SEANCE DU 5 DECEMBRE 2000


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'environnement.
Nous allons passer aux questions.
Je vous rappelle que les orateurs interviendront pour une durée limitée à cinq minutes.
Selon la décision de la conférence des présidents, et en accord avec le Gouvernement, la réponse de Mme le ministre est limitée à trois minutes.
Chaque orateur disposera d'un droit de réplique de deux minutes au maximum.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, MM. les rapporteurs se sont livrés à une analyse détaillée de la structure de ce projet de budget de l'environnement pour 2001. Je n'y reviendrai donc pas, partageant tout à fait leurs commentaires sur ses aspects tant positifs que négatifs.
Au-delà du strict cadre budgétaire, je souhaite vous interroger ou attirer votre attention, madame le ministre, sur trois points.
Le premier concerne la politique de traitement des déchets. La succession des modifications d'ordre économique et fiscal intervenues depuis le 1er janvier 1999 ont compliqué, voire retardé, les décisions d'investissements d'un certain nombre de collectivités locales.
L'an dernier, j'avais salué l'abaissement du taux de TVA à 5,5 % sur la collecte sélective et la revalorisation des barèmes d'Eco-Emballages. Malheureusement, les effets positifs de ces mesures avaient été annulés en partie par la décision unilatérale de l'ADEME, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, de diminuer de 38 % son taux d'intervention. Cette décision avait été d'autant plus mal ressentie par les collectivités locales que la fusion des cinq taxes gérées par l'ADEME dans la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, s'était accompagnée d'une forte augmentation du produit de ces taxes qui ne leur avaient pas profité.
Succédant à cette série de mesures aux effets contradictoires, la remise en ordre des dotations de l'ADEME dans le projet de budget pour 2001 ne contribue pas à éclaicir le débat. Non seulement les autorisations de programme ne retrouvent pas le niveau atteint en 2000, mais le montant des crédits de paiement fait l'objet d'un réajustement à la baisse drastique.
Même si vos explications sont rigoureuses, madame la ministre, on peut craindre que les collectivités locales n'en fassent les frais alors que leurs besoins d'investissements restent importants pour atteindre l'échéance 2002. Quelles assurances pouvez-vous leur donner, madame la ministre, quant aux objectifs poursuivis et aux aides qu'elles pourront obtenir ? Où en est la révision des plans départementaux d'élimination des déchets ? De nombreuses questions et attentes demeurent encore ; un bilan détaillé s'impose.
Je dirai un mot également sur le sort des boues résiduelles des stations d'épuration. L'an dernier, j'avais attiré votre attention sur les intérêts divergents des collectivités territoriales et des agriculteurs sur l'épandage agricole. Le résultat de cette opposition a été la concentration des rejets sur certains sites, ce qui n'est en aucun cas satisfaisant. Le problème est loin d'être réglé aujourd'hui. J'en veux pour preuve le département de la Haute-Saône qui accueille les boues de stations d'épuration de départements voisins. Quelles mesures ont été prises pour remédier à ces situations ?
Madame la ministre, l'action en faveur de l'environnement ne se limite pas à dénoncer les activités nuisibles, à lutter contre les pollutions, à créer une police écologique : elle doit aussi s'attacher à valoriser et à faire connaître les richesses naturelles de notre pays.
Il est un deuxième point sur lequel j'aimerais attirer votre attention : le développement de l'écotourisme.
Il existe aujourd'hui une clientèle touristique urbaine nombreuse, en particulier européenne, à la recherche des grands espaces, d'authenticité et de repos. L'écotourisme répond à cette évolution de la société et aux nouvelles aspirations.
Les initiatives et les projets locaux ne manquent pas : la qualité de l'accueil, de l'hébergement, de l'animation s'est considérablement améliorée, grâce à la mobilisation de ses acteurs. Pierre angulaire du tourisme vert, les gîtes ruraux connaissent un succès croissant et ont su se hisser au niveau des exigences de confort et de modernité de la clientèle.
Certains professionnels ont développé des projets d'écovillages, avec pratique du sport, énergie solaire, architecture paysagère, traitement des déchets, découverte de la nature, ferme biologique.
Ce tourisme vert doit aujourd'hui se structurer, dans le respect de son authenticité et de la nature, en identifiant, en conquérant des clientèles diverses et en trouvant des partenariats.
Mais le développement du tourisme vert dépend étroitement de la conjonction d'investissements publics et privés : valorisation de sites naturels pouvant constituer des points d'ancrage, préservation des paysages, aménagement de lieux culturels, réhabilitation de l'habitat ancien et de villages, remise en navigation des rivières anciennement éclusées et jadis naviguées.
Certaines de ces actions relèvent directement de votre département ministériel, madame la ministre, aussi bien au titre de l'aménagement du territoire que de l'environnement. Je laisse cela à votre réflexion !
Enfin, mon dernier point concerne l'application de la loi pêche de 1984 et de la loi sur l'eau de 1992, au travers notamment de la circulaire du 24 décembre 1999, relative à l'autorisation administrative de vidange d'étangs. Il semble que celle-ci pose quelques difficultés aux exploitants d'étangs, particulièrement dans le si beau pays des Mille étangs en Haute-Saône, en raison de la lourdeur des procédures, de la définition non clairement établie entre eaux libres et eaux closes, de l'appréciation difficile des critères relatifs aux étapes de production piscicole. Madame la ministre, vous avez demandé à vos services de préparer un complément à la circulaire afin de répondre à ces questions. Ne pensez-vous pas nécessaire de reporter d'un an la date butoir du 1er janvier 2001 fixée par le décret du 27 août 1999 pour la déclaration des enclos piscicoles ? (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, ne disposant que de trois minutes pour répondre à quatre questions, je serai très directe !
J'aborderai tout d'abord l'état d'avancement des plans départementaux d'élimination des déchets ménagers : à la fin de l'an 2000, quatre-vingt-cinq départements ont des plans approuvés, dont quinze ont été révisés. Dans huit départements, le plan a été annulé par les tribunaux, ce qui nous conduit à reprendre notre copie. La démarche de planification n'a pas encore abouti dans sept départements. Le conseil général a pris la compétence de la conduite du plan dans dix départements.
Les orientations qui se dégagent de l'analyse des quinze plans révisés sont les suivantes : une prise en compte plus complète des déchets industriels banaux, une meilleure estimation des gisements, du synoptique de gestion des flux de déchets et des performances des installations, un fort développement du recyclage matière et du recyclage organique dans plusieurs de ces plans et un développement de stratégie de réduction des déchets à la source.
Monsieur le sénateur, nous avons cherché, vous le savez, à maîtriser les coûts de traitement des ordures ménagères. L'étude réalisée par l'Association des maires de France, voilà un an, montre que, en dépit de la révision des barèmes d'intervention de l'ADEME et des pourcentages de subventions, le coût de traitement à la tonne des déchets ménagers a baissé depuis 1997.
Concernant les départements ruraux, je partage tout à fait votre analyse, monsieur le sénateur : nous pouvons nous passer d'incinérateurs quand une stratégie bien conduite est mise en place et accompagnée par les acteurs locaux.
Je pointerai simplement la gêne que constitue le fait que la valorisation biologique des déchets reste une voie encore insuffisamment développée et que la réaction des populations se manifeste souvent de façon aussi vigoureuse devant des sites de stockage de déchets ultimes bien gérés et bien surveillés qu'à l'encontre d'incinérateurs surdimensionnés.
Une circulaire en cours de préparation exposera les grandes lignes de la politique que je souhaite mettre en oeuvre dans le domaine de la valorisation biologique des déchets pour permettre de limiter encore les tonnages à éliminer par d'autres voies.
L'épandage des boues d'épuration urbaine reste une bonne voie de valorisation des sous-produits de l'assainissement. L'épandage en agriculture reste sans doute le meilleur débouché pour ces boues du point de vue tant de l'économie que de l'environnement. La nouvelle réglementation qui a été mise en place en décembre 1997 offre des garanties de qualité des boues, de traçabilité, d'organisation et de suivi des épandages.
Mais, en vue de prendre en compte les réticences persistantes s'exprimant dans le monde agricole, mon ministère a mis en place un groupe de travail associant les organisations professionnelles agricoles, la grande distribution, les différents services de l'Etat, les agences de l'eau, sans oublier les consommateurs. Ce groupe de travail a formulé des préconisations et défini les conditions permettant de rétablir la confiance entre l'ensemble des acteurs de la filière d'épandage agricole des boues.
L'idée, c'est, bien sûr, de respecter les conditions de qualité des boues et de mettre en place un dispositif assuranciel destiné à couvrir les risques éventuels courus par les agriculteurs, l'Etat ayant accepté d'apporter sa garantie en cas de constatation de dommages non couverts par le dispositif assuranciel.
Un colloque d'initiative parlementaire a eu lieu au mois de juillet, en présence de l'ensemble des partenaires. Il a permis de valider ce dispositif, qui devrait être concrétisé par une convention signée dans les prochaines semaines.
S'agissant du tourisme écologique, de l'écotourisme, je dirai rapidement que mon ministère croit beaucoup au tourisme de nature, et d'abord dans les espaces naturels protégés. Je rappelle qu'il y a eu cinq millions de visiteurs dans les sept parcs nationaux français, que, sur les 148 réserves naturelles créées, deux seulement sont fermées au public et que les autres ont accueilli plus de trois millions de visiteurs par an. Les partenariats avec la fédération des parcs naturels régionaux ont été nombreux et ont permis l'élaboration de produits touristiques spécifiques.
Je veux également citer les opérations « grands sites », qui permettent de maîtriser la fréquentation touristique sur les sites les plus prestigieux : la pointe du Raz, le cirque de Gavarnie, le pont du Gard, le saut du Doubs, etc. Ce sont des sites sur lesquels nous cherchons à accueillir, mais à accueillir sans détruire.
J'évoquerai également le travail important qui a été mené avec le secrétariat d'Etat au tourisme. Mme Demessine a fait du tourisme durable le point focal de la présidence française de l'Union européenne. Elle a organisé, à Lille, des assises du tourisme durable. Je précise d'ailleurs que son nouveau directeur de cabinet vient de la DATAR, où il suivait les questions de tourisme durable, Voilà, je pense, de quoi vous rassurer sur notre engagement !
S'agissant de la procédure de vidange des étangs...
Monsieur le président, je suis embêtée : soit je poursuis, au risque de dépasser le temps qui m'est imposé, soit j'assume le fait de ne pas répondre à toutes les questions.
M. le président. Madame le ministre, pour l'instant, je ne vous ai rien dit. Je vous invite donc à poursuivre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Concernant la procédure de vidange des étangs, le décret de 1993 avait fait apparaître la nécessité d'adapter certaines rubriques de la nomenclature de la loi sur l'eau relatives à la vidange des plans d'eau. Le décret du 27 août 1999 et la circulaire du 29 décembre 1999 ont été publiés après une longue concertation avec les représentants de la profession.
Vous me dites, monsieur Joly, que ces textes peuvent, dans certains cas, poser problème - problèmes de complexité, problèmes de coût. A ce jour, la profession ne s'est jamais plainte au ministère de l'environnement, mais je suis évidemment à votre disposition pour voir si l'on peut encore améliorer ce dispositif, qui permet déjà une réelle simplification de la procédure applicable aux vidanges.
M. Bernard Joly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Après vous avoir remerciée, madame la ministre, je vous demanderai simplement si l'on ne peut pas, malgré tout, envisager de retarder d'un an l'obligation de déclaration.
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette nouvelle procédure des questions ne va pas sans soulever bien des difficultés, notamment pour un budget de l'environnement par essence transversal dans ses missions.
Aussi, ma question de fond s'articule autour de deux grands thèmes, à savoir la politique énergétique de notre pays et la politique de l'eau, qui, comme le travail, les vacances, le logement, l'éducation, la santé, l'accès à l'information et à la communication, doivent être considérés comme ouvrant des droits imprescriptibles à nos concitoyens.
Au regard de la politique énergétique de notre pays, la réduction de 71,37 % des crédits de paiement de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie suscite bien des inquiétudes, même si j'ai bien pris note de votre réponse sur ce sujet quant au volume de la trésorerie de l'agence.
En effet, si les champs d'intervention de cette agence sont nombreux, ses missions sont fondamentales dans la conduite de la politique environnementale de notre pays.
Selon les informations que vous avez pu nous donner, madame la ministre, cette baisse des crédits de paiement résulterait des difficultés de mise en oeuvre des politiques de traitement des déchets et de maîtrise de l'énergie.
Toujours sur le terrain énergétique, nous estimons que le produit de la taxe générale sur les activités polluantes doit retourner intégralement à la lutte et à la prévention contre les pollutions.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Gérard Le Cam. Enfin, après l'échec de la conférence de La Haye, bien des interrogations reviennent sur la politique que notre pays pourrait conduire sur le plan mondial en matière de lutte contre l'effet de serre.
J'ai volontairement choisi ces trois points, madame la ministre, mes chers collègues, pour illustrer la nécessité dans laquelle nous sommes aujourd'hui d'associer la représentation nationale et, plus largement, nos concitoyens au débat sur la politique énergétique dans notre pays.
