SEANCE DU 5 DECEMBRE 2000


M. le président. Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les affaires étrangères (et aide au développement).
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année encore, les crédits attribués au ministère des affaires étrangères me paraissent nettement insuffisants pour faire face à l'importance croissante de toutes les missions qui lui incombent.
Certes, en valeur absolue, une augmentation de 1,110 milliard de francs est prévue, soit une progression de 5,3 %, mais la seule augmentation de la dotation des contributions obligatoires aux organisations internationales, pour ne citer que ce point, absorbe 852 millions de francs. Ainsi, les besoins mondiaux augmentent sensiblement, comme le prouve l'accroissement des cotisations internationales, alors que le budget français stagne.
La part du ministère des affaires étrangères dans le budget de l'Etat n'a cessé de s'amoindrir ces dernières années : de 1,73 % en 1981, il est passé à 1,57 % en 1990 et, pour finir, à 1,28 % en 2001. Dans la période actuelle de mise en place de l'Union européenne et d'interactivité croissante des différents continents, cette forte baisse constitue une sous-estimation grave par notre pays de l'importance de l'action extérieure de la France, qui explique sans doute, en partie, la diminution de notre rayonnement mondial. Très récemment, l'une des raisons invoquée au remplacement de Bernard Kouchner, chef de la mission des Nations unies au Kosovo, était la modestie de la contribution volontaire de notre pays dans cette zone.
Je signale également que le budget pour 2001 a pris comme base le taux de 6,57 francs pour un dollar, alors que le taux réel actuel est voisin de 7,40 francs par dollar. Pour les paiements en dollars, il en résultera une importante perte de change, qui réduira encore le budget, comme l'a déjà signalé Jacques Chaumont.
On aurait pu penser que la réduction sensible du budget de la défense et des forces armées, avec la limitation des effectifs militaires, aurait permis des transferts de crédits en apportant à notre diplomatie et à notre coopération des moyens supplémentaires pour la sécurité et la paix. Je regrette qu'il n'en ait rien été.
La sécurité collective et le maintien de la paix dans le monde nécessitent, en effet, de multiples actions, au travers tant de l'ONU et du Conseil de sécurité que d'actions directes sous commandement national.
L'ONU a pu redresser récemment sa situation et ses opérations portent surtout sur des problèmes d'envergure moyenne ; dix-sept sont en cours. Notre pays y a une participation importante de près de 8 %.
Quant au Conseil de sécurité, dont la France, puissance nucléaire, est l'un des membres, il a confié à des organisations régionales d'autres opérations pour le règlement des conflits les plus difficiles comme la SFOR en Bosnie, la KFOR au Kosovo. Neuf mille militaires français y participent.
Enfin, la France mène sous commandement national des opérations correspondant à sa responsabilité internationale : dix opérations sont ainsi réalisées actuellement à Djibouti, au Cameroun et en Algérie, notamment, avec sept cents militaires.
Par ailleurs, la France contribue à l'OTAN ; à l'Union de l'Europe occidentale, qui va être remplacée par la nouvelle force militaire récemment décidée à Bruxelles, la PESC, - à la politique étrangère et de sécurité commune, et à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l'OSCE, instrument de diplomatie préventive, avec une quote-part française excessive de 10,24 %.
On peut donc apprécier l'extrême diversité de nos contributions obligatoires et volontaires extérieures non seulement à l'Union européenne, mais aussi aux multiples organismes internationaux.
En ce qui concerne notre réseau diplomatique, avec 166 ambassades il occupe la deuxième position, juste derrière les Etats-Unis - 179 ambassades - et correspond à une grande puissance d'influence mondiale.
J'insisterai sur un point particulier de nos dépenses en locations immobilières à l'étranger. Sur 170 résidences diplomatiques, 48 étaient en location en janvier 2000. Ces locations constituent une mauvaise formule de gestion de notre ministère, car on ne loue un immeuble que lorsqu'on n'est pas certain d'en avoir besoin sur le moyen ou le long terme, ce qui n'est pas du tout le cas, puisque la présence de nos représentations diplomatiques et consulaires n'est pas précaire.
Les autorisations de programme et, surtout, les crédits de paiement ne peuvent évidemment pas faire face à des achats massifs immobiliers payés comptant sur un seul exercice. La formule du crédit-bail autorisée par la loi du 2 juillet 1966 permettrait de remédier à ces locations financièrement désastreuses. Des banques, si possible françaises et installées dans le pays de location, seraient en effet heureuses de financer l'acaht en location-vente d'immeubles adéquats, avec une longue durée d'amortissement de quinze ans par exemple. Une partie de l'annuité correspondrait aux intérêts de l'opération financière, et l'autre à un crédit d'investissement.
Cette formule permettrait de procéder immédiatement à de nombreux achats. De plus, les aménagements nécessaires pourraient être réalisés sans obligation d'une remise en état à l'expiration du bail. Ce système paraît tout à fait souhaitable et d'autres pays l'utilisent couramment.
Enfin, j'aborderai le thème de la mise en oeuvre de la culture française à l'étranger en limitant mon propos à l'enseignement.
Notre pays possède un réseau éducatif très étendu et performant. Sa complexité est extrême, car l'enseignement relève du domaine national de chaque pays et il ne peut y avoir un modèle universel unique d'établissement français à l'étranger : on doit en effet tenir compte des lois et règlements des pays d'accueil où les établissements sont installés, ainsi que de leurs organisations syndicales et des spécificités nationales.
Ces établissements sont payants, mais reçoivent une aide du Gouvernement qui est à peu près équivalente aux montants des droits d'écolage que versent les parents : soixante-huit établissements sont en gestion directe du gouvernement français ; deux cent dix sont conventionnés avec l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, sous la tutelle du ministère des affaires étrangères ; les autres sont indépendants.
Le corps enseignant comprend des personnels français répartis en différentes catégories - titulaires ou non du ministère de l'éducation nationale - et des nationaux des pays d'accueil.
Récemment, des grèves d'enseignants ont eu lieu, les titulaires français demandant des prestations accordées à leurs collègues en France. Ce mouvement a surtout été suivi dans les établissements à gestion directe, mais de nombreux autres établissements s'y sont associés.
Or l'ensemble des enseignants français, y compris ceux qui sont payés directement à Paris, qui exercent leurs activités à l'étranger, sont soumis aux lois du travail de leurs pays d'accueil, notamment pour les avis de grève qui appartiennent aux syndicats nationaux titulaires des contrats.
Des arrêts de travail collectifs ou individuels de travailleurs étrangers sur recommandation d'organisations étrangères sont donc interdits et pourraient être sanctionnés par des retraits de permis de travail et même de séjour.
Ces problèmes relatifs à la souveraineté des pays sont très mal ressentis localement et ne peuvent qu'être très préjudiciables aux établissements scolaires où ils se produisent. Il convient que tous nos ressortissants enseignants français détachés, résidents ou recrutés locaux, soient bien informés de ces principes élémentaires pour tous les expatriés.
Je terminerai en insistant sur l'importance de l'action audiovisuelle extérieure. D'excellents résultats sont actuellement obtenus par TV5 dans de nombreux pays. Un effort particulier reste à fournir avec le programme-réseau sur le continent nord-américain, considéré comme le bastion québécois par la direction de Montréal. Ce domaine est extrêmement porteur à l'étranger, surtout grâce aux sous-titres dans les langues des pays de diffusion.
Malgré la faiblesse des crédits pour 2001 et pour tenir compte de l'importance du ministère des affaires étrangères dans la présente conjoncture, avec une planète rétrécie et une démographie française en déclin, je voterai, monsieur le ministre, votre budget des affaires étrangères. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Mathieu.
M. Serge Mathieu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années j'évoque la situation de deux pays qui me tiennent à coeur : l'Albanie et l'Irak.
Au nom du groupe d'amitié France-Albanie du Sénat, je viens d'effectuer avec mon collègue Jean Besson une mission dans ce pays. Elle s'est déroulée dans un climat particulièrement tendu du fait de la contestation des résultats des récentes élections locales, qui ont conforté la majorité en place. Je vous rappelle que ce scrutin s'est déroulé sous le contrôle d'observateurs internationaux qui, en dépit d'irrégularités certaines, ont indiqué qu'il marquait « un progrès significatif vers la réalisation des normes d'élections démocratiques ». Cette contestation se traduit par de violents affrontements lors des manifestations organisées par l'opposition.
Tout cela est naturellement très préoccupant, alors même que l'Albanie, tout au long des entretiens que nous avons eus avec les plus hautes autorités de l'Etat et avec les présidents des principaux partis politiques, réaffirme sa volonté et sa vocation européenne après le sommet de Zagreb.
Ces deux mouvements contradictoires, de désordre intérieur et de volonté d'intégration européenne, montrent à quel point l'Albanie a besoin d'appui et d'aide, notamment de la Communauté européenne, et singulièrement de la France.
Je veux ici en témoigner, l'Albanie est francophone et francophile.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. C'est vrai !
M. Serge Mathieu. Ses élites se tournent vers notre pays, tout en ayant le sentiment de le voir s'éloigner irrésistiblement.
Il en va ainsi de l'enseignement de notre lanque, qui recule devant celui de l'anglais. Il est très préoccupant que cet enseignement ait été « périphérisé » vers les établissements de la banlieue de Tirana, alors que les meilleures élèves et les futures élites sont scolarisés dans les lycées de la ville même.
Peut-être des contacts entre nos ministères chargés de l'éducation pourraient-ils remédier à cette situation. Ils devraient être accompagnés, à un niveau plus politique, de l'accession de l'Albanie au statut de membre à part entière de la francophonie.
Ces gestes devraient également s'accompagner d'actions concrètes et peu onéreuses en faveur des bibliothèques, en termes de moyens informatiques ou d'abonnements aux journaux français.
A ce titre, monsieur le ministre, comment ne pas être préoccupé par la baisse des moyens donnés à notre poste pour les actions de coopération ? Ils ont été divisés par deux depuis 1994. Comment ne pas s'interroger également sur le quasi-abandon du projet de centre culturel français dans le pays le plus francophone et le plus francophile des Balkans ?
Je peux en témoigner, mes chers collègues, tous nos entretiens se sont déroulés en français et tous nos interlocuteurs ont regretté l'insuffisance de notre présence linguistique et culturelle.
Sur le plan économique, tous nos interlocuteurs, sans exception, ont regretté la place insuffisante de nos entreprises dans le pays, notamment les entreprises les plus importantes dans le domaine crucial des infrastructures. Sans sous-estimer les problèmes que posent l'établissement d'un Etat de droit, et plus encore, son application concrète, nous ne pouvons que constater que d'autres pays ont une présence très active.
Monsieur le ministre, je crois que, sur ces deux points, il est urgent de réagir et, dans le cadre de notre politique dans les Balkans, d'aider davantage l'Albanie.
S'agissant maintenant de l'Irak, la situation que j'ai dénoncée au fil des années n'est pas en cours d'amélioration, bien au contraire.
Je sais, monsieur le ministre, que le Gouvernement partage nos analyses et nos inquiétudes. Vos déclarations au Conseil de sécurité, à l'ONU, à l'Assemblée nationale ou au Sénat en réponse aux questions de parlementaires, en témoignent suffisamment.
Les conséquences humanitaires de l'embargo décrété voilà maintenant dix ans sont catastrophiques. Il suffit, pour s'en convaincre, de se reporter aux rapports des Nations unies ou de ses agences comme l'UNICEF, l' United Nations Children's Fund , le PAM, le programme alimentaire mondial, le PNUD, le programme des Nations unies pour le développement, ou l'OMS, l'organisation mondiale de la santé. Ils décrivent la détérioration des conditions de vie de la population irakienne, qui est la principale victime de cet embargo injuste.
A un moment où l'on parle beaucoup de génocide, comment qualifier les effets d'une décision dont les organes spécialisés de l'ONU estiment qu'elle a entraîné 800 000 morts supplémentaires en dix ans ? Ces victimes sont particulièrement les enfants, les vieillards, tous ceux qui ne peuvent se défendre seuls et qui, faute de médicaments, faute d'une nourriture suffisante et d'infrastructures sanitaires et sociales, meurent.
A titre d'exemple, les hôpitaux de Bagdad manquent de tous les médicaments, d'anesthésiques en particulier. Les cancers et les leucémies ont considérablement augmenté après la guerre du Golfe. Les déformations congénitales, les malformations dues en large partie à la malnutrition, sans compter les conséquences psychiques sur toute une génération, ne peuvent être soignées et prises en charge.
La liste serait longue de toutes les conséquences de l'embargo qui affectent une population innocente.
Les effets politiques de l'embargo sont exactement l'inverse de ceux que ses promoteurs avaient attendus. Le Gouvernement irakien est sorti renforcé et, sans doute, légitimé, aux yeux de la population, de ces épreuves supportées depuis dix ans.
Notre responsabilité morale et politique est directement engagée.
Certes, les dernières résolutions adoptées par l'ONU, notamment la résolution 1284, qui doit beaucoup aux efforts de notre diplomatie, permettent théoriquement une sortie de crise. Encore faudrait-il pour cela que le veto opposé par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, en application de la règle de l'unanimité au comité des sanctions, puisse être levé !
Je ne citerai qu'un seul exemple des refus ubuesques et des blocages : on refuse l'exportation d'animaux, taureaux ou poussins, sous prétexte qu'ils sont accompagnés des vaccins nécessaires, lesquels naturellement pourraient être utilisés pour fabriquer des armes chimiques. Tout cela est absurde, tout cela vient de la plus grande démocratie du monde...
Si des solutions théoriques de sortie de crise existent, encore faudrait-il qu'elles soient acceptées. Or, vous le savez, Bagdad rejette cette résolution, car la question est de savoir si, oui ou non, l'Irak s'est conformé à la nécessaire destruction de son appareil militaire ; si, oui ou non, les contrôles qui ont été instaurés dans les sites sensibles ou qui sont effectués par satellites suffisent à s'assurer de son impossibilité de reconstituer un appareil offensif.
Si notre réponse est positive, et c'est mon opinion, alors, conformément aux résolutions de l'ONU, l'embargo doit être levé, et levé totalement. Le programme actuel « pétrole contre nourriture » n'est qu'une goutte d'eau face aux besoins de ce pays.
La crise actuelle, le risque de blocage de la production irakienne et ses conséquences possibles montrent bien qu'aucun des verrous n'a pu être desserré.
Face à cette situation, et en dépit de ces nombreuses contraintes, nos entreprises continuent à prospecter activement le marché irakien. Notre présence économique à la dernière foire de Bagdad en témoigne. Pourtant, monsieur le ministre, nos entreprises ont ressenti, je les cite, « un sentiment d'abandon de la part des autorités françaises à un moment crucial », du fait de l'annulation de la visite du secrétaire d'Etat au commerce extérieur.
Grâce à notre diplomatie et aux liens d'amitié traditionnels entre l'Irak et la France, nous avons encore une position favorable pour contribuer à la reconstruction de ce pays. Il convient de conforter cet avantage, alors même que la concurrence d'autres pays s'accroît.
Voilà, mes chers collègues, les quelques mots que je voulais prononcer à l'occasion du vote du budget des affaires étrangères. Derrière ces crédits, il y a des pays amis de la France et des hommes qui attendent de nous aide, assistance et amitié. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite intervenir sur l'aide publique au développement, en insistant sur le fait que la France est de moins en moins généreuse et que les crédits budgétaires affectés à l'aide publique sont très éparpillés.
En 2001, le total des crédits d'aide publique devrait s'élever à 32,5 milliards de francs, l'aide apportée à nos territoires d'outre-mer non comprise.
La progression de 3,5 milliards de francs en 2001, après une diminution de 1,4 milliard de francs en 2000, résulte, en réalité, presque uniquement de la progression des crédits de l'aide multilatérale.
Or il est à noter que ce nouveau renforcement de l'aide multilatérale se fait essentiellement au profit d'un prélèvement communautaire qui ne cesse de s'alourdir - il est majoré de 38 % en 2001 - représentant 59 % du total de l'aide multilatérale et un quart du total de l'aide publique française.
Le poids croissant de la contribution française à l'aide au développement mise en oeuvre au niveau communautaire doit être souligné en bien.
La quote-part française au Fonds européen de développement, le FED, qui s'établit à 24,3 %, est sans rapport avec la part moyenne de la France dans le budget de l'Union, qui s'élève à 17,8 %. Mais c'est le prix que nous avons dû payer en 1995, lors de la renégociation de Lomé, pour obtenir un effort supplémentaire de l'Europe. La lourdeur des procédures de décisions communautaires au niveau tant des engagements que des décaissements, ainsi que le refus persistant du pouvoir exécutif de prendre les choses en main - via le conseil des ministres - font qu'il existe aujourd'hui un reliquat non utilisé de près de 65 milliards de francs non dépensés sur le FED,...
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Très bien !
