SEANCE DU 14 NOVEMBRE 2001


M. le président. L'amendement n° 80, présenté par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le mot : "égale", la fin du deuxième alinéa du I de l'article 235 ter ZC du code général des impôts est ainsi rédigée : "à 5 % pour les exercices clos à compter du 1er janvier 2002". »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. La question du financement de la réduction du temps de travail agite quelque peu les débats parlementaires depuis l'adoption des deux lois relatives à la RTT.
Ce serait évidemment faire offense à la majorité sénatoriale que d'oublier son opposition viscérale à toute réduction de la durée du travail,...
M. Jean Chérioux. Non !
M. Alain Gournac. C'est faux !
Mme Marie-Claude Beaudeau. En tout cas, vous êtes contre les exonérations au titre de la RTT !
M. Guy Fischer. ... comme son soutien indéfectible à toute politique d'allégement du coût du travail sans contrepartie, à l'image de ce qui a pu se faire avant le printemps 1997.
Cela dit, en l'état actuel du débat, force est de constater que le financement de la réduction du temps de travail n'est pas sans soulever aujourd'hui quelques questions.
L'objet de l'amendement n° 80 est de majorer l'une des ressources dédiées, à savoir la contribution sociale sur les bénéfices, la CSB, dont le rendement, relativement éloigné de celui qui était attendu, quelque 3 milliards de francs, nécessite d'être amélioré, voire stimulé.
On peut évidemment s'interroger sur ce que d'aucuns ne manqueront pas d'appeler une « forme rampante d'augmentation de l'impôt sur les sociétés » ou une « forme rampante d'augmentation des prélèvements ».
M. Hilaire Flandre. Une forme trébuchante !
M. Guy Fischer. Mais nous assumons totalement cette proposition.
La contribution sociale sur les bénéfices participe aujourd'hui de manière relativement marginale au financement du FOREC, et donc de l'ensemble des dispositifs d'allégement de cotisations sociales qu'il centralise : 3 milliards sur 30 milliards de francs.
Elle constitue pourtant, à nos yeux, un outil intéressant d'incitation au changement de comportement des agents économiques que sont les entreprises. En effet, le montant de la contribution est d'autant plus élevé que la part de la valeur ajoutée non consacrée à la rémunération des salariés ou à l'investissement productif est limitée.
Les entreprises qui ont choisi, au cours de ces dernières années, de compresser la masse salariale sont donc mises en situation de contribuer de manière plus importante au titre de la CSB, ce qui justifie d'en accroître le montant par le biais du relèvement de taux que nous proposons.
Nous nous permettons d'ailleurs de faire observer que la mise en place d'un dispositif de réduction du temps de travail n'a pas, à proprement parler, remis tout à fait en question la rentabilité des entreprises de notre pays. Bien au contraire, les plus récents éléments disponibles montrent que la profitabilité des entreprises ne s'est pas affaissée, ce qu'atteste, notamment, le rendement de l'impôt sur les sociétés.
Outre qu'il dégage quelques moyens financiers nouveaux, cet amendement favoriserait une meilleure allocation de la ressource dégagée par le travail.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Si l'on comprend bien l'objectif des auteurs de cet amendement, il s'agit de trouver enfin - mais en vain - des ressources nouvelles pour alimenter le financement des 35 heures, donc du FOREC, alors que le Gouvernement n'a pas réussi à les trouver et a fait appel à la sécurité sociale.
M. Fischer souhaite alourdir le poids de l'impôt à travers la contribution sociale sur le bénéfice des entreprises, et la commission a considéré que, dans la conjoncture actuelle, cette initiative n'était pas vraiment opportune ; d'une certaine manière, M. Fischer veut reprendre d'une main ce qui a été donné de l'autre à travers les allégements sociaux. Je ne pense pas que c'est ainsi que l'on parviendra à atteindre les objectifs que s'était assignés le Gouvernement afin de redonner de la compétitivité aux entreprises pour qu'elles soient créatrices d'emplois,... encore que l'on puisse s'interroger sur la compétitivité avec le coût des 35 heures !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. Défavorable. (Murmures sur les travées du RPR.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 80, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 95, présenté par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 136-8-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 136-8-1. - Une contribution assise sur le montant net versé par les sociétés, les entreprises et autres personnes morales, assujetties en France, à la déclaration de l'impôt sur les sociétés, au titre de l'article 206 du code général des impôts, des revenus de capitaux mobiliers, des plus-values, gains en capital et profits réalisés sur les opérations menées sur titres, les opérations menées sur les marchés réglementés et sur les marchés à terme d'instruments financiers et de marchandises, ainsi que sur les marchés d'options négociables.
« Pour les sociétés placées sous le régime de l'article 223 A du code général des impôts, la contribution est due par la société mère.
« Le taux de cette contribution sociale sur les revenus financiers des entreprises est fixé à 10 %. La contribution sociale est contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles que les cotisations sociales. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Nous ne baissons pas les bras, monsieur le président, même si nous regrettons que la solution que nous préconisions pour rééquilibrer la contribution des recettes du budget de la sécurité sociale sans prélèvement sur le fruit du travail des salariés n'ait pas été adoptée.