La non-utilisation des crédits de paiement de l'ADEME, le manque de lisibilité de la TGAP, l'échec de la conférence de La Haye donnent la mesure de l'écart entre les choix énergétiques et les potentialités réelles en matière de lutte contre l'effet de serre.
M. Alain Vasselle. Ça, c'est une critique en règle de la politique du Gouvernement, cela !
M. Gérard Le Cam. Pour ces motifs, madame la ministre, nous aimerions savoir quelles seront les modalités d'association de la représentation nationale et, plus largement, de nos concitoyens la politique énergétique de notre pays à moyen et à long terme.
Nous sommes dans l'attente, dans la toute prochaine période, d'un projet de loi relatif à l'eau. Différents acteurs de la majorité plurielle ont travaillé à la rédaction de propositions de loi sur l'eau et notre groupe a lui-même proposé la mise en place d'une agence nationale de l'eau.
Le manque de transparence de la politique de l'eau, le coût de l'eau, l'absence, au sein des collectivités locales, d'instruments d'expertise adaptés, justifient la mise en chantier d'un texte législatif sur l'eau.
Ma seconde question est directement liée à ce qui précède : quels seront les grands axes de la politique de l'eau que vous souhaitez conduire dans notre pays ? Ira-t-on vers la mise en place d'un instrument national et public en matière de gestion de la ressource, tout en maintenant le principe des agences de l'eau, dont le fonctionnement démocratique est apprécié de tous ?
M. Alain Vasselle. C'est dur d'appartenir à la majorité plurielle !
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je vous remercie, monsieur Le Cam, de votre invitation à traiter à la fois de la politique française de l'énergie et de la politique de l'eau en trois minutes ! Je vais essayer d'être brève.
Vous avez été nombreux à vous inquiéter au sujet des moyens de l'ADEME sur le long terme après la décision de budgétiser cinq des anciennes taxes qui étaient autrefois affectées à des politiques particulières et gérées par l'agence.
En fait, vous l'aurez noté, l'accumulation des crédits de trésorerie de l'ADEME n'a pas eu pour conséquence d'amputer la marge de manoeuvre de l'agence sur le terrain.
En revanche, l'affectation des taxes au budget général, avec la restitution par le budget des sommes nécessaires à la conduite des politiques, s'est accompagnée d'une plus grande souplesse pour l'agence, qui a pu procéder à une certaine miscibilité des fonds et financer les politiques en fonction des besoins réels constatés sur le terrain.
Je rappelle que l'ADEME s'occupe, outre la politique des déchets, des économies d'énergie, de la politique des sols pollués orphelins, de la pollution atmosphérique et du bruit, autant de politiques considérées comme essentielles par nos concitoyens, qui y voient l'occasion d'améliorer singulièrement leur qualité de vie. Autant de politiques qui sont également très riches en emplois - j'attire votre attention sur ce point. L'ADEME est un employeur non pas au vu de ses propres effectifs, mais grâce aux activités qu'elle génère sur le terrain.
Les 500 millions de francs que le Gouvernement a décidé de consacrer à la relance de la politique française de maîtrise de l'énergie et de diversification énergétique ont bel et bien été utilisés par l'ADEME. Ils seront complétés par les décisions qui vont être annoncées dans les jours à venir relatives au plan de maîtrise et d'efficacité énergétique, qui doit nous permettre, en complément du plan national de maîtrise des émissions de gaz à effet de serre, de satisfaire à nos engagements internationaux.
Cela dit, vous me trouverez toujours à vos côtés, monsieur Le Cam, pour demander un débat sur les grandes orientations de la politique énergétique de la France.
Je crois savoir que vous n'êtes pas d'accord avec moi sur le fond, mais que nous pouvons, en revanche, nous rejoindre sur la nécessité de recourir davantage, et en termes de recherche et en termes de politique concrète, à des énergies renouvelables. A ce sujet, j'attends beaucoup de la fixation à un niveau décent du prix de rachat des kilowattheures produits par des énergies renouvelables.
En ce qui concerne le projet de loi sur l'eau, là encore, les derniers arbitrages sont en passe d'être rendus. Ils devraient nous permettre de répondre à deux interrogations essentielles des Français : savoir exactement comment se compose le prix de l'eau ; comprendre les modalités de fixation de ce prix.
Le dialogue entre les collectivités responsables de l'organisation du service et les usagers doit être renforcé. Nous avions, vous le savez, envisagé la création d'un haut conseil du service public de l'eau et de l'assainissement par le biais d'un décret. Le Conseil d'Etat a considéré que cela relevait de la loi. Nous avons donc complété en ce sens le projet de loi que j'avais eu le plaisir de présenter, voilà quelques mois, aux parlementaires du groupe de travail sur l'eau.
Je veux encore insister sur le fait que nous souhaitons mieux appliquer le principe pollueur-payeur et le principe utilisateur-payeur, avec le souci de renoncer progressivement, par étapes, à des dispositifs qui rendaient le prix de l'eau complètement opaque, complètement injuste pour certaines catégories d'usagers.
Je rappelle que, si les usagers domestiques paient l'eau au prix fort, il n'en va pas de même d'un certain nombre d'autres catégories d'usagers, pour lesquelles des encouragements publics sont certes imaginables, mais ne devraient pas passer par un transfert de la charge sur les personnes les plus modestes.
M. Gérard Le Cam. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Madame la ministre, je vous remercie des éclaircissements que vous m'avez apportés, notamment au sujet de l'ADEME.
C'est vrai, il y a entre nous quelques divergences en matière énergétique. Vous le savez, nous sommes également favorables aux énergies renouvelables. Mais, dans l'état actuel des recherches, nous en connaissons les limites, et nous ne souhaitons donc pas, pour l'instant, diaboliser l'énergie nucléaire, même s'il est vrai qu'il reste à régler, y compris au niveau de la recherche, le problème complexe des déchets nucléaires.
Quant à la politique de l'eau, j'ose espérer que la prochaine loi sur l'eau sera l'occasion d'un débat fructueux entre nous, qui nous permettra de traiter au mieux et dans un souci d'égalité l'ensemble des Français au regard de cette question essentielle.
M. le président. La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult. Madame la ministre, votre projet de budget pour 2001 confirme l'ambition du Gouvernement dans le domaine de l'environnement. Je me félicite du renforcement important des moyens humains et financiers de votre ministère, qui permettra de poursuivre les actions déjà engagées et d'inscrire dans la continuité, pour la troisième année consécutive, un effort sensible en faveur de l'environnement, du développement durable et de notre cadre de vie.
Parmi les priorités affichées clairement dans ce budget, l'eau tient une place toute particulière. L'eau, sa préservation, sa gestion, la reconquête de la qualité des milieux, la lutte contre les pollutions figurent parmi les grands enjeux collectifs du xxie siècle.
Globalement, les moyens consacrés à la politique de l'eau sont renforcés dans le projet de loi pour 2001. Les crédits qui y sont affectés s'élèvent à 791 millions de francs, en progression de 3,5 % par rapport à 2000.
Je suis, madame la ministre, particulièrement attentif, de par mes responsabilités locales, à la redéfinition des moyens que l'Etat entend utiliser dans le domaine de la politique de l'eau et qui ne se limitent pas aux seuls crédits disponibles auprès de votre ministère.
Ces nouvelles orientations préfigurent le contenu du futur projet de loi sur l'eau, actuellement en préparation, et qui est attendu pour 2001.
A ce sujet, vous me permettrez quelques réflexions sur deux sujets qui sont au coeur de grands débats en cours : la réforme annoncée des agences de l'eau et du système des redevances dans le cadre du huitième programme ; les nouvelles modalités relatives à l'application du programme de mise aux normes des bâtiments d'élevage.
D'une manière générale, sur ces deux points, je partage votre souci de mobiliser et de protéger les ressources en eau par des investissements adaptés et pertinents, dans un cadre institutionnel rénové.
En 1999, le Gouvernement a décidé de mettre en place un dispositif de solidarité, le fonds national de solidarité pour l'eau, alimenté par le produit du prélèvement de solidarité pour l'eau versé par les agences ; 500 millions de francs seront de nouveaux versés par les six agences, au même titre qu'en 2000, pour répondre à une indispensable mission de péréquation.
Ce nouveau fonds n'a toutefois pas remis en cause l'existence du FNDAE, auquel les communes rurales demeurent très attachées et dont les moyens s'élèvent, en 2001, à 958 millions de francs.
Cependant, cette contribution des agences ne doit en aucun cas remettre en cause une incontournable et nécessaire territorialisation des actions à travers chacun des bassins.
Je compte, madame la ministre, sur votre vigilance pour éviter toute recentralisation trop importante, pour veiller au financement adéquat de la fin du septième programme et pour confirmer les moyens nécessaires à l'élaboration du huitième programme.
Le futur projet de loi sur l'eau devrait concilier l'impératif de solidarité nationale et la réponse aux spécificités et attentes de chaque agence. Un nécessaire dialogue avec cet outil d'aménagement, de gestion et de concertation, que beaucoup nous envient, doit être préservé dans l'intérêt général.
Enfin, pour terminer, je suis régulièrement interpellé, comme mes collègues, par les éleveurs de ma région concernant l'évolution du PMPOA, le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole.
D'une part, je m'inquiète, aujourd'hui, des capacités du secteur de l'élevage à concrétiser les engagements au titre du PMPOA, alors qu'il est frappé de plein fouet par la crise de l'ESB, et cela malgré le soutien continu des collectivités territoriales.
D'autre part, compte tenu de l'ampleur des sommes en jeu et sur la base d'un rapport d'évaluation technique, économique et financier, le Gouvernement a souhaité faire des propositions pour réformer le PMPOA et le rendre plus performant.
Nombre de professionnels s'inquiètent légitimement du contenu de cette réforme. Il est difficilement acceptable que la volonté de maîtrise des coûts de ce programme puisse se traduire par une baisse des taux de subvention et par une sélection plus sévère des élevages éligibles.
Comment, madame la ministre, comptez-vous prendre en compte au mieux ces attentes dans l'optique de la poursuite de ce programme de mise aux normes ? Enfin, au regard du futur projet de loi sur l'eau, comment entendez-vous assurer la transition avec le dispositif actuel, notamment pour les agences de l'eau ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, je voudrais d'abord vous apporter quelques éléments de réponse concernant le fonds national de solidarité pour l'eau, qui a été créé en 2000 et auquel les agences contribuent à hauteur de 500 millions de francs, affectés à un compte spécial du Trésor permettant de financer...
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. ... votre administration !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... des actions de solidarité interbassins.
Ces crédits ont été utilisés, à hauteur de 90 millions de francs, pour la restauration des rivières, afin de prévenir les inondations, dans le cadre du plan « risques » ; en outre, 70 millions de francs ont été consacrés à la réduction des pollutions diffuses d'origine agricole liées à l'usage excessif de pesticides et de nitrates, dans l'optique du plan national de prévention des pollutions dues aux produits phytosanitaires, et 42 millions de francs à l'assainissement outre-mer dans l'attente de la création d'offices de l'eau dans ces départements et territoires ; enfin, 32 millions de francs ont été alloués à la restauration des milieux dégradés par les activités minières passées ou par des pollutions industrielles anciennes affectant l'eau, 20 millions de francs l'ont été à des économies d'eau dans l'habitat social collectif, et 225 millions de francs à la promotion et à la restauration des zones humides, à des actions d'intérêt commun et à l'accumulation de données sur l'eau mettant en jeu des études et la collecte de connaissances. Au début du mois de septembre, plus de 440 millions de francs, sur un total de 500 millions de francs, avaient été ainsi engagés.
Si je vous inflige cette énumération, monsieur le sénateur, c'est pour vous montrer qu'il s'agit là de politiques d'intérêt général.
Vous savez que je me suis engagée auprès des agences à ne pas augmenter le prélèvement du fonds national de solidarité pour l'eau au-delà de ce qu'elles jugeaient raisonnable. La somme de un milliard de francs a été envisagée, mais, de toute façon, nous n'en sommes pas là pour 2001, puisque nous avons stabilisé le montant de cette contribution. Tout cela prouve que nous avons l'intention non pas de recentraliser, mais de mettre en commun des moyens pour financer des politiques d'intérêt général.
Tel est aussi l'état d'esprit dans lequel nous avons préparé le projet de loi devant permettre de rénover les lois de 1964 et de 1992.
Ainsi, il est bien prévu de renforcer le rôle du Parlement afin de permettre à celui-ci d'assumer sa mission, qui est d'encadrer les taux des redevances, d'en définir les assiettes et les critères de modulation et de déterminer les priorités d'intervention des programmes et le montant global qui pourrait leur être affecté. Le Gouvernement rendra compte au Parlement de l'état d'avancement de ce processus à l'occasion de l'examen de chaque projet de loi de finances.
En revanche, il n'est pas question de concevoir les politiques de l'eau et de les conduire sur le terrain à la place des agences, qui restent des outils tout à fait essentiels dans ce domaine.
S'agissant du PMPOA, nous avons souhaité l'année dernière dresser un bilan après cinq années d'application de ce programme. Une inspection interministérielle a mené à bien ce travail, qui s'est révélé assez difficile, en mettant l'accent sur les fragilités juridiques du programme, sur son coût insuffisamment maîtrisé et, surtout, sur la faiblesse des résultats environnementaux et du montant global des redevances versées aux agences par le secteur agricole.
