux ou les excédents d'azote -, voire pour modifier celles qui existent, en tout cas pour se servir de l'argument écologique afin de financer d'autres besoins que l'environnement.
Enfin, l'environnement passe au second plan et le rendement fiscal est devenu prioritaire.
Il est amusant de voir que la majorité de l'Assemblée nationale s'aperçoit enfin que la taxation sur l'énergie se fait au détriment du bon sens et pénalise nos concitoyens au motif qu'ils utilisent de l'énergie électrique produite par le nucléaire ou les barrages hydrauliques alors qu'il s'agit d'une énergie propre. Votre rapporteur l'avait déjà souligné l'an dernier à propos de la taxation des lessives sans phosphates ; vous ne souhaitez pas que les comportements s'améliorent, car vous avez besoin d'argent pour les 35 heures.
Telles sont, chers collègues, les raisons qui ont conduit votre commission des finances à proposer le rejet des crédits de ce ministère qui ne pense qu'à agrandir son périmètre au détriment des moyens affectés à l'environnement, qui privilégie les dépenses de fonctionnement et détourne la fiscalité écologique de son objectif.
En conclusion, madame la ministre, je souhaite vous poser quatre questions.
Premièrement, à périmètre constant, votre budget baisse de 22 %. Vous avez permis à Bercy de faire main basse sur l'argent de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, à hauteur de 1,2 milliard de francs. Si, l'année prochaine, il faut rétablir le budget de l'ADEME à une hauteur normale, aurez-vous une dotation spéciale de Bercy pour augmenter les crédits de votre ministère de 30 % ? En avez-vous l'engagement ?
Deuxièmement, chacun sait que le bilan de la France en matière d'effet de serre est l'un des meilleurs des pays industriels ; cela est dû au nucléaire et à l'énergie blanche que vous vous apprêtez à taxer lourdement, à travers la TGAP Energie. Reviendrez-vous sur cette proposition qui est calamiteuse pour l'emploi et nos concitoyens et qui risque de faire partir les industries ? Encourager la délocalisation des activités industrielles ne changera pas le bilan mondial de l'effet de serre !
Troisièmement, prenez-vous l'engagement vis-à-vis des agences de l'eau d'en rester à un prélèvement de 500 millions de francs et de ne pas procéder à la même manipulation que pour l'ADEME, à travers la loi sur l'eau ?
Quatrièmement, la santé publique est au coeur des préoccupations de nos concitoyens et nous allons devoir trouver des protéines en Europe si nous ne voulons pas avoir recours au soja OGM des Américains. Pensez-vous qu'il soit opportun de taxer, toujours à travers la TGAP Energie, les producteurs de luzerne - ce qui augmentera leurs charges de 17 % - alors que cette alimentation est totalement saine et qu'elle tire son azote de l'air ? On croit marcher sur la tête !
Plus généralement, madame la ministre, il existe des solutions pour maîtriser la pollution, par exemple les carburants propres, qui ne sont toujours pas mis en oeuvre. Pourquoi toujours privilégier l'arme fiscale, alors que, nous l'avons vu, son produit est détourné et son application devient un droit à polluer ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le président, j'ai compris que le rôle qui m'était dévolu aujourd'hui était doublement celui de cobaye : d'abord, en raison de la présence des caméras dans cette salle - et l'on ne manquera sûrement pas de faire quelques intéressants plans de coupe ! - ensuite, parce qu'il s'agit d'une procédure expérimentale.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. M. Gayssot vous a précédée !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je mesure, monsieur le président, l'honneur qui est ainsi fait par la Haute Assemblée à un tout petit ministère !
M. Hilaire Flandre. Et à celui de M. Gayssot !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je tiens à dire que cette démarche me paraît à la fois totalement incompréhensible, totalement déséquilibrée et totalement schizophrène, et je vais m'en expliquer, au risque de prendre un tout petit peu de mon temps de parole.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Cela a été décidé en conférence des présidents !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Elle est totalement incompréhensible pour le spectateur, qui n'aura évidemment jamais eu l'occasion d'entendre quiconque présenter véritablement ce budget, dont les rapporteurs « creusent » à loisir tel ou tel point.
Elle est totalement déséquilibrée au regard des temps de parole. Je vous rappelle que les rapporteurs disposent de trente-cinq minutes pour démonter ce budget, alors que je n'ai que dix minutes pour leur répondre sur des points précis, sans avoir jamais eu l'occasion d'en faire une présentation globale.
Elle est enfin totalement schizophrène puisque je n'ai pas été auditionnée par la commission des finances, que je n'ai pas eu l'occasion d'échanger le moindre mot avec M. Adnot et les membres de cette commission sur un budget qui mérite tout de même mieux que les caricatures qu'il en a faites en dix minutes.
