SEANCE DU 14 FEVRIER 2002


M. le président. Je suis saisi d'une motion n° 1, présentée par M. Girod, au nom de la commission, et tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat,
« Considérant que la spécificité des tribunaux de commerce comporte des atouts importants qu'il ne saurait être question de remettre en cause sans précaution ; qu'une réforme des juridictions consulaires est néanmoins envisageable ; que cette réforme ne peut s'inscrire que dans le cadre d'une démarche globale et qu'elle devrait notamment permettre d'améliorer le mode d'élection des juges, de renforcer leur formation, de préciser les règles déontologiques auxquelles ils sont soumis ;
« Considérant que l'arrivée de magistrats professionnels au sein des tribunaux de commerce pourrait constituer un enrichissement réciproque et présenter des avantages pour le fonctionnement des juridictions ; que différentes solutions peuvent à cet égard être envisagées ;
« Considérant cependant que les conditions d'une réforme viable ne sont pas aujourd'hui réunies ;
« Considérant que la réforme des procédures collectives devrait être conduite préalablement à la réforme des juridictions consulaires et qu'aucun texte n'a été soumis au Parlement ;
« Considérant que la révision de la carte des juridictions consulaires, depuis longtemps obsolète, constitue une priorité ; que la suppression récente de 36 tribunaux de commerce sur 227 ne saurait tenir lieu d'une telle révision ;
« Considérant en effet qu'aucune réforme ne peut être construite sur la suspicion à l'égard de ceux qui seront chargés de la mettre en oeuvre ; que la préparation des projets de loi soumis au Sénat a pourtant été marquée par l'opprobre et le soupçon jetés - sans distinction ni précaution - sur l'ensemble des juges élus ;
« Considérant que le Gouvernement a annoncé en octobre 1998 l'adoption en 1999 d'une réforme des juridictions commerciales et d'une révision des lois relatives aux procédures collectives ; qu'il n'a finalement déposé des projets de loi que le 18 juillet 2000 et que ceux-ci ne comportaient pas la réforme des procédures collectives ; que l'Assemblée nationale a examiné ces textes en mars 2001, après déclaration d'urgence ; que le 25 octobre 2001, le Gouvernement a annoncé que les projets de loi ne pourraient être examinés par le Sénat avant la fin de la législature ; que le 21 novembre 2001, le Gouvernement a annoncé que les projets de loi seraient adoptés avant la fin de la législature ; que cette démarche illustre de manière singulière la continuité d'action dont aime à se prévaloir ce gouvernement ;
« Considérant que la réforme proposée induit des besoins humains nouveaux et implique l'affectation d'un grand nombre de magistrats dans les juridictions consulaires ; qu'ils est patent que la justice ne dispose pas aujourd'hui de moyens suffisants pour appliquer cette réforme ;
« Considérant que la réforme proposée au Sénat recèle d'importants inconvénients et d'évidentes contradictions ; qu'il est paradoxal de vouloir introduire la mixité dans les juridictions consulaires sans remettre en cause l'existence des tribunaux de grande instance à compétence commerciale ; que la modification du régime électoral proposée, loin d'améliorer le recrutement des juges consulaires, ne peut que déstabiliser les tribunaux de commerce et non les renforcer ;
« Considérant que les conditions de présentation et de discussion du présent projet de loi ont gâché les chances d'aboutir à une réforme concertée et consensuelle ;
« Décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme des tribunaux de commerce (n° 239, 2000-2001). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
La parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le rapporteur, auteur de la motion.
M. Paul Girod, rapporteur. Mon intervention sera brève, beaucoup de choses ayant déjà été dites sur le sujet.
J'avais indiqué à Mme le garde des sceaux que, si elle apportait un certain nombre d'éléments nouveaux, nous pourrions reconsidérer les choses ; mais je n'ai pas eu le sentiment que ce soit le cas. En effet, elle a essentiellement répondu aux critiques que j'avais émises en matière de rapidité des tribunaux les uns par rapport aux autres.