A partir de ce bilan, les modalités de mise en oeuvre du programme ont été revues afin d'assurer une meilleure équité et une meilleure efficacité sur le plan environnemental. Le système actuel d'intégration des élevages par classes de taille décroissante sera progressivement remplacé par un système de priorités géographiques, qui permettra de concentrer les efforts sur les zones où la ressource en eau est la plus sensible ou la plus dégradée. Dans ces zones-là, tous les élevages, quelle que soit leur taille, seront intégrés. Mais pour assurer la transition avec le dispositif actuel, les élevages dont la mise aux normes était programmée entre 1994 et 1999 resteront éligibles aux aides publiques.
Ce nouveau dispositif est plus favorable aux petits élevages, qui n'étaient pas du tout intégrés au dispositif actuel et qui se trouveront ainsi éligibles dans les zones prioritaires. Les éleveurs pourront-ils faire face aux dépenses nécessaires ? Je crois pouvoir répondre à cette question par l'affirmative, monsieur le sénateur, car il s'agit, dans la grande majorité des cas, d'élevages porcins, secteur dans lequel les cours, qui étaient très bas voilà deux ans, ont remonté depuis, ce dont nous nous réjouissons. Il s'agit donc d'utiliser au mieux la « fenêtre de tir » qui est ouverte devant nous pour accélérer les travaux dans ces élevages porcins. En revanche, je partage votre inquiétude en ce qui concerne l'élevage bovin, et si des dispositifs particuliers devaient être mis en place, nous travaillerions en concertation avec vous pour les définir.
M. Paul Raoult. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Raoult. M. Paul Raoult. Madame la ministre, vos propos me rassurent quant aux prélèvements financiers opérés sur les agences. En effet, nous avons été contraints à des « coups d'accordéon » extrêmement dommageables s'agissant des programmations actuelles, dans la mesure où des promesses avaient été faites à propos d'un certain nombre d'actions d'assainissement en zone urbaine et en zone rurale. Ainsi, l'agence de l'eau Artois-Picardie rencontre des difficultés financières non négligeables, et il serait bon que l'on bloque le montant de ces prélèvements au niveau qu'il a atteint aujourd'hui.
En ce qui concerne le PMPOA, étant élu d'une région d'élevage bovin, je constate un certain nombre de difficultés, parce que beaucoup d'agriculteurs attendent les financements qui leur permettront de réaliser les travaux nécessaires.
Il ne faut pas oublier que nombre de ces éleveurs profitent en réalité de la mise aux normes des bâtiments d'élevage pour délocaliser leur exploitation. D'autres financements sont alors mobilisés, mais ils ne peuvent être consommés, parce que tout est bloqué dans l'attente de cette mise aux normes. Il faut donc absolument résoudre ce problème, car il y va du sort des éleveurs et de la continuité de leur action économique dans de nombreuses régions.
M. le président. La parole est à M. Lepeltier.
M. Serge Lepeltier. Madame la ministre, permettez-moi d'abord de formuler quelques observations générales, avant de vous interroger plus spécialement sur votre conception de la politique de relance de la maîtrise de l'énergie.
Vous nous présentez le présent projet de budget comme une preuve supplémentaire de votre volonté de faire que l'environnement relève d'un ministère de plein exercice. Etant très intéressé, comme vous le savez, par les questions environnementales, je devrais, a priori , me féliciter de cette ambition.
Mais, et vous le reconnaissez vous-même, on est encore loin du compte. En effet, le budget de l'environnement ne représente en France que 0,26 % seulement du budget global de l'Etat et reste l'un des plus faibles de l'Union européenne.
Surtout, il faut être attentif à ne pas confondre « bureaucratisation » de l'environnement et renforcement des actions en faveur de l'environnement. Or les dépenses de fonctionnement progressent au détriment des dépenses en capital, et les crédits consacrés à l'environnement au sein du budget général de l'Etat sont en régression de 12 %. En outre, de vrais enjeux environnementaux ne m'apparaissent pas suffisamment pris en compte : je pense ici en particulier à l'indispensable renforcement de la lutte contre les nuisances sonores.
J'en viens maintenant à la politique de maîtrise de l'énergie.
On peut d'abord s'interroger sur les raisons qui, au-delà de celles qui sont liées à la mise en place de la taxe générale sur les activités polluantes, expliquent l'écart considérable existant entre les prévisions budgétaires et les dépenses effectivement réalisées par l'ADEME. Cette question a été largement débattue et, pour résorber cet écart, vous nous proposez rien moins que de ramener les crédits de l'ADEME de 1,7 milliard de francs en 2000 à 500 millions de francs en 2001.
Vous l'avez dit, c'est peut-être nécessaire, mais c'est aussi pour le moins paradoxal alors que le Gouvernement affiche une volonté nouvelle de maîtrise de l'énergie. C'est en tout cas une source d'inquiétude à l'approche de l'annonce du programme d'efficacité énergétique : ce programme sera-t-il vraiment à la hauteur des enjeux ? Il vous a été demandé par le Premier ministre, dans l'urgence due à la hausse des prix pétroliers et à l'impasse dans laquelle se trouvait le Gouvernement en matière de politique environnementale à la suite de la décision de baisser le montant des taxes. Il est vrai qu'on était là en pleine contradiction par rapport à votre propre politique et aux annonces pluriannuelles qui avaient été faites.
Le programme gouvernemental de lutte contre le réchauffement climatique a été jugé de portée trop limitée et d'application trop lointaine. Il est donc essentiel que ce plan d'efficacité énergétique soit autre chose qu'un catalogue de mesures floues et imprécises.
Lors de la récente conférence de La Haye, la France s'est placée en pointe, grâce notamment au discours très engagé du Président de la République. Nous devons donc tout faire pour respecter les engagements que nous avons pris à Kyoto et pour conserver notre crédibilité vis-à-vis des pays en voie de développement.
Ce plan doit donc être un signe fort montrant la directive à suivre.
Les économies d'énergie mises en oeuvre au milieu des années soixante-dix avaient, on le sait, un objet économique : celui de nous rendre moins dépendants des pays producteurs de pétrole. Même si cela reste d'actualité - un récent Livre vert de la Commission européenne nous alerte d'ailleurs sur la dépendance énergétique croissante de l'Union européenne - les économies d'énergie doivent aujourd'hui concourir en outre à réduire la pollution.
L'efficacité énergétique passe bien évidemment par la prise de mesures significatives dans le secteur de l'habitat. Doit-on se contenter, à cet égard, du dispositif qu'a déjà annoncé, ce qui est étonnant, votre collègue chargé du logement ? Etes-vous en mesure d'influencer le Gouvernement afin d'obtenir d'autres avancées, certes, mais aussi et surtout les enveloppes financières nécessaires, qui semblent actuellement faire cruellement défaut ?
L'efficacité énergétique, c'est aussi le développement des énergies renouvelables, qui est souvent lié au prix de rachat de l'électricité ainsi produite par EDF ; c'est encore l'ensemble des soutiens à apporter aux collectivités locales, qui ont un rôle essentiel à jouer en ce domaine ; c'est enfin la mise en place d'une fiscalité environnementale réellement élaborée en fonction des préoccupations environnementales - et je n'ose évoquer à mon tour les déboires actuels de l'écotaxe ! - ainsi que le lancement d'une action pédagogique de sensibilisation des populations, très volontariste, de nature à faire évoluer les comportements et à édifier un véritable contrat environnemental avec les Français.
Ce sont là autant de questions auxquelles nos compatriotes attendent que vous apportiez de vraies réponses, à la hauteur des enjeux et d'une réelle ambition environnementale.
Mais l'essentiel, le coeur du problème, le centre du dispositif à mettre en place, c'est la limitation de la consommation de pétrole. Beaucoup a été entrepris dans les secteurs industriels pour diminuer la part du pétrole dans les consommations d'énergie. Seul le secteur des transports est resté très largement en dehors de cette évolution. Pourtant, qu'il s'agisse de la voiture individuelle ou du transport routier, il est au coeur des changements nécessaires. Tout doit donc être mis en oeuvre pour développer l'utilisation d'une nouvelle énergie, une énergie propre, dans le dessein de préparer, dès à présent, l'« après-pétrole ».
A cet égard, il me semble qu'il serait notamment intéressant de mettre en place dès aujourd'hui une prime à l'achat de véhicules hybrides dotés d'une double motorisation, en quelque sorte d'instaurer un chèque à la voiture propre, à l'instar des dispositifs qui ont déjà été prévus en faveur des véhicules électriques. Cette incitation serait naturellement appelée à évoluer en fonction des progrès de la recherche - je pense notamment à la pile à combustible - et de la capacité de production des constructeurs.
Très concrètement, madame la ministre, pouvez-vous aujourd'hui nous faire part des grandes lignes du programme d'efficacité énergétique ? En êtes-vous d'ailleurs encore pleinement le maître d'oeuvre, et bénéficiez-vous d'arbitrages favorables suffisants ? Quel en sera le coût et de quels moyens budgétaires disposez-vous réellement ? Pensez-vous finalement que votre ministère a réellement la capacité de jouer pleinement le rôle de « chef d'orchestre » en matière de maîtrise de l'énergie ? Je vous remercie par avance de vos réponses. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur Lepeltier, vous me posez vous aussi des questions importantes, qui mériteraient un très long débat. Ne pouvant m'engager dans cette voie, je vais néanmoins essayer de vous apporter brièvement quelques éléments de réponse.
S'agissant tout d'abord du renforcement des dépenses de fonctionnement au détriment des crédits affectés à l'investissement, je vous mets en garde contre une lecture trop rapide de ce projet de budget. En effet, cette impression est liée, pour l'essentiel, à l'annulation de crédits de paiement de l'ADEME inscrits au titre VI, qui concerne l'investissement, alors que l'intégration de l'IPSN, l'Institut de protection et de sûreté nucléaire, est opérée au titre IV. L'évolution que vous avez évoquée est donc très largement « cosmétique » et relève d'un effet d'optique : il ne s'agit pas d'une tendance à l'inflation bureaucratique et au gaspillage de l'argent au travers de dépenses de pure gestion.
En ce qui concerne le programme d'efficacité énergétique, je vous suis extrêmement reconnaissante, monsieur Lepeltier - nous nous connaissons de mieux en mieux et je m'en réjouis (Exclamations amusées sur les travées du RPR.) -, de votre intérêt pour la nature des arbitrages qui pourraient être rendus et pour les moyens qui pourraient m'être donnés afin de jouer le rôle de « chef d'orchestre » en matière d'économie d'énergie et de diversification des sources d'énergie. Je transmettrai votre plaidoyer à Christian Pierret, qui ne manquera pas d'en être extrêmement ému et sera sans doute convaincu. (Sourires.)
Cela étant, soyez bien conscient du fait que cette politique, même si elle est coordonnée sous la responsabilité du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, est bien une politique interministérielle. Une partie de ma tâche a consisté à mobiliser l'ensemble de mes collègues pour leur demander, dans leurs domaines de compétences respectifs, d'identifier les politiques qui devaient être mises en place et les comportements qui devaient être modifiés afin de réduire la facture énergétique pour notre pays et pour chacun des usagers et de nous permettre de respecter les engagements pris en application du protocole de Kyoto.
Le premier programme national de lutte contre l'effet de serre remonte à 1993 ; c'était une ébauche. Il est peu d'années où les ministres de l'environnement successifs n'aient cherché à muscler, à renforcer et à compléter ces programmes. Celui que j'ai présenté au début de l'année 1999 n'échappe pas à la règle. Il souffre, comme vous l'avez noté, d'être avant tout un catalogue de mesures, avec trop peu de rendez-vous dans le temps et trop peu de budgets dédiés à sa mise en oeuvre concrète.
Cela dit, même si les calendriers et les budgets n'étaient pas inscrits dans le programme, nous avons eu le souci de traduire très concrètement ce programme national, notamment dans les exercices budgétaires, mais aussi à l'occasion de l'élaboration des contrats de plan Etat-région.
La plupart des régions ont joué le jeu d'un renforcement des moyens des transports collectifs au détriment du transport routier, d'une contractualisation avec l'ADEME, à la fois sur le terrain des économies d'énergie, de la lutte contre le bruit et, plus généralement, de la qualité de la vie.
Cette fois, il s'agit d'aller plus loin. Le nouveau programme d'efficacité énergétique que je suis en train de préparer et dont les grandes lignes devraient être annoncées dans les jours qui viennent associe un important volet consacré aux actions relatives à la demande d'énergie, un volet consacré au transport urbain et un troisième volet consacré à la mise en oeuvre de la priorité octroyée au fret ferroviaire par le Gouvernement.
Ce sont deux gros projets très lourds, qui demandent un investissement de long terme, un travail aux niveaux européen, national et interrégional, et une utilisation raisonnée de l'automobile, avec des mesures - pour lesquelles vous plaidez - en faveur du développement de nouvelles motorisations et de nouveaux types de véhicules. Vous savez que les programmes Prime Equal et PREDIT - programme de recherche et de développement pour l'innovation et la technologie dans les transports terrestres - notamment, ne sont pas chiches de moyens sur ce terrain-là.