Monsieur le président, je vais néanmoins jouer le jeu et me livrer à cet exercice en respectant le temps de parole qui m'est imparti,...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est l'engagement du Gouvernement !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... mais j'espère qu'il en ressortira autre chose que de la bouillie pour les gens qui nous écoutent !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Cela dépend de vous !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Non, puisque l'occasion ne m'est pas donnée de présenter les équilibres du budget et d'exposer les choix politiques qui le sous-tendent ! Et je trouve cela tout à fait déloyal !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Madame le ministre, m'autorisez-vous à vous interrompre ?...
M. le président. Madame le ministre, M. le président de la commission souhaite vous interrompre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. A condition que cela ne soit pas pris sur mon temps de parole, puisque je n'ai que dix minutes !
M. le président. Bien entendu, l'intervention de M. Lambert sera décomptée.
Par ailleurs, je me permets de vous faire observer, madame le ministre, que vous n'êtes pas le cobaye. C'est M. Gayssot qui l'a été.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Cela ne me console pas !
Nous sommes quand même là pour faire de la politique, pour exposer des choix politiques, qui transparaissent dans un budget. N'avoir l'occasion de le faire ni en commission ni devant vous, je trouve cela un peu fort de café !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je veux d'abord remercier Mme le ministre de m'avoir autorisé à l'interrompre.
Je veux ensuite lui dire qu'une première expérimentation a été faite avec M. Jean-Claude Gayssot, expérimentation qui a satisfait tout le monde, y compris le Gouvernement.
S'il apparaissait néanmoins que Mme le ministre n'a pas eu les moyens de présenter la politique du Gouvernement comme elle souhaitait le faire, la commission des finances et les rapporteurs feraient le nécessaire pour lui permettre de s'exprimer dans les meilleures conditions.
Madame le ministre, croyez bien qu'il n'y a, de la part de la commission des finances, aucune mauvaise intention, ni à votre égard ni à l'égard de votre ministère, et que tout sera fait pour que vous puissiez dialoguer avec le Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. Madame le ministre, autorisez-vous M. le rapporteur spécial à vous interrompre ?...
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Monsieur le président, j'avais droit à quinze minutes : je propose que les cinq minutes que je n'ai pas utilisées soient données à Mme le ministre. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. C'est un beau geste !
M. Marcel Vidal. Quelle générosité !
M. Hilaire Flandre. C'est galant !
M. le président. Veuillez poursuivre, madame le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Nous avons eu, monsieur Adnot, au moment de la mise en place de la TGAP, un très long débat pour savoir si le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement pouvait garantir le maintien des moyens à mobiliser pour poursuivre les politiques qui constituent nos priorités pour les années à venir.
Vous avez, d'un côté, salué l'opération vérité menée sur les crédits de l'ADEME, qui a conduit à calibrer à 491,7 millions de francs la dotation nécessaire à l'agence en 2001. Cette démarche sera maintenue au cours des années à venir : les crédits de paiement seront calibrés au vu du rythme de consommation réelle, en fonction des prévisions de dépenses connues au moment de leur fixation. Le montant total de ces crédits sera déterminé chaque année dans le cadre de la procédure budgétaire annuelle.
Mais vous connaissez ma détermination à permettre que soient affichées les priorités de la politique de ce ministère et dégagés les moyens en autorisations de programme permettant de les concrétiser.
Au moment de la mise en place de la TGAP, j'ai été sensible à vos inquiétudes et à vos arguments. J'ai donc souhaité démontrer que l'ADEME ne souffrirait pas de la mise en place de la TGAP. Nous avons alors adopté une procédure qui était tout à fait inhabituelle puisque nous avons décidé d'appliquer cette formule : une autorisation de programme égale un crédit de paiement.
Compte tenu de l'invraisemblable trésorerie que l'ADEME traînait d'année en année, il était déraisonnable de laisser à l'ADEME une trésorerie de plus de 2 milliards de francs, alors que les moyens nécessaires étaient largement inférieurs et que nous avons constamment manqué d'autorisations de programme mais non de crédits de paiement !
Alors que s'approche l'échéance prévue par la loi de 1992 sur le traitement des déchets - et que s'approchent aussi... les échéances électorales -, au cours de cette phase de montée en puissance des projets, nous avons été conduits, dans le collectif budgétaire de l'année dernière, à dégager plus de 400 millions de francs d'autorisations de programme nouvelles en faveur de la gestion des déchets. Jamais les crédits de paiement ne nous ont manqué. Ce sera encore le cas cette année, j'en fais le pari. L'ADEME doit avoir les moyens de mener à bien ses politiques et de dégager la trésorerie nécessaire au fur et à mesure de l'échéance des dossiers.
Cela dit, j'en suis bien consciente, la montée en puissance de la TGAP continue de vous préoccuper. Nous avons décidé d'utiliser cet outil parce que, dans la plupart des Etats européens, le choix a été fait, comme en France, de baisser la taxation qui pèse sur le travail, avec le souci de créer des emplois et, en même temps, de donner d'autres signaux fiscaux à travers la taxation de la pollution, de l'usage déraisonnable de ressources rares ou du gaspillage énergétique.
L'objectif de la TGAP ne se limite pas à la lutte contre l'effet de serre mais concerne plus généralement la pollution, le gaspillage des matières premières et de l'énergie. C'est pourquoi nous avons choisi de faire peser la TGAP « énergie » sur l'ensemble des sources non renouvelables de production d'électricité, y compris le nucléaire, ne serait-ce que parce que celui-ci, raisonnable du point de vue des émissions de gaz à effet de serre, ne l'est guère en matière de production de déchets nucléaires, alors que ceux-ci ont un coût environnemental certain.
Je veux aussi évoquer la contribution du nucléaire au réchauffement des eaux, ce qui nous a conduits, dans le cadre de la préparation de la nouvelle loi sur l'eau, à envisager une possible contribution de ce secteur au financement des agences.
Le projet de TGAP a été largement débattu avec les entreprises. D'ailleurs, les choix qui ont été faits ne correspondent pas à ceux en faveur desquels j'avais plaidé. J'avais plaidé pour une taxe faible touchant de nombreuses entreprises et leur permettant de modifier leurs choix en matière d'investissements, de procédés de fabrication et de gestion de leurs bâtiments, afin de les engager sur des démarches vertueuses du point de vue de l'environnement.
Le choix qui a été fait a une tonalité plus budgétaire. Ce n'est pas là la préoccupation du ministère de l'environnement. Le choix de mon ministère n'était pas non plus forcément celui d'une attribution au FOREC des fonds collectés...
Je note au passage que les parlementaires ont repris, pour l'essentiel, les critiques formulées par mon ministère quant à la mise en place de la TGAP.
En ce qui concerne l'exonération de l'électricité, elle constituerait un nouvel obstacle à l'harmonisation de la fiscalité énergétique en Europe, alors même que celle-ci est reconnue comme urgente pour que l'Europe puisse tenir ses engagements tant en matière de lutte contre le changement climatique qu'en matière de rapprochement des législations fiscales, dans un souci de création d'emplois et d'harmonisation des conditions de concurrence. C'est pourquoi nous n'avons pas retenu cette exonération.
S'agissant de l'IPSN, je ne pense pas que cet institut soit menacé parce qu'il serait aux mains d'un ministre anti-nucléaire. Je passe sur la mise en cause de ma loyauté et de mes capacités en tant que ministre de l'environnement, pour rappeler simplement que la direction de la sûreté nucléaire est déjà sous la tutelle du ministre de l'environnement. Or je n'ai pas, à cet égard, connaissance de dysfonctionnements qui seraient liés à mon activité ou à ma personne.
Je vous signale en outre que je suis également contre les pollutions industrielles et que cela ne m'a pas empêchée de renforcer sensiblement les moyens humains et financiers de l'INERIS, l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, ce qui a, au demeurant, permis d'accroître la crédibilité de cet organisme, dans le fonctionnement duquel je ne suis absolument pas intervenue.
M. le président. Madame le ministre, croyez bien que vous bénéficierez de tout le temps que vous jugerez nécessaire pour répondre aux différents intervenants.
D'ailleurs, tout à l'heure, lors de l'examen des crédits de l'aménagement du territoire, je vous ai laissée parler pendant trente minutes, alors que la conférence des présidents ne vous en avait attribué que vingt. Auriez-vous estimé qu'il vous en fallait quarante pour vous exprimer, je vous les aurais volontiers accordées !
Ne vous inquiétez donc pas : les sénateurs ne sont pas de vieux grognons, et ils sont à l'écoute ! (Sourires.)
La parole est à M. Bizet, rapporteur pour avis.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ferai trois remarques d'ordre général, puis j'orienterai mes questions sur certains aspects spécifiques des politiques d'intervention du ministère.
Les crédits demandés au titre de l'environnement pour 2001 s'élèvent à 4,19 milliards de francs, enregistrant ainsi une progression de 9 % par rapport à 1999, ce qui atteste la priorité reconnue à la protection de l'environnement par le Gouvernement.
Il faut toutefois souligner que cette forte croissance résulte principalement d'une extension du champ de compétences du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, en raison de la co-tutelle qu'il va exercer sur l'Institut de protection et de sûreté nucléaire, lequel relevait jusqu'à présent du seul secrétariat à l'industrie.
De plus, votre volonté, madame la ministre, d'être à la tête d'un ministère régalien et de plein exercice se traduit par la création de structures nouvelles au sein de l'administration centrale et par la poursuite d'un important mouvement de créations d'emplois, amorcé voilà trois ans.
Cette multiplication des structures au sein de l'administration centrale du ministère pourrait, à mon sens, entraîner quelques chevauchements de compétences, notamment entre l'inspection générale de l'environnement et la direction des études économiques et de l'évaluation environnementale, auxquels il conviendra de veiller.
Par ailleurs, je m'interroge sur la pertinence d'un institut de formation pour l'environnement, aux contours encore très flous mais qui disposera dès 2001 de moyens budgétaires et de personnel.
S'agissant de l'important mouvement de créations de postes proposé pour la troisième année consécutive, et qui porte à 30 % l'augmentation des effectifs depuis quatre ans, votre rapporteur pour avis s'inquiète une fois encore du poids représenté par les dépenses d'administration générale et regrette que l'on ne procède pas plutôt par redéploiement ou transfert.
Plus généralement, ce renforcement ne se justifie pas, car la préoccupation environnementale doit être prise en compte par chaque ministère.
En ce qui concerne les politiques d'intervention du ministère, elles sont simplement reconduites ou confortées ; mais une opération vérité est menée sur les crédits de l'ADEME : le budget de l'agence passe de 1,87 milliard de francs à 663,2 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement.
Selon vos explications, madame la ministre, il s'agit d'un ajustement technique pour respecter une stricte orthodoxie budgétaire entre autorisations de programme et crédits de paiement. Et, avez-vous ajouté, compte-tenu ds reports de crédits et de la trésorerie de l'ADEME, cette opération ne remettra pas en cause les capacités d'intervention de celle-ci, notamment pour le traitement des déchets.
Je prends acte de cette remise en ordre technique en souhaitant effectivement que, sur des bases budgétaires clarifiées, l'ADEME joue pleinement son rôle auprès des collectivités locales.
Les questions que je souhaite poser, madame la ministre, à l'occasion de l'examen de votre budget, sont dictées par l'actualité de ces jours derniers mais la dernière, plus générale, portera sur les relations entre l'Etat et les collectivités locales en matière de protection de l'environnement.
Vous avez présidé la délégation française lors des négociations de la conférence de La Haye. Malgré le constat de désaccord, la lutte contre le réchauffement climatique doit rester une priorité nationale. Je note avec satisfaction que le secteur du bâtiment s'engage à y participer et je ne ferai que citer le décret et l'arrêté du 30 novembre 2000 relatifs à la nouvelle réglementation thermique dans la construction ainsi que l'engagement de la filière construction-immobilier pour le renouvellement de l'existant, engagement d'ailleurs soutenu par l'ADEME.
S'agissant des transports, secteur également stratégique, où en sont, madame la ministre, les textes d'application de la loi du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie en ce qui concerne les plans de protection de l'atmosphère, les biocarburants et l'usage de ceux-ci dans les flottes captives ?
Tous ces textes auraient dû être pris il y a plusieurs mois. Il est désormais urgent de les publier, car ce sont des moyens d'action incontournables dans la lutte contre l'effet de serre.
S'agissant de l'application de l'écotaxe aux consommations intermédiaires d'énergie, je rappellerai que le dispositif consiste à taxer les entreprises selon le nombre de tonnes d'équivalent pétrole consommées.
Compte tenu des exclusions décidées - activités agricoles, piscicoles et halieutiques, secteur des transports - et du seuil fixé, à savoir les entreprises consommant plus de 100 tonnes d'équivalent pétrole par an, 40 000 entreprises sont concernées, sur un total de 2,8 millions.
Néanmoins, pour préserver la compétitivité de l'industrie française - mais cela est paradoxal d'un strict point de vue écologique - les entreprises les plus consommatrices d'énergie bénéficient d'abattements accompagnés d'engagements de réduction quantifiés sur cinq ans.
En 2001, les abattements pratiqués sont d'autant plus élevés que le ratio de consommation d'énergie est important : ils peuvent aller jusqu'à 95 %.
Outre sa très grande complexité, ce nouveau compartiment de la TGAP aggrave le poids de la fiscalité française sur l'énergie, qui est déja parmi les plus élevées d'Europe.
Le traitement spécifique pratiqué pour les plus grosses entreprises consommatrices instaure un système à double vitesse et rompt le principe d'égalité devant l'impôt, sans justification fondée en termes de protection de l'environnement.
Enfin, les seuils retenus et les taux pratiqués vont pénaliser nombre de petites et moyennes entreprises, notamment dans l'industrie mécanique ou le textile, qui sont très exposées à la concurrence internationale.
Les réactions du secteur industriel, les critiques du Conseil d'Etat, et la franche hostilité de nos collègues députés de la majorité gouvernementale vont dans le même sens que la position de la commission des affaires économiques.
Pouvez-vous, madame la ministre, nous tenir informés des modifications envisagées sur cette taxe ?
