SEANCE DU 14 NOVEMBRE 2001


M. le président. L'amendement n° 99, présenté par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est créé un fonds de formation de personnels paramédicaux. Ce fonds finance : d'une part, une allocation d'étude pour les élèves infirmiers dont les modalités et le montant sont fixés par décret ; d'autre part, l'augmentation du nombre de places en institut de formation de soins infirmiers et sections de formation des aides-soignantes à concurrence des besoins existants et ceux créés par la mise en place de la réduction du temps de travail et les départs en retraite prévisibles.
« II. - Les dépenses liées à la création de ce fonds sont compensées à due concurrence par une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Toutes catégories professionnelles confondues, les personnels hospitaliers dénoncent la pénurie d'emplois qui pèse lourdement sur leurs conditions de travail et sur la façon dont les patients sont accueillis et soignés.
Les 45 000 emplois annoncés pour accompagner la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail n'ont pas permis de faire retomber la tension, tant les retards accumulés en matière de recrutement sont énormes.
Pour les médecins, le problème démographique est aussi fort. De très nombreuses spécialités sont en déficit et l'augmentation du numerus clausus se pose de manière aiguë.
Alors, j'entends bien les reproches adressés au Gouvernement, qui n'aurait pas anticipé pour former les personnels. Toutefois, ils me surprennent un peu, car les détracteurs d'aujourd'hui sont responsables de cette situation.
N'est-ce pas vous, messieurs de la majorité sénatoriale, qui avez soutenu la fermeture des instituts de formation et la diminution des quotas infirmiers ? Cela pèse aujourd'hui de manière cruelle sur la démographie médicale et paramédicale. Pour surmonter la crise des professions de santé, un plan d'urgence s'impose.
Certes, il convient de rouvrir les écoles, mais également et surtout d'améliorer les conditions d'études, notamment en préfinançant par des allocations d'études importantes le cursus des futurs professionnels.
Pour toutes ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à voter notre amendement tendant à créer un fonds de formation de personnels paramédicaux.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. M. Fischer met ici le doigt sur un point sensible, je veux dire la crise des effectifs infirmiers que l'on constate dans l'ensemble des établissements hospitaliers.
Il est vrai que la responsabilité est partagée et que le précédent gouvernement n'est peut-être pas intervenu autant qu'on aurait pu le souhaiter. Cela nous a d'ailleurs été dit par Mme Guigou hier, qui nous a reproché de ne pas avoir augmenté les promotions d'infirmiers, ce qui aurait permis de faire face aux besoins d'aujourd'hui. Cela étant, Mme Guigou a omis d'évoquer certains aspects du problème.
Je profite, d'ailleurs, de l'occasion de cet amendement, pour tenir l'engagement que j'ai pris hier devant vous, mes chers collègues. Je vous avait promis de répondre point par point sur tous les sujets que Mme Guigou avait développés de nouveau à la fin de la discussion générale, à une heure si avancée que j'avais préféré ne pas vous infliger une réponse immédiate qui nous aurait entraînés plus loin encore dans la nuit.
Mme Guigou a donc oublié de rappeler, monsieur le ministre, que vous avez fermé les écoles et que vous n'avez pas anticipé les conséquences de la mise en place des 35 heures - dispositions que vous avez soutenues, monsieur Fischer - qui, inévitablement, a eu un effet sur le nombre de postes à pourvoir aujourd'hui dans les hôpitaux publics comme dans les cliniques privées.
M. Michel Mercier. Voilà !
M. Alain Vasselle, rapporteur. M. Fischer et ses collègues nous proposent la création d'un fonds spécial pour assurer le financement des études des élèves infirmiers et une augmentation du nombre de places en institut de formation.
Nous connaissons le sort de tous ces fonds que l'on ne cesse de créer, mais qui ne voient pas le jour, faute des décrets nécessaires.
M. Paul Blanc. C'est sans fond ! (Sourires.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cela étant, M. Kouchner nous a annoncé tout à l'heure qu'un décret concernant la création d'un fonds venait de faire l'objet de sa signature.
Mais nous sommes dans un domaine qui relève du budget de l'Etat, raison pour laquelle vous avez raison, monsieur Fischer, d'interpeller le Gouvernement pour lui demander une augmentation des moyens nécessaires pour faire face aux besoins de formation des infirmières.
Quant à créer un fonds ad hoc supplémentaire pour assurer le financement de la formation de l'ensemble des postes d'infirmiers, la commission n'y est pas favorable, je le regrette, monsieur Fischer.