Je pense également au secteur du bâtiment et au développement des énergies renouvelables, en plaidant, là encore, pour un prix de rachat du kilowattheure d'énergie renouvelable décent.
Je citerai, pour terminer, la fiscalité énergétique et l'écotaxe.
Mme Loyola de Palacio a rendu public voilà quelques jours son Livre blanc sur les questions énergétiques. Vous y trouverez, outre un vibrant plaidoyer en faveur d'un mode d'énergie qui ne constitue pas, aujourd'hui, ma tasse de thé, une vigoureuse interpellation des gouvernements sur la nécessité de conduire des politiques énergétiques coordonnées, permettant de donner les bons signaux en matière d'environnement.
M. Serge Lepeltier. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lepeltier.
M. Serge Lepeltier. Je souhaite insister sur cette question d'énergies propres. Il me semble que, dans tout plan d'économies d'énergie, a, jusqu'à maintenant, été oubliée la notion fondamentale de recherche et développement. Des moyens financiers doivent être mis en oeuvre dans ce domaine.
Par ailleurs - on sait bien que c'est là que le piège se referme - les ressources fiscales considérables dégagées grâce aux taxes sur les carburants posent un véritable problème budgétaire. Je n'ai pas le sentiment que vous vous soyez suffisamment exprimée sur ce sujet.
En effet, si un plan d'économies d'énergie était décidé, il mettrait quasiment en péril la quatrième ressource fiscale de l'Etat. On se demande si les gouvernements, quelle que soit leur tendance politique d'ailleurs, ont réellement la volonté de réussir dans ce domaine, compte tenu des problèmes que cela poserait en matière de ressources fiscales.
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la société française a été rarement autant chahutée que ces dernières années par des accidents et des incidents ayant des répercussions sur la nature, l'environnement et la santé. Elle en est traumatisée, et nos concitoyens s'interrogent sur le manque de réactivité, voire de réaction, qu'ils ont parfois eu l'occasion de constater de la part des pouvoirs publics. Combien de fois n'ai-je pas entendu cette question, après l'accident de l' Erika : pourquoi n'ont-ils rien fait ?
Il aura fallu le naufrage du Ievoli Sun pour prendre conscience de l'exaspération extrême de la population et accélérer, enfin, le rythme des réformes nécessaires. Trop de lois politiciennes - j'insiste sur ce terme - encombrent l'ordre du jour du Parlement et relèguent au second plan des réformes pourtant attendues, en particulier en ce qui concerne la qualité de vie !
A ce point de mon intervention, je formulerai quelques remarques et poserai une question.
La réforme de la politique de l'eau se profile et se peaufine. Vous prévoyez, madame la ministre, à la fois une stabilité des redevances et une ponction aggravée sur les agences, à hauteur de 500 millions de francs pour 2001, pour financer le Fonds national de solidarité pour l'eau, le FNSE. Parallèlement, toutes les études démontrent que les dépenses pour l'eau, en particulier pour la sécurisation de l'alimentation et l'épuration, vont encore augmenter.
Stabilité des redevances et ponction aggravée des agences, d'un côté, dépenses en augmentation, de l'autre, je me demande comment nous allons parvenir à combler ce déficit. Qui mobilisera les moyens supplémentaires nécessaires ?
Une réponse, la réponse, devrait s'appeler la TGAP. Non pas que je me sois laissé convertir : je persiste à penser que la TGAP est, dans son utilisation, un véritable hold up écologique. Cette année, ce sont 6,6 milliards de francs - autant que les budgets de l'environnement et de l'aménagement du territoire réunis - qui alimenteront Bercy et les 35 heures !
Permettez-moi, à ce stade, d'exprimer une inquiétude sur un autre sujet.
Depuis quelques années, nous assistons à une évolution des priorités environnementales. Progressivement, l'environnement est assimilé à des sujets physico-chimiques et sanitaires : taux de pollution, détection de traces de métaux lourds, risques sanitaires... Ceux qui continuent de se battre pour la biodiversité et la défense des espèces ou des écosystèmes sont progressivement marginalisés, comme d'ailleurs les causes qu'ils défendent. Pourtant, l'écologie, la nature, représentent cette part de l'environnement qui fait rêver. Existe-t-il quelque chose de plus beau qu'un enfant qui caresse un petit lapin ou un poussin ?...

Or, je constate, madame la ministre, que les crédits consacés à la politique des sites et des paysages est en chute de 33 %. Il va sans dire que je le regrette.
Nous aurions encore beaucoup de sujets à aborder, en particulier l'ADEME... mais aussi l'effet de serre et la position que vous avez exprimée à Kyoto en ce qui concerne les droits à polluer, et qui m'interpelle. Peut-être pourriez-vous nous en dire plus.
Mais nous n'avons pas le temps, ni vous ni moi, d'évoquer tous ces problèmes, et j'en viens à ma question, qui porte sur les risques naturels et les risques engendrés par les sites décharges orphelins.
Régulièrement, les images d'inondations catastrophiques, de glissements de terrain meurtriers ou d'affaissement nous rappellent l'importance des travaux à entreprendre. Or les crédits prévus au titre de la politique de prévention des risques naturels sont de 76 millions de francs pour l'ensemble du pays. Même si j'y ajoute une part du FNSE, si je mets ces crédits en parallèle avec les 6 600 millions de TGAP - j'y reviens - affectés aux 35 heures, je me demande si ce déséquilibre est bien raisonnable.
Les sites décharges orphelins représentent, par leur nombre et par leur dangerosité, un véritable défi : pour la pollution des sols, pour la pollution des eaux de surface, pour la pollution des nappes. Malheureusement, les moyens qui sont consacrés à leur résorption sont infimes par rapport aux besoins.
Sur ces deux sujets - risques naturels et décharges industrielles abandonnées ou non - y a-t-il des perspectives réelles de changement d'échelle dans l'intervention du ministère ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. J'exprimerai deux désaccords et une interrogation.
Désaccord avec vous, monsieur Richert, sur votre diagnostic - sinistre - concernant la politique de l'eau. Nous ne sommes pas en train de réduire les recettes, d'augmenter les dépenses et de se préparer à un déséquilibre. Loin de là !
M. Jacques Oudin. Mais si !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je vous l'ai dit tout à l'heure, nous avons demandé aux agences de préparer un huitième programme d'intervention au même niveau que le septième programme.
M. Jacques Oudin. Vous leur prenez l'argent !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Nous avons tout simplement demandé que chaque usager contribue en fonction de sa consommation et du caractère polluant de celle-ci. Le résultat devrait être un moindre prélèvement sur les usagers domestiques et un prélèvement plus important sur d'autres catégories d'usagers qui, aujourd'hui, ne contribuent pas du tout.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Toujours les entreprises !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Ce ne sont pas les entreprises que je vise ! Ne faites pas semblant de ne pas comprendre ! Les entreprises, elles, paient leur eau, et depuis longtemps !
Le vrai problème, c'est que les moyens qui sont affectés aujourd'hui à la réparation des dégâts n'ont aucune mesure avec ceux qui sont distribués sans contrôle depuis des décennies...
M. Jacques Oudin. Sans contrôle ? C'est hyper contrôlé !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. ... pour financer des pratiques dont les conséquences sont dramatiques pour l'environnement.
Monsieur Oudin, comparez les montants de certaines primes agricoles avec la somme qui serait demandée en cas de mise en place d'une redevance sur les prélèvements d'eau !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous aimez l'agriculture !
M. Jacques Oudin. On ne peut pas dire des choses pareilles !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Mon second désaccord concerne les crédits affectés à la politique de la nature et des paysages.
M. Richert relève une chute de 33 % des crédits. Je voudrais lui rappeler que les crédits de la politique de la nature et des paysages ont connu de très fortes progressions ces deux dernières années : 22 % en 1999 et 14 % en 2000. Nous avons consolidé ces crédits en 2001 à ce haut niveau, soit 720 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, en progression de 0,5 % par rapport à 2000.
Mon interrogation concerne les sites pollués.
Vous l'aurez noté, l'ADEME dispose de quelques moyens pour permettre la prise en charge de sites orphelins, sans commune mesure avec l'ampleur des besoins.
M. Philippe Richert. Très bien !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Nous sommes en train de découvrir l'étendue des besoins. En effet, en 1997, arrivant au ministère, j'ai lancé avec le bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, un travail d'analyses exhaustives des sites qui pourraient avoir des conséquences pour l'environnement. C'est un travail de bénédictin, qui nous conduit à identifier chaque site, à dresser le diagnostic de chaque site, à déterminer quels sont les sites qui méritent un traitement prioritaire.
La grande majorité de ces sites ne sont pas orphelins, monsieur Richert. Mais certains d'entre eux le sont, et engendrent parfois des coûts de traitement tout à fait extravagants.
Je vous ai cité la première tranche de travaux qui a été lancée sur le site de Salsigne : plus de 200 millions de francs à la charge de l'Etat et 200 millions de francs à la charge des collectivités locales pour une première tranche de mise en sécurité de cette mine.
Face aux besoins, qui sont réels, est-il nécessaire de concevoir une politique notamment pour responsabiliser les propriétaires de faux sites orphelins ? Je ne crois pas que nous y parviendrons par une simple augmentation des crédits actuellement affectés à l'ADEME. Vous savez très bien qu'il arrive que certaines entreprises organisent la non-solvabilité de leurs filiales qui apparaissent comme étant les propriétaires de ces sites. Elles incitent les collectivités sans le sou à racheter ces sites en leur faisant miroiter des possibilités de redéveloppement et de réindustrialisation. C'est à cela que nous devons nous attaquer ? Ce n'est pas simplement un problème budgétaire.
M. Philippe Richert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Je veux réagir aux propos de Mme la ministre, qui méritent d'être rectifiés sur un certain nombre de points.
Prenons la politique de l'eau telle qu'elle est en train d'être élaborée.
Il suffit de lire les documents dont nous disposons pour constater qu'il n'est plus question d'augmenter les redevances ; en tout cas, il est clairement dit qu'on veut une stabilisation. Mais, en même temps, on ampute les agences d'une somme de 500 millions de francs que l'on affecte au FNSE.
Accessoirement, vous envisagez de taxer plus fortement les agriculteurs. Ça, je l'ai bien compris...
Mais, madame la ministre, pour financer les actions à mener en amont, en termes de sécurisation de l'alimentation en eau potable, ce sont des sommes colossales qui sont nécessaires ! On ne pourra pas continuer longtemps à se tourner vers les collectivités territoriales pour leur demander d'apporter le complément. Certes, elles sont prêtes à jouer tout leur rôle - notamment les conseils généraux, que vous avez eu dans le collimateur pendant de longs mois - mais elles ne peuvent pas continuer à jouer les tiroirs-caisses !
Madame la ministre, j'avais, l'an dernier, relevé l'augmentation sensible des crédits consacrés à la politique des sites et des paysages et je vous en avais félicitée. Mais au travers des chiffres qui nous sont soumis, je constate une importante diminution des crédits dans ce domaine, comme je constate une diminution, même si elle est moins importante, des crédits alloués au fonds de gestion des milieux naturels. Je lis les chiffres, je constate et je regrette !
Enfin, et j'en arrive aux sites pollués, je garantis que les décharges, qu'elles soient sauvages ou pas, industrielles ou pas, nous réservent de très graves difficultés à venir. Il ne suffit pas simplement de faire des études ; ce sont des sommes très importantes qu'il faut mobiliser d'urgence. Les moyens dont dispose l'ADEME sont bien faibles au regard des besoins que nous pouvons d'ores et déjà évaluer.
C'est la raison pour laquelle je vous pose la question : prévoyez-vous non pas nécessairement cette année mais dans le futur, si vous restez au poste que vous occupez, de mettre en place les moyens nécessaires pour répondre au problème de façon efficace ?
M. le président. Exceptionnellement, madame le ministre, voulez-vous répondre ?
Cela vous montre que le Sénat a un règlement souple !...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Et un bon président !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je vous remercie, monsieur le président, de me donner la parole.
Monsieur Richert, c'est un dialogue de sourds !
Je ne vais pas vous répéter les chiffres de mon budget concernant les sites et les paysages. Je ne vais pas vous répéter non plus les engagements pris à l'égard des agences et la façon dont nous travaillons avec elles.
Mon travail n'est pas uniquement réparateur. Il ne s'agit pas uniquement pour moi de compenser les conséquences des politiques dévastatrices menées depuis des décennies ! (Exclamations sur les travées du RPR.) Mon travail vise à changer les règles du jeu en amont.
Concernant la politique de l'eau, mon problème c'est que l'on pollue moins.
M. Jacques Oudin. La loi de 1992, ce n'est pas vous qui l'avez faite !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Mon pari, c'est d'arriver à changer les termes du problème.
Il s'agit, pour moi, qu'il y ait moins de rejets de substances polluantes dans l'eau, et non pas nécessairement de chercher à « formater » des taxes, des redevances, des prélèvements... pour essayer de les faire « coller » à l'enveloppe supposée qui permettrait de réparer les dommages, parce ce n'est pas ainsi que l'on s'en sortira.
On ne peut pas non plus s'en sortir en citant des chiffres invérifiables !
Voilà deux ans, vous m'avez très vivement interpellée sur le coût de la mise en conformité avec la directive européenne concernant les taux de plomb dans l'eau. A l'époque, on annonçait des sommes invraisemblables, de l'ordre de 130 milliards.