Enfin, je voudrais conclure mon intervention en attirant votre attention sur les difficultés rencontrées par les collectivités locales en matière d'environnement lorsque l'Etat ne remplit pas son rôle.
Ainsi, en matière de prévention des risques naturels, l'action du ministère porte sur la connaissance des risques naturels, la surveillance, l'information, la sensibilisation des élus et la prise en compte de ces risques dans l'aménagement.
Or il apparaît que, faute de moyens financiers suffisants, l'Etat n'assure pas pleinement cette compétence, notamment dans le cadre de la révision des plans d'occupation des sols. A défaut d'obtenir les études adéquates financées par des crédits d'Etat déconcentrés, la commune doit les financer elle-même ou mentionner seulement l'éventualité d'un risque, ce qui peut être source de grande incertitude juridique à l'occasion d'une mutation immobilière. Cette situation n'est pas acceptable, mais on peut craindre qu'elle ne perdure compte tenu du montant des crédits inscrits pour 2001.
A quel rythme, madame la ministre, la cartographie des risques naturels sera-t-elle achevée pour l'ensemble du territoire national ?
Le manque de moyens de l'Etat est également gravement préjudiciable pour les collectivités locales s'agissant de la mise en place des périmètres de protection des points de captage d'eau.
La loi du 16 décembre 1964 puis celle du 3 janvier 1992 ont généralisé cette obligation de protection à tous les captages. Or l'enquête de la direction générale de la santé et de la direction de l'eau menée en 1997 montre que seuls 40 % des captages bénéficient d'une déclaration d'utilité publique et que 32 % des captages n'ont fait l'objet d'aucune démarche.
La complexité des procédures, l'insuffisance des moyens mis en oeuvre par l'Etat, le coût des expropriations et la multiplication des procédures contentieuses sont autant de raisons avancées. Mais les retards accumulés sont dramatiques du point de vue de l'environnement puisque, sans périmètre de protection, les maires ne peuvent pas adopter de mesures réglementaires préventives pour protéger la ressource en eau potable. In fine, leur responsabilité pourrait être également mise en jeu du fait de la carence de l'Etat.
Quelles sont donc les mesures envisagées, madame la ministre, pour remédier à cette situation dans le futur projet de loi sur l'eau ?
En conclusion, j'indiquerai que la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'environnement inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Dupont, rapporteur pour avis.
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne m'attarderai pas très longtemps sur l'analyse des crédits du ministère de l'environnement pour 2001, qu'ont parfaitement décrits mes collègues Philippe Adnot et Jean Bizet. Je dirai simplement que je rejoins leurs conclusions.
Sans entrer dans une analyse détaillée, je constate que les crédits consacrés au « soutien des politiques environnementales », c'est-à-dire aux structures administratives, enregistrent une progression - de (23 %) - trois ou quatre fois supérieure à celle des crédits qui sont affectés à la protection de l'eau ou à la prévention des pollutions et des risques.
Cette progression des crédits consacrés aux structures administratives, qui s'accompagne de la création de trois cents emplois budgétaires, traduit l'une des priorités de votre action, madame la ministre, qui est de transformer votre ministère en ministère de « plein exercice ».
Je m'interroge, pour ma part, sur l'opportunité d'un gonflement aussi marqué des effectifs et des moyens administratifs de l'environnement, dans un contexte national plutôt marqué par le souci d'économie budgétaire et de maîtrise de l'emploi public. La défense de l'environnement touche aujourd'hui à des domaines très variés. Ne convient-il pas de l'intégrer aux différentes politiques concernées par un renforcement de la coordination ministérielle plutôt que de risquer de développer une situation de concurrence qui pourrait être source de difficultés ?
Dans ce contexte budgétaire, qui n'est pas marqué par la rigueur, les crédits consacrés à la protection de la nature, des sites et des paysages sont, à peu de chose près, reconduits au même niveau qu'en 2000, alors que ces espaces ont été durement touchés par les tempêtes de décembre 1999 et, pour certains d'entre eux, par le nauffrage de l' Erika.
Cela sera-t-il suffisant pour faire face dans de bonnes conditions aux travaux de restauration et de réhabilitation nécessaires ?
Les sites du Conservatoire du littoral ont été sévèrement affectés par les tempêtes et par la marée noire. Le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 28 févier 2000 avait décidé de leur affecter 40 millions de francs sur deux années : les 30 millions de francs qui leur ont été versés au titre de l'exercice 2000 devaient être complétés par un versement de 10 millions de francs en 2001.
Or le projet de budget pour 2001 n'accorde au conservatoire que 7 millions de francs supplémentaires par rapport aux crédits votés en 2000. Le financement des travaux de réhabilitation devra-t-il être partiellement assuré par une ponction sur le budget d'investissement du conservatoire et par un abondement des crédits non reconductibles, ainsi qu'on dit pudiquement, comme les années passées ? Est-ce bien leur fonction que d'alimenter de façon pérenne un budget qui devrait, dans le strict cadre budgétaire, trouver les moyens nécessaires et suffisants ? Cette diminution des crédits d'investissement ne risque-t-elle pas de freiner le conservatoire dans sa progression vers l'objectif qui lui a été fixé de protéger le tiers du littoral français ?