Je lui donne volontiers acte que j'avais arrondi : la durée des liquidations judiciaires immédiates s'élève bien à 1,7 mois pour les tribunaux de commerce contre 2,1 mois pour les tribunaux de grande instance à compétence commerciale, et non à 1 contre 2. L'écart n'est donc pas aussi important qu'on aurait pu le penser.
Cela dit, les écarts sont toujours dans le même sens. Au moment où l'on nous explique que la présence de professionnels est bénéfique, nous constatons avec inquiétude que les tribunaux professionnels sont toujours en retard par rapport aux tribunaux de commerce. L'argument me semble par conséquent relativement limité dans son essence même, d'autant plus que même quinze jours de retard en matière économique peuvent avoir des conséquences dramatiques. Et que dire alors du délai de vingt-trois jours entre la saisine effectuée par les parties et la saisine effective de la chambre compétente introduite par le projet de loi ? Ce serait véritablement catastrophique ! Ce serait déjà là une raison d'approfondir le dispositif !
Il a été question d'enrichissement réciproque. Celui-ci est réel lorsque les responsabilités et les capacités d'action en mission sont identiques. Vous m'accorderez que confier la présidence aux professionnels et la fonction de juge-commissaire aux élus parce que les professionnels ne veulent pas se salir les mains constitue non pas un enrichissement réciproque mais une mise en tutelle, et c'est ainsi que le ressentent les membres des tribunaux de commerce.
J'en viens à ma conclusion. Aucun des arguments que nous avons entendus - je parle sous le contrôle de M. le président de la commission des lois - ne m'a paru de nature à remettre en cause la solution qui a été adoptée par la commission et qui est proposée au Sénat, c'est-à-dire l'adoption d'une motion tendant à opposer la question préalable.
Cette motion s'appuie sur des raisons de forme et de fond.
Les raisons de forme sont liées au caractère extraordinairement anormal de la présentation de la réforme et, plus encore, à la procédure suivie qui consiste à déclarer l'urgence sur un projet de loi déposé deux ans après son annonce, à en débattre un an plus tard, à différer pendant plusieurs mois sa transmission à la seconde chambre, à l'annoncer, puis à le retirer, puis à l'annoncer une nouvelle fois et à l'imposer, enfin, dans des conditions de précipitation auxquelles certaines échéances ne sont peut-être pas complètement étrangères.
J'en viens aux raisons de fond qui sont au nombre de trois : premièrement, la réforme est prise à rebours ; deuxièmement, le système proposé est fondé sur une fausse mixité et, par conséquent, il y a un malentendu de fond qui aurait pu être éventuellement réglé avec les juges des tribunaux de commerce, d'où une humiliation inacceptable de ceux-ci ; troisièmement, la réforme du corps électoral, si elle n'est pas contestable sur le fond, en ce qui concerne le nombre des électeurs, ne peut cependant aboutir, compte tenu de la méthode retenue, c'est-à-dire le vote direct de 2,4 millions de personnes pour des scrutins départementaux, alors que les tribunaux de commerce ne sont pas tous à compétence départementale - ils sont même la plupart du temps à compétence infra-départementale -, qu'à des affrontements n'ayant rien à voir avec la notion de saine justice.
C'est la raison pour laquelle, compte tenu de la date, de l'ambiance, de la méthode et du fond, la commission des lois vous propose, mes chers collègues, l'adoption d'une motion tendant à opposer la question préalable : elle considère en effet non pas qu'il n'y a pas lieu à penser ou qu'il n'y a pas lieu à réfléchir, mais qu'il n'y a pas lieu à délibérer dans ces conditions-là sur ce texte-là, dans l'ambiance qui est celle d'aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Je ne partage pas l'avis de M. le rapporteur, qui propose d'adopter une motion tendant à opposer la question préalable.
En ce qui concerne la date, je lui indique que ce texte a été examiné puis adopté par l'Assemblée nationale les 28 et 29 mars 2001.
M. Paul Girod. Dans l'urgence !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Dans l'urgence, certes, mais simplement afin de réduire le nombre de navettes. Ainsi s'explique la déclaration d'urgence sur ce projet de loi !
Jusqu'à présent, le calendrier n'a pas permis l'examen de ce texte par le Sénat ; mais le Gouvernement a trouvé souhaitable de connaître ses positions. Cