SEANCE DU 27 NOVEMBRE 2001


M. le président. « Art. 11 sexies . - Les entreprises qui ont été soumises à la taxe exceptionnelle mentionnée au II de l'article 11 de la loi de finances pour 2001 (n° 2000-1352 du 30 décembre 2000) doivent acquitter, au titre du premier exercice clos à compter du 20 septembre 2001, une taxe complémentaire égale à 8,33 % de l'assiette de la taxe exceptionnelle.
« La taxe complémentaire est acquittée dans les quatre mois de la clôture de l'exercice. Elle est liquidée, déclarée, recouvrée et contrôlée comme la taxe exceptionnelle et sous les mêmes garanties et sanctions. Elle est imputable, par le redevable de cet impôt, sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice suivant celui au cours duquel la provision sur laquelle elle est assise est réintégrée ou, lorsque la reprise de cette provision est intervenue au cours d'un exercice clos avant le 20 septembre 2001, sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice suivant celui au titre de laquelle elle est due. Elle n'est pas admise en charge déductible pour la détermination du résultat imposable. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-146, présenté par MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants, est ainsi libellé :
« Supprimer l'article 11 sexies . »
L'amendement n° I-27, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« I. - Compléter le premier alinéa de l'article 11 sexies, par les mots : ", déduction faite, le cas échéant, du montant de la provision pour hausse des prix correspondant qui était déjà rapporté au résultat des entreprises concernées lors du premier exercice clos à compter du 20 septembre 2000".
« II. - Après la troisième phrase du second alinéa de l'article 11 sexies , insérer une phrase ainsi rédigée : "La fraction de la taxe complémentaire qui n'a pu être imputée dans les conditions prévues par le présent alinéa est remboursée l'année suivant celle de la clôture de l'exercice au titre duquel elle n'a pu être imputée."
« III. - Rédiger ainsi le début de la dernière phrase du second alinéa de l'article 11 sexies : "La taxe complémentaire n'est pas admise..."
« IV. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions des I, II et III ci-dessus, compléter l'article 11 sexies par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de la réduction de l'assiette de la taxe complémentaire et du caractère éventuellement remboursable de la taxe complémentaire sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
« V. - En conséquence, faire précéder le début de l'article 11 sexies de la mention : "I. -". »
L'amendement n° I-223, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« I. - Compléter l'article 11 sexies par deux paragraphes additionnels ainsi rédigés :
« ... - A compter du premier exercice clos au 20 septembre 2002, la taxe complémentaire est, pour le dixième de son produit, affectée au financement d'opérations d'investissement des collectivités locales et de mise aux normes de sécurité et de formation des salariés dans les entreprises soumises à autorisation au titre de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976, relative aux installations classées pour la protection de l'environnement.
« ... - Le taux prévu à l'article 219 du code général des impôts est relevé à due concurrence des pertes de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du paragraphe précédent. »
« II. - En conséquence, faire précéder le texte de l'article 11 sexies de la mention : "I. -". »
La parole est à M. du Luart, pour défendre l'amendement n° I-146.
M. Roland du Luart. L'article 11 sexies institue une taxe complémentaire à la taxe exceptionnelle de 25 % assise sur les provisions pour hausse de prix constituées par les entreprises pétrolières, taxe qui a été créée par la loi de finances initiale pour 2001.
Cette taxe supplémentaire est critiquable sur le plan juridique, car elle a pour assiette un enrichissement supposé qui n'est, en réalité, qu'un décalage de trésorerie.
Elle l'est également parce qu'elle ne vise que certaines entreprises au sein d'un même secteur. La franchise de 100 millions de francs limite en effet son champ d'application à quelques grandes sociétés françaises du raffinage et de la distribution. Elle crée ainsi une inégalité de traitement à l'échelon national, dans un contexte déjà marqué par une forte concurrence internationale.
Comme le souligne très bien M. le rapporteur général dans son rapport, l'instauration de la taxe complémentaire ne semble, en réalité, viser qu'un seul groupe pétrolier français en particulier, sous prétexte que ce groupe a récemment connu des résultats financiers favorables.
Voilà donc un nouvel exemple de la manière dont le Gouvernement ponctionne les trésoreries d'organismes ou d'entreprises qui lui sont plus ou moins liés. Au lieu de mieux gérer son argent, il en prend aux autres !
Il met ainsi à contribution la sécurité sociale pour financer les 35 heures. De la même façon, il boucle le projet de budget pour 2002 en augmentant les prélèvements sur EDF, GDF, la Caisse des dépôts, ou encore la CADES, la Caisse d'amortissement de la dette sociale.
Notre amendement de suppression est donc avant tout un amendement de principe. Il tend à rejeter une nouvelle mesure de circonstance et à dénoncer l'ensemble des arrangements comptables auxquels se livre le Gouvernement pour dissimuler la réalité de nos finances publiques. M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° I-27.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons déjà voté, l'année dernière, une disposition identique.
L'amendement n° I-27 a deux objets : premièrement, rendre cette taxe complémentaire remboursable, et non pas seulement imputable - c'est une question d'équité ; deuxièmement, en conformité avec la ligne que nous avons l'habitude de suivre, supprimer les aspects les plus rétroactifs de ce prélèvement.
M. le président. La parole est à M. Foucaud, pour présenter l'amendement n° I-223.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la catastrophe survenue le 21 septembre dernier dans l'usine AZF de Toulouse a largement prouvé que la question des risques industriels majeurs était loin d'être résolue dans notre pays et qu'il convenait, par conséquent, de tenter de trouver des solutions adaptées aux problèmes posés.
Nous savons que des mesures d'urgence ont été prises, et nous aurons l'occasion, dans le cadre de la discussion tant de la deuxième partie que du collectif budgétaire, de revenir sur les conséquences matérielles et financières de cet événement dramatique.
La discussion budgétaire est également l'occasion de rechercher des pistes de solution adaptées à la situation créée. Dans cette affaire, en effet, il importe de ne pas perdre de vue trois paramètres essentiels.
Le premier, c'est le développement de l'activité économique, qui, dans un secteur comme la chimie, pose évidemment des problèmes de sécurité qu'il faut s'efforcer de résoudre dans les meilleures conditions.
Le deuxième, c'est la sécurité même des salariés, qui, aux dernières nouvelles, sont les plus directement exposés aux risques industriels et dont l'emploi et la formation doivent être préservés. Il s'agit de concourir à gérer le risque et de tendre vers la mise en place d'une procédure de sécurisation absolue, le « risque zéro ».
Le troisième, c'est la sécurité même de l'environnement immédiat de ces établissements industriels classés à risques, qui imposent non seulement des efforts particuliers d'aménagement urbain aux collectivités locales, mais aussi des contraintes en terme de schémas de cohérence territoriale.
L'ensemble de ces facteurs nous conduit donc aujourd'hui à proposer qu'à l'avenir une partie du produit de la taxe complémentaire acquittée par les compagnies pétrolières en vertu de l'article 11 sexies soit affectée au financement de la gestion des risques industriels sur la base des trois paramètres que je viens d'énoncer.
A ceux qui pourraient se demander si nous ne faisons que trouver un commode « bouc émissaire », je me contenterai de rappeler qu'un grand nombre des établissements classés Seveso sont exploités par des entreprises liées précisément à ces compagnies pétrolières, à l'image d'AZF, filiale du groupe TotalFinaElf.
Comme nous aurons l'occasion de le souligner, cet amendement ne constitue qu'un élément parmi d'autres des propositions de financement que nous pouvons formuler pour mobiliser les moyens en matière de prévention des risques industriels.
Que l'on nous comprenne bien, la catastrophe de Toulouse a suscité un grand émoi dans la population de notre pays et dans la ville rose. Nombreux sont ceux qui, deux mois après, vivent encore dans la précarité et dans l'attente anxieuse d'une solution.
Cette catastrophe a aussi largement révélé que nous étions en ce domaine très loin de répondre aux légitimes attentes de la population. Dans l'ensemble des sites Seveso de France, la même inquiétude existe et des solutions doivent donc être trouvées.
Tel est l'objet de cet amendement que je vous invite, mes chers collègues, à adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-146 et I-223 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement n° I-146 constitue une excellente initiative, qui rejoint celle de la commission. Notre amendement n° I-27 étant techniquement un peu plus détaillé, nous avons, c'est naturel, une préférence pour cette rédaction. Dans la mesure où le fond est le même, je suggère à nos collègues de s'y rallier.
J'en viens à l'amendement n° I-223. On ne peut certes que souscrire à l'intention de renforcer la sécurité des installations classées. Toutefois, nous ne saurions approuver une nouvelle « tuyauterie budgétaire », quelque peu bricolée avec une affectation de ressources non pérenne. La taxe complémentaire, qui n'est en effet pas une ressource pérenne, ne peut pas être affectée à des dépenses qui, elles, le sont. Vous le savez, la commission des finances n'est pas, par doctrine, favorable à de nouvelles affectations de recettes.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-146, I-27 et I-223 ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable, comme l'an dernier, à l'amendement qui vise à supprimer une taxation complémentaire sur les compagnies pétrolières. Cette taxation est destinée à atténuer les avantages d'un mécanisme bien connu, celui de la provision pour hausse de prix. Quand j'aurai rappelé que, grâce à ce mécanisme, une même hausse peut être déduite deux fois, on mesurera à la fois le caractère exorbitant de cet avantage et le caractère fondé de l'article 11 sexies.
Même si l'amendement n° I-27 ne s'inscrit pas tout à fait dans la même logique, puisqu'il s'agit non pas de supprimer purement et simplement, mais de réduire l'assiette, le Gouvernement y est défavorable.
Quant à l'amendement n° I-223, dont je comprends bien l'inspiration, il n'est malheureusement pas recevable, puisqu'il tend à affecter une recette à une dépense particulière.
M. le président. Monsieur du Luart, maintenez-vous l'amendement n° I-146 ?
M. Roland du Luart. Madame la secrétaire d'Etat, vous ne serez évidemment pas surprise que je ne sois pas d'accord avec votre analyse. Vous oubliez en effet que nous sommes dans une situation de concurrence internationale et que pénaliser une grande entreprise nationale ne rend pas service à notre pays. Vous en porterez un jour la lourde responsabilité !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un sujet politiquement incorrect !
M. Roland du Luart. Cela étant dit, je suis tout à fait sensible aux arguments de M. le rapporteur général.
Au nom du groupe des Républicains et Indépendants, je me rallie donc à l'amendement n° I-27, techniquement plus ciblé, et je retire l'amendement n° I-146.
M. le président. L'amendement n° I-146 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-27.
M. Gérard Miquel. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel. La loi de finances pour 2001 avait institué une taxe exceptionnelle pour limiter le bénéfice que les compagnies pétrolières avaient retiré en 2000 du mécanisme de la provision pour hausse de prix.
Nos collègues de l'Assemblée nationale ont institué dans la loi de finances pour 2002, que nous sommes en train de discuter, une taxe complémentaire. Il s'agit de tenir compte des profits tout à fait considérables qui ont été réalisés par ces compagnies pétrolières, dont la santé n'a, fort heureusement, pas été affectée par la baisse du pétrole brut. Nous devons, par conséquent, considérer cette taxe complémentaire comme une contribution au financement des mesures de soutien à la croissance.
Nous voterons donc contre l'amendement visant à diminuer le produit du dispositif et, partant, l'efficacité d'un élément de la politique de croissance de la gauche.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-27, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° I-223 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 11 sexies, modifié.

(L'article 11 sexies est adopté.)

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