Enfin, l'extension des responsabilités du conservatoire n'impose-t-elle pas une adaptation de ses structures et de ses moyens ? M. le Pensec, qui, je crois, est chargé de mission, saura, j'en suis sûr, éclairer le sujet ; il est, chacun le sait, un très bon connaisseur du conservatoire.
Les parcs nationaux sont, en revanche, mieux traités : ils bénéficient de la création de seize emplois nouveaux ; leurs crédits de fonctionnement s'élèvent à plus de 147 millions de francs, soit une hausse de près de 9 %, et leurs crédits de paiement à près de 51 millions de francs, soit une hausse de 8 %.
D'après les chiffres qui m'ont été communiqués, des crédits importants - 11 millions de francs de crédits de paiement et 17 millions de francs en autorisations de programme - sont en outre consacrés aux parcs nationaux actuellement à l'étude : le projet de parc national de la forêt tropicale de Guyane, le projet de parc national marin de Corse et le projet de parc marin de la mer d'Iroise. Or ces projets donnent l'impression de marquer le pas.
Pourriez-vous nous préciser, madame la ministre, les intentions du Gouvernement quant à la réalisation de ces projets et nous indiquer les conclusions que vous tirez des consultations préalables aux créations des parcs marins de Corse et de la mer d'Iroise qui se sont achevées ces derniers mois ? Pensez-vous que les dispositions de la loi de 1960 qui régit les parcs nationaux devraient faire l'objet d'une réactualisation de façon, notamment, à mieux prendre en compte la dimension maritime des nouveaux projets ?
Les crédits consacrés aux réserves naturelles ne connaissent qu'une très légère progression en crédits de paiement et leurs autorisations de programme sont reconduites au même niveau qu'en 2000.
Ne sera-t-il pas difficile, dans ces conditions, d'assurer la création des cinq réserves naturelles prévues en 2000 et celle des sept réserves supplémentaires envisagées en 2001 ? D'autant que ces crédits devront également permettre de faire face aux dégâts occasionnés par les tempêtes de décembre 1999.
Dans mon rapport écrit, j'ai traité sous un angle général les problèmes posés par ces tempêtes. Par leur violence inouïe et par l'étendue exceptionnelle des dégâts qu'elles ont provoqués, celles-ci ont constitué l'un des événements marquants de l'année et soulèvent de très nombreuses questions. Dans quelle mesure le ministère de l'environnement, qui vient de se doter d'une nouvelle direction des études économiques et de l'évaluation des politiques environnementales, sera-t-il associé à la réflexion que celles-ci suscitent dans des domaines très variés ?
Les tempêtes ont d'abord mis en relief une certaine inadaptation de nos systèmes d'alerte. Ceux-ci n'ont anticipé qu'assez tardivement l'intensité des ouragans qui se préparaient et n'ont pu donner en temps utile les informations et les consignes de sécurité nécessaires.
Les tempêtes ont montré la vulnérabilité et l'interdépendance et nos réseaux de transport, de télécommunication et d'alimentation électrique.
Le caractère stratégique du réseau électrique invitera sans doute à reposer le problème de l'enfouissement des lignes électriques selon un angle complémentaire de celui de la protection des paysages. Il conviendra sans doute aussi de réfléchir aux contraintes de fiabilité et de permanence que l'Etat devra imposer aux opérateurs privés de télécommunications, dans le respect de la logique commerciale et concurrentielle qui est la leur.
Notre dispositif de gestion de crises a également montré ses faiblesses et il convient de mener une réflexion sur la pertinence des niveaux d'intervention et sur le maillage des territoires : il faut disposer d'un échelon assez vaste, comme les zones de défense, sans pour autant dépouiller les services de proximité qui ont fait la preuve de leur efficacité, comme les centres de première intervention.
Il faut également tirer les conséquences de la décentralisation et mieux associer les élus locaux à la préparation et à la mise en oeuvre des dispositifs de gestion de crise. En outre, l'insuffisance des moyens d'intervention du secteur public impose de s'appuyer davantage sur le secteur privé et d'assouplir certaines procédures en matière de réquisition ou de passation de marchés publics.
Enfin, les tempêtes ont fortement marqué la forêt française puisque 140 millions de mètres cubes de bois ont été mis à terre, alors que, jusqu'à présent, les chablis n'avaient jamais dépassé les 20 millions de mètres cubes. Ces dégâts auront une repercussion durable sur les paysages mais, d'après les spécialistes, ils ne devraient pas remettre en cause la progression séculaire de la forêt.
En revanche, ils auront un effet brutal sur l'économie forestière, qu'il s'agisse du domaine de l'Etat ou des particuliers. Aucune des mesures adoptées dans le plan national pour la forêt ne prévoit une indemnisation directe de ces derniers, car les forêts sont, en principe, assurables. Or, en pratique, elles sont très rarement assurées, pour des raisons qui tiennent aux caractéristiques de l'investissement forestier. Cette situation risque d'ailleurs de s'aggraver au lendemain des tempêtes et il semblerait que certains assureurs envisagent de se retirer de cette branche d'activité.
Le problème n'est pas uniquement économique : une multiplication des insectes xylophages sur les parcelles qui n'auront pas été déblayées par leurs propriétaires aurait naturellement une incidence écologique sur la santé des forêts.
Je souhaite également dire un mot sur le petit patrimoine rural non protégé. Celui-ci a été durement affecté par les tempêtes, et le Gouvernement a dégagé des enveloppes financières significatives pour encourager leurs propriétaires à le restaurer. Ces mesures suffiront-elles ? Je n'en suis pas sûr, car ce petit patrimoine n'a plus de valeur fonctionnelle pour ses propriétaires. Il convient, cependant, d'assurer sa sauvegarde, car il appartient au paysage dans lequel il s'insère depuis des générations.
Madame la ministre, ces questions s'éloignent en apparence de notre discussion budgétaire, mais elles touchent à des problèmes importants et doivent susciter une réflexion à laquelle il est indispensable que votre ministère soit associé. Vous avez d'ailleurs souhaité le doter d'une nouvelle direction chargée, notamment, de la prise en compte de l'environnement dans l'élaboration des politiques publiques, et je souhaiterais connaître les points de vue que vous ferez valoir dans ces discussions.
Ma dernière question concerne la commission française du développement durable, à laquelle j'appartiens depuis sa création. Après une première réunion sous votre ministère à laquelle j'ai participé voilà environ un an, je n'en ai plus eu de nouvelle. Je pense qu'elle existe encore... Où en sont ses travaux. Ont-ils pu vous servir à la conférence de La Haye et quelles en sont des grandes lignes ?
En conclusion, je rejoins les appréciations portées par les autres rapporteurs sur la « vraie fausse » augmentation des crédits de l'environnement.
La commission des affaires culturelles a donc émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'environnement inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. En réponse à M. Bizet, je dirai tout d'abord quelques mots à propos de l'Institut de formation pour l'environnement.
Il s'agit, pour l'essentiel, de faire travailler en réseau des outils qui existent dans le domaine de la formation des personnels du ministère. A l'heure actuelle, cela concerne principalement l'école de formation des gardes-chasse, des gardes-pêche et des agents techniques des parcs nationaux. Mais, demain, grâce à cet institut, nous pourrons élargir nos capacités de formation non seulement pour les agents de catégorie A du ministère de l'environnement, mais également pour les agents des autres ministères qui ont à connaître ou qui ont à piloter sur le terrain des politiques du ministère de l'environnement.
Lorsque nous cherchons à recruter des fonctionnaires, nous sommes souvent surpris de constater que les formations initiales et continues tiennent relativement peu compte de la dimension environnementale, même si je dois, pour être honnête, citer les efforts très importants qui ont été accomplis par exemple, par l'Ecole nationale des ponts et chaussées, qui intègre complètement cette préoccupation dès l'entrée des futurs ingénieurs à l'école.
S'agissant des textes d'application de la loi du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie, je voudrais rappeler que vingt-sept décrets d'application étaient prévus. A ce jour, quinze ont été publiés, le plus récent étant le décret du 30 novembre 2000 relatif à la nouvelle réglementation thermique des bâtiments. Huit décrets sont très avancés et seront publiés dans les semaines à venir. Vous savez que la plupart de ces décrets supposent une intense mobilisation interministérielle.
Ainsi, en ce qui concerne les plans de protection de l'atmosphère, le projet de décret, après la concertation interministérielle rituelle, devait recueillir l'avis du conseil supérieur des installations classées - c'est fait, et cet avis est favorable - puis il doit être soumis au conseil supérieur d'hygiène publique de France, qui doit rendre son avis en janvier prochain ; ensuite, le Conseil d'Etat sera, bien sûr, saisi pour une publication de ce décret au premier semestre de 2001.
Je ne « listerai » pas tous les décrets. Certains d'entre eux posent, en effet, des problèmes relativement lourds. Je pense, par exemple, aux décrets concernant les caractéristiques des carburants, pour lesquels nous devons travailler au niveau communautaire, notamment dans le cadre du programme Auto-Oil.