M. Jacques Pelletier. ... soit plus de deux fois le montant annuel global de l'aide française : c'est inadmissible, monsieur le ministre, d'autant que les besoins des pays pauvres sont immenses.
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Très bien !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Tout à fait d'accord !
M. Jacques Pelletier. En outre, nous constatons un manque évident de coordination des pays membres de l'Union européenne en matière d'aide internationale. L'Europe manque de cohérence entre aide bilatérale et aide multilatérale. Elle doit améliorer la coordination entre ses membres.
Les subsides de l'Europe mettent quatre ans en moyenne pour être versés. La raison principale de ce retard est le très complexe circuit institutionnel de l'aide humanitaire de l'Union, notamment, la lourdeur des procédures administratives.
La Commission européenne réfléchit depuis plusieurs mois à une réorganisation complète de son système d'aide. Monsieur le ministre, j'aimerais connaître l'action que compte mener notre pays pour faire avancer cette réforme, qui me semble importante.
Par ailleurs, la réduction spectaculaire des crédits de l'aide publique au développement - ils ont diminué de 40 % en sept ans - vient confirmer le fait que notre pays ne joue plus véritablement son rôle dans ce domaine.
A travers les 20 millions de signataires pour l'annulation de la dette des pays pauvres, puis à Seattle, lors de la conférence de l'organisation mondiale du commerce, plus récemment, à Bangkok, avec la conférence des Nations unies pour le commerce et le développement, la CNUCED, après-demain, à Nice, au sommet européen, les voix de la société civile s'élèvent de plus en plus contre les risques d'une mondialisation dominée par les rapports marchands qui aboutirait à l'exclusion d'une partie croissante de l'humanité.
Dans le même temps, les rapports les plus récents du programme des Nations unies pour le développement signalent une aggravation effrayante des inégalités.
Quelles stratégies de développement solidaire et durable pourraient réduire les inégalités dans les pays et entre les pays ?
Comment notre pays va-t-il se positionner pour nouer des alliances, rechercher de nouvelles synergies, notamment au sein des grandes institutions financières internationales et, tout d'abord, au sein de l'Union européenne ?
La France doit être un artisan de l'élaboration des nouvelles réponses qu'appellent ces interrogations.
Le Haut Conseil à la coopération internationale...
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Oh là là !
M. Jacques Pelletier. ... propose trois grandes orientations sur lesquelles un consensus s'est dégagé et que je soutiens volontiers.
Premièrement, il s'agit de donner un sens à la coopération et, par là même, à la mondialisation, en refusant le statu quo présenté souvent comme inéluctable.
Deuxièmement, il s'agit de jouer la carte de l'Europe et de peser davantage dans les institutions internationales, en étant plus présents, beaucoup plus présents dans ces institutions.
Troisièmement, il s'agit de rénover en profondeur notre dispositif de coopération, pour bâtir un univers plus solidaire et plus humain, en définissant bien l'objectif central de notre coopération : la recherche d'un développement solidaire et durable.
L'accès à des médicaments essentiels, spécialement pour les nombreux malades du sida qui ne peuvent bénéficier des traitements nouveaux, l'assistance à la négociation internationale et la réduction de l'endettement des pays pauvres, tels sont les projets que je souhaiterais soutenir.
Je veux attirer maintenant votre attention sur l'assistance technique, instrument fondamental de notre coopération. En effet, l'enveloppe destinée à financer les coopérants présente deux traits marquants : une réduction des moyens et un changement significatif de nomenclature, puisque l'intitulé « assistance technique » disparaît, pour être remplacé par deux nouvelles rubriques, à savoir l'expertise de longue durée et les missions d'experts de courte durée.
Je pense qu'aujourd'hui notre coopération technique, qui, dans l'ensemble, était remarquable et très appréciée, court deux risques majeurs : en premier lieu, une nouvelle diminution de notre présence dans les pays bénéficiaires de notre aide ; en second lieu, un changement de forme de notre coopération qui pourrait en altérer la capacité.
Je reviens quelques instants sur ces deux risques.
Le premier concerne la baisse des effectifs. Je le rappelle, le nombre des assistants techniques a baissé de 31 % en quatre ans, passant de 2 898 postes, en 1997, à 1 979, en 2000. N'oublions pas qu'ils étaient de l'ordre de 30 000 en 1980 et de 15 000 en 1990.
Monsieur le ministre, vous nous aviez indiqué, voilà deux ans, que nous étions déjà arrivés à l'étiage et que toute réduction supplémentaire remettrait en cause l'efficacité de notre action. Alors, que devons-nous penser des chiffres que je viens d'énoncer ?
Le second risque concerne le changement de nature de notre coopération. Les modifications de nomenclature dans le projet de budget pour 2001 ouvrent la voie à des missions d'expertise de courte durée. Dans certaines circonstances, ce type de mission se justifie. Mais on ne peut sous-estimer le risque que les missions courtes, compte tenu de leur moindre coût, prennent progressivement une place prépondérante par rapport aux missions longues. Si une telle évolution devait se confirmer, la coopération française se banaliserait en s'alignant sur le mode d'action des autres bailleurs de fonds et perdrait l'un de ses atouts majeurs. En effet, seule une présence prolongée sur le terrain confère l'expérience et la capacité d'expertise aujourd'hui reconnues à nos coopérants techniques.
Il faut une réelle immersion dans un pays pour pouvoir bien en comprendre les problèmes et susciter la confiance des autorités et de la population, condition indispensable d'une action efficace.
Cette « valeur ajoutée » de la coopération française que l'on nous enviait, voilà quelques années encore, est aujourd'hui véritablement menacée de disparaître, et l'on ne peut que le regretter.
L'avenir de la coopération technique apparaît donc d'autant plus préoccupant que, parallèlement à l'organisation de missions courtes, la durée du séjour long a été ramenée de six à quatre ans.
L'accélération de la rotation des personnels a un coût certain, mais, de plus, pose le problème de la réintégration des coopérants dans leurs administrations d'origine : l'expatriation devrait être considérée comme un « plus » dans la carrière. Or, c'est loin d'être le cas aujourd'hui. Comment envisagez-vous, monsieur le ministre, la gestion de ce problème concernant nos assistants techniques ?
Par ailleurs, je pense que nous devons avoir deux objectifs majeurs afin de rénover en profondeur notre dispositif de coopération : tout d'abord, le développement solidaire et durable doit constituer le fil directeur de notre politique de coopération ; ensuite, l'aide à la démocratie doit être largement soutenue et encouragée.
Il faudrait, par ailleurs, encourager la démocratie participative, en associant les collectivités locales, les organisations non gouvernementales et les entreprises partenaires dans les deux pays à la préparation et aux débats d'orientation.
Nous savons bien qu'une dizaine d'ONG seulement atteignent, en France, une taille permettant de jouer un rôle international au milieu d'un archipel de quelque 2 000 organisations.
Pour finir, j'aimerais aborder la question de l'insuffisance des crédits du fonds de solidarité prioritaire.
Les dotations prévues pour le fonds de solidarité prioritaire s'élèvent à un peu plus d'un milliard de francs en autorisations de programme, en diminution de 24 % par rapport à 2000. Cette diminution des moyens paraît s'expliquer principalement par le transfert des opérations multilatérales liées à la francophonie du FSP vers le titre IV.
La dotation du FSP et sa gestion appellent de ma part quelques remarques.
En premier lieu, l'enveloppe dévolue au fonds n'a cessé de se réduire au cours de la période récente.
Ensuite, la mise en oeuvre des projets souffre encore de nombreux retards : ainsi, la durée prévue de projets en cours, de l'ordre de trente-cinq mois, se trouve prolongée en moyenne de onze mois.
Par ailleurs, la nouvelle organisation du fonds de solidarité prioritaire, fixée par le décret du 11 septembre 2000, se traduit par un affaiblissement du contrôle parlementaire tel qu'il s'exerçait dans le cadre du fonds d'aide et de coopération, et cela n'est apprécié ni à l'Assemblée nationale ni au Sénat.
Enfin, ce même décret du 11 septembre 2000 prévoit que le FSP « peut financer, à titre exceptionnel, des opérations d'aide et de coopération situées, le cas échéant, hors de la ZSP » ; une telle possibilité avait déjà été utilisée au Kosovo. Si je suis tout à fait partisan d'aider le Kosovo, je considère cependant que c'est une dérive dangereuse que de le faire par le biais du FSP, dont ce n'est pas la vocation.
En conclusion, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite souligner le fait que l'évolution des crédits suscite beaucoup d'inquiétudes.
Tout d'abord, on ne peut que constater le décalage qui s'accroît entre les ambitions désormais étendues à la dimension de la zone de solidarité prioritaire et une enveloppe financière réduite.
Par ailleurs, je veux insister sur le fait qu'une place prioritaire doit rester consacrée à l'Afrique. Il ne faut pas dilapider le capital de confiance, d'amitié et d'estime que valent à la France sa fidélité aux liens tissés par l'histoire, mais aussi par une réelle solidarité.
Notre aide, tout en restant concentrée, doit s'adapter, se moderniser, devenir plus efficace, mais elle ne doit pas disparaître. Il faut, en particulier, encourager les investissements qui, à terme, restent, sans doute la meilleure chance de développement pour l'Afrique. A cet égard, notre communauté française, forte de 150 000 personnes, porte les espoirs d'un véritable renouveau économique pour le continent. Encore faut-il qu'elle bénéficie de certaines garanties de la part des pouvoirs publics français.
Mes derniers mots, monsieur le ministre, seront très amers. Le scénario prévu par les plus pessimistes, au moment de la disparition du ministère de la coopération, est en train de se réaliser : 40 % d'aides publiques en moins, une assistance technique squelettique. Cette constation est très dure pour celles et ceux, nombreux, qui ont touhjours cru et qui croient encore en la mission humaniste et humanitaire de notre pays. (Applaudissements.)
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Très bien ! Quelle hauteur de vue !
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Il a parlé comme un ministre (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois de plus, le débat sur le budget des affaires étrangères se déroule dans le cadre d'une situation internationale particulièrement tendue, notamment au Proche-Orient et en Côte d'Ivoire. Sur ces deux points, l'engagement et l'attitude de la France seront particulièrement observés.
Un certain nombre de priorités étaient affichées concernant le budget des affaires étrangères, et nous nous félicitons qu'elles aient été en partie retenues pour l'exercice 2001. Toutefois, il s'agit moins d'une progression que d'une stabilisation du budget des affaires étrangères. Si le Gouvernement a consenti à réajuster un budget qui n'a cessé de décroître régulièrement depuis 1993, de nombreux efforts seront cependant encore nécessaires pour optimiser les relations bilatérales et multilatérales de la France à l'étranger et sa coopération active.
Le budget des affaires étrangères a de nouveau progressé ces deux dernières années pour représenter finalement un peu moins de 1,3 % du budget de l'Etat. Nous ne pouvons donc qu'approuver la consolidation de cette stabilisation pour 2001. C'est pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen s'engagera vers un vote positif.
Sinon, comment envisager un rôle accru de la France sur la scène politique mondiale ?
Pour autant, les aspects financiers ne résoudront pas à eux seuls les objectifs fixés. Face à la mondialisation, qui standardise tous les domaines économiques, institutionnels, culturels, face au pouvoir du monde économique et technique, nous défendons l'idée de remettre en valeur, plus aujourd'hui qu'hier, le rôle du politique. Il s'agit du politique dans le sens grec du terme, la polis , c'est-à-dire la « cité ». J'entends par là l'implication de la cité dans les affaires de l'Etat, d'autant plus quand il s'agit de ses rapports avec l'extérieur.
Or, avec la globalisation systématique, il semble qu'on veuille aujourd'hui restreindre le rôle du politique. Le manque de concertation parlementaire autour des budgets en est un exemple patent. Les débats se limitent, trop souvent, à des constatations de faits accomplis.
Le chantier des affaires étrangères mériterait une collaboration de tous les parlementaires, car il s'agit de valoriser le rayonnement de notre pays à l'étranger.
La France a sans doute un rôle à jouer politiquement pour entraîner la Communauté européenne à s'impliquer d'une manière plus importante à l'échelle planétaire, pour offrir d'autres alternatives et pour proposer une série de renégociations. Les domaines sont vastes : ils concernent notamment la coopération, l'organisation mondiale du commerce face aux Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, les partenariats euro-méditerranéens, les foyers de tensions à l'étranger, en particulier en Afrique et au Proche-Orient.
Sans revenir sur les excellents propos tenus par mon ami Jean-Luc Bécart quant aux crédits affectés à la coopération, comment ne pas s'inquiéter du recul de la participation française à l'aide publique au développement ? Comment ne pas s'inquiéter également quand on constate une réduction des crédits d'engagement pour l'aide alimentaire et pour l'aide humanitaire, ainsi que pour la coopération avec les pays en développement - Asie, Afrique, Proche-Orient - sur le prélèvement au titre du budget européen pour l'exercice 2001 ?
L'Union européenne peut-elle jouer un rôle et apporter son équilibrage dans la résolution d'un certain nombre de foyers de tensions dans le monde ? Si oui, quels moyens peut-elle se donner pour peser dans les négociations ? Là encore, vous l'aurez compris, nous défendrons une prise de position claire et ferme de la France et de l'Europe, afin de faire appliquer, dans tous les cas et sans parti pris, les décisions de l'ONU et de son Conseil de sécurité.
Le conflit au Proche-Orient doit nous permettre de nous interroger sur notre rôle à faire appliquer non seulement les résolutions de l'ONU, mais aussi, peut-être, la convention des droits de l'homme, pour que tous les peuples accèdent aux mêmes droits, dans un respect mutuel et sans conditions préalables.
Monsieur le ministre, combien de temps encore devrons-nous attendre pour que l'Union européenne s'engage avec détermination dans le soutien à la population palestinienne et aux partisans de la paix qui sont nombreux dans chaque partie au conflit ?
En matière de politique africaine, je sais, monsieur Josselin, les efforts financiers et diplomatiques que vous déployez. Les Français gagneraient à mieux connaître ces efforts et la réalité en ce domaine : « non-ingérence » et « non-indifférence », comme l'a souligné mon collègue Jean-Luc Bécart. Ainsi, la France, par votre action, agit pour améliorer le sort de ces pays.
Je formulerai un seul regret : que l'ensemble des pays développés ne fournissent pas le même effort pour aider l'Afrique à s'en sortir.
Avant de conclure, je tiens à exprimer le souhait que le prochain sommet francophone, à Beyrouth, en octobre 2001, soit l'occasion d'actualiser les priorités de notre action multilatérale afin de permettre, à côté des règlements politiques, d'élargir les crédits visant des coopérations culturelles. Aujourd'hui, ils sont encore trop restreints. Certaines priorités sont liées à l'actualité, qu'il s'agisse de la coopération culturelle avec les pays balkaniques, de la réouverture de nos centres culturels en Algérie, du développement de l'accueil de boursiers étrangers dans les universités et les grandes écoles ; sur ce dernier point, on note encore des difficultés pour l'obtention des visas et la nécessité d'améliorer les conditionsd'accueil.
Je désire enfin pointer deux carences dans ce budget. La première vise la sous-évaluation des dépenses qui avait été particulièrement notée l'année passée - 3,14 milliards de francs. Les variations du dollar y jouent un rôle important, puisqu'on estime qu'une variation de 10 centimes du dollar entraîne une variation de 15 millions de francs des crédits demandés. Par ailleurs, le budget des opérations de maintien de la paix, les OMP, est, lui aussi, susceptible de subir de grandes variations en fonction de l'actualité internationale.
La seconde carence tient au manque de personnels. Après une forte réduction enregistrée sur la période 1994-1998, avec la suppression de 625 emplois, l'année 2001 verra maintenir les effectifs de personnel. Pour autant, ces derniers nous semblent très inférieurs aux besoins. Face à l'actualité, notre rôle à l'étranger gagnerait en efficacité en dotant notre diplomatie des outils nécessaires et adéquats pour permettre à la France de se moderniser en impliquant les parlementaires dans les débats concernant les affaires étrangères et en accentuant la place de la solution politique, notamment dans les conflits.
Pour terminer, monsieur le ministre, je tiens à appeler votre attention sur la fermeture de la frontière entre l'Italie et la France qui va empêcher des milliers de salariés et de jeunes de participer à la manifestation du 6 décembre organisée à l'occasion du sommer européen de Nice. Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen considèrent cette mesure comme inacceptable et vous demande, monsieur le ministre, de profiter du débat de ce soir pour annoncer le retrait de cette décision. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'en venir au projet de budget, je souhaite exprimer mon inquiétude quant à la situation en Côte d'Ivoire. Les tensions ethniques ont repris de la vigueur. Qu'entend faire la France dans les jours qui viennent pour tenter d'apaiser ces tensions ?
Parlons du projet de budget maintenant, et voyons quels sont les motifs de satisfaction à cet égard.
Tout d'abord, le projet de budget ne baisse pas, au moins en francs courants ; par ailleurs, il est plus véridique que les précédents puisque les crédits que Bercy transférait normalement en cours d'année pour les contributions obligatoires, les cotisations patronales d'assurance maladie du personnel et autres charges prévisibles sont maintenant intégrés au budget. C'est plus clair.
Le fonds de concours des droits de chancellerie est consolidé par son intégration au budget, ce qui est également appréciable.
Pour les Français installés à l'étranger, la création d'une toute petite ligne de crédits, la ligne FLAM, ou français langue maternelle, et les 2 millions de francs qui y sont inscrits constituent un premier pas vers la prise en compte d'une réalité longtemps ignorée. La majorité des enfants français de l'étranger, scolarisés dans les écoles de leur pays d'accueil, perdent l'usage du français entre cinq et onze ans, faute d'apprentissage scolaire. Les familles de Francfort, Zurich, Sydney ou d'ailleurs vont, enfin, bénéficier d'un soutien à leurs initiatives. Leurs enfants leur répondront peut-être plus souvent comme ils le souhaitent, en langue française. C'est un progrès pour l'avenir.
L'action contre l'exclusion sociale dans les communautés françaises à l'étranger me fournit, malheureusement, une transition vers tout ce qui n'est pas vraiment satisfaisant dans ce projet de budget pour 2001.
Sous l'impulsion du ministère et grâce à l'action inventive et déterminée de la direction des Français à l'étranger, la DFAE, à laquelle je rends hommage, il a été possible, par redéploiement de crédits, de commencer à mettre en oeuvre, à titre expérimental, quelques-une des propositions que j'avais formulées en conclusion de mon rapport sur l'exclusion sociale dans les communautés françaises à l'étranger, et ce en dépit de l'absence de progression des crédits d'aide sociale.
Mais, si le budget de 2002 ne comporte ni création d'emplois dans les consulats ni augmentation substantielle des crédits d'aide sociale et de formation professionnelle à la DFAE, il ne sera pas possible de passer de l'expérimentation à l'application. Pouvez-vous me donner des assurances pour l'avenir, monsieur le ministre ? Je sais bien que c'est quasiment impossible, mais je suis très inquiète.
Le grand perdant de ce budget pour les Français à l'étranger, c'est vraiment la formation professionnelle. Au moment où le ministère de l'emploi et de la solidarité, ainsi que l'AFPA, l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes, cessaient de concourir aux actions du ministère des affaires étrangères en ce domaine, ce qui est proprement injustifiable, il fallait 6 millions de francs supplémentaires à la mission emploi-formation pour développer le centre de Tananarive et commencer son action à Dakar. Que faire, maintenant ? Nous sommes vraiment devant l'impossibilité de poursuivre l'une des actions les plus prometteuses pour éviter la paupérisation de certaines communautés françaises dans les pays du Sud.
Dans ce domaine, comme dans ceux que je vais aborder par la suite, la parlementaire socialiste que je suis regrette que le Gouvernement ne réalise pas mieux l'adéquation entre les principes qu'il proclame et met en oeuvre, avec un succès reconnu, au titre de priorités dans sa politique intérieure et ses choix budgétaires pour l'action internationale, pour l'aide publique au développement et pour les Français à l'étranger.
Il faut tout de même le dire, la France a changé. Elle est devenue le pays ouvert sur l'international que les gouvernants de jadis appelaient de leurs voeux. Les Français s'expatrient en très grand nombre. Des écoles françaises s'ouvrent partout dans le monde sur des initiatives individuelles ou de groupes. C'est chose faite, la France est vraiment devenue un pays nouveau, moderne.
Par ailleurs, sur le plan gouvernemental, la France proclame sa volonté de rester solidaire avec les pays du Sud, de maîtriser la mondialisation, d'éviter le creusement du fossé.
Or, quels moyens financiers et humains l'Etat se donne-t-il dans un budget comme celui qu'on nous présente pour jouer son rôle international et accompagner le mouvement d'ouverture de la société ?
Comme mes collègues, je dis qu'il s'en donne trop peu. De surcroît, les moyens sont trop rarement confiés au ministère des affaires étrangères et, concernant l'aide publique au développement, beaucoup trop laissés à la discrétion du ministère des finances, en l'absence de tout contrôle parlementaire, alors que c'est le ministère de la coopération qui devrait être le maître d'oeuvre de l'aide publique au développement pour la France.
MM. Michel Charasse et Jacques Chaumont, rapporteurs spéciaux. Très bien !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je voudrais appeler l'attention sur quelques conséquences très négatives de l'insuffisance du budget du ministère des affaires étrangères aux yeux de la parlementaire qui, avec onze autres, représente les Français établis hors de France.
Il y a d'abord les difficultés des services extérieurs du ministère des affaires étrangères : la précarité et les bas salaires des recrutés locaux de ces services - je constate que, cette année, la plupart des rapporteurs en ont parlé - le sous-financement chronique de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger, même s'il faut reconnaître que la France fait un effort considérable pour l'enseignement - cela étant, soit on fait un effort, soit on ne le fait pas, mais, si on le fait, il faut y mettre les moyens. Enfin, il y a l'étiolement de la diplomatie culturelle et de la coopération, pour lesquels je ne trouve pas d'euphémisme satisfaisant.
Il y a, en réalité, 2 000 agents de moins en poste, au ministère des affaires étrangères, qu'il y a dix ans : 1 000 emplois budgétaires et 1 000 emplois non pourvus sur ces emplois budgétaires, je regrette, cela fait bien 2 000 !
Or, avec 2 000 agents de moins, on ne peut plus faire correctement le travail dans les missions diplomatiques et dans les chancelleries consulaires. On le fait encore moins dans les consulats, quel que soit le dévouement des personnels. Vraiment, cela ne va pas !
Nous, Français de l'étranger, ne voyons l'action gouvernementale qu'au travers du fonctionnement des consulats. C'est notre seul contact avec l'exécutif. Nous avons besoin que soit exercée la mission régalienne de l'Etat dans les domaines fondamentaux que sont pour nous l'état civil, les questions de nationalité, les questions notariales. En effet, c'est tout bête, mais nous avons des biens pour lesquels nous avons besoin de services notariaux compétents dans les consulats. Or, ceux-ci n'ont plus les moyens humains de faire face aux besoins.
La précarité et les bas salaires des recrutés locaux du ministère des affaires étrangères, tout le monde en a parlé, et c'est heureux !
Je rentre de New York. Franchement, on ne peut qu'avoir honte, lorsqu'on est à la mission française auprès de l'ONU, de voir que les 25 personnes qui y travaillent sont aussi mal payées. Même avec la revalorisation de la grille des salaires à laquelle on vient de procéder, la France restera le plus mauvais employeur des missions diplomatiques de New York !
Les personnels qui ne sont pas français ne peuvent pas payer d'assurance maladie. J'ai vu un jeune homme qui logeait dans un foyer de sans-abri parce qu'il n'avait pas les moyens de payer son logement avec son salaire de 2 500 dollars, en dépit de la fonction qu'il occupait. Il suffit en effet de qualifier quelqu'un qui a un niveau bac + 6 d'agent de bureau de deuxième catégorie pour le payer 2 500 dollars par mois. Après quoi on s'étonne de ne pas garder de personnel ! Ce n'est pas possible, la France ne peut pas continuer à être le plus mauvais employeur diplomatique des grandes villes d'Europe et des Etats-Unis ! Cela ne peut pas durer !
Or, je n'ai vu nulle part, dans le projet de budget, de ligne de crédit qui permettrait d'améliorer cette situation. En 1999, une belle circulaire diplomatique a donné de très bons conseils à nos chefs de mission diplomatique. Mais comment ceux-ci pourraient-ils les mettre en oeuvre avec les crédits qu'ils ont ? Le peu d'augmentation de crédit qu'il y a va être dévoré par l'appréciation du dollar, puisqu'il n'en est pas réellement tenu compte.
Je ne vois vraiment pas, dès lors, comment on pourrait remédier à la situation difficile des postes diplomatiques, des consulats, et comment on pourrait améliorer la situation des recrutés locaux, sans lesquels, maintenant, plus un seul service ne fonctionnerait à l'étranger.
Car il faut en être conscient : si ces gens s'arrêtent de travailler pour leur salaire de misère, plus rien ne fonctionnera, ni dans les chancelleries diplomatiques, ni dans les consultats !
S'agissant de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger, il faut savoir si l'on veut avoir un réseau d'enseignement qui corresponde aux besoins de la population française telle qu'elle est maintenant à l'étranger, c'est-à-dire une population qui, majoritairement, n'a pas de sursalaire à l'expatriation et qui doit prélever sur un budget familial normal le coût élevé d'une scolarisation privée.
Et que l'on ne vienne pas nous dire que les parlementaires inventent, qu'ils rêvent ! Voilà trois ans et demi que nous disons qu'il y a le feu dans les établissements de l'agence ! Parents et enseignants s'accordent sur ce constat ; il n'y a pas la moindre opposition entre eux. Tous voient bien que la situation se dégrade. Par conséquent, soit on adapte le réseau à la situation nouvelle à l'étranger, soit on le restreint, mais on ne peut pas faire plus avec moins d'argent, ce n'est pas vrai !
Par ailleurs, je partage le point de vue de tous mes collègues qui ont protesté contre le fait que la diplomatie culturelle et l'action pour la coopération française se restreignaient d'année en année sur le plan budgétaire et par diminution de l'assistance publique au développement.
La véritable assistance publique, elle est faite par les coopérants,...
M. le président. Veuillez conclure, madame.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. ... sur le terrain, par ceux qui restent longtemps, qui sont vraiment impliqués, qui en veulent, et non pas par des gens qui font du tourisme et qui sont là quinze jours pour faire des missions de courte durée.
Faute de temps, je ne pourrai pas dire tout ce que j'avais à dire. J'ajouterai simplement qu'il faut cesser d'abonder le FED, qui ne sert pas à grand-chose, et affecter l'argent à notre coopération bilatérale parce que, elle, nous la connaissons, nous la faisons marcher. Enfin, augmentons nos contributions volontaires à l'ONU, faute de quoi la France perdra vraiment sa place dans le concert des nations. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que que les travées du Rassemblement pour la République et des Républicains et Indépendants.)
Mme Paulette Brisepierre. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'un des enjeux et, nous l'espérons, l'un des succès du traité de Nice sera de conforter les institutions d'une véritable défense européenne.
Sans doute est-il nécessaire d'organiser la prévention des crises, et cela d'abord en Europe même.
Mais puis-je, monsieur le ministre, attirer votre attention sur une contradiction, à mon avis, inexplicable : l'importance des moyens dégagés pour organiser la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union européenne, et demain, une politique de défense, constrastant avec le blocage des moyens nécessaires à la contribution pourtant essentielle qu'apporte le Conseil de l'Europe à la stabilité démocratique du continent européen ?
Je fais partie de la délégation française qui a participé à l'accompagnement des Etats d'Europe centrale et orientale sur le chemin de la démocratie, qui passait d'abord par l'adhésion au Conseil de l'Europe.
Ce rôle de l'organisation de Strasbourg, pour être méconnu, n'en est pas moins essentiel. Nous avons obtenu l'institution de systèmes électoraux et judicaires respectueux des droits de l'homme et de l'état de droit à peu près sur tout le territoire du continent européen, et même le renoncement à la peine de mort.
Nous veillons à la régularité des élections. Nous accompagnons les Etats du Caucase et des Balkans sur le chemin de la réconciliation et du respect de leursminorités.
Cela, vous le savez, monsieur le ministre.
Alors, pourquoi appliquer la décision prise il y a plusieurs années d'allouer à une organisation qui comporte aujourd'hui - nous devons nous en féliciter - quarante et un Etats membres des crédits bloqués par la règle dite, de la « croissance zéro en termes réels » ?
C'est le comité des ministres de l'organisation où siège le gouvernement français qui décide d'inviter de nouveaux Etats à adhérer.
C'est encore le comité des ministres qui a décidé d'ériger la Cour des droits de l'homme en cour unique et permanente.
C'est, enfin, le comité des ministres qui a décidé la création d'un commissariat pour les droits de l'homme auprès du Conseil de l'Europe.
Je ne décrirai pas l'influence de ces organes sur l'amélioration des libertés individuelles, et donc sur la stabilité politique en Europe. Je voudrais simplement rappeler qu'en dix ans le Conseil de l'Europe est passé de vingt-trois à quarante et un Etats membres.
En 1998, la Cour européenne des droits de l'homme enregistrait moins de 6 000 requêtes ; en 1999, elle en a enregistré 8 400 et, pour les seuls six premiers mois de cette année, on en dénombre près de 7 000, ce qui laisse augurer un quasi-doublement du nombre de requêtes introduites de 1998 à 2000, c'est-à-dire en l'espace de deux ans.
L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a demandé, très logiquement, la disjonction des crédits de fonctionnement de la Cour européenne des droits de l'homme, afin que cet organe de contrôle de la convention européenne des droits de l'homme soit doté d'un budget propre.
Il devrait en être de même des services du commissaire aux droits de l'homme.
Cependant, comment qualifier l'attitude des cinq plus grands Etats contributeurs au budget du Conseil de l'Europe - parmi lesquels la France - dont la part a été ramenée à 12,75 % seulement du budget ordinaire ?
Faisons attention, sur le plan psychologique, à cette attitude de discrimination des grands pays par rapport aux petits, car ils concourent tous, chacun à leur manière, à la construction de la grande Europe.
Je vous demanderai simplement si favoriser des élections libres, une justice bien formée et indépendante, le respect des quelque 180 conventions du Conseil de l'Europe sur tout le territoire du continent européen, spécialement dans les Etats qui avaient connu d'innombrables violations des droits de l'homme en Europe de l'Est, sont sans influence sur l'amélioration de la situation individuelle des citoyens du Caucase et des Balkans, notamment.
Si la garantie des droits individuels, la loyauté et l'efficacité du parlementarisme représentatif sont assurées par l'adhésion au Conseil de l'Europe, à la Convention européenne des droits de l'homme sous le contrôle de la Cour de Strasbourg, ainsi qu'aux autres conventions, ne peut-on pas espérer que les crises aiguës qui se sont produites récemment en Europe même perdent de leur intensité ?
Dès lors, n'est-ce pas, si j'ose cette expression, de l'argent bien placé que d'aider au fonctionnement du Conseil de l'Europe qui assure ces garanties ?
Aussi, monsieur le ministre, nous comptons sur vous pour que soit réalisée l'adaptation des crédits alloués au Conseil de l'Europe aux besoins désormais nécessaires de toutes ses branches, secrétariat général, assemblée parlementaire, Cour européenne des droits de l'homme et Commissaire aux droits de l'homme. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Ferrand.
M. André Ferrand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi à mon tour de vous présenter non pas tout ce qui me paraît important dans le budget qui nous est proposé mais seulement les points que j'ai dû sélectionner compte tenu des contraintes de cette intervention.
Ce que je m'apprête à vous dire est principalement fondé sur les observations que j'ai pu faire sur le terrain à l'étranger, auprès de nos compatriotes, de nos établissement scolaires, de nos communautés d'affaires et de nos postes dans les vingt-six pays dans lesquels je me suis rendu pendant ces deux dernières années comme sénateur représentant les Français de l'étranger ou dans le cadre d'un voyage d'un groupe d'amitié sénatorial.
J'ai tout d'abord plaisir à vous dire, monsieur le ministre, que, là où je les ai vus à l'oeuvre, vos troupes font du bon travail. Dans des conditions parfois difficiles - je pense surtout aux services des visas - j'ai vu des agents souvent à la peine, mais qui, apparemment, ne savaient pas qu'il existait la semaine des 35 heures... (Sourires.)
Au sommet, j'ai vu de plus en plus de chefs de mission non seulement capables de bien coordonner l'action de tous les agents de l'Etat, y compris ceux qui dépendent de Bercy, mais sachant aussi, de mieux en mieux, créer autour d'eux une heureuse et féconde synergie avec les acteurs privés, en particulier ceux qui appartiennent au monde économique, et je m'en réjouis !
Ce sont là des signes tangibles de la modernisation entreprise par votre ministère et dont on sait qu'elle porte sur beaucoup d'autres secteurs pour lesquels je vous souhaite le même succès.
Je voudrais maintenant en venir aux sujets qui me tiennent à coeur. Je traiterai successivement, au pas de course, compte tenu du temps qui m'est imparti, de l'enseignement ou, plus généralement, de la formation française à l'étranger, de la francophonie, de nos consulats et de la coopération. J'évoquerai, pour terminer, la réforme du conseil supérieur des Français de l'étranger.
L'enseignement, la formation française à l'étranger, est un sujet énorme, dont nous n'avons pas pris toute la mesure. Nous n'avons, malgré nos succès, dont nous nous flattons avec raison, toujours pas su apprécier l'extraordinaire atout que représente la grande demande de formation française - ou « à la française » - à l'étranger.
Nous ne nous sommes toujours pas dotés de la politique ambitieuse ni des moyens qui nous permettraient de profiter d'une telle chance au moment où, à cause de l'Europe et de la mondialisation, nous craignons de ne voir notre identité se diluer.
Nous devons arrêter de jouer « petit bras ». Est-il normal que, dans une ville comme Varsovie, capitale d'un pays qui représente historiquement, culturellement, économiquement et politiquement autant pour notre pays, nous soyons réduits, en ce moment même, à la gymnastique que vous savez, afin seulement d'assurer la sécurité des élèves ?
Les chantiers potentiels sont nombreux ; il est temps de les ouvrir et non plus de les escamoter. Il faut que tous les enfants français de l'étranger, quels que soient les revenus de leurs parents, aient accès à notre enseignement. Il ne faut plus que les responsables de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger soient contraints de répéter que, faute de moyens, ils ne pouvent pas s'intéresser aux élèves étrangers qui souhaitent étudier dans nos écoles, donc dans notre langue et notre culture. Futurs décideurs, ils sont nos alliés, nos amis de demain.
Or, monsieur le ministre, vous le savez, le budget beaucoup trop modeste qui vous est alloué à ce titre ne vous permet pas une telle ambition.
Je me félicite donc que vous ayez récemment pris langue avec votre collègue ministre de l'éducation nationale...
M. Michel Chenasse, rapporteur spécial. Pris langue... quel bon mot ! (Rires.)
M. André Ferrand. ... pour mettre en place un groupe de travail commun sur le partage des responsabilités et des synergies entre vos deux ministères dans la gestion de l'AEFE.
Quant à la question urgente et difficile du statut et des traitements des différentes catégories de personnel dans nos établissements d'enseignement à l'étranger, je souhaite vivement que le directeur général de la coopération et du développement, président du conseil d'administration de l'AEFE, réussisse rapidement dans la mission de négociation que vous lui avez confiée.
En effet, s'il est vrai que les nécessités de la gestion sont incontournables, le grand sentiment d'injustice créé par les trop grandes différences de traitement et les espoirs nés à l'occasion de la récente enquête effectuée auprès des personnels recrutés localement imposent, cette fois, une « mise à plat » de la question et son règlement au fond.
Je reste au chapitre de la formation française à l'étranger pour me féliciter de l'augmentation substantielle des crédits destinés à financer les bourses Eiffel. Le principe et les résultats de ce programme semblent unanimement considérés comme excellents.
Il est enfin une idée, dont je ne suis pas l'inventeur, mais que je souhaiterais reprendre à mon compte, tant son pragmatisme me paraît devoir être efficace : il s'agirait de constituer dans chacune de nos ambassades un fichier qui recenserait tous les nationaux ayant eu affaire à un moment ou à un autre, où que ce soit et d'une quelconque manière, au système d'éducation français. Cela constituerait un premier pas dans la nécessaire organisation d'un réseau d'« anciens », d'« alumni » disent les Américains, auquel il s'agirait ensuite de donner vie et qu'il faudrait animer dans une mouvance favorable à nos positions.
J'en viens à mon deuxième point, la francophonie. Je serai très bref.
Je suis, bien sûr, très favorable à la francophonie. Je voudrais, moi aussi, que les crédits qui lui sont alloués soient mieux identifiés. Je rejoins, en effet, ceux, très nombreux, qui souhaitent que son organisation évolue dans le sens de la simplification et de la lisibilité des structures et des affectations de crédits ainsi que d'une meilleure évaluation de ses résultats.
J'aborde le troisième point, consacré à nos consulats.
Partout, y compris en Europe, leur rôle reste essentiel. Je ne dirai pas que leurs effectifs, contrairement à certaines administrations hexagonales, sont pléthoriques. La situation est plutôt inverse et j'en connais un certain nombre où un renfort serait le bienvenu. La proportion de personnes recrutées localement, qui sontgénéralement dévouées, y est importante. Mais, malgré le soin apporté à la formation de ces agents, l'exercice a ses limites. Il est nécessaire de disposer dans les postes d'un nombre suffisant d'agents titulaires chargés également d'une mission pédagogique.
Ce budget permet-il d'accroître leur nombre ? Il nous est permis d'en douter.
Je voudrais maintenant attirer votre attention sur le problème des visas. S'il semble que le dispositif mis en place pour ne plus décourager les étudiants étrangers candidats à des études en France ait porté des fruits - on se félicite de l'accroissement du nombre de visas délivrés cette année à ce titre - on entend encore trop de critiques à ce sujet. Ceux qui les expriment n'ont-ils pas actualisé leurs informations, ou bien existe-t-il encore de réels problèmes ? Ce serait très regrettable, quand de sérieux efforts commencent à être engagés pour augmenter le nombre d'étudiants étrangers dans nos universités et nos écoles.
Il existe également une catégorie de demandeurs de visas à laquelle il me paraît souhaitable, monsieur le ministre, d'accorder une particulière et bienveillante attention : ce sont les étrangers, de plus en plus nombreux à mesure que notre économie s'internationalise, qui viennent en France pour recevoir une formation professionnelle. On me dit qu'il y aurait des problèmes. N'est-il pas possible d'imaginer que, plus systématiquement, soient simplifiées et accélérées les formalités d'obtention des visas chaque fois que, localement, on aurait les moyens de juger que la venue en France du demandeur aurait des effets positifs, directement ou indirectement, pour nos couleurs ?
M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
M. André Ferrand. J'en viens à mon dernier point : la coopération, dont je ne retiendrai que deux aspects, de nature bien différente.
Le premier concerne l'Afrique francophone.
Je partage tout à fait la conviction qu'il fallait tourner la page de certains aspects de nos relations avec les Etats qui la composent. Je crois également qu'on a eu raison d'aller bien au-delà de notre « pré carré », de la notion trop exclusive de « pays du champ ». Bienvenue donc à la zone de solidarité prioritaire et au refus de l'interventionnisme trop direct ! Mais je suis également convaincu qu'il existe entre ces pays et nous des liens d'une telle nature et d'une telle profondeur qu'ils impliquent pour nous une responsabilité tout aussi particulière en ce qui concerne leur développement.
Il y va de notre intérêt politique et culturel d'abord, économique ensuite, bien sûr, mais aussi de notre vérité profonde, de ces choses importantes auxquelles nous croyons et qui sont ancrées au fond de nous.
Cette Afrique, monsieur le ministre, il n'est pas possible de la banaliser et, pour qu'elle ne demeure pas « mal partie », il faut non seulement que nous lui consacrions plus de crédits que ne le permet votre budget mais aussi que nous lui donnions toute la place qui doit lui revenir, sans tenir compte des phénomènes de mode géo-économico-politiques...
Enfin, je ne puis quitter l'Afrique sans évoquer, cette année encore, le douloureux problème de nos compatriotes retraités à qui sont dus par les caisses locales de pays de la zone CFA des arriérés importants. Si la situation semble, sur ce plan, s'améliorer en Côte d'Ivoire, au Gabon, au Mali et au Sénégal, il existe toujours de graves difficultés au Cameroun et au Congo, alors que la situation se dégrade au Niger.
Nous savons que la solution se trouve, monsieur le ministre, chez votre collègue de Bercy, vous nous l'avez répété à plusieurs reprises. Que peut-on faire pour qu'à l'ouverture de la prochaine assemblée plénière du CSFE ou lors de la discussion budgétaire de l'an prochain nous n'ayons pas, encore une fois, à évoquer cette malheureuse situation ? Pourquoi le Gouvernement n'agit-il pas ?
Avant de conclure, comment ne pas souligner le rôle joué par la grande communauté des Français de l'étranger ? Il faut lui apporter toute la considération qu'elle mérite et mieux la mobiliser.
C'est pourquoi il est nécessaire de donner à l'assemblée qui la représente, le Conseil supérieur des Français de l'étranger, les moyens de jouer pleinement son rôle. M. le ministre des affaires étrangères, qui en est le président, sait mieux que quiconque ce qu'a été sa contribution dans sa double mission : le service des Français de l'étranger et celui de la France. Le contexte est aujourd'hui différent, et il faut que le conseil s'adapte. C'est tout le sens de la réforme dans laquelle nous nous sommes engagés, réforme qu'ensemble nous saurons, j'en suis sûr, mener à bien.
M. le président. Il vous faut conclure, monsieur Ferrand !
M. André Ferrand. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que, si nous nous apprêtons à voter le budget des affaires étrangères, ce sera avec le sentiment que notre pays ne se donne pas tous les moyens de saisir toutes les nombreuses opportunités qui s'offrent à lui pour améliorer notre place dans le monde et mieux y rayonner. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, l'appréciation critique que je porte sur votre politique tient plus de la nuance que de l'opposition pugnace. Je soutiens les grands axes que vous proposez et je reconnais que vous ne vous êtes pas départi, depuis plus de trois ans, d'une gestion sage des choix de la France. Peut-être plus d'audace parfois donnerait-elle plus d'audience à notre pays !
En dépit des apparences d'un budget en augmentation, les moyens dont vous disposez sont inadaptés au potentiel diplomatique de la France.
Cette indigence budgétaire se traduit par une faiblesse d'action et de faibles moyens en personnel : à peine 10 000 agents pour mettre en oeuvre la diplomatie française. Lors de l'examen du budget de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, hier soir, je me suis élevé contre l'incohérence budgétaire de la création nette de plus de 11 000 emplois, l'hypertrophie des administrations centrales en général et leur mauvais déploiement. Votre ministère constitue une exception par ses effectifs étiques. Par opposition aux autres ministères, son antenne à Nantes est un exemple de délocalisation réussie.
Vous n'avez pas les moyens de travailler avec une complète efficacité. J'en citerai un seul exemple : il y a un an, pour mieux accompagner notre présidence et affirmer notre rôle de nation chef de file de l'Union, j'avais demandé si des moyens supplémentaires étaient prévus afin que les effectifs travaillant sur les questions communautaires puissent être renforcés au Quai d'Orsay, au SGCI et à notre représentation permanente. Cela n'a pas été le cas.
Pis encore, 625 emplois budgétaires ont été rendus en cinq ans. Dans ce contexte, la création de 10 misérables emplois cette année est affligeante au regard des 134 postes redondants créés pour les services du Premier ministre !
Si « la guerre est la diplomatie prolongée par d'autres moyens », prenons déjà les moyens financiers de notre diplomatie.
Tous les budgets sont, bien sûr, à considérer à l'intérieur d'une enveloppe générale, et l'intitulé « commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées » montre bien l'imbrication constante entre les budgets qui expriment la protection globale des intérêts de la France.
Voilà pourquoi je dirai quelques mots de notre défense et de ses priorités, qui sont, d'une part, l'intégration dans une défense européenne opérationnelle, qui permettra à la France de conserver et de développer ses capacités techniques et industrielles - à ce propos, félicitons-nous des progrès accomplis par les industriels de la défense et par les pays de l'Union - et, d'autre part, la vigueur de nos engagements dans notre pré carré africain.
Axons également nos efforts budgétaires en matière de sécurité nationale sur la gendarmerie.
Le reste n'est qu'apparence et gâchis de fonds publics, et certaines lignes budgétaires ne semblent exister que pour faire illusion, ou apparaissent comme des vestiges nostalgiques d'un grand passé militaire. Cet investissement militaire-là, inutile, se fait au détriment de la force de frappe diplomatique. Affectons-le donc à votre ministère !
Comment pouvons-nous peser sur une situation conflictuelle ? Faut-il protéger - peut-on protéger ? - nos intérêts par la guerre ou par la diplomatie ?
L'avenir de notre pays se forgera davantage avec des bourses pour les étudiants étrangers qu'avec des débuts de séries d'armes qui ne serviront jamais et qui n'effraieront personne de par leur petit nombre.
M. Claude Estier. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Quelques milliards de francs de moins pour notre défense ne nous rendront guère moins dissuasifs. Quelques milliards de francs en plus pour notre diplomatie nous rendraient beaucoup plus attractifs.
Monsieur le ministre, ce rééquilibrage budgétaire en faveur des affaires étrangères a-t-il quelque chance de s'amorcer l'an prochain ? J'imagine que vous l'appelez de vos voeux laïques.
Comment exploiter l'image de la France pour défendre nos intérêts si ce n'est par une diplomatie disposant de moyens ? Comment lutter contre le déclin si ce n'est en nous appuyant sur notre formidable patrimoine culturel, si ce n'est en accueillant davantage d'étudiants dans nos grandes écoles et nos universités ?
Je voudrais souligner qu'en France, hélas ! le nombre d'étudiants étrangers issus de pays au fort potentiel économique est très inférieur à celui de nos concurrents, et que cela constitue un fort handicap pour l'avenir.
Nous devons également développer notre enseignement à l'étranger, nos actions audiovisuelles à diffusion internationale, qui souffrent, d'une façon quelquefois vexante, des comparaisons avec celles des autres pays. Sur ce dernier point, il y a une prise de conscience de votre ministère, puisque le projet de budget pour 2001 alloue des fonds supplémentaires au Proche-Orient et au Maghreb. Cette mesure est nécessaire, mais elle n'est pas suffisante.
TV 5 doit avoir l'opportunité et les moyens d'évoluer pour devenir une réelle chaîne de télévision et non une juxtaposition d'émissions issues des différents pays francophones. On ne peut considérer aujourd'hui que la France mène une politique culturelle au travers des programmes de TV 5. Cette chaîne doit se muer en une véritable chaîne d'actualité ; elle donnerait de la France une image plus moderne à travers le monde.
Il est très regrettable, outre les problèmes rencontrés par TV 5, qu'il soit aussi difficile de capter des chaînes publiques françaises à l'étranger. L'Allemagne, l'Italie et l'Espagne réussissent à proposer plusieurs chaînes généralistes hors de leurs frontières.
Au Liban, par exemple, les francophones ne peuvent recevoir ni France 2 ni France 3, alors qu'ils captent des chaînes polonaises ou allemandes, entre autres. Il est indispensable de prendre des mesures pour faire évoluer cette situation.
Maintenant, je traiterai de notre politique des visas et de mon souhait de voir retenues des positions plus audacieuses, notamment au Moyen-Orient.
Pour ce qui est des visas, êtes-vous prêt à mettre en oeuvre et à assumer le choix d'une immigration sélective fondée sur le pragmatisme économique ? Il convient de tenir compte de la compétence professionnelle des demandeurs et des liens économiques que nous voulons développer entre leur pays d'origine et la France. Des visas devraient être accordés en fonction des formations et de l'apport des demandeurs à notre économie.
Les Etats-Unis et l'Allemagne n'ont pas procédé autrement. Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à faire ce choix pour la France et à l'assumer en dehors de toute contingence de politique intérieure et pour le seul intérêt de notre pays ?
Enfin, notre diplomatie pourrait se risquer à une liberté de choix que de nombreux pays attendent, au Moyen-Orient en particulier. Vous avez argumenté et dit que nous avions obtenu le maximum de nos partenaires européens. Mais, au vu de la situation catastrophique en Palestine, ne pensez-vous pas qu'il serait bon de déclarer que l'humiliation et le désespoir, donc la révolte, dans lesquels Israël plonge les Palestiniens alimentent le fondamentalisme islamique international ?
Mme Paulette Brisepierre. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Ne serait-il pas opportunde dire que non seulement la présence des colons mais l'augmentation de leur nombre en territoires occupés avivent en permanence le conflit ? Cela n'aggraverait pas une situation désastreuse et aurait quelque chance de la faire évoluer de manière positive.
Je reviens d'Irak, où l'on attend un geste fort de la France aux Nations unies. Je sais que l'incohérence de la politique irakienne ne vous rend pas la tâche facile, mais, pour une fois, il n'y a pas à choisir entre l'humanitaire et la Realpolitik. D'une part, des enfants meurent et, d'autre part, nos entreprises risquent de perdre d'importants marchés le jour de la réconciliation des Etats-Unis avec ce pays. Des entreprises françaises, sans doute avec l'accord de notre diplomatie, ont montré le chemin en Iran. Inspirons-nous de cet exemple.
Messieurs les ministres, je suis persuadé que vous sauriez soit convaincre nos alliés européens de telles initiatives, soit orchestrer un élan international.
J'espère que, l'année prochaine, l'utilité pour nos intérêts commerciaux de votre talent de négociateurs sera mieux reconnue par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
Le groupe du Rassemblement démocratique social et européen vous aiderait peut-être en ne votant pas votre projet de budget. Mais il est difficile d'imaginer qu'un soutien passe par un vote négatif. C'est pourquoi je le voterai. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Rouvière.
M. André Rouvière. Monsieur le ministre, avec une progression de 5,3 %, votre budget marque une rupture avec une tradition à la baisse qui s'est répétée pendant plusieurs années. Votre budget, malgré les critiques qui ont pu, ici et là, se faire entendre, est globalement un bon budget.
Certes, nous aurions souhaité que vous alliez plus loin, plus haut, dans l'augmentation des crédits. Mais votre budget, monsieur le ministre, témoigne clairement de la volonté du Gouvernement de maintenir et, dans certains domaines, de développer les moyens afin que la France joue le rôle qu'elle a déterminé, soit directement, soit à travers l'Union européenne, dans le monde.
Le rôle de l'Union européenne dans ce domaine a besoin d'être éclairé, expliqué, précisé et, surtout, dynamisé. La mondialisation des échanges de toute nature, la multiplication des relations internationales, justifient ces efforts financiers.
Sans entrer dans le détail d'un budget que plusieurs orateurs ont commenté, je soulignerai l'importance que vous avez accordée à l'aide aux Français résidant hors de France. Ceux-ci bénéficieront désormais de moyens nouveaux qui ne sont qu'un début, du moins nous l'espérons, et qui seront, j'en suis persuadé, très appréciés.
Il y a cependant des domaines où notre effort mérite d'être accru et reconsidéré.
Il s'agit, tout d'abord, de l'audiovisuel. Lors des émissions auxquelles j'ai participé à l'étranger, j'ai pu constater que la quasi-inexistence des émissions de télévision en français est malheureusement un leitmotiv.
Les émissions, lorsqu'elles existent, sont souvent décalées, inadaptées aux besoins des populations locales. Certes, des progrès sont réalisés, mais ils sont trop localisés et bien en retrait par rapport à ceux que réalisent certaines chaînes étrangères.
Il n'est d'ailleurs pas certain que l'insuffisance de nos programmes résulte d'un manque de crédits. Le souhait de faire autrement est fréquemment exprimé. Il semble donc que ce soit autant un problème de réorganisation qu'un problème de crédits.
Je n'insiste pas sur l'importance de l'audiovisuel, tout le monde en est convaincu. Mais je vous demande, monsieur le ministre, si vous allez prendre l'initiative d'une nouvelle organisation en ce domaine.
Le second secteur sur lequel je souhaite insister, c'est le parent pauvre de votre ministère, je veux parler des consultats.
Les ambassades, mais aussi les consulats, sont les vitrines de la France à l'étranger. Souvent, ils apparaissent les unes comme la lumière, les autres comme l'ombre de la politique étrangère de la France.
A quelques exceptions près, les consultats manquent de locaux, de personnels efficaces et de moyens. Les solliciteurs formant d'interminables files d'attente devant l'entrée de nos consulats. Dans le froid, sous la pluie, ils attendent d'être reçus par un personnel peu nombreux et qui n'est pas toujours formé pour répondre aux exigences des situations.
Le personnel est souvent recruté sur place, ce n'est pas toujours une garantie d'objectivité et de rigueur, notamment pour la délivrance des visas.
Délivrer des visas n'est pas la seule occupation des consulats, mais cela accapare une très large part de leur activité.
On peut d'ailleurs s'interroger - et vous interroger, messieurs les ministres - sur l'organisation des autres pays membres de l'Union européenne en matière de délivrance de visas.
Il est encore beaucoup plus incompréhensible de constater que, pour les pays du groupe de Schengen, non seulement il n'y a pas un guichet unique, mais que, de plus, les conditions exigées pour la délivrance des visas ne sont pas les mêmes d'un pays à l'autre.
Quand pourra-t-on dire enfin : « Une seule Europe, un seul visa, délivré à un seul et même guichet européen » ? Ce dispositif permettrait de réaliser des économies et contribuerait à conforter l'image de l'Union européenne.
Je souhaite enfin, monsieur le ministre, vous interroger sur l'accord que vous avez conclu en 1998 avec votre collègue chargé de l'éducation nationale, accord visant à faciliter l'accès des étudiants étrangers à nos universités et à nos grandes écoles. Sur le terrain, le parcours d'obstacles semble être encore une pesante, une décourageante réalité, car, dans ce domaine aussi, la concurrence est internationale.
Notre rôle est de faciliter ce parcours du combattant, d'en réduire la longueur. L'idéal serait de le supprimer. Qu'en pensez-vous, messieurs les ministres ?
Ces quelques réflexions n'altèrent en rien mon jugement initial. Votre projet de budget est en progression et, malgré quelques insuffisances, c'est un bon budget. J'ai constaté d'ailleurs que je ne serai pas le seul, avec mes amis socialistes, à le voter. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Penne.
M. Guy Penne. Je souhaite, messieurs les ministres, que vous présentiez un meilleur budget l'année prochaine, et je peux vous assurer que nous sommes prêts à associer nos efforts aux vôtres pour livrer bataille à Matignon et à Bercy afin d'obtenir les arbitrages nécessaires pour que votre budget soit, enfin, à la hauteur des ambitions de la politique étrangère que vous conduisez avec intelligence.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Et succès !
M. Guy Penne. Monsieur le ministre, vous avez appelé récemment « à travailler à l'indispensable refondation de la politique étrangère française ». Mes propos tenteront d'apporter une modeste contribution à cette tâche rendue nécessaire par les formidables évolutions que notre planète a connues depuis 1990.
Le nouveau rapport de force issu des décombres du mur de Berlin pose de nouveaux défis à la politique extérieure de la France, qui entend incarner une puissance d'influence réelle. Certes, la puissance est une notion plurivoque, qui évolue au gré des époques. Elle ne se mesure pas seulement en termes de division. Dans un monde où la technologie assure l'ubiquité de la diffusion de l'information, le rayonnement culturel en est l'un des facteurs nécessaires. L'action culturelle doit ainsi être privilégiée par notre politique étrangère, non seulement comme le vecteur de diffusion d'une certaine image de la France, mais aussi comme l'expression d'une « grande idée » qu'est la francophonie, dont notre pays doit demeurer l'un des principaux piliers.
OEuvrer pour la diversité culturelle dans un contexte de mondialisation requiert que des fonds soient accordés aux instituts et aux centres de recherche, qui contribuent efficacement à la décision du politique, grâce à leur travail de conceptualisation qui fournit des clefs de compréhension de notre monde en constante mutation.
Monsieur le ministre, dans le bref temps qui m'est imparti, je souhaite évoquer trois aspects d'une réalité internationale qui ne fait pas assez l'objet de débat, en dehors des cercles de spécialistes.
Le premier est la criminalité organisée. Elle profite des conséquences de la mondialisation faute de régulations publiques adéquates. Elle bénéficie de l'affaiblissement de l'Etat de droit, dont la législation ne permet plus de contrôler des pratiques auparavant tenues pour hautement répréhensibles. Nous savons tous que le développement des nouvelles technologies permet de contourner les barrières que constituaient jusqu'à présent les législations de chaque Etat.
La criminalité organisée est désormais un phénomène transnational, dont la résorption exige des moyens appropriés que doit mettre en oeuvre la communauté internationale. L'Union européenne est appelée, ne serait-ce qu'en raison des traditions juridiques communes à ses différents Etats membres, à mener la lutte en faveur du renforcement de l'Etat de droit et de la démocratie. Cela implique, par ailleurs, la conduite d'une action déterminée et concertée contre la corruption, la criminalité organisée, le blanchiment de l'argent sale et, surtout, le trafic d'êtres humains.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Vive les juges !
M. Guy Penne. Monsieur le ministre, il est inconcevable que le troisième millénaire qui commence connaisse la résurgence de pratiques esclavagistes, comme le rappelle le développement de la prostitution sur l'ensemble du continent européen.
Dans l'Europe des droits de l'homme, il n'est pas possible que l'absence de droit la plus tragique demeure une réalité à laquelle nous semblons trop souvent nous résigner.
Monsieur le ministre, il importe que notre pays demeure exemplaire dans cette Europe en devenir, qui doit demeurer, unie dans la lutte contre les conséquences néfastes de la mondialisation que seule la restauration de l'Etat de droit, accompagnée des moyens nécessaires, permettra de résorber.
Le deuxième aspect que je souhaite évoquer est un problème connexe : celui du blanchiment de l'argent trop souvent issu de pratiques condamnables. Nous avons eu récemment à examiner et à adopter plusieurs textes relatifs à la lutte contre ce fléau. En dépit de l'apparent dispositif juridique visant son éradication, la lutte contre la corruption dans les transactions internationales semble désormais suspendue.
Comment assurer la cohésion de la communauté internationale face à ce fléau lorsque certains Etats, comme la Grande-Bretagne et le Japon, n'ont pas encore transposé les dispositions les plus importantes de la convention de l'OCDE relative à la transparence dans les transactions financières ? Il importe avant tout de promouvoir une réelle régulation du fonctionnement des sociétés qui sont situées dans les paradis fiscaux et qui drainent la quasi-totalité des capitaux de provenance trouble.
Enfin, le troisième aspect, corrélat du premier, est la conséquence du formidable développement des réseaux de télécommunications de la dernière décennie : la cybercriminalité. Celle-ci assure la propagation à l'échelle de la planète de pratiques attentatoires aux valeurs de l'Etat de droit. Elle doit susciter l'attention de l'ensemble de la communauté internationale.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de rappeler brièvement les différentes implications d'un tel phénomène : utilisation frauduleuse des cartes bancaires, espionnage industriel, piratage des logiciels, escroqueries en matière de commerce électronique... La liste se confond avec les innovations technologiques, la constance de celles-ci nourrissant la longueur de celle-là. Le Gouvernement a déjà avancé plusieurs propositions destinées à lutter efficacement contre ces nouvelles formes de délinquance, dont l'aspect transnational exige la mise en oeuvre de mesures globales, en faveur desquelles la France doit sans cesse s'affirmer.
Monsieur le ministre, alors qu'il faudra bientôt dresser le bilan de la présidence de l'Union, qui s'est notamment attachée à ces différents problèmes transnationaux, il est nécessaire que notre pays poursuive ses efforts, en privilégiant chaque fois la concertation avec ses différents partenaires dans le dessein de consolider ensemble l'Etat de droit. La coopération au sein de l'Union européenne, à l'avenir, ne peut que reposer sur l'harmonisation des différentes procédures nationales d'intervention et sur l'inscription de l'action préventive et répressive dans un système cohérent et harmonisé.
Je conclurai, monsieur le ministre, sur ce que je nommerai le grand échec de la mondialisation.
Cette dernière n'est pas, en soi, une nouveauté : l'ampleur des échanges commerciaux d'aujourd'hui s'inscrit dans la continuité des relations économiques et commerciales d'avant la Première Guerre mondiale.
Les conséquences sociales de la mondialisation d'aujourd'hui demeurent, en revanche, inédites : loin de concourir au rapprochement des peuples et des nations, grâce au partage des technologies impliquées dans l'échange des biens et services, l'apparente disparition des frontières nationales occulte la sournoise édification de nouvelles frontières séparant les pays industrialisés des autres, pour lesquels le rattrapage des niveaux de développement s'avère compromis.
La mondialisation doit être régulée, afin d'éviter qu'elle ne se traduise par un acrroissement des inégalités sociales, économiques et politiques, au risque de reléguer notre communauté internationale au rang de société internationale où seule la force prime le droit.
L'échec de la conférence de Seattle avive l'urgence de mesures efficaces : l'ouverture commerciale ne saurait avoir d'autre sens que de garantir aux pays économiquement fragiles la résorption des difficultés qui contraignent, sinon interdisent, leur développement.
La France ne doit pas se résigner au triomphe de la loi du plus fort, alors que la croissance, entretenue par la mondialisation des échanges, semble profiter, en valeur absolue seulement, à l'ensemble de la planète.
Messieurs les ministres, le continent africain, qui représentait 5 % des échanges commerciaux dans les années soixante-dix, contre 1,8 % actuellement, est l'un des grands laissés-pour-compte de la mondialisation. Pouvons-nous laisser l'Afrique subsaharienne, c'est-à-dire près de 10 % de la population mondiale, dans cette pauvreté endémique, avec seulement 1 % des investissements étrangers et 1,5 % du commerce international, soit au total 1 % du PIB mondial ? René Dumont déclarait en 1974 que « l'Afrique était mal partie... ». Plus de vingt-cinq ans se sont écoulés depuis, et le mouvement vers le rattrapage du développement semble s'être irrémédiablement arrêté, faute d'un accompagnement suffisant des pays du Nord.
Je le répète : la régulation de la mondialisation est un impératif. La France se doit d'être convaincante auprès de ses partenaires européens et de l'ensemble de la communauté internationale, afin d'honorer pleinement ses ambitions de puissance, d'influence mondiale que nous tous ici appelons de nos voeux, afin de contribuer au rapprochement des peuples, que le fossé de la misère ne doit plus séparer en ce nouveau millénaire qui commence.
Mais pouvez-vous convaincre et jouer un rôle de leader lorsque les moyens de vos administrations, messieurs les ministres, sont une véritable peau de chagrin ? Je conclus ainsi, messieurs les ministres, ces réflexions que je soumets à votre analyse.
Nous voterons votre budget, en espérant que vous obtiendrez à l'avenir les moyens requis pour conduire la politique extérieure que nous approuvons et que nous soutenons ! (Applaudissments sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat budgétaire ne doit pas, me semble-t-il, se limiter à l'examen des crédits et à leur répartition. J'estime que c'est une occasion - même si elle est brève, compte tenu du temps qui nous reste - de faire quelques remarques sur des aspects plus généraux de la politique étrangère.
Je ne voudrais pas laisser passer cette occasion sans vous dire quelques mots sur le travail que je qualifierai de reconstruction de la politique étrangère de la France, travail commencé voilà quelques années, depuis que nous sommes dans un monde unipolaire dont les règles sont tout à fait différentes de celles que nous avons connues pendant des décennies.
Ce travail comporte des dimensions à la fois théorique et conceptuelle, sémantique et linguistique, que je voudrais illustrer par quelques exemples pour éclairer le type d'actions que nous sommes amenés à conduire.
Ainsi, pourquoi ai-je tant insisté, ces derniers temps, sur la notion d'hyperpuissance américaine ? Tout simplement parce que cela change les règles du jeu. En effet, être dans un monde où une puissance exerce une domination qui n'est, historiquement, comparable à rien, qui porte sur tous les plans et qui prend toutes les formes du pouvoir et de l'influence, ce n'est pas la même chose que d'être dans un monde bipolaire ! Cela change toutes les tactiques et toutes les stratégies.
Si nous avons, en France, un objectif qui paraît sympathique à tous, celui d'un monde multipolaire, la réflexion ne doit pas s'arrêter à un tel slogan, car un monde multipolaire peut tout à fait être conflictuel, déséquilibré, et ne pas être automatiquement conforme à nos intérêts. Il nous faut donc aller plus loin et voir comment un monde multipolaire pourrait être coopératif et organisé.
Je prendrai un autre exemple : tous les jours, nous lisons des éloges de la société civile internationale, qui est présentée comme une panacée. Mais, là encore, il nous faut pousser plus loin l'analyse, car la société civile internationale se compose de toutes sortes d'organismes, notamment d'organisations non gouvernementales,...
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Quelle horreur !
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. ... dans lesquelles le pire côtoie le meilleur ! On y trouve en effet l'expression de tous les intérêts et, en même temps, de tous les idéalismes.
Nous devons tenir compte de ces phénomènes, sans pour autant abdiquer devant eux. Les gouvernements surtout, s'ils veulent aller vers plus de régulation - comme beaucoup d'orateurs, à juste titre, nous y invitent - doivent savoir garder leurs prérogatives tout en se modernisant.
Je prendrai un exemple qui illustre une des controverses linguistiques : celui du droit d'ingérence. Il est très populaire dans nos pays, mais il est très mal perçu dans beaucoup d'autres, où il est associé à une resucée, en quelque sorte, de l'éternelle loi du plus fort, du pouvoir de l'homme blanc de l'époque du colonialisme.
La réponse à cette contreverse est le chapitre 7 de la charte des Nations unies, à condition que l'on parvienne à l'appliquer dans tous les cas et que son application ne soit pas entravée par une interprétation abusive et archaïque du droit de veto !
Il nous faut donc évoluer et travailler, non pas en mettant à bas les règles du droit international telles qu'elles ont été élaborées, ou les coopérations entre Etats, mais en réussissant à les intégrer dans une perspective dynamique.
Je vais, là encore, prendre un exemple. Nous avions à coeur de défendre ce que nous appelions « l'exception culturelle » - c'est encore le cas, avant le Conseil européen de Nice, s'agissant de l'une des questions sous-jacentes au débat sur la majorité qualifiée. Mais quand nous parlions, nous Français, d'exception culturelle, nous n'étions en réalité applaudis que par nous-mêmes, tant cette présentation des choses était « recroquevillée », narcissique et donc absolument pas mobilisatrice. En revanche, depuis que nous parlons de « diversité culturelle », nous éveillons un écho pour d'autres cultures, d'autres civilisations, d'autres langues dans le monde. Certains s'intéressent maintenant à notre débat et sont même prêts à former avec nous des majorités.