L'amendement n° 95 présente plusieurs caractéristiques, dont la première est, bien évidemment, d'être défendu chaque fois que nous examinons une loi de financement de la sécurité sociale. Nous creusons notre sillon !
On pourrait, certes, nous reprocher une relative constance dans notre position, mais je crois que ce serait oublier le fondement des dispositions de cet amendement.
Tout d'abord, rappelons que le financement de la protection sociale est, pour l'essentiel, assis sur une base de calcul de cotisations fondée sur les salaires - quand bien même elle n'est pas un prélèvement sur les salaires mais plutôt une utilisation de la valeur ajoutée créée - et qu'il représente de plus en plus, aujourd'hui, l'affectation de recettes fiscales ou assimilées, telle la CSG.
Si l'on considère le postulat d'une protection sociale financée, pour l'essentiel, à partir des revenus du travail, on peut alors considérer qu'il est relativement injuste que les autres revenus ne soient plus mis à contribution pour le bien de la collectivité.
A ce stade, on nous rétorquera, bien entendu, que les revenus du capital et du patrimoine sont aujourd'hui mis à contribution au travers de la CSG et de la CRDS, mais nous nous devons de souligner ici, une fois de plus, que ce ne sont que les revenus dégagés de leurs placements par les particuliers - et bien souvent par les plus modestes d'entre eux - qui sont seuls concernés.
Dans les faits, les revenus financiers des entreprises, produit de leurs placements ou de leurs participations, échappent largement à toute participation au financement de la protection sociale.
Cette situation est préjudiciable à plus d'un titre. Elle prive, en effet, la protection sociale de ressources non négligeables. Par ailleurs, elle incite les entreprises à pratiquer plus largement encore restructurations juridiques et comptables et substitution du capital au travail.
Mettre aujourd'hui à contribution les revenus financiers des entreprises, au-delà des recettes que la protection sociale pourrait en tirer, signifie donc aussi permettre de modifier le comportement des agents économiques et favoriser la durabilité des ressources de la protection sociale.
L'oeuvre permanente de solidarité collective et intergénérationnelle que constitue la sécurité sociale implique que les revenus financiers des entreprises soient clairement mis à contribution, au même niveau que les revenus financiers des particuliers.
C'est sous le bénéfice de ces observations que j'invite le Sénat à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous saluons le souci de M. Fischer, qui souhaite trouver des ressources nouvelles au profit de la sécurité sociale. Nous lui conseillons cependant, pour ce faire, de suivre plutôt les propositions de la commission, qui ont pour objet de rétablir, en faveur de la sécurité sociale, les ressources dont elle a été privée pour financer le FOREC.
M. Alain Gournac. Voilà ! Bravo !
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons qu'émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 95, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 94, présenté par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« La sous-section 2 de la section première du chapitre 1er du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 241-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 241-4-1. - Le taux de la cotisation est modulé pour chaque entreprise selon la variation de sa masse salariale dans la valeur ajoutée globale. Le comité d'entreprise, ou, à défaut, les délégués du personnel, sont associés au contrôle de ce ratio. »
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. La question du financement de la réduction du temps de travail, comme d'ailleurs l'existence de maintes dispositions d'allégements de cotisations sociales, est l'une des questions récurrentes du débat parlementaire.
Evidemment, nous ne pouvons manquer de rappeler ici que la même majorité sénatoriale a soutenu sans hésitation dans le passé des politiques de large exonération qui ont conduit à la situation de déséquilibre des comptes sociaux que nous avons connue, et ce sans aucune contrepartie pour l'emploi et pour les salariés.
Ces politiques ont montré leurs limites et ont notamment permis de favoriser les formes les plus diverses de précarité du travail qui sont à la source de nombre des difficultés que la protection sociale, comme l'économie du pays en général, a pu connaître et connaît pour partie encore.
Nous partons d'un constat, celui de la persistance dans notre pays d'un volant important d'emplois sous-rémunérés parce que issus de qualifications non reconnues en termes salariaux.
Ce volant d'emplois connaît une série de fortes incitations fiscales et sociales, illustrée par ce que doit financer le FOREC aujourd'hui, ou encore par la prime pour l'emploi compensant pour partie le poids de l'impôt sur le revenu et la faiblesse des salaires.
Mais cette situation est loin d'être satisfaisante. Elle atteste, notamment, de la médiocre qualité des offres d'emploi, conduisant dans certains secteurs à de nombreuses désaffections - considérez par exemple, mes chers collègues, ce qui vient de se passer dans le secteur de l'hospitalisation privée ou encore ce qui perdure dans le bâtiment ou dans le secteur de l'hôtellerie - mais elle atteste aussi de l'insuffisance de la prise en compte effective des qualifications et de l'expérience acquise par les salariés au niveau de la rémunération.
Notre amendement tend donc à moduler le montant de l'aide accordée par l'Etat aux entreprises en fonction de l'utilisation effective de la richesse créée par le travail en termes de créations d'emplois ou de formation des salariés.