Or, les études montrent, comme il s'agit de travailler sur quinze ans, plus un délai supplémentaire de quinze ans négociable avec la Commission, que l'on va très bien s'en sortir au rythme actuel des travaux dans les habitations.
Les travaux rendus nécessaires correspondent à un surcoût de 1 % à 2 % du volume des travaux dans l'habitat, soit une dépense tout à fait normale compte tenu de la montée en puissanse des exigences des Français concernant leur logement.
En l'occurrence, il ne s'agissait pas de 130 milliards de francs tout de suite, mais de 30 milliards à 50 milliards de francs sur trente ans !
Avant de lancer des affirmations décourageantes, il faut « bosser », faire des études, confronter les chiffres et les données, et je suis tout à fait prête à travailler avec vous !
M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Madame le ministre, je souhaite vous interroger aujourd'hui sur le budget des réserves naturelles.
La part du budget des réserves provenant du ministère reste majoritaire et elle est indispensable dans l'accomplissement des missions d'Etat dans ces espaces protégés.
Nous avons vu que le budget de votre ministère pour 2001 est en forte progression ; pourtant, la part des réserves naturelles n'est que purement et simplement reconduite en investissements, pour un montant de 23 785 000 francs et en diminution de 18,57 % en crédits de paiement. Les crédits de fonctionnement, quant à eux, s'élèvent à 52 656 703 francs, soit une augmentation de 1,3 % sur l'an passé.
Or, le budget de fonctionnement est consacré en grande partie aux salaires des personnes qui assurent des missions de protection, d'études scientifiques, de gestion écologique, d'animation et de pédagogie.
Les moyens supplémentaires ne permettront de couvrir qu'une partie de l'évolution des coûts salariaux. Cela signifie que, dans toutes les réserves naturelles, la charte du personnel, qui concerne plus de 400 équivalents temps plein et prévoit des salaires minimaux suivant les catégories, ne pourra pas être appliquée. Cette situation est extrêmement regrettable. Alors que la grille salariale des agents des réserves naturelles est inférieure à celle des agents des parcs nationaux de même catégorie, les agents des réserves naturelles ont été exclus du projet de création d'un corps de l'environnement, ce qu'ils ont amèrement ressenti.
Il semble, madame le ministre, si j'en crois les chiffres donnés par M. le rapporteur spécial, qu'il vaut mieux postuler pour un emploi de fonctionnaire dans l'administration centrale de votre ministère qu'être agent de terrain ! (Très bien ! sur les travées du RPR.) Le travail sur le terrain, vous en conviendrez avec moi, est pourtant capital en matière d'environnement.
Le formidable renforcement de votre administration a un coût : 102 millions de francs pour la seule année 2001, sans parler de l'engagement que cela représente pour l'avenir. Or une dotation supplémentaire en fonctionnement de seulement 11,7 millions de francs permettrait un rattrapage sur trois ans des niveaux de salaires, hors ancienneté, des agents entrés dans le réseau avant 1999.
Par ailleurs, pouvez-vous nous dire comment seront gérées les deux réserves naturelles créées depuis le mois de décembre 1999 et les cinq qui seront créées d'ici au mois de mars 2001 ? Je pense en particulier à la très grande réserve de La Crau, dans les Bouches-du-Rhône, qui couvrira 7 500 hectares, et aux importants problèmes de gestion qui sont à prévoir.
Les réserves seront-elles gérées, comme vous l'avez laissé entendre, en « reventilant » les crédits au sein du ministère, quitte à accroître le peu de sincérité des lignes budgétaires qui sont soumises au vote du Parlement, ou bien en prélevant sur la dotation des réserves existantes, ce qui aggravera encore leur situation ?
On peut raisonnablement avancer qu'un budget de fonctionnement de l'ordre de 3,4 millions de francs serait nécessaire pour doter les nouvelles réserves d'une équipe minimale capable d'assurer la mission de service public confiée par l'Etat.
En matière d'équipement, une dotation de 180 000 francs par réserve, soit globalement un million de francs pour les six nouvelles réserves naturelles, donnerait les moyens de faire respecter rapidement la réglementation, d'afficher le rôle de l'Etat et de préparer la gestion de l'espace protégé.
J'ose espérer que les collectivités locales, qui consacrent déjà d'importants crédits aux réserves naturelles, ne seront pas une fois encore appelées à se substituer à l'Etat...
Madame le ministre, pouvez-vous nous dire quel choix vous allez faire pour gérer et développer les réserves naturelles ? Elles mènent des actions exemplaires en matière de développement local et d'aménagement du territoire, dans le respect des objectifs initiaux de conservation du patrimoine naturel, tout en sachant, pour les meilleures d'entre elles, mobiliser des ressources auprès d'autres financeurs que l'Etat et dégager des recettes propres ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je vous remercie, madame le sénateur, pour ce vigoureux plaidoyer en faveur des réserves naturelles, qui sont des partenaires très dynamiques de la politique que conduit le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement dans le domaine de la nature et des paysages.
Au total, cinq nouvelles réserves en moyenne sont classées chaque année et viennent conforter ce réseau. Les vingt-quatre projets qui sont en cours d'instruction viendront s'ajouter, à terme, aux quarante-huit réserves naturelles existantes, avec une superficie totale d'environ 547 000 hectares.
Le budget des réserves a enregistré, en 2000, une très forte progression, de plus de 16 % tant en fonctionnement qu'en matière d'investissement. Cela explique que nous ayons stabilisé à un haut niveau, avec une croissance de 1,4 % du budget de fonctionnement, le budget consacré aux réserves. Il doit permettre qu'aucune réserve créée cette année ne soit laissée sans moyens.
Par ailleurs, nous disposons d'autres ressources. Je pense, bien sûr, à la possibilité de mobiliser le fonds de gestion des milieux naturels sur les sites Natura 2000, puisque les réserves naturelles couvrent à peu près 10 % de ces sites.
Je pense aussi à la mobilisation de capacités d'autofinancement des réserves.
Il convient toutefois de ne pas nuire à la vocation première des réserves, qui est bien sûr la conservation. Des financements complémentaires des collectivités locales peuvent également être recherchés ; je pense, par exemple, au produit de la taxe départementale sur les espaces naturels sensibles.
J'ajoute que nous avons largement répondu à l'interrogation des réserves naturelles quant à la possibilité de revenir sur les règles qui avaient été fixées, notamment sur le maximum de subvention de 80 %. Nous sommes en effet convenus que, pour les réserves qui remplissent des missions d'intérêt général sans disposer des ressources leur permettant de faire face à leurs obligations, il pouvait être nécessaire d'aller au-delà de ce seuil. J'ai signé à cet effet, avec le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, un décret autorisant, pour ces réserves naturelles, à dépasser le seuil de 80 %.
J'insiste sur le fait que nous avons également consenti d'importants efforts financiers en faveur des conservatoires régionaux d'espaces naturels, ce qui permet de prolonger et d'amplifier l'action menée pour la protection d'espaces naturels remarquables.
Je souligne encore le travail qui est accompli dans le cadre du programme Natura 2000 pour permettre l'élaboration des documents d'objectif.
Je ne fais pas non plus l'impasse sur le plan national de reconquête des zones humides.
S'agissant de l'emploi, j'ai cru, madame Heinis, que vous vouliez tuer M. Adnot en évoquant l'atroce perspective d'une fonctionnarisation de l'ensemble des agents des réserves naturelles ! Certains d'entre vous, ici, année après année, se plaignent en effet de l'allourdissement bureaucratique du ministère de l'environnement !
Madame le sénateur, si nous avons éprouvé des difficultés avec les agents des réserves naturelles, c'est d'abord parce que leurs employeurs sont extrêmement nombreux et variés, ce qui conduit à des conditions de salaires et de travail très hétérogènes. Leurs employeurs, ce sont des associations, des collectivités locales, des syndicats mixtes... et j'en passe.
Nous avons procédé à la fonctionnarisation des seuls agents de catégories B et C des établissements publics administratifs, de ceux de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, du Conseil supérieur de la pêche et des parcs nationaux. A ce stade, nous n'envisageons pas de fonctionnariser les agents des réserves naturelles, même si, j'en conviens, leurs métiers sont très proches de ceux des agents des parcs nationaux.
J'ajoute que mon petit ministère ne risque pas l'enflure au niveau de l'administration centrale. En effet, 431 des 700 emplois qui ont été acquis en quatre exercices budgétaires ont été créés dans les services déconcentrés : 272 dans les DIREN, les directions régionales de l'environnement, et dans les DRIRE, les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, 134 dans les services en charge de l'inspection des installations classées et 25 dans les DSV. Il ne faut pas non plus oublier les 880 emplois créés dans les établissements publics, c'est-à-dire sur le terrain et non pas dans l'administration.
Mme Anne Heinis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Si je vous ai interrogée sur les réserves naturelles et sur le personnel qui y travaille, c'est parce qu'il en existe une à côté de chez moi, à laquelle nous tenons tous beaucoup parce qu'elle est extrêmement intéressante.
Il ne faut pas mélanger, dans votre réponse - pardonnez-moi de vous le dire -, le financement d'autres activités et d'autres personnels, qui a sans doute quelque chose à voir avec l'environnement mais qui ne répond pas à la question que j'ai posée.
Permettez-moi également de vous dire qu'il est trop facile de répondre : « Vous voulez fonctionnariser des personnels alors que d'habitude vous êtes contre. » Le problème ne se pose pas dans ces termes ! Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire à propos de la sécurité maritime, c'est un problème de choix budgétaires.
Dans certains domaines, nous avons besoin de quelques fonctionnaires compétents et non pas d'une masse de gens qui ne sont pas nécessairement compétents pour les fonctions qu'ils occupent...
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Ils le sont tous !
Mme Anne Heinis. ... et qui ne sont généralement pas tout à fait des fonctionnaires. C'est donc un problème de choix.
Il y a des domaines où l'on a besoin de fonctionnaires compétents, de techniciens, et d'autres domaines où il peut être inutile de multiplier les postes à tout va.
Souvent, le terrain, on n'y attache pas beaucoup d'importance. Pour ma part, j'y attache une grande importance. C'est pourquoi je suis intervenue pour défendre ces personnels directement sur le terrain.
M. le président. La parole est à M. Rinchet.
M. Roger Rinchet. Madame le ministre, avec la discussion de votre budget, nous inaugurons un nouveau mode de débat. Sera-t-il pire ou meilleur que le mode classique ? A nous de faire en sorte que ce système de questions-réponses nous permette de mieux apprécier votre budget et votre politique.
Ardent défenseur de l'énergie solaire depuis près de deux décennies, je voudrais vous poser deux questions concernant la lutte contre l'effet de serre, que je considère comme un sujet parmi les plus sérieux et les plus urgents que les habitants de cette planète aient à se poser et à tenter de résoudre au plus vite.
Trop souvent, l'écologie a été et est encore le prétexte pour les citoyens des pays nantis de protéger leur petit environnement personnel ou local, sans réflexion globale, à moyen ou long terme, sur les problèmes de l'élimination des déchets, de l'approvisionnement en eau potable, de l'épuisement des énergies fossiles, de l'organisation des transports, du gaspillage de l'espace naturel sur une planète qui verra sa population doubler d'ici à un demi-siècle.
Plus que celui d'autres ministres, votre rôle doit être éminemment pédagogique. Vous devez expliquer simplement et gravement ce qui nous attend, ou plutôt ce qui attend nos petits-enfants, si nous ne prenons pas collectivement conscience - que nous soyons riches ou pauvres, de droite ou de gauche, que nous vivions en ville ou à la campagne, que nous soyons jeunes ou anciens - de nos devoirs, souvent urgents, pour la survie de la planète Terre.
C'est pourquoi, madame la ministre, je tiens à vous féliciter de la position ferme et courageuse que vous avez tenue, voilà quelques jours, lors de la conférence de La Haye, et je vous invite à dire en quelques mots aux Français, par le truchement de ce débat au Sénat, pourquoi vous n'avez pas accepté de passer sous les fourches caudines de certains Etats et pourquoi la conférence de La Haye s'est soldée par un échec.
Pour prolonger ma première question, je vous en poserai une seconde, qui concerne les réflexions que nous devons mener ensemble pour bien préparer la France et l'Europe aux négociations prochaines qui continueront, à l'échelle du monde, ce qui a été commencé à La Haye.
La conférence de La Haye a en effet été un échec, puisque les Etats participants ne sont pas parvenus à un accord global ; mais ce n'est qu'un échec provisoire. Tout le débat aura permis à chacun de commencer à comprendre les positions de l'autre et de rechercher un début de consensus.
Quel que soit le résultat des prochaines conférences, à La Haye ou ailleurs, nous devons tous réduire nos émissions de CO2 dans l'atmosphère, sans pour autant en revenir à l'ère des lampes à huile et des diligences.
Certes, les techniques progressent, comme le prouvent les mises aux normes 2000 de nos usines d'incinération des ordures ménagères ou la protection accrue des gisements phréatiques, nos usines de dépollution des eaux usées, la réorganisation des modes de transport, en particulier du transfert des personnes et des marchandises de la route vers le rail, les énormes améliorations apportées à la construction de logements, pour ne citer que les techniques les plus connues.
Mais nous ne réussirons pas si nous ne redonnons pas une plus grande crédibilité aux énergies renouvelables et propres, souvent présentées par de trop nombreux lobbies comme étant des gadgets sans avenir.
J'aurai peut-être l'occasion, dans les deux minutes qui me seront accordées pour vous répondre, madame le ministre, de vous donner des exemples vécus dans ma propre commune et prouvant mes affirmations.
J'en viens à ma seconde question.
Dans son allocution lors de la conférence préparatoire à la sixième session de la convention sur les changements climatiques, le Premier ministre, Lionel Jospin, a annoncé qu'il envisageait la mise en place, avant la fin de l'année, d'un plan global d'économies d'énergie. Il vous a invitée, madame le ministre, à lui présenter des propositions en ce sens. Il serait intéressant que vous puissiez nous faire part de l'état d'avancement de votre réflexion à ce sujet.
Enfin, pour conclure, je veux attirer votre attention sur les conséquences de l'extension de la taxe générale sur les activités polluantes aux consommations intermédiaires d'énergie telle qu'elle est prévue à l'article 26 du projet de loi de finances rectificative. Si elle est maintenue en l'état, elle serait très pénalisante pour certaines entreprises. Je pense notamment, en ce qui concerne mon département, à la production d'aluminium, qu'on ne sait pas fabriquer autrement que par électrolyse et qui utilise, par ailleurs, une énergie hydroélectrique et donc non polluante.
Tout en approuvant le principe de la TGAP, j'estime qu'il existe des marges de manoeuvre à dégager pour que cette écotaxe ne devienne pas un frein à l'emploi. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, je voudrais tout d'abord vous remercier de vos encouragements après la semaine de travail que nous avons eue à La Haye pour essayer d'obtenir un accord international sur la mise en oeuvre du protocole de Kyoto.
A ce sujet, je précise que la position de la France a été ferme et unanime, comme elle l'avait été ici même et à l'Assemblée nationale au moment du vote du projet de loi autorisant la ratification par la France du protocole de Kyoto.
Nous sommes le premier pays de l'Union européenne et de l'OCDE à nous être mis en ordre de marche par rapport à cet accord de Kyoto.
Je peux donc compter sur votre soutien pour mener à bien les négociations, qui se poursuivent, avec le souci d'aboutir dans les meilleurs délais, en tout état de cause avant le 20 janvier, date sensible s'il en est aux Etats-Unis !
Je veux ajouter, monsieur le sénateur, que la France a pour obligation, dans le cadre de la « bulle européenne », de stabiliser ses émissions de gaz à effet de serre. Si le secteur de la production d'électricité, le secteur industriel, le secteur agricole et le secteur du logement ne pous posent pas trop de problèmes, en revanche, nous sommes préoccupés par l'explosion des émissions dans le secteur des transports. J'ai eu l'occasion de vous le dire à plusieurs reprises, nous avons à penser des stratégies de moyen et de long terme nous permettant de respecter nos engagements.
Entre 1990 et 2000, nous avons réussi à stabiliser ces émissions sur un fond de stagnation économique. Depuis le début de l'année dernière, la reprise de la croissance économique s'est traduite par une rapide croissance des émissions, notamment dans ces secteurs. Nous avons très probablement déjà dépassé de 2 % à 3 % nos engagements pour l'horizon 2010. Il nous faut donc absolument rectifier le cap rapidement.
Dans ce contexte, je partage tout à fait votre analyse sur la crédibilité des énergies renouvelables. Ce diagnostic est également européen, puisque la France se mobilisera fortement, vous le savez, pour que soit adoptée, dans le cadre du conseil « Energie », la directive européenne sur les énergies renouvelables.
En Allemagne et au Danemark, l'énergie éolienne est déjà considérée comme une énergie productive et intéressante. Dans les pays du sud et du pourtour de la Méditerranée, l'énergie solaire est tout à fait intéressante, notamment pour les îles. Nous sommes d'ailleurs en train d'y travailler, notamment pour la Corse, à laquelle nous aimerions proposer de devenir une sorte de vitrine des énergies renouvelables pour la Méditerranée.
Je voudrais aussi pointer le gisement considérable des économies d'énergie. L'énergie la moins chère, la moins polluante, la moins dangereuse, celle qui émet le moins d'émission de gaz à effet de serre,...
M. Jean Chérioux. ... c'est le nucléaire !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Ecoutez-moi une seconde !
... c'est celle que l'on n'a pas consommée !
Dans mon ministère, un an de mobilisation a permis de réduire la facture énergétique de 20 % et la facture d'eau de 50 %, cela sans aucun investissement ! Avant de développer des systèmes de production de l'électricité, essayons de faire ce qui ne coûte rien, ce qui permet aux contribuables et aux usagers de faire des économies, sans nuire au confort de ceux qui travaillent et vivent dans les bâtiments concernés.
S'agissant de la TGAP, nous sommes évidemment très soucieux des entreprises grandes consommatrices d'énergie soumises à la concurrence internationale. C'est pourquoi nous avons prévu, pour ces entreprises, non seulement un abattement massif, mais aussi des possibilités de contractualiser avec l'Etat des accords permettant une réduction des consommations énergétiques.
Enfin, s'agissant de l'aluminium, nous sommes en train de travailler avec les pays européens qui ont des problèmes analogues, afin que les installations se dotent, de manière simultanée, des meilleures technologies disponibles en la matière. Je ne suis pas spécialiste dans ce domaine, mais je crois que des techniques d'anodisation de l'aluminium, développées par une grande entreprise française, sont extrêmement convaincantes et permettent, là encore, de réduire la facture dans des proportions importantes. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Roger Rinchet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Rinchet.
M. Roger Rinchet. Madame le ministre, pour confirmer vos propos sur les énergies renouvelables et pour prouver qu'il ne s'agit nullement d'un gadget, permettez-moi de prendre l'exemple de ma commune de Montmélian, en Savoie.
Cette petite ville de 4 000 habitants, soit 1/15 000e de la population française, a installé depuis bientôt vingt ans 700 mètres carrés de capteurs solaires sur différents établissements publics : centre nautique, centre sportif, hôpital, camping... Un mètre carré de capteurs évitant le rejet annuel de 150 kilos de CO2, les installations de ma commune permettent une diminution des rejets de CO2 de plus de 100 tonnes. Si, proportionnellement à sa population, chaque commune de France faisait le même effort - effort modeste, puisque nous pensons, dans les deux ans à venir, doubler notre surface de capteurs, laquelle passerait ainsi à 1 500 mètres carrés - ce sont 15 000 fois 100 tonnes de CO2, soit 1 500 000 tonnes de CO2 qui seraient économisées ! Cela représente, je crois, le dixième de l'effort que la France s'est engagée à faire d'ici à 2010 pour respecter le protocole de Kyoto.
Si l'on applique le même raisonnement à la population française, cela représente une économie de 6 milliards de kilowattheures chaque année - et je ne parle que de l'énergie solaire.
Encore faut-il continuer à soutenir les investissements dans ce secteur, comme on le fait pour d'autres sources d'énergie : les barrages hydroélectriques, les centrales nucléaires... Tout a un coût !
M. le président. La parole est à M. Doublet.
M. Michel Doublet. Madame le ministre, je ne reviendrai pas sur votre budget, nos excellents rapporteurs nous ayant fait ce matin la démonstration de ce qu'il valait ; je rejoins parfaitement leurs conclusions.
J'aborderai deux sujets qui me tiennent particulièrement à coeur et qui concernent Natura 2000 et la protection des zones humides. J'illustrerai mon propos par deux exemples concrets.
La mise en oeuvre de Natura 2000 présente un certain nombre de dysfonctionnements. J'en veux pour preuve ce qui vient de se passer dans mon département.
Un élargissement du zonage ayant été demandé en urgence aux préfets et aux directions régionales de l'environnement, trois nouveaux sites viennent donc d'être retenus en Charente-Maritime. Il s'agit de trois anciennes carrières souterraines servant de refuge à des colonies de chauves-souris, dont certaines espèces seraient actuellement en voie de disparition au niveau européen. Le conseil général de Charente-Maritime, dont je suis membre, doit d'ailleurs donner son avis dans un délai de deux mois sur ce classement.
Au-delà de ces trois cas particuliers, nous nous sommes aperçus que ce type de saisine soulevait des problèmes de fond.
Ainsi, les scientifiques qui sont venus étudier les espèces menacées n'ont pris aucun contact avec les représentants politiques et socioprofessionnels locaux.
De plus, les comités qui ont validé ces inventaires ne nous sont pas connus et n'ont en leur sein aucun représentant des acteurs économiques de notre département.
Enfin, personne ne peut nous préciser quels modes de gestion seront imposés aux responsables locaux des futurs sites classés.
Quelles contraintes ces classements entraîneront-ils pour les communes concernées, ne serait-ce que dans les domaines du développement futur des infrastructures, de l'urbanisme et des activités économiques nouvelles ?
Autant de questions en suspens qui laissent les élus locaux et les acteurs économiques de terrain dans le flou le plus total et appellent donc, madame le ministre, des éclaircissements de votre part.
Ces problèmes sont d'importance, car, d'après la DIREN, une des conséquences immédiates de la classification de ces sites serait la non-constructibilité des terrains concernés en tout ou partie ; on comprend dès lors les légitimes inquiétudes que peut susciter un tel classement !
Il s'agit là d'une atteinte au droit de propriété. Or ce droit ne relève normalement que du domaine de la loi et ne peut être appliqué localement que par le biais d'enquêtes d'utilité publique.
Je ne peux donc que regretter et constater l'absence totale de concertation dans l'instruction de ces dossiers. Il serait bon qu'à l'avenir une meilleure communication soit assurée entre les différents intervenants et que les élus locaux soient pleinement associés à ce type d'opérations.
Aussi, madame le ministre, quelles instructions ont-elles été données aux services déconcentrés pour répondre à cette attente ?
J'en viens à présent au développement du second point de cette intervention, à savoir les dangers que courent certaines zones humides.
La Charente-Maritime est couverte par 100 000 hectares de marais, qui sont, à l'heure actuelle, menacés par la prolifération de plantes exotiques : la jussie et le myriophylle du Brésil. Au-delà de la Charente-Maritime, les départements voisins de la Vendée et des Deux-Sèvres commencent à être touchés.
Ces plantes amphibies, qui ont une croissance extrêmement rapide, conduisent à une perte de la biodiversité, avec une raréfaction de certaines espèces locales de poissons et la disparition des réseaux hydrauliques. Tout l'écosystème est ainsi menacé.
Face à ce péril qui menace l'équilibre écologique des marais de l'Ouest et les activités économiques qui s'y rapportent, des travaux de grande ampleur sont à prévoir.
Les moyens pour les éradiquer sont connus. Il faut combiner le traitement chimique avec l'arrachage systématique de toutes les plantes. Ces travaux devront être suivis pendant plusieurs années d'opérations de contrôle qui pourront être assimilées à de l'entretien régulier.
Dans ce contexte, pouvez-vous m'indiquer où en est la recherche scientifique ? De même, dans le cadre du futur projet de loi sur l'eau, est-il envisagé de mettre en oeuvre une politique financière et logistique de protection des espèces existantes et de traitement des espèces exotiques ?
Je vous remercie de bien vouloir me répondre sur ces deux points.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, quand il existe sur un site une espèce protégée, animale ou végétale, le fait que ce site soit ou non « zoné » au titre du réseau Natura 2000 importe peu. La présence seule de l'espèce justifie que soient éventuellement remis en cause des projets qui pourraient être incompatibles avec le maintien de celle-ci.
Citons à titre d'exemple l'arrêt, depuis plusieurs années, du projet de construction de l'A 28 en raison de la présence d'un scarabée, l' osmoderma eremita, sur son itinéraire, et ce indépendamment de toute action du ministère de l'environnement, qui, cette fois, ne plaide pas coupable... (Sourires.)
M. Jean Chérioux. Une fois n'est pas coutume !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Par conséquent, le fait qu'une espèce, ou qu'un habitat justifie l'inscription de tel ou tel site dans le réseau Natura 2000 constitue non pas une contrainte supplémentaire mais, bien souvent, une opportunité et la perspective d'une juste rémunération du service rendu à la collectivité. C'est ainsi en tout cas que je l'entends. Je souhaite privilégier la démarche contractuelle, je l'ai déjà dit à de multiples reprises, et je n'ai pas changé d'avis.
En ce qui concerne la phase de diagnostic scientifique qui nous est demandée de façon très pressante par la Commission européenne, il me paraît assez normal qu'elle soit conduite non pas par les élus ni par les acteurs économiques, mais par ceux qui sont capables de dire si oui ou non l'espèce, ou l'habitat est présent, à savoir les scientifiques du Muséum national d'histoire naturelle.
En revanche, une fois le site identifié, la mise en place d'un comité de pilotage, d'un opérateur chargé d'élaborer un document d'objectif associant l'ensemble des partenaires d'un territoire me paraît absolument indispensable.
Je vous rappelle qu'un site Natura 2000 a été ouvert sur Internet ; il a été présenté lors du Congrès des maires de France. Je crois qu'il a reçu un accueil très favorable et je vous invite à vous y reporter si vous vous posez des questions particulières. De même, si des difficultés apparaissent sur tel ou tel site, ne tardez pas à prendre contact avec la DIREN pour régler le problème.