Un parlementaire de l'Assemblée nationale a employé une expression que je trouve très heureuse, en parlant de « désir de France ». Le désir peut être très fort - je le constate à l'occasion de tous mes déplacements - à condition que l'on ait le ton et la manière qui correspondent aux relations internationales d'aujourd'hui.
C'est le même type de travail de décantation et de clarification que l'on doit faire dans tous les domaines où c'est nécessaire. Ainsi, en matière européenne, on a parlé pendant très longtemps de « couple franco-allemand ». Pour ma part, j'ai toujours pensé que cette expression était malheureuse, trop « auto-centrée », en tout cas qu'elle n'était pas assez parlante. Elle n'a pas la même puissance dynamique que l'expression « moteur franco-allemand ». De facto , dans l'histoire de la construction européenne, la relation franco-allemande a été forte quand elle a entraîné les autres dans une vision commune.
Voilà une série d'exemples - et je n'ai pas fini - qui vous montrent comment le travail d'analyse, de reconstruction intellectuelle et conceptuelle est inséparable d'un travail sémantique afin de trouver les mots exacts définissant les concepts nouveaux et traduisant une réalité qui a changé.
Toujours en matière européenne, l'élargissement a été très longtemps présenté comme extraordinairement démagogique. Si l'on veut en effet répondre non seulement aux impatiences très compréhensibles des pays candidats, mais aussi aux inquiétudes légitimes des pays membres, qui n'ont pas passé trente ou quarante ans de leur vie politique à construire cette Europe pour la voir se dissoudre ou se disperser dans un élargissement mal contrôlé, il faut avoir le courage de dire les choses comme elles sont, à savoir qu'il n'y a pas à être pour ou contre l'élargissement, comme certaines présentations le laissent penser. Il faut le réussir, un point c'est tout, faute de quoi on mettrait en péril la construction européenne proprement dite.
Pour ces questions, on frôle en permanence le piège des malentendus ou des mots maladroits. Par exemple, la mise en place d'une politique étrangère européenne commune que nous nous sommes assignée comme objectif est interprétée par beaucoup comme une volonté de bâtir une politique étrangère unique. On s'étonne presque qu'il y ait encore des politiques française, britannique... Pourtant, si l'on regarde de près les mécanismes et les organes qui sont censés les mettre en oeuvre, on voit bien que, sans la politique étrangère nationale forte des quelques rares pays d'Europe qui en ont une, il manque le combustible, les matériaux et le socle nécessaire pour fonder cette politique étrangère européenne commune, laquelle doit s'ajouter aux politiques étrangères nationales, qui doivent demeurer fortes. Je le dis en réponse à tous ceux qui se sont interrogés et qui nous ont fait part de réflexions riches sur la situation telle qu'elle se présente avant le sommet de Nice.
De même, nous sommes très sensibles aux interrogations qui se développent à propos de l'aide publique au développement pour savoir comment la rendre la plus efficace possible, comment l'adapter aux réalités nouvelles. Les pays en développement eux-mêmes ne nous font pas les mêmes demandes de substitution que celles qu'ils faisaient dans le passé, et il est tout à fait normal que nous appliquions à ce pan de notre politique le même effort d'évaluation que celui que nous voulons appliquer aux autres volets de notre politique étrangère pour qu'elle soit mieux gérée, mieux contrôlée, constamment perfectionnée. Pour cela, il faut harmoniser, soupeser, perfectionner, aiguiser l'efficacité de cette aide au développement, dont beaucoup d'intervenants ont parlé. Je ne peux les citer tous, mais je sais que c'est l'un des grands soucis de la Haute Assemblée que de vouloir sans cesse adapter notre aide aux réalités nouvelles.
En fait, il n'est pas un seul domaine de la politique étrangère de la France qui puisse être poursuivi mécaniquement comme il l'aurait été il y a quelques années. Dans tous les domaines, il faut reprendre l'analyse, la vérifier, la contrôler, l'adapter, trouver les mots nouveaux qui correspondent aux concepts nouveaux, les faire comprendre pour que le débat démocratique puisse avoir lieu. Naturellement, nous espérons que nos efforts seront compris et soutenus.
Dans ce monde global qui n'est pas du tout stabilisé, la globalisation n'est pas synonyme de résolution automatique de l'ensemble des problèmes posés. Chacune des questions se présente dans des termes un peu différents.
En fait, ce sont sans doute les relations avec les Etats-Unis qui ont le moins changé.
Avec les Etats-Unis, il s'agit comme toujours d'être capable, avec une égale sérénité, de coopérer, d'appuyer, d'approuver, mais, parallèlement, avec la même tranquillité, de résister, de dire non et de proposer autre chose.
En revanche, par rapport à la Russie, la donne a totalement changé. Il s'agit aujourd'hui d'accompagner et d'aider à la modernisation économique, sociale, culturelle et politique de cet immense pays, sans faire l'impasse sur toute une série de sujets, comme la Tchétchénie. Notre objectif premier est de tout faire pour favoriser l'existence, à côté de l'Europe, de cette grande voisine pour qu'elle aille dans le sens que nous souhaitons. C'est à l'aune de ce critère qu'il faut juger les politiques que nous menons.
Nombre d'entre vous sont intervenus à propos des Balkans, sujet majeur de l'actualité récente. Notre politique vise à « européaniser » les Balkans. Vous savez que les pays de la région cherchent un autre terme. Je ne l'emploie que dans le sens géographique classique.
Avec le changement intervenu à Belgrade, nous avons enfin un contexte nouveau, qui nous permet d'aller dans le sens de nos ambitions. Il faudra encore de nombreuses années pour que s'institue la coopération régionale, le bon voisinage, et pour que le rapprochement vers l'Europe se fasse par les étapes fécondes que nous avons dessinées à l'intérieur du processus de stabilisation et d'association.
Plusieurs d'entre vous ont parlé du Proche-Orient. Comment ne pas en parler ? Comment ne pas avoir le coeur serré devant ce qui se passe et par rapport à ce que nous avions espéré, par rapport à ce à quoi nous avions participé.
La priorité c'est évidemment que les violences cessent et que le dialogue reprenne, les deux pouvant être simultanés. Il n'y a pas d'autre solution. Ces deux peuples seront de toute façon toujours côte à côte, enchevêtrés, avec des destins communs, mais des destins qui doivent devenir des destins pacifiques, des destins de coopération.
Nous faisons tout ce que nous pouvons pour les y encourager. Toutes les puissances qui ont une influence au Proche-Orient le font également. Mais, au bout du compte, on ne peut pas se substituer à la responsabilité des protagonistes eux-mêmes.
J'ai l'intention de me rendre, au titre de la présidence française de l'Union européenne, dans cette région la semaine prochaine.
En Afrique, nous poursuivons la politique que vous connaissez. J'ai eu l'occasion - Charles Josselin plus encore que moi - de l'évoquer dans cette enceinte à différentes reprises.
Nous poursuivons notre politique d'engagement, mais il s'agit d'un engagement différent, fondamentalement respectueux de ces pays qui, indépendants depuis plusieurs décennies, prennent leurs responsabilités.
Ils mènent leur politique. Ils ont des réussites ; ils font parfois des erreurs. Ils savent que nous sommes à leur côté, en termes d'amitié, de coopération, de compréhension, d'échange et d'enrichissement mutuel, mais qu'il n'est pas question pour nous de nous substituer à eux en matière politique notamment.
C'est dans ce sens qu'il nous faut continuer à travailler, à affiner et à moderniser notre politique. Malgré un certain nombre de critiques nostalgiques, c'est ce que nous faisons, avec les instruments que nous avons entre les mains et que nous avons modernisés.
Vous sentez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, que mes remarques tournent autour d'une seule idée : nous sommes en fait dans une phase d'adaptation, de conception nouvelle ; nous vous demandons comment, dans ce monde globalisé, extraordinairement dur et concurrentiel, en dépit d'une apparente consensualité sur des valeurs universelles, nous pouvons continuer à nous inscrire dans une longue chaîne, à défendre nos valeurs et les intérêts de la France, nos conceptions, nos projets et nos idées, soit directement par nous-mêmes, soit par le truchement de la construction européenne.
Nous sommes à la veille du Conseil européen de Nice, un des plus importants depuis très longtemps. Cela se sent à la tension qui a régné dans les opinions publiques européennes. C'est toujours ainsi à la veille de conseils européens importants au cours desquels une décision difficile doit être prise. Une conférence intergouvernementale avait déjà abordé le sujet que nous devons traiter, mais sans succès. Il n'est donc pas tellement étonnant que la tension se fasse sentir à nouveau.
Nous allons donc nous rendre à Nice avec la volonté d'aboutir, en étant tout à fait lucides et vigilants quant à nos intérêts fondamentaux, mais tout aussi exigeants et ambitieux quant aux intérêts généraux de l'Union européenne, dont nous avons actuellement la présidence.
Ce sera difficile. Trois cent trente heures de négociation au sein de la conférence intergouvernementale n'ont pas permis de résoudre les problèmes qui se posent.
C'est dire à quel point ceux qui, au printemps dernier, disaient que seul comptait le débat sur l'avenir de l'Europe à long terme et que la CIG de Nice n'était pas importante se trompaient. Dans deux ou trois jours, les dirigeants des Quinze seront tous ensemble face à leurs responsabilités : ils ne peuvent pas échouer.
Voilà les quelques commentaires que je voulais faire sur une politique étrangère dont je sais, par mes contacts réguliers, que vous suivez avec attention les développements et les actions, ce qui nous est précieux.
Plusieurs d'entre vous se sont exprimés à propos des débats qui doivent avoir lieu au Parlement sur la politique étrangère de la France ; je pense à M. Bécart notamment.
Je voudrais rappeler que nous y sommes attentifs. Un débat a eu lieu au moment de la guerre du Kosovo ; un débat sur la présidence de l'Union européenne a eu lieu voilà quelques jours à l'Assemblée nationale ; un débat identique aura lieu le 14 décembre au Sénat, dans le cadre d'une séance de questions orales avec débat. Je rappelle également que les ministres les plus directement concernés, Pierre Moscovici et moi-même, sont très régulièrement auditionnés par les commissions, que des réponses vous sont régulièrement apportées lors des questions d'actualité, et je n'oublie pas tout ce qui se passe au sein du Parlement européen ni le travail qui est mené par le ministère auprès de tous les parlementaires qui voyagent, qui mènent des missions et qui s'intéressent à tout ce qui se passe dans ce monde changeant.
Avant de vous dire quelques mots sur les moyens budgétaires, je voudrais répondre à M. Le Cam, qui a posé une question sur la fermeture de la frontière franco-italienne. C'est naturellement tout à fait conjoncturel, monsieur le sénateur, uniquement lié au Conseil européen de Nice et à l'annonce de manifestations très nombreuses.
Je voudrais compléter ces quelques commentaires généraux, dont vous excuserez la rapidité, par quelques propos sur le budget.
Tout d'abord, mesdames, messieurs les sénateurs, Charles Josselin et moi-même sommes très sensibles à vos efforts, à votre soutien, à vos protestations même, qui ont joué un rôle non négligeable dans le fait que, pour la deuxième année consécutive, nous avons réussi à stabiliser les crédits. Stabiliser, ce n'est pas aussi bien qu'augmenter, mais c'est beaucoup mieux que décroître. Nous avons stabilisé les effectifs et les moyens de fonctionnement du ministère après plusieurs années de réduction drastique. Je sais que l'action menée par les sénateurs a été très importante à cet égard.
Je ne vais pas entrer dans le détail des chiffres. Vous savez très bien que la croissance apparente de 5,3 % s'explique par les contributions obligatoires. Il n'empêche que, même si l'on fait abstraction de cet apport, les moyens du ministère sont reconduits avec une augmentation de 40 millions de francs. A cette légère progression s'ajoute la budgétisation du fonds de concours sur les droits de chancellerie à hauteur de 119 millions de francs. Ce n'est pas négligeable.
Avec 9 471 emplois, les effectifs du ministère restent stables. Nous sommes donc dans une bonne situation.
Même si de nombreux sénateurs ont raison d'observer que les moyens du ministère restent stables, l'augmentation des crédits consacrés aux contributions obligatoires ou aux opérations de maintien de la paix traduisent bien un effort important en faveur de notre action extérieure multilatérale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, sur certains points, vous avez été cinq, six, sept, huit ou neuf à intervenir, ce qui traduit la convergence de vos analyses, dont nous tenons le plus grand compte. Ainsi, sur la question que j'évoquais précédemment, MM. de Villepin, Estier, Le Cam, Durand-Chastel, Chaumont, Dulait sont intervenus. Je ne peux pas vous citer tous à chaque fois, je vous prie de m'en excuser.
M. Chaumont s'est interrogé sur la dispersion des crédits de l'action extérieure de l'Etat entre plusieurs ministères. C'est un fait incontestable, qui résulte de l'histoire administrative du pays. L'essentiel est que nous ayons, à défaut d'une vraie coordination, ce qui serait meilleur, une action cohérente, et que les différents moyens soient employés de façon synergique. C'est mieux qu'auparavant. Nous progressons grâce aux divers organismes, aux diverses coordinations. Mais j'accepte volontiers que l'on estime que ce n'est pas suffisant et que la situation peut être améliorée.
Ce qui importe, en tout cas, c'est que ce budget permet de poursuivre la modernisation du ministère. Il fallait assumer la fusion des deux ministères, la poursuite de la déconcentration des moyens vers les postes, la poursuite de la rénovation de la politique immobilière, et je simplifie parce que ce travail de modernisation s'applique à de très nombreux sujets...
En ce qui concerne la politique immobilière, dont a parlé M. Dulait, je dirai que le niveau des crédits pour 2001 correspond à un retour aux dotations antérieures une fois passé le pic dû à la construction de l'ambassade à Berlin. Ce retour ne nous empêchera pas de poursuivre le travail qui a été fait, notamment par rapport aux consulats.
M. Dulait s'est encore inquiété de la somme consacrée au projet paysager à Berlin. Or, sur un total de 370 millions de francs, ce projet ne représente que 9,4 millions de francs. Naturellement, on ne peut pas porter de jugement sur lui aujourd'hui car il sera réalisé une fois que l'ambassade sera entièrement construite.
J'indique à ce propos à M. Durand-Chastel, qui nous a suggéré le crédit-bail, que ce mode d'acquisition n'est pas autorisé par la réglementation domaniale. Nous examinerons cependant vos suggestions, monsieur le sénateur.
En 2001, nous allons renforcer notre action de service aux usagers et de formation des diplomates.
Par ailleurs, ce budget consolide les moyens d'intervention de la DGCID ; Charles Josselin en parlera.
De nombreux sénateurs se sont réjouis des succès d'EduFrance. Je les en remercie. Nous avons besoin de votre soutien pour poursuivre dans cette voie mesdames, messieurs les sénateurs, car ce succès n'est pas allé de soi. Il a fallu bousculer quelques routines administratives. Jack Lang et moi-même avons demandé des audits pour favoriser les évolutions en cours.
La question des visas abordée par M. Ferrand est très importante. Vous vous souvenez que, dès que j'ai pris mes fonctions, je m'en suis occupé intensément ; nous les avons multipliés par deux en trois ans.
Il faut poursuivre cet effort, car c'est un élément majeur de l'influence que nous aurons ou non dans le monde. Là aussi, le soutien du Sénat nous sera très précieux.
Nos contributions aux organisations poursuivent leur progression. J'ai parlé de la très forte augmentation des crédits consacrés aux contributions obligatoires, mais nous poursuivons également l'effort de redressement des contributions volontaires, dont au moins trois d'entre vous ont parlé, et qui sont très précieuses pour nombre d'organisations, comme le programme des Nations unies pour le développement ou le haut-commissariat pour les réfugiés.
Le quatrième et dernier aspect principal - évidemment je résume beaucoup, car il s'agit de budgets dont on pourrait parler longtemps - c'est le caractère prioritaire de l'aide aux Français de l'étranger. Le nombre des interventions qui ont porté sur ce sujet montre votre attachement à nos 2 millions de compatriotes. Le rapport qu'avait rédigé Mme Ben Guiga à ce sujet est le principal instrument de travail des services chargés de l'action sociale en direction de nos compatriotes qui vivent hors de France. L'effort d'aide sociale se poursuit. Sur les 5 millions de francs de progression des crédits de l'action consulaire, nous obtenons plus de 3 millions de francs supplémentaires pour l'action sociale et la formation professionnelle, soit une augmentation de 3 %.
Bien évidemment, j'aurais souhaité, comme plusieurs d'entre vous l'ont dit, que ces crédits soient plus importants. On voudrait toujours faire plus en matière sociale. Mais cette progression est réelle, et elle est supérieure, monsieur Cantegrit, à la progression des moyens du ministère.
Le budget des bourses scolaires connaît également une augmentation.