Mme Nicole Borvo. Tiens !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Mais je suis persuadé que vous allez être tout de suite rassuré par M. Kouchner.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé. Hélas ! non, monsieur Fischer, je ne peux pas vous rassurer. Mais, enfin, je reconnais que ces assauts de démagogie...
M. Guy Fischer. Oh !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué... sont très intéressants ! (Sourires.)
Franchement, c'est un tir croisé ! (Nouveaux sourires.)
D'abord, monsieur Fischer, nous devons les uns et les autres être satisfaits de la création d'un certain nombre d'emplois à la suite de la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail. Nous parlons de 45 000 emplois !
M. Guy Fischer. Nous l'avons dit !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Pourtant, vous demandez encore la création d'un fonds de formation des personnels paramédicaux afin de financer, d'une part, une allocation d'étude,...
M. Michel Mercier. Cela existe déjà !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. ... - en effet - et, d'autre part, l'augmentation du nombre de places dans les instituts de formation.
Je vous ai bien écouté et je précise que les instituts de formation d'infirmiers ont tous été rouverts, car ils avaient été fermés, pardonnez-moi ce détail. Ainsi, 26 436 places sont disponibles et les instituts fonctionnent à 100 %. Il serait difficile d'aller au-delà, ne serait-ce qu'en termes de locaux et d'enseignants, problème que nous avions déjà rencontré au moment où nous nous interrogions sur la première année commune aux infirmières et aux médecins. Pour l'instant, tout est plein, et il ne nous reste aucune disponibilité.
L'année dernière, il y avait 18 000 places dans les instituts de formation ; depuis le mois de septembre, nous en sommes à plus de 26 400. J'ajoute qu'aux termes d'un accord du 3 avril 2001, négocié, d'ailleurs, très vite et très bien, avec les représentants des étudiants infirmiers, tout est pris en charge, y compris le transport.
Je ne vois pas comment nous pourrions faire mieux, ce qui m'a fait employer, tout à l'heure, le mot « démagogie » que vous me pardonnerez, car ce n'est pas en réalité, votre état d'esprit.
M. Michel Charasse. Pourquoi ne pas leur donner l'examen aussi ?
M. Alain Joyandet. Le mot « démagogie » n'est pas trop fort !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Moi, je veux bien qu'on double le nombre de places, à condition, bien sûr, que cela soit possible, ce qui n'est pas le cas, et que l'on sache exactement ce que l'on veut.
Notre pays compte 4 000 établissements hospitaliers, publics ou privés ; pour la même population, l'Italie, qui n'est pas un pays complètement différent du nôtre, en totalise 1 000. Doit-on continuer sur cette voie ? Il y a là tout de même un problème.
Certes, vous avez raison de le dénoncer, dans certains établissements la pénurie se fait sentir. Mais, si les 45 000 places ont été créées afin de compenser les effets de la réduction du temps de travail, pour ce qui est des places qui manquent encore et des postes qui ne sont pas toujours pourvus, nous les prendrons en compte en sus des 45 000 places.
Si, l'année prochaine, nous pouvons faire mieux, nous le ferons, mais, franchement, l'effort est déjà considérable. Autrement dit, votre amendement est déjà satisfait dans les faits, monsieur Fischer.
Permettez-moi d'ajouter une explication complémentaire au sujet des aides-soignantes : il y avait là une injustice qui a été dénoncée lors du débat sur le budget de la santé.
Nous avions décidé, dans le protocole et dans le fonds de modernisation, de réserver 15 % des places dans les instituts infirmiers aux aides-soignantes qui avaient passé le concours. Or il se trouve que, si 13 % des places sont aujourd'hui prises par les aides-soignantes, dans quelques établissements - nous ne savons pas combien, mais entre cent et deux cents ; nous ne disposons pas du calcul exact - les aides-soignantes n'ont pas reçu la bourse nécessaire, alors qu'elles ont réussi le concours d'entrée à l'institut de formation aux soins infirmiers. Eh bien, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité et moi-même avons décidé hier de prendre cette bourse en charge, sur le fonds !
M. Guy Fischer. Vous voyez, monsieur le ministre !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Oui, monsieur Fischer, et vous ne l'aviez même pas demandé ! (Sourires.)
Nous avons donc décidé, et ce pour toutes les aides-soignantes qui n'auraient pas reçu de bourse, en raison, par exemple, de difficultés propres à l'hôpital, de prendre en charge cette bourse afin qu'à la rentrée de février 2002 toutes les aides-soignantes qui ont réussi le concours puissent suivre l'enseignement des instituts infirmiers. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 99, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 15