Vous avez, après M. Adnot, évoqué la TGAP « énergie », en soulignant, à juste titre, le paradoxe, du point de vue écologique, qui résulte du mécanisme d'abattements proposé pour les entreprises les plus consommatrices d'énergie. Il s'agit d'un dispositif complexe, qui a fait l'objet d'une large concertation. Je souhaite qu'on en reste à ce qui est, pour moi, l'essentiel, à savoir un dispositif visant à dissuader des comportements irresponsables du point de vue de l'environnement et à encourager les entreprises à investir pour se doter des meilleures technologies disponibles, pour réduire à la fois leur consommation d'énergie, de matières premières et l'impact de celle-ci sur les milieux.
En ce qui concerne la cartographie des risques naturels, je suis très heureuse de la question que vous m'avez posée, car cette politique correspond à la priorité de mon ministère pour cette année. Nous avons doublé, vous le savez, depuis trois ans les moyens financiers qui sont consacrés à l'élaboration des plans de prévention des risques et à la cartographie des risques naturels. Nous souffrons encore d'une attention trop insuffisante de la part de nombreux élus. Nous n'avons pas réussi, par exemple, à obtenir de la plupart des présidents de conseil régional qu'ils inscrivent cette politique de prévention des risques naturels dans les contrats de plan au niveau souhaité.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. Neuf millions de francs, c'est insuffisant !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. C'est, en effet, insuffisant. Cependant, nous avons 75 millions de francs en 2000 et 79 millions de francs en 2001 pour l'élaboration de ces plans. C'est donc considérable. Cela devrait nous permettre de respecter notre objectif, à savoir que 5 000 communes, soient dotées d'un PPR en 2005. Le travail avance, mais il est considérable.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. Cela ne concerne que 5 000 communes sur un total de plus de 36 000 !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Pas sur 36 000 communes, mais sur les 10 000 qui sont exposées à un risque naturel, qui est souvent, mais pas exclusivement, un risque d'inondation. Les communes des Antilles sont très concernées par le risque sismique et les communes de montagne par le risque d'avalanche ou de glissement de terrain. Toutefois, dans 80 % des cas, il s'agit en effet de risques d'inondation.
Les communes les plus exposées à un risque naturel devraient être couvertes en 2005.
Cela étant dit, je partage tout à fait votre analyse, monsieur le rapporteur pour avis, nous devons forcer les réticences, les résistances des élus, des préfets, des administrations. Cette politique doit nous permettre et de protéger des biens et des personnes et d'engager des stratégies permettant de réduire les coûts de ces catastrophes naturelles.
J'en viens aux périmètres de protection des points de captage d'eau. Elle est, là encore, indispensable et urgente non pas tant pour lutter contre les pollutions classiques de la ressource en eau que pour permettre de prendre des mesures d'urgence en cas de pollution accidentelle. Toutefois, je rappelle que l'élaboration de ces périmètres relève non pas de la responsabilité de l'Etat, mais de la responsabilité des collectivités bénéficiaires de la déclaration d'utilité publique, qui reçoivent des subventions en provenance du Fonds national pour le développement des adductions d'eau, des agences de l'eau ou des conseils généraux. Je ne suis pas certaine que ce soit le manque de moyens financiers qui explique les retards constatés sur le terrain. Je pense plutôt à un désengagement non seulement des collectivités mais aussi, peut-être, des services déconcentrés de l'Etat. Je ne suis pas du tout hostile à l'idée que nous les mobilisions à nouveau.
S'agissant de la politique des sites et des paysages... Je me rends compte que j'ai déjà épuisé les cinq minutes qui m'étaient imparties... Je souhaiterais simplement préciser à M. Ambroise Dupont que l'essentiel des efforts concédés par les pouvoirs publics à la suite des tempêtes de 1999 ne figurent pas dans le projet de loi de finances pour 2001. En effet, les moyens nécessaires ont été dégagés en urgence dans le collectif de l'année 2000. Le Conservatoire du littoral, les parcs nationaux et les réserves naturelles ont tous bénéficié en urgence de moyens pour faire face à ces tempêtes.
Depuis trois ans, nous avons augmenté très fortement les crédits de la politique de la nature, des sites et des paysages. C'est après trois années de progression qu'il a été décidé non pas de revenir en arrière mais de consolider les acquis, en donnant cette année la priorité à la prévention des risques - j'ai déjà évoqué ce point - à la prévention des nuisances, notamment le bruit, qui fait l'objet d'une mesure nouvelle, consolidée cette année, de 100 millions de francs, et au renforcement de l'armature du ministère.
Vous êtes, comme tous les Français, de plus en plus exigeants quant à la conception, au suivi et à l'évaluation des politiques. Il était temps de renforcer nos moyens en administration centrale, avec le renforcement de la nouvelle direction des études économiques et de l'évaluation environnementale, et dans les DIREN, les directions régionales de l'environnement, lesquelles ont bénéficié cette année de la plus grande partie des postes qui ont été créés.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)