Par ailleurs, une question a été posée par plusieurs d'entre vous, dont Mme Brisepierre et M. Ferrand, sur les retraités qui ont exercé en Afrique et qui ne parviennent pas à toucher leur pension.
Je connais bien ce problème, il s'agit d'un drame humain dont on me parle chaque fois que je me rends dans ces pays. Du reste, vous le connaissez aussi bien que moi. Nous essayons de remédier à cette situation depuis plusieurs années. Nous y sommes parvenus à peu près pour certains pays. C'est plus difficile pour d'autres, et je le déplore vivement, ne serait-ce que sur un plan humain. Nous continuons de travailler sur cette question, en relation avec les autorités de ces pays et le ministère des finances. Il nous faut faire valoir plus fermement les intérêts de nos ressortissants auprès de nos partenaires.
La question de l'indemnisation des victimes d'événements politiques se pose aussi régulièrement puisque, malheureusement, des tragédies se reproduisent périodiquement. Effectivement, aucune disposition de la loi française ne permet de dédommager ces victimes au titre de la solidarité nationale. C'est pourquoi, à la suite d'un voeu du Conseil supérieur des Français de l'étranger, un groupe de travail avait été chargé d'examiner cette question voilà deux ans. Il a réalisé une enquête approfondie, notamment auprès des assureurs et, sur ce point, nous nous heurtons encore à des difficultés sans fin puisque ceux-ci n'envisagent pas d'indemniser les biens et n'acceptent que de proposer des contrats d'aide au retour. C'est insuffisant dans de nombreux cas. Il faut donc poursuivre l'effort.
Je ne suis pas exhaustif, car il faudrait également parler de l'aide apportée à nos compatriotes âgés ou handicapés, de l'effort des sociétés de bienfaisance, de la Caisse des Français de l'étranger.
M. Chaumont, M. Durand-Chastel et d'autres intervenants ont parlé de l'effet change. Evidemment, l'évolution du dollar a une influence sur le coût de notre action à l'étranger, mais, lorsqu'on élabore un budget, il faut bien fixer un chiffre à un moment donné. On ne fait pas nécessairement preuve de malignité lorsqu'on arrête ce chiffre.
Le niveau de référence retenu pour le dollar est celui qui correspond au cours constaté au moment de l'élaboration du premier schéma budgétaire, revu à la hausse ou à la baisse selon les prévisions du ministère de l'économie et des finances.
Nous constatons aujourd'hui qu'il existe un écart entre le cours qui a été retenu - 6,56 - et celui qui est pratiqué sur les marchés. Nous l'avons signalé à Bercy. Toutefois, sans aller jusqu'à reprendre à mon compte les innovations linguistiques de M. Chaumont, vous savez que ce genre de discussion est délicat. Nous nous efforçons donc d'obtenir de Bercy une compensation de cet effet négatif. Je ne peux que soutenir vos souhaits à cet égard. En effet, il n'y a aucune raison de faire supporter par le budget du ministère des affaires étrangères les conséquences d'une erreur d'évaluation qui n'est pas de son fait. Nous persisterons dans ce sens tant que n'aurons pas obtenu une correction automatique. Nous n'avons pas d'autre objectif en la matière.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué la situation des agents qui sont recrutés localement. Je serai bref afin de pouvoir céder la parole à Charles Josselin. Avec 11 200 agents, dont près de 6 000 dans le réseau diplomatique et consulaire et dans le service culturel et de coopération, ce personnel recruté localement représente 75 % du personnel d'exécution, ce qui signifie que près de 2 400 Français trouvent un emploi à l'étranger.
Vous savez que j'ai mis un terme à ce type de recrutement, qui doit être encadré. Je me suis engagé à mettre en oeuvre un plan d'action pour la valorisation et l'amélioration de la gestion des recrutés locaux. Nous y travaillons constamment, Charles Josselin et moi-même. Ce plan existe. Nous avons commencé par réviser à la hausse de nombreuses grilles de salaire, en particulier s'agissant des rémunérations qui sont touchées par les pertes de change les plus lourdes. Nous allons poursuivre cet effort, notamment en ce qui concerne les personnels qui se trouvent aux Etats-Unis, où la distorsion est importante.
Je ne peux énumérer tout ce que nous faisons, car nous sommes dans une phase de transformation, de réforme, de modernisation. Ce serait trop long ; je ne veux pas lasser votre attention, même si je la sens et vigilante et amicale. (Sourires.)
Je dirai quelques mots sur deux ou trois points qui ont été abordés par certains d'entre vous.
En ce qui concerne la politique des visas, nous avons déjà énormément amélioré la situation, je le répète : nous avons augmenté le nombre de visas délivrés de 7,5 % par rapport à 1998. La progression continuera et, naturellement, monsieur de Montesquiou, nous poursuivrons cette politique visant à attirer en France ceux qui seront un élément important de notre influence dans le monde dans les années à venir.
Pour ce qui est de la réforme du CSFE, je me réjouis que la commission temporaire pour la réforme du Conseil supérieur des Français de l'étranger ait commencé ses travaux. Il est important que le CSFE retrouve un écho parmi nos compatriotes, écho qui s'est un peu affaibli ces dernières années. J'ai demandé à mon cabinet d'apporter à ceux qui sont chargés de cette réforme toute l'aide nécessaire pour avancer dans cette tâche.
Monsieur Hoeffel, je ne méconnais pas du tout le rôle du Conseil de l'Europe. Tous les Etats membres sont convaincus de la nécessité d'en stabiliser le budget ordinaire et d'opérer une pause après plusieurs années de croissance soutenue. Ce n'est donc pas un raisonnement français critiquable.
Le rôle du Conseil de l'Europe a été encore illustré récemment à propos des questions de l'Europe centrale et orientale, avec la rencontre entre M. Kostunica et les membres du Conseil de l'Europe : il jouait là le plus remarquable de ses rôles.
Il y aurait beaucoup à dire à propos de l'intervention de M. Penne, qui a parlé de la criminalité organisée et, notamment, de la lutte contre la cybercriminalité. C'est un vaste sujet, qui a même de l'importance sur le plan philosophique. A une époque où les Etats sont, sous toutes leurs formes et sur tous les plans, attaqués, contestés, décrédibilisés, délégitimisés, on ne leur en demande pas moins constamment l'impossible, à savoir lutter plus efficacement pour humaniser la mondialisation et introduire une régulation dans des relations parfois brutales, voire sauvages.
Certains d'entre vous ont cité des chiffres frappants. Je peux en citer d'autres ! Il faut savoir que les cinq premières entreprises mondiales ont un chiffre d'affaires qui est l'équivalent du produit national brut de 130 Etats membres des Nations unies. Face à de tels chiffres, on se demande qui régule qui !
Nous avons la conviction que, face à cette économie globale de marché, tous les Etats doivent obéir à des règles et qu'il faut bâtir un nouveau Bretton Woods à l'échelle de la planète. Même si nous avons parfois du mal à faire partager cette conviction et à convaincre un nombre suffisant d'autres Etats, nous continuerons à lutter dans ce sens.
Le problème de la criminalité organisée est lié à ce que je viens de dire, car celle-ci profite de toutes les failles : là où le pouvoir des Etats recule - ce qui peut paraître un progrès aux yeux de certains esprits - ce n'est pas un ordre plus satisfaisant qui s'installe, c'est évidemment autre chose !
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, après des interventions aussi constructives, aussi amicales, aussi pertinentes, ausi argumentées, fondées sur une analyse aussi approfondie des documents et des actions que nous menons, on pourrait dialoguer encore très longtemps. Mais je ne veux pas être plus long.
Je vous remercie de nouveau des efforts que vous accomplissez, même, et surtout quand ils sont accompagnés de critiques enrichissantes et instructives visant à aider la politique étrangère de la France à atteindre les objectifs que nous nous fixons tous pour notre pays. Merci de votre aide ! Merci à tous ceux qui ont annoncé qu'ils voteraient ce projet de budget en dépit de critiques, de réserves ou de regrets. Je serais heureux que ces regrets, fondés sur l'idée ambitieuse qu'ils se font du rôle de ce ministère, soient entendus largement. (Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs le sénateurs, le monde s'enrichit et les inégalités n'ont jamais été aussi grandes. Par ailleurs, une révolution a été introduite par la mondialisation de l'information : aujourd'hui, les pauvres le savent, quel que soit le pays dans lequel ils vivent, alors que beaucoup de riches s'accomodent de cette situation.
Le paradoxe, c'est que l'aide au développement, qui devrait participer massivement à la lutte contre l'inégalité du monde, est mise en question en raison du rapport entre les sommes investies, les efforts accomplis par des dizaines de milliers de coopérants depuis quarante ans, et les résultats observés en termes d'accès à l'école et à la santé. Et je ne parle même pas de cette catastrophe qu'est le sida, qui est en train de mettre un frein au développement. Vendredi, j'étais à Windhoek : le nombre d'écoles sans professeurs croît à une vitesse prodigieuse et le Gouvernement ne sait pas comment remédier au problème. En effet, quand un professeur est mort, on le remplace, mais quand il est seulement malade, on le paie, mais on ne le remplace pas.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Comme en France ! (Sourires.)
M. Charles Josselin, ministre délégué. Sauf que, là-bas, les professeurs meurent plus vite du sida qu'on ne les forme !
Un chef d'entreprise que j'ai rencontré jeudi dernier à Gaborone m'a dit qu'il était obligé de renouveler 15 % de son personnel chaque année à cause du sida. Voilà une effroyable réalité dont on mesure mal ici les conséquences en termes d'espérance de vie. Et je ne parle pas de l'accès aux libertés publiques et aux droits ! Tout cela est décevant !
Certains en viennent à considérer que l'aide au développement serait, au mieux, sans effet, au pire, contre-productive. D'autres - parfois les mêmes - en rendent responsables la mondialisation ou du moins ses institutions emblématiques - on pense évidemment aux institutions financières internationales - et, contre toute logique, ils partent en guerre contre les tentatives engagées pour introduire un peu de régulation publique dans le désordre planétaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il ne faut pas perdre la mémoire, mais il ne faut pas se tromper d'époque. En effet, c'est dans ce monde-là que l'accélération des échanges a évidemment pour moteur naturel le profit et oublie les moins solvables, où les investissements directs à l'étranger se dirigent d'abord vers l'hyperpuissance américaine, pour mieux la conforter sans doute. C'est le cas des investissements européens qui vont d'abord aux Etats-Unis, alors que l'Afrique, elle, ne reçoit que 1,5 % des investissements mondiaux.
C'est dans ce monde-là, et pas dans celui d'hier, que notre politique de développement a la pressante obligation de se développer pour essayer de peser sur le destin de la planète. C'est là le pari auquel nous sommes confrontés.
Le débat que nous avons eu cet après-midi était intéressant ; en tout cas, j'ai écouté avec beaucoup d'attention ce qui a été dit. Mais j'en ai retiré aussi la conviction qu'en dépit des efforts qui sont faits pour s'informer mutuellement, en dépit des auditions que votre commission des affaires étrangères organise pour nous permettre de nous expliquer, il y avait encore un sérieux déficit entre ce que nous faisons et ce que vous savez. En effet, parmi les propositions que j'ai entendues, il en est qui ont déjà commencé à être mises en oeuvre et d'autres qui le seront très rapidement. D'autres propositions - je le dis un peu brutalement, avec tout le respect que je dois à la Haute Assemblée - renvoient à un passé qui, même s'il est récent, est totalement révolu car, en dix ans, l'Afrique a considérablement bougé ; elle a bougé parce que le reste du monde a bougé, par exemple parce que l'empire soviétique a explosé.
D'autres solutions proposées supposent que soient réunis des moyens financiers que nous n'avons pas. Mais je vous remercie de nous aider à en obtenir davantage et m'associe ici aux remerciements que M. Hubert Védrine vous adressait à l'instant. Cela dit, encore faut-il savoir utiliser avec discernement les moyens dont nous disposons.
J'en viens à l'aide publique au développement, l'APD, les observations des uns et des autres appelant de ma part quelques précisions. Des précisions chiffrées, d'abord.
Non, l'aide publique au développement n'est pas tombée à 0,35 %, ni à 0,37 % du PIB ; l'APD officiellement enregistrée par le comité d'aide au développement de l'OCDE au titre de l'exercice 1999 - dernier à faire l'objet de statistiques définitives - s'élève à 34,7 milliards de francs, soit 0,39 % du PIB. Il est important de rappeler que, pour la même année et avec les mêmes références, l'Allemagne enregistre un taux de 0,26 %, la Grande-Bretagne de 0,23 %, l'Italie, de 0,15 %, et les Etats-Unis, de 0,10 % !
Il est clair que la faiblesse des participations des uns tire vers le bas les participations de tous les autres.
Ce taux de 0,39 % marque un recul, regrettable sans doute, mais léger, par rapport à 1998, quand l'APD s'établissait à 0,40 % du PIB. En valeur absolue, l'augmentation de 1999 sur 2000 représente 800 millions de francs de mieux.
Non, l'aide multilatérale n'a pas, au sein de notre effort, pris la meilleure part de progression : l'aide bilatérale a augmenté de 2,9 % et l'aide multilatérale, elle de 1,3 %.
Contrairement à une idée reçue, la part de l'aide bilatérale reste très prépondérante au sein de l'APD française, dont elle représente 73 %. Voilà pourquoi on ne saurait soutenir qu'elle est devenue minoritaire.
On a cité des chiffres de l'APD de 2000, voire de 2001. Il faut rappeler que l'APD ne se décrète pas : elle se constate en fin d'exercice et tient compte des situations économiques d'un certain nombre de partenaires.
Les spécialistes que vous êtes, mesdames, messieurs les sénateurs, savent bien que, en réalité, l'augmentation de l'APD à certaines périodes correspondait à l'effondrement de l'économie africaine, au moins dans certains pays, et que, si l'aide budgétaire a diminué, c'est bien parce qu'il s'est produit une amélioration des « fondamentaux », comme on dit, de certaines économies africaines, induisant presque mécaniquement une baisse de l'APD.
Il y a d'autres explications, malheureusement, à la baisse de l'APD. C'est ainsi que les situations de crise, de conflit nous empêchent évidemment de développer nos programmes dans les pays en guerre.
Il faut compter aussi avec la sous-consommation, dénoncée avec raison notamment par Jacques Pelletier, qui a beaucoup insisté sur ce point. Nous avons découvert des montants non consommés à hauteur de 9,5 milliards d'euros correspondant à des fonds européens de développement qui remontent à des dizaines d'années pour certains.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Mais oui !
M. Charles Josselin, ministre délégué. Ils sont non consommés parce que les procédures ne permettaient pas, en effet, de les consommer avec la souplesse nécessaire. J'en veux pour preuve le fait que, dans le cadre des accords de Lomé, les ressources de l'aide programmable, qui représentaient la moitié du FED, étaient considérées comme acquises une fois pour toutes. C'est-à-dire que l'on ne pouvait pas utiliser à d'autres fins des crédits immobilisés, y compris lorsque la situation de crise ou de conflit dans un pays empêchait de les dépenser.
L'accord de Cotonou, par exemple, introduit une gestion plus souple qui devrait permettre de remédier à cette situation, puisque les allocations versées par pays ne seront plus considérées comme acquises et pourront, si nécessaire, être redistribuées.
Bien sûr, on ne peut pas se satisfaire de la situation, mais il faut dire quelques mots de la qualité de l'aide. Les marges de manoeuvre offertes par des procédures plus efficaces sont, à bien des égards, supérieures aux variations quantitatives qui ont été identifiées.
Je vais vous donner quelques exemples de ce que nous avons entrepris précisément dans ce domaine.
En ce qui concerne notre aide bilatérale, au titre des moyens que nous avons mobilisés pour gagner en efficacité, je citerai d'abord la réforme des commissions mixtes, avec une implication systématique, depuis deux ans et demi, de la société civile, y compris des entreprises du Nord et du Sud, y compris des collectivités locales du Nord et du Sud, afin que les populations s'approprient nos programmes de développement. Il y avait là un vrai problème déjà bien identifié avant nous.
D'autres efforts ont visé une meilleure adaptation à la demande par le partenariat et une meilleure articulation entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale, ce qui était aussi l'une des grosses difficultés que nous rencontrions dans le développement de nos projets.
Mais nous avons, je crois, gagné aussi en efficacité en ce qui concerne l'aide multilatérale.
Je crois, en toute modestie, que nos plaidoyers devant les institutions de Bretton Woods, du Fonds monétaire international ou de la Banque mondiale, pour prendre mieux en compte les réalités du développement social et aussi les conséquences sociales de certains programmes d'ajustement structurel, ont été pour quelque chose dans le recentrage de l'aide de la Banque mondiale en faveur de la pauvreté et, plus généralement, de la meilleure prise en compte, dans le programme, des réalités sociales, qu'il s'agisse du fonds ou de la banque.
Je voudrais insister sur la déclaration de politique générale que nous avons adoptée sous présidence française, à Bruxelles, le 10 novembre dernier. Elle marque, en quelque sorte, la refondation de la politique européenne de développement.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Il était temps !