J'en viens à la jussie du Mexique.
Son développement est actuellement observé dans tout le sud de la France, et on peut qualifier le phénomène d'invasion biologique. L'extension constatée de l'espèce ne permet pas d'envisager son éradication totale du territoire. Toutefois, son impact sur les milieux colonisés peut être réduit par des opérations localisées de contrôle, associant la lutte mécanique et la gestion appropriée des plans d'eau. En effet, le maintien artificiel de niveaux d'eau élevés toute l'année favorise l'extension de cette espèce. Des conseils techniques peuvent être obtenus auprès des conservatoires botaniques nationaux et auprès des agences de l'eau.
Des initiatives locales ont été lancées, notamment dans la région Languedoc-Roussillon, avec l'aide de la DIREN.
Au niveau national, j'ai engagé des actions de soutien à la recherche scientifique dans ce domaine. Plusieurs programmes expérimentaux seront lancés prochainement. Un groupe de travail interministériel va engager une réflexion sur les mesures réglementaires ou incitatives qui pourraient permettre de prévenir les proliférations d'espèces exotiques sur le territoire national.
Je suis assez contente que vous ayez posé cette question, monsieur le sénateur, parce que j'ai rarement l'occasion de parler de l'invasion de ces espèces nuisibles. Chaque été, on peut lire des pages entières sur l'« algue tueuse », alors que la malheureuse caulerpa taxifolia prolifère, certes, dans des conditions qui nous inquiètent mais sans avoir jamais tué personne.
Il est de nombreuses espèces marines et terrestres qui nous préoccupent beaucoup plus que la caulerpa : je pense aussi bien à la crépidule, qui entre en compétition avec les coquilles Saint-Jacques dans les baies bretonnes, qu'aux graminées qui génèrent des asthmes graves dans la vallée du Rhône. Sur tous ces risques d'invasion, nous devons nous mobiliser.
En revanche, monsieur le sénateur, je n'ai jamais entendu parler de traitement chimique contre la jussie du Mexique.
M. Michel Doublet. Je demande la parole.
M. le président. Monsieur Doublet, vous avez la parole sur la caulerpa taxifolia, qui vient de l'aquarium de Monaco. Tous les requins n'étaient pas dans l'aquarium, nous le savons maintenant ! (Sourires.)
M. Michel Doublet. Madame la ministre, vous ne m'avez pas du tout rassuré concernant la méthodologie de Natura 2000.
Parmi les zones que je vous ai citées, l'une concerne une ZAC en construction dont le projet va certainement être gelé et l'autre l'extension d'un complexe thermal. Or justement, à ce propos, c'est la méthodologie qui me gêne.
Lors des débats que nous avons eus et dans le rapport que nous avons élaboré, il a largement été fait mention de consultations et de dialogues avec les élus locaux.
En l'occurrence, nous sommes de nouveau devant une politique de fait accompli, puisque l'on nous demande simplement de donner un avis, favorable ou défavorable, une fois l'étude faite par les scientifiques.
Pour ce qui me concerne, cet avis sera défavorable, eu égard à l'intérêt économique de ces zones.
S'agissant de la jussie, il faut prendre la dimension de la catastrophe. Au-delà de la menace qui pèse sur l'écosystème des marais, des incidences économiques sont à redouter. En effet, nos marais côtiers apportent de l'eau douce dans les bassins ostréicoles, en particulier dans celui de Marennes-Oléron, qui risque de voir cet apport très réduit, pour ne pas dire interrompu.
Je souhaite donc que l'Etat apporte son soutien financier aux propriétaires de marais, qui, du fait de la crise de l'ESB, sont dans l'incapacité de consacrer des moyens à l'éradication de cette plante, dont la prolifération commence à avoir des conséquences dramatiques.
M. le président. La parole est à M. Bécot.
M. Michel Bécot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en ma qualité de président du conservatoire régional d'espaces naturels de Poitou-Charentes, je tiens à évoquer le volet « protection de la nature, des sites et des paysages ».
La France a la chance d'être encore riche de ses millieux naturels et de ses paysages, mais leur préservation, notamment pour les plus exceptionnels d'entre eux, nécessite des efforts conséquents de la part de la collectivité nationale.
Nous savons que la préservation et la sauvegarde de ces espaces naturels ne peuvent se faire qu'en concertation avec les acteurs du monde rural, avec ceux et celles qui partagent ces espaces - agriculteurs, chasseurs, pêcheurs et protecteurs de la nature - que ce soit pour y vivre ou pour y développer des activités.
Madame la ministre, vous annonciez, lors de l'assemblée générale d'Espaces naturels de France, qui s'est tenue à Vichy, le 27 octobre dernier, l'éminence de la publication du décret portant sur l'agrément des conservatoires régionaux.
A ce jour, le décret n'est toujours pas publié.
Il y a là, me semble-t-il, un manque de reconnaissance de l'Etat pour le travail engagé et mis en oeuvre pour la protection des espaces naturels les plus remarquables de notre pays.
Madame la ministre, êtes-vous aujourd'hui en mesure de nous annoncer une date quant à la publication de ce décret ?
Vous avez également fait de la constitution du réseau Natura 2000 votre priorité, mais la diminution du fonds de gestion des milieux naturels de 3,55 % par rapport à 2000, alors même que l'élaboration des documents d'objectifs et l'engagement réel des mesures de gestion entrent en vitesse de croisière, constitue, à mes yeux, une contradiction.
Cette diminution budgétaire risque, en effet, de semer à nouveau le doute sur une mesure que l'Etat a déjà mise en oeuvre dans des conditions bien difficiles.
Enfin, il me semble important de renforcer les moyens alloués au conservatoire de l'espace du littoral et des rivages lacustres.
Comment peut-on décemment appuyer une politique aussi majeure que celle de la protection de notre littoral à l'échelle nationale avec une structure aussi réduite en moyens humains, soit cinquante-trois salariés au total pour l'ensemble de l'année 2001 ?
Un redéploiement du personnel ne serait-il pas nécessaire ?
L'obligation de délégation de gestion inscrite dans la loi a, certes, permis de créer un dispositif original de partenariat avec les collectivités territoriales ou les associations pour la gestion des terrains acquis par le conservatoire du littoral. Mais c'est aussi un moyen de faire peser sur les collectivités la charge budgétaire d'une politique pour laquelle les moyens de l'Etat sont insuffisants.
J'aimerais avoir votre sentiment sur ces différents points, madame la ministre.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, je vais être relativement brève dans ma réponse, ayant déjà eu l'occasion, lors des précédentes questions, de détailler la forte progression des crédits consacrés à la politique de la nature depuis 1997, crédits qui sont passés entre la loi de finances de 1998 et celle de 2000 de 536 millions de francs à 747 millions de francs, traduisant une évolution de 39,4 %.
La relative stabilité des crédits présentés dans le projet de loi pour 2001 ne doit donc pas susciter d'inquiétude quant à la reconnaissance du caractère prioritaire de cette politique. Nous avons bien stabilisé les crédits à un niveau qui n'a jamais été aussi élevé.
Les conservatoires régionaux des espaces naturels constituent l'un des partenaires naturels du ministère pour la mise en oeuvre de cette politique. Ils bénéficient à ce titre du soutien tant financier que partenarial du ministère.
Vous vous inquiétez de la mobilisation du ministère quant à l'élaboration du projet de décret qui porte agrément des conservatoires régionaux des espaces naturels. J'ai transmis ce texte pour consultation interministérielle selon les procédures en vigueur. Il est donc prêt et sa parution devrait intervenir dans les meilleurs délais.
Mais vous savez qu'il est très difficile d'en dire davantage parce que cette consultation, qui devrait être de pure forme puisque le travail a été interministériel d'emblée, peut durer plusieurs semaines. C'est là une des traditions de l'administration française à laquelle, après trois ans et demi de présence au Gouvernement, j'ai du mal à m'habituer. Je partage en tout cas votre analyse quant à l'oeuvre accomplie par le conservatoire depuis vingt-cinq ans.
J'en viens au Conservatoire du littoral, qui est maintenant propriétaire de plus de 440 sites.
Avec 60 000 hectares et 810 kilomètres de rivages, sa mission de préservation du littoral est unanimement reconnue et saluée.
Là encore, nous avons manifesté par des actes notre attachement à cet établissement. Ses crédits ont progressé de 18,6 % en dépenses ordinaires et autorisations de programme de 1998 à 2001, celles-ci comprenant une mesure nouvelle de 20 millions de francs cette année, sans oublier les crédits exceptionnels qui ont été votés dans le collectif de printemps pour permettre à l'établissement de contribuer à la réparation des dommages dus aux tempêtes de la fin de l'année dernière, comme le rappelait M. Dupont ce matin.
Je voudrais vous dire que le contexte a beaucoup évolué depuis 1975. La loi de décentralisation de 1981, la loi « littoral » de 1986, la loi de 1996 sur les cinquante pas géométriques, les textes communautaires ont entraîné des changements dans le rôle et dans les moyens financiers du conservatoire, dans ses priorités et dans ses manières d'agir. C'est pourquoi nous avons demandé à Louis Le Pensec de lancer une réflexion et d'adresser des propositions au Gouvernement afin de permettre au conservatoire de faire face à ses responsabilités non seulement en matière d'acquisition de terrains, mais aussi en matière d'aménagement, de réhabilitation du patrimoine, de gestion conforme aux objectifs de protection définis, tout en assurant l'accès aux sites et la protection des visiteurs.
Je souhaite donc renforcer encore le Conservatoire du littoral. Lors de la visite des locaux de Rochefort que j'ai effectuée, j'ai eu l'occasion de le dire de vive voix aux agents. J'accorderai aussi beaucoup d'importance à la sécurisation des personnels, dont le statut est très précaire et la tâche très lourde. Malgré les créations de postes qui ont été enregistrées depuis 1998, nous devons encore faire un effort pour améliorer les conditions de travail de ces personnels.
M. Michel Bécot. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Bécot.
M. Michel Bécot. Madame le ministre, c'est une question de choix.
En ma qualité d'élu local, j'aurais souhaité que soit accordée une plus grande importance à la création d'emplois déconcentrés.
Des moyens sont nécessaires pour permettre à vos services déconcentrés non seulement de traiter en temps et en heure l'ensemble des dossiers qui leur sont confiés mais également de soutenir et de conseiller les élus, compte tenu de la complexité croissante de la réglementation de l'environnement sur le plan tant technique que juridique. C'est de cette façon, me semble-t-il, que l'administration sera plus proche des citoyens et plus proche de leurs préoccupations.
M. le président. La parole est à M. Vidal.
M. Marcel Vidal. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à observer en préalable à mon propos que l'examen du budget du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement nous permet d'expérimenter une nouvelle procédure qui, bien sûr, nécessitera un temps d'adaptation.
Cette initiative, prise par la conférence des présidents, rendra certainement nos débats plus synthétiques et plus vivants, une fois la période de « rodage » écoulée. Elle traduit la volonté du Parlement de poursuivre la modernisation de la vie politique initiée par le Gouvernement.
Nous sommes ainsi invités aujourd'hui à discuter du projet de budget de l'environnement, dont les crédits sont en progression pour la quatrième année consécutive, ce dont nous nous félicitons.
Il est vrai, madame la ministre, que la politique de l'environnement a subi, pendant plusieurs années, une stagnation de ses crédits. Il est donc encore nécessaire de poursuivre cette réorientation budgétaire que vous avez opérée.
Bien entendu, l'accroissement des missions du ministère de l'environnement, souhaité par le plus grand nombre, ne peut porter ses fruits que si sont mobilisés, tant à Paris que sur le reste du territoire, les effectifs nécessaires à leur accomplissement. C'est pourquoi nous nous félicitons, madame le ministre, que votre projet de budget prévoie la création de 300 emplois, correspondant à une progression de l'ordre de 10 %.
Ce projet de budget se distingue en ce qu'il privilégie les services déconcentrés qui bénéficient de la création de 192 postes. Une telle orientation ne peut que recevoir notre soutien.
Il convient, à cet égard, de rappeler le rôle essentiel des directions régionales de l'environnement, les DIREN, notamment à l'égard des collectivités locales. Les DIREN concourent à la prise en compte de l'environnement dans les divers programmes d'aménagement et aux politiques de conservation des milieux naturels en veillant à la protection de la nature, des sites et des paysages. Elles constituent donc un interlocuteur privilégié des collectivités locales, et cette mission est appelée à s'amplifier d'année en année, notamment en raison du développement de la coopération intercommunale et de la mise en place de pays, mais eu égard aussi à notre démarche à l'échelon européen.
S'agissant plus particulièrement de la protection de la nature, des sites et des paysages, certains projets, en dépit de la compétence et de l'assiduité des personnels des DIREN, sont de plus en plus retardés du fait de l'insuffisance des effectifs. Il en est ainsi des procédures de classement des sites, qui s'étalent parfois sur cinq ou six années.
La création d'emplois dans les DIREN répond donc à une nécessité et devra, nous semble-t-il, être poursuivie au cours des prochains exercices budgétaires compte tenu de la complexité et de la divesité des problèmes à traiter.
Par ailleurs, l'accroissement des effectifs des DIREN ne serait-il pas l'occasion de redéfinir les modalités de leur intervention auprès des collectivités locales, compte tenu de l'extension des compétences de ces dernières, et aussi vis-à-vis des instances de Bruxelles ?
C'est pourquoi, madame la ministre, je vous prie de bien vouloir nous indiquer si le renforcement des services déconcentrés, notamment des DIREN, implique un élargissement de leurs objectifs et, le cas échéant, nous préciser les nouvelles orientations que vous entendez donner à ces services.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Si vous me le permettez, monsieur Vidal, j'utiliserai quelques secondes pour apporter un complément de réponse à M. Bécot. En effet, il semblerait que nous ne nous soyons pas compris.
Je n'ai pas repoussé l'idée de créer des postes au Conservatoire du littoral. J'ai simplement souligné que les effectifs réduits du conservatoire étaient, pour l'essentiel, liés au fait que cet établissement était chargé des acquisitions de terrains et que, si la mission Le Pensec confirmait notre intuition, à savoir qu'il faut élargir les missions du conservatoire afin de lui permettre de gérer les sites et d'évaluer la qualité de la gestion de ces sites, évidemment, nous serions amenés à créer des postes.
Cela dit, nous n'avons pas attendu le résultat de la mission Le Pensec pour inscrire au budget les moyens qui permettront de créer sept postes supplémentaires en 2001. C'est bien modeste, mais c'est en tout cas la reconnaissance des besoins.
S'agissant, monsieur Vidal, du rôle et des effectifs des DIREN, je ne peux que marquer mon accord sur le constat que vous venez de dresser quant à leur état de sous-effectifs. Celui-ci est parfois responsable de délais dans l'instruction de certaines procédures mais également de carences dans la concertation. Mener à bien une concertation exige en effet du temps et beaucoup d'énergie de la part des services.
Cette situation a d'ailleurs été attestée par un rapport du conseil général des Ponts et Chaussées en 1998, puis par un rapport de la Cour des comptes en 1999. Tous deux ont mis en relief le manque criant d'effectifs et de crédits dans les directions de l'environnement eu égard aux missions qui leur incombent.
Je me suis attachée, depuis ma prise de fonctions, à rapprocher les moyens attribués à mes services déconcentrés de ce qui leur est nécessaire pour assumer les tâches qu'ils ont à accomplir. Je considère le renforcement des moyens humains du ministère comme une priorité de mon action, dès lors qu'il s'agit d'une condition préalable à la mise en oeuvre d'une politique efficace de l'environnement.
Je vous rappelle que 431 postes ont été créés depuis 1998, dont 272 en DIREN, 134 en DRIRE et 25 en DSV. Les 134 postes créés dans les DRIRE sont justifiés par le fait que nous avons d'énormes besoins en matière d'inspection des installations classées.
Faut-il élargir les missions des DIREN ? Je le pense. Nous avons d'ailleurs commencé à y réfléchir avec les DIREN elles-mêmes, en tenant compte de l'évolution de la législation européenne, des attentes de nos concitoyens en matière de qualité de leur environnement, ainsi que des événements climatiques et maritimes récents qui ont contribué à accroître sensiblement la pression que subissent ces directions régionales.
Une refonte du décret relatif aux missions des DIREN est en cours d'élaboration, avec le souci de renforcer le caractère interdépartemental de ces services au profit d'une meilleure administration de l'environnement. En effet, je dispose bien des directions régionales de l'environnement, mais pas des directions départementales de l'environnement. Une bonne coordination est donc nécessaire entre ces services régionaux et ceux qui, sur le terrain, dans les départements, pilotent la politique du ministère.
M. le président. La parole est à M. Masson.
M. Paul Masson. Madame la ministre, mes questions concernent la politique de l'eau de votre ministère, mais portent plus particulièrement sur l'assainissement.
Votre budget pour 2001 témoigne d'un effort certain en faveur de la politique de l'eau. Les crédits sont en hausse de 5,6 %, à quoi s'ajoutent les 500 millions de francs du Fonds national de solidarité pour l'eau prélevés, vous le savez mieux que quiconque, sur les agences de l'eau.
La qualité de l'eau dépend aussi d'un effort rationnel en faveur de l'assainissement en milieu rural. Combien de nappes polluées, combien de rivières fragilisées par l'absence de ce dispositif d'assainissement dans les bourgs et les villages ? Ma préoccupation a précisément trait aux conditions dans lesquelles sont conduits aujourd'hui en France les programmes d'assainissement dans ces milieux ruraux.
Vous savez combien l'application de la loi sur l'eau du 3 janvier 1992, aujourd'hui incluse dans le code de l'environnement, y pose des problèmes. Tous les maires seront tenus d'avoir en 2005 un assainissement rationnel et contrôlé sur le territoire de leur commune, et ils seront responsables de ce contrôle.
Ces dispositions concernant l'assainissement collectif ou individuel s'imposeront à toute commune rurale, quelle que soit sa population, son mode de développement et ses composantes sociologiques.
Chacun sait que l'assainissement collectif est particulièrement coûteux, et son fonctionnement parfois difficile dans certaines configurations rurales. L'assainissement individuel est alors unanimement préconisé, parce que son coût est moins élevé - tout au moins en principe - et son exploitation théoriquement plus simple. Mais, à l'expérience, on s'aperçoit vite que la mise en oeuvre d'un programme de cet ordre est difficile lorsque l'initiative est laissée aux seuls propriétaires privés.
En l'état actuel des textes, les aides diverses venant soit des collectivités départementales ou régionales, soit des communautés, soit encore des agences de l'eau, sont diversement mobilisables. Certains préfets encouragent un processus d'interventions publiques. D'autres sont plus rigoureux dans l'interprétation des textes. il y a manifestement, dans les faits, un risque de rupture du principe d'égalité entre les usagers d'un même service public. Il en découle que les raccordements aux réseaux collectifs des bourgs ruraux se font souvent avec lenteur. Il s'ensuit que l'investissement consenti, toujours lourd pour de petites communes, ne provoque aucun retour financier, car les systèmes fonctionnent mal, faute d'abonnés.
S'agissant de l'assainissement individuel, l'expérience prouve également que les particuliers sont, isolément, peu enclins à rénover leurs installations ou bien qu'ils font n'importe quoi, et dans le désordre. De leur côté, les maires ruraux ne sont guère tentés d'exercer un contrôle trop « personnalisé » : les rapports personnels sont souvent, nous le savons tous, délicats dans les communes rurales.
Les incitations financières prévues par certaines agences ne sont pas globalement mobilisables parce que votre ministère interdit, me dit-on, le transit de ces aides par le budget des communes. Actuellement, aucune opération globale menée par le biais des communautés ou des syndicats de pays ne semble ainsi juridiquement possible.
Certes, il existe la déclaration d'intérêt général prévue par l'article 31 de la loi sur l'eau, mais cette disposition est d'application difficile dès lors que cette déclaration doit couvrir un territoire important. Pourtant, de nombreux syndicats de pays prévoient dans leurs objectifs une politique globale en faveur de l'assainissement en milieu rural. Cette attitude est parfaitement indiquée pour lutter contre la pollution des eaux des rivières et des nappes souterraines. Elle devrait donc être encouragée. Or l'inadaptation des textes rend sa mise en oeuvre particulièrement difficile.
Ma question est double, madame le ministre.
La direction de l'eau de votre ministère considère-t-elle que le développement d'une politique d'assainissement en milieu rural dans les communes de population inférieure à 3 500 habitants justifie l'ajustement de textes qui n'ont pas été conçus pour réglementer des programmes conduits par des structures intercommunales ?
Aujourd'hui, il y a manifestement inadéquation entre la volonté politique affirmée au niveau national et des textes vieux de dix ou quinze ans, voire davantage.
Par ailleurs, le fonds national de solidarité pour l'eau pourrait-il être autorisé à financer des aides à l'assainissement autonome dès lors qu'une politique d'ensemble serait préconisée, étudiée et conduite par des groupements de communes, dans le cadre de programmes définis en commun ?
Croyez bien, madame la ministre, que de nombreux maires ruraux et de non moins nombreux responsables des administrations seront attentifs aux réponses que vous voudrez bien m'apporter, à l'occasion de ce débat particulièrement ouvert. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Comme vous le soulignez, monsieur le sénateur, l'assainissement non collectif, dès lors qu'il est mis en place dans le respect des prescriptions techniques en vigueur et de manière adaptée aux conditions locales, offre une solution intéressante pour nombre de communes rurales et de zones d'habitat dispersé. Il permet d'assurer à moindre coût un bon niveau de dépollution.
La loi sur l'eau de 1992 en a donc fait un mode d'assainissement à part entière, en demandant aux communes d'entreprendre un zonage de leur territoire définissant les zones d'assainissement collectif et les zones d'assainissement non collectif.
Dans les zones d'assainissement collectif, c'est la commune ou la structure intercommunale qui est compétente pour assurer la collecte et le traitement des effluents.
Dans les zones d'assainissement non collectif, ce sont les particuliers qui sont responsables de la réalisation ou de la réhabilitation des installations d'assainissement ainsi que de leur entretien. La commune ou le syndicat intercommunal n'est responsable que de leur contrôle. Ils peuvent cependant, éventuellement, à la demande des particuliers, assurer également l'entretien.
Les particuliers peuvent en théorie bénéficier d'aides des agences de l'eau pour cet assainissement non collectif mais, en pratique, les agences ne pouvant pas traiter avec des millions de particuliers, elles réservent leurs aides aux opérations entreprises de manière coordonnée. Même dans ce cas, les aides ne peuvent pas transiter par les communes ou les groupements de communes, puisque la loi ne leur confère aucune compétence pour agir dans ce domaine.
Compte tenu des blocages que provoque cette situation, le projet de loi sur l'eau, qui sera soumis au Parlement au cours de l'année 2001, prévoit d'étendre la compétence des communes et des groupements de communes à la réhabilitation des installations, cette compétence facultative s'exerçant, comme en ce qui concerne l'entretien, dans le respect du libre choix du particulier ; je fais ici référence au principe cher au Conseil d'Etat de la liberté du commerce et de l'industrie.
Les collectivités qui choisiront d'exercer cette nouvelle compétence facultative pourront être aidées par les agences de la même manière que pour l'assainissement collectif. En revanche, le FNSE n'a vocation ni à se substituer aux aides des agences ni à les « dupliquer ». Il ne subventionne pas l'assainissement collectif et il n'aidera pas non plus l'assainissement non collectif.
J'ai cité tout à l'heure les missions qui lui étaient confiées, et qui sont considérables. Je tiens à respecter mon engagement de ne pas augmenter le prélèvement sur les agences.
M. Paul Masson. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Masson.
M. Paul Masson. Ma réponse sera claire : je suis déçu, madame la ministre !
En effet, vous m'avez lu la réponse à des questions posées par un certain nombre de parlementaires qui a été émise par votre administration, ou celle du ministère de l'intérieur. J'attendais autre chose : une réflexion ou une ouverture. S'il s'agit de la loi actuelle et des arrêts du Conseil d'Etat, je les connais aussi, et ils sont particulièrement décevants.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. C'est la loi !
M. Paul Masson. La loi est faite pour être modifiée !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Il faut donc changer la loi ?
M. Paul Masson. Nous sommes là, vous comme nous, madame la ministre, pour faire des propositions ! Si nous ne modifions pas les règles pour les adapter à l'évolution de la situation - car c'est bien d'une adaptation à d'autres temps et à d'autres besoins qu'il s'agit - ce sont elles qui nous enfermeront !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je viens de vous annoncer un projet de loi !
M. Paul Masson. Vous m'avez dit que ce n'était pas possible !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, je viens de vous dire que le projet de loi sur l'eau que je prépare et qui vous sera présenté au cours de l'année 2001 prévoit de façon explicite une modification de la règle !
M. Philippe Adnot, raporteur spécial. Ce ne sera pas nécessairement un progrès !
M. Paul Masson. Je vous remercie de cette précision. Mais la future loi sur l'eau n'est pas encore votée !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Vous n'allez pas me reprocher de l'avoir préparée !
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons fini avec les questions.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je souhaite remercier Mme le ministre d'avoir accepté de se prêter à cette procédure expérimentale, qui va dans le sens de la rénovation de la discussion budgétaire et qui permet de donner plus d'interactivité à nos débats.
Je tiens à associer à ces remerciements les collègues qui ont participé à ce débat, ainsi que la présidence, qui a permis, par la souplesse dont elle a fait preuve, que l'ensemble des questions puissent être posées, dans le respect du temps de parole qui était imparti aux uns et aux autres.
Je pense que nous sommes sur le bon chemin, monsieur le président, pour arriver à une discussion budgétaire rénovée et intéressante. (Applaudissements.)
M. le président. M. Lambert a raison !
L'année dernière, le Gouvernement, par votre voix, madame le ministre, s'était exprimé pendant quarante-cinq minutes pour répondre à la Haute Assemblée. Cette année, son temps de parole a atteint soixante-deux minutes ! Le Gouvernement a donc encore plus de possibilités d'expression avec ce nouveau système.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C et concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : II. - Environnement.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 222 887 566 francs. »