Plus la part de la valeur ajoutée destinée à cet usage sera élevée, plus l'aide sera importante. Plus elle sera faible, plus l'aide sera affaiblie d'autant.
C'est sous le bénéfice de ces observations que je vous invite, mes chers collègues à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 94.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Permettez-moi de présenter juste une observation à propos de cet amendement - que je n'approuve pas, mais la question n'est pas là.
Alors que nous sommes dans le domaine de la parafiscalité sociale, nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen souhaitent que le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel soient associés au contrôle d'un ratio qu'ils définissent par ailleurs.
Or, en France, compte tenu du régime politique qui est le nôtre, nul ne peut participer à la fixation de l'assiette de l'impôt, qui relève du seul pouvoir exécutif et des administrations placées sous son autorité.
Accepter de placer le recouvrement d'une cotisation sociale ou d'un impôt sous le contrôle d'un comité - si honorable soit-il - ce serait, mes chers collègues, s'engager dans un domaine dans lequel même la Chine populaire n'a pas engagé autrefois ses comités d'ouvriers, ses comités de paysans et ses comités de soldats. (M. Fischer proteste. - Rires sur les travées du RPR.)
Je le dis gentiment, mon cher collègue ! Je pense ; en tout cas ; qu'il vaudrait mieux éviter ce genre de tentations, parce que ce serait mettre le doigt dans un engrenage dont personne ne sait vraiment où il pourrait nous conduire !
M. Alain Vasselle, rapporteur. M. Charasse parle d'or !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 94, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 82, présenté par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le 1° de l'article L. 241-6 du code de la sécurité sociale, les mots : "proportionnelles à l'ensemble des rémunérations ou gains perçus par les salariés des professions non agricoles", sont remplacés par les mots : "modulées pour chaque entreprise selon la variation de sa masse salariale dans la valeur ajoutée globale, ratio pour le contrôle duquel sont associés le comité d'entreprise, ou, à défaut, les délégués du personnel". »
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Depuis plusieurs années, la question de la réforme des cotisations sociales est au coeur du débat sur le devenir même de notre système de protection sociale.
Reconnaissons tout d'abord que l'assiette actuelle des cotisations a largement permis de constituer avec le temps une assise solide de financement de ce système de protection, alors même que la fiscalisation croissante de celui-ci est une réalité de plus en plus prégnante.
Nous avons eu, dans le passé, l'occasion de souligner que cette fiscalisation était, sous certains aspects, porteuse de dangers pour le financement global de ce système, en éloignant chaque jour un peu plus le lieu de création des richesses - à savoir l'entreprise - du lieu de prélèvement des ressources destinées à financer la protection sociale.
Pour autant, bien comprises et bien conçues, certaines dispositions fiscales relatives à la protection sociale sont susceptibles de provoquer une modification de comportement des agents économiques et de renforcer, par conséquent, le recours aux formes essentielles du financement de la protection sociale.
On soulignera ici, en particulier, le sens donné, selon nous, à la contribution sociale sur les bénéfices ou encore le sens que l'on peut donner à toute disposition de financement de la protection sociale fondée sur la sollicitation des revenus financiers des entreprises comme des particuliers.
Dans le présent amendement, c'est cette logique qui est encore pleinement à l'oeuvre.
Il s'agit, en effet, de créer un mode de variation de la contribution sociale de chaque entreprise de notre pays fondé sur l'analyse de l'affectation de la valeur ajoutée créée par le travail de ses salariés.
Dans les faits, on partirait donc de l'analyse des soldes de gestion tels que mesurés dans le dernier exercice précédant la réforme et l'on affecterait un coefficient de correction de la contribution en fonction de la part prise par les salaires dans l'utilisation du complément de valeur ajoutée créée par chaque année d'activité.
Toute politique ou toute stratégie tendant à favoriser la substitution du capital au travail, à compresser les dépenses de formation et d'emploi en faveur du seul profit financier serait donc pénalisée, tandis que toute politique tendant à valoriser l'emploi, la formation et la promotion des salariés serait susceptible d'alléger le montant de la contribution de l'entreprise concernée.
Ce dispositif, au demeurant, nous semble plus pertinent que tous ceux qui, au motif d'alléger le « coût du travail », selon une terminologie que nous ne partageons pas, n'ont finalement favorisé que le développement du travail sous-rémunéré, générateur de précarité et de frustration pour des salariés dont la qualification n'est, souvent, pas véritablement reconnue.
C'est sous le bénéfice de ces observations que nous versons cet amendement au débat et que nous invitons, le Sénat à l'adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission émet le même avis défavorable que sur l'amendement n° 94, pour des motifs similaires à ceux que M. Charasse a très bien développés, expliquant ainsi l'opposition de la commission des affaires sociales.
M. Michel Charasse. Sur la forme !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je n'avais pas moi-même pris le temps de développer ces arguments,...
M. Michel Charasse. A tort !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... mais nous les faisons nôtres, car nous les partageons.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 82, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 4 bis