M. Charles Josselin, ministre délégué Elle pose le besoin d'un vrai partenariat et d'une vraie division du travail entre la Commission et les Etats membres, lesquels plaident pour une décentralisation sur le terrain des moyens et, de plus, expriment le besoin pour l'Europe de parler d'une seule voix, de façon qu'elle pèse davantage dans les institutions internationales dont je vous parlais à l'instant.
Ce qui est insupportable, c'est que nous, l'Europe, les pays membres, nous comptons pour 55 % de l'aide publique mondiale et que, à l'évidence, nous ne sommes pas entendus à proportion dans les enceintes internationales. Nous le serons si l'Europe est capable de plaider d'une seule voix, ce qui signifie une concertation entre nous. Je crois que Bruxelles, de ce point de vue, a marqué une étape importante.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Ces 55 %, ce sont des dépenses ou des promesses ?
M. Charles Josselin, ministre délégué J'étais hier à Bruxelles pour rencontrer le commissaire Nielson, afin de voir avec lui quel plan de communication nous allons mettre en place pour populariser cette déclaration de politique générale et le plan d'action qui l'accompagne.
Toujours sur l'aide publique au développement, je dois citer, bien sûr, le remplacement des accords de Lomé par les accords de Cotonou. La réforme très importante des procédures devrait mettre fin à certaines causes de non-décaissement de l'aide.
J'ajoute, car c'était l'une de vos préoccupations, que cette aide publique au développement est maintenue, dans la programmation du ministère des affaires étrangères en faveur des pays d'Afrique subsaharienne au même niveau que l'an dernier.
Les moyens mis à disposition des postes pour l'Afrique subsaharienne s'élèvent à 1,8 milliard de francs, dont 1,2 milliard de francs pour l'assistance technique et les actions d'accompagnement - les bourses et les stages, en particulier - et 600 millions de francs, soit un tiers du total, pour le fonds de solidarité prioritaire affecté aux projets de développement, lequel augmente de 6,5 %.
Profitant de l'occasion, j'ouvre une parenthèse pour indiquer à M. Jacques Chaumont que l'expression « l'APD dépouille le département », ne m'agrée guère. En effet, le président de conseil général que je fus pendant vingt et un ans a toujours du mal à se faire à l'usage du terme « département », qui pour lui, renvoie à d'autres réalités. (Sourires.) De toute manière, on ne peut pas dire que l'APD « dépouille le département », car c'est un outil de coopération. Le « département » a trois représentants au sein du conseil de surveillance ; le ministère des finances n'en n'a que deux.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Mais ce sont les finances qui commandent ! Un seul représentant leur suffirait.
M. Charles Josselin, ministre délégué. Il nous appartient, et c'est dans ce sens que nous agissons, d'être plus présents car, je le répète, l'Agence française de développement est bien l'opérateur de la coopération française et, à ce titre, elle constitue l'un de nos outils. D'ailleurs, les relations avec les responsables de l'AFD sont excellentes et, lors de la discussion budgétaire, nous avons plaidé avec la même force les moyens du fonds de solidarité prioritaire et les moyens de l'AFD.
L'assistance technique en Afrique subsaharienne, ce sont 1 700 postes, ce qui constitue évidemment la très grande part de l'assistance technique en général. D'ailleurs, les chiffres que je donnais à l'instant ne comprennent pas l'effort en faveur des établissements à autonomie financière - je pense aux centres culturels - dont le montant a été également maintenu.
Si l'on considère les interventions au titre de l'ajustement structurel et des aides budgétaires, on note que les décaissements réels devraient être très significatifs, c'est-à-dire, pour l'année 2000, probablement de l'ordre de 1 milliard de francs.
Des opérations importantes devraient être débloquées en 2001 en faveur du Cameroun, du Gabon, du Congo et de Madagascar. Un nombre important des pays éligibles à l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés appartiennent, précisément, à l'Afrique subsaharienne. En effet, à l'exception des Comores, du Gabon et de la Guinée équatoriale, tous les pays africains de la zone franc sont éligibles à l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés. Parmi eux, trois ont déjà atteint le « point de décision » de l'annulation de la dette ; c'est le cas du Bénin, du Burkina Faso, du Sénégal. En réalité, avant la fin de cette année, d'autres vont l'atteindre, c'est ce que le ministre des finances, Laurent Fabius, nous précisait ce matin, lors d'une rencontre avec les ONG. C'est le cas, par exemple, du Tchad, du Niger, du Mali et de Madagascar.
Autrement dit, l'accélération dans la mise en oeuvre de cette initiative en faveur du désendettement des pays pauvres va profiter très directement à l'Afrique subsaharienne. Je rappelle, à cet égard, notre volonté d'additionner effacement de la dette et aide publique au développement.
Toujours sur l'assistance technique, je regrette que les effectifs budgétaires aient à nouveau diminué. Déjà, l'an dernier, certains me l'ont rappelé, je considérais que l'on atteignait le niveau d'étiage. Apparemment, le niveau d'étiage était un peu plus bas !
Ceux qui regardent de près la manière dont les choses bougent, et notamment les appels d'offres internationaux, qui nous font obligation de changer l'assistance technique, savent bien qu'il faudra continuer à faire évoluer ces métiers-là en trouvant le point d'équilibre entre l'expertise de courte ou de moyenne durée et la coopération de présence - action que vous trouvez utile et nécessaire - en évitant les exagérations que nous avons encore observées sur le terrain. Ainsi, il n'est pas certain qu'un professeur de gymnastique présent depuis vingt-huit ans dans le même poste ne fasse pas de la substitution.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Et sans doute de l'arthrose ! (Rires.)
M. Charles Josselin, ministre délégué. Probablement !
Cela veut dire qu'il y a encore ici ou là des situations à faire évoluer. Nous devons aussi faire appel à l'expertise locale, à l'encadrement local ; c'est également dans ce sens que le progrès doit se vérifier.
Je n'entrerai pas - le président ne m'en laissera pas le temps, et il aura raison - dans le détail des situations matérielles. Je pense aux logements des assistants techniques.
J'évoquerai cependant l'accord intervenu entre la DGA et la DGCID en vue de faire coexister pendant quatre ans le régime statutaire du décret de 1992 et celui du décret de 1967.
La question de l'AEFE a été évoquée par beaucoup d'entre vous. Je voudrais, puisque des mouvements de grève ont été observés récemment, vous inviter à ne pas surévaluer les dégâts.
La plupart des établissements n'auront connu que deux ou trois jours de grève. C'est sans doute beaucoup, mais il faut, là aussi, ramener les choses à leurs justes proportions et convenir que de mauvaises conditions climatiques auraient pu tout aussi bien perturber la bonne tenue des cours.
M. Guy Penne. Cela peut venir !
M. Charles Josselin, ministre délégué. Cela peut effectivement se cumuler ; c'est l'ennui !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Ce n'est pas le problème !
M. Charles Josselin, ministre délégué. Depuis la réunion du 22 novembre entre les représentants du ministère des affaires étrangères, de l'AEFE et les organisations syndicales, la tension est progressivement retombée et les mouvements de grève ont été suspendus dans l'ensemble des postes. A ce jour, on ne note pas de mouvement perlé.
En tout cas, les relations entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'éducation nationale avec l'AEFE reposent d'ores et déjà sur un partenariat. C'est le ministère de l'éducation nationale qui homologue les établissements, effectue les missions d'inspection, certifie les examens et assure, comme cela va de soi, la formation continue du corps enseignant. La tutelle, il est vrai, est du seul ressort du ministère des affaires étrangères, qui assure aussi l'intégralité du budget de l'AEFE. Hubert Védrine et moi-même souhaitons engager avec le ministère de l'éducation nationale une discussion, qui se traduirait par une double tutelle. Nous avons écrit en ce sens à Jack Lang le 21 novembre et, à terme, c'est d'un autre partage des responsabilités dont il faudra discuter avec le ministère de l'éducation nationale.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Cela ne nous rassure pas !
M. Charles Josselin, ministre délégué. C'était aussi le souhait de plusieurs d'entre vous.
Je me propose de vous tenir informés plutôt par écrit de l'accord qui est intervenu le 22 novembre et qui s'inscrit d'ailleurs dans le droit-fil de l'accord du 14 juin.
Un désaccord demeure - il faut en convenir - sur le mode de financement de la réforme, les syndicats refusant une diminution du nombre des expatriés et réclamant un effort budgétaire de l'Etat. Nous en discuterons avec le ministère de l'éducation nationale.
Sur les autres points, en particulier sur l'augmentation du taux des majorations familiales servies aux expatriés, l'accord a été confirmé. Il en va de même pour la mise en place d'une indemnité de résidence versée par l'AEFE, qui sera un pourcentage, variable par pays, de l'indemnité d'expatriation.
S'agissant du Maroc, en particulier, le ministère et l'Agence s'engagent à permettre aux recrutés locaux qui le souhaitent de s'affilier à la sécurité sociale française ou à la caisse des Français de l'étranger dès le 1er janvier 2001. Le versement de droits de scolarité par les résidents bénéficiant jusqu'alors d'exonérations dégagera des marges de manoeuvre qui seront laissées à la disposition des établissements pour leur permettre d'améliorer la situation des recrutés locaux.
Ces mesures représentent un effort financier, tous postes confondus, de 80 millions de francs par an. Elles n'alourdiront pas la charge des parents. Leur financement sera assuré, en 2001, en partie par un prélèvement sur les réserves de l'Agence et en partie par la transformation de postes d'expatriés en postes de résidents.
Je rappelle qu'un groupe commun de travail se met en place entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'éducation nationale.
La question du volontariat civil intéresse évidemment de près M. Del Picchia.
Lors du débat à l'Assemblée nationale, le 7 novembre dernier, à la question portant sur le nombre de candidatures reçues au centre d'information sur le volontariat international, j'avais alors répondu « 515 ». Aujourd'hui, ce nombre est de 2 500, dont 40 % sont à bac + 5 et 60 % sont des jeunes filles.
M. Michel Charasse, rapporteur pour avis. Des demoiselles ! (Sourires.)
M. Charles Josselin, ministre délégué. C'est intéressant car cela démontre que ce que nous pressentions quant au changement de profil des volontaires susceptible d'intervenir est en train de se vérifier.
En tout cas, je fais observer que les campagnes de presse ont eu un grand impact,...
M. Michel Charasse, rapporteur pour avis. Ah !
M. Charles Josselin, ministre délégué. ... notamment celles - et j'y suis particulièrement sensible - de Ouest-France .
M. Michel Charasse, rapporteur pour avis. Tiens donc !
M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial. Très bien !
M. Charles Josselin, ministre délégué. M. Dulait a posé une question sur la coopération militaire. Je veux rappeler que, parmi les raisons qui ont pu militer pour la diminution du budget affecté à la coopération militaire et de défense, figurent la suspension de la coopération avec les Comores et la Mauritanie - on se souvient de l'affaire d'Ould Dah, en ce qui concerne la Mauritanie - puis le gel de la coopération bilatérale avec la Côte d'Ivoire à partir de l'arrivée du Général Gueï.
Quant à la place du français dans l'Union européenne, c'est évidemment l'une de nos préoccupations, monsieur Legendre. Il est exact que, si le français a le statut de langue officielle dans les instances européennes, il recule cependant au profit de l'anglais. L'usage du français demeure, en pratique, important. Ainsi, il demeure courant au Parlement européen, au Comité des représentants permanents, dans les réunions de travail officielles du Conseil. Le français demeure la langue habituelle des juristes : c'est vrai au Conseil, à la Commission et à la Cour de justice des Communautés européennes, le français étant d'ailleurs la langue des délibérés. C'est également le français qui est langue de travail de la Cour des comptes européenne depuis 1999.
Il est vrai, cependant, que le recul du français comme langue de conception et de travail est particulièrement sensible depuis les adhésions des pays du Nord, en 1995, et qu'il a été amplifié par la succession, en 1998 et en 1999, de présidences anglophones.
Nous observons ainsi que la Commission, dans ses relations avec les pays tiers et parfois même avec les pays francophones d'Afrique et du Bassin méditerranéen, recourt trop systématiquement à l'anglais. Il nous faut évidemment réagir. Nous avons d'ailleurs profité de la présidence française pour rappeler un certain nombre de règles qui étaient jusqu'à présent transgressées.
Je n'insisterai pas, faute de temps, sur les actions en faveur de la langue française. Les sénateurs qui suivent de près ces questions sont bien informés. Je dirai simplement qu'un programme consiste notamment à intervenir auprès des fonctionnaires des institutions de l'Union européenne, des Etats membres, des Etats candidats, qui constituent là un vivier de francophones vers lequel nous devons nous tourner résolument. La formation des interprètes des pays d'Europe centrale et orientale, candidats, est également un champ que nous essayons de couvrir au mieux. Plus généralement, nous essayons de former aussi aux langues des pays candidats des traducteurs francophones, ce qui est tout à fait indispensable pour les relations avec ces pays.
La question des brevets européens ayant déjà fait l'objet d'une question dans cette enceinte, je rappellerai simplement que l'attitude ferme de la France pour empêcher l'abandon complet des exigences de traduction pour peu que le brevet soit disponible en anglais - c'était la position adoptée par un certain nombre de nos partenaires - a permis l'adoption d'un compromis plus satisfaisant au regard des deux impératifs qui ont guidé notre démarche : l'amélioration de la compétitivité européenne, c'est-à-dire la baisse du coût des brevets, et la défense de la langue française. Désormais, l'accord additionnel facultatif issu des travaux du groupe prévoit un régime fondé sur les trois langues de travail de l'Office européen des brevets, dont le français.
S'agissant de RFI, je voudrais rappeler, en réponse à M. Guy Penne notamment - mais d'autres orateurs sont également intervenus sur ce sujet -, que des moyens supplémentaires ont été consentis chaque année à RFI depuis trois ans.
M. le président. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous rappeler que nous sommes tenus par l'horaire.
M. Charles Josselin, ministre délégué. Je vais essayer d'accélérer mon propos, monsieur le président.
Le projet de loi de finances pour 2001 prévoit une augmentation de la dotation en redevance de 25,6 millions de francs, ce qui doit permettre à RFI d'affronter à la fois les contraintes sociales mais aussi les développements techniques. Nous allons étudier la question de l'installation d'un émetteur de modulation de fréquence à Bruxelles, car cette idée me paraît intéressante. Il y a d'ailleurs, là-bas, beaucoup d'Africains qui peuvent être intéressés par l'écoute de cette radio.
J'en viens à TV 5. Après avoir longtemps plaidé la patience, les partenaires canadiens ont bien fini par reconnaître l'impasse dans laquelle se trouvait la chaîne aux Etats-Unis, ainsi que la mauvaise qualité du signal émis en Amérique latine. Lors d'une réunion des ministres de tutelle, nous avons, sur ma proposition, arrêté le principe d'une réforme en profondeur des structures gestionnaires de la chaîne. Cette réforme prévoit la création d'une structure multilatérale de gestion unique, éditant un programme diffusé en réseau, dont tout porte à penser qu'elle sera constituée à partir du pôle parisien de TV 5.
En tout état de cause, la France a annoncé à ses partenaires son intention, faute d'accord d'ici à mars prochain, de mettre fin unilatéralement aux financements actuellement accordés aux signaux de TV 5 Amérique latine et Etats-Unis et de confier à Satellimages-TV 5 la mission de confectionner un nouveau signal destiné à l'Amérique latine et, éventuellement, aux Etats-Unis.
M. le président. Je suis obligé de vous demander de conclure, monsieur le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué. Je ne pourrai donc parler du statut d'EduFrance.
J'en viens aux crédits consacrés à l'Albanie, qui ont été en très nette augmentation en 2000, avec 5,5 millions de francs contre 4,2 millions de francs ; cela devrait rassurer ceux qui s'inquiétaient de nos relations avec ce pays.
Quant à la Côte-d'Ivoire - et c'est ma dernière observation, monsieur le président - nous sommes bien évidemment très préoccupés par l'évolution de la situation. Nous mesurons notre appui à la Côte d'Ivoire à la lumière du processus de retour à la légalité constitutionnelle. C'est dire le soin avec lequel nous suivons les pourparlers actuellement engagés entre le représentant du RDR et le ministre de l'intérieur. Nous soutenons bien sûr toute solution négociée.
Nous ne croyons pas au risque de scission. Nous considérons que ce serait tout à fait contradictoire avec l'histoire même de la Côte d'Ivoire. Mais, il faut que celle-ci retrouve les chemins de l'ouverture aux autres, alors que, actuellement, autour du concept de l'ivoirité, ce sont le rétrécissement et l'enfermement qui menacent les Ivoiriens.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses que je souhaitais vous apporter. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Legendre applaudit également.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C et concernant les affaires étrangères.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 513 203 263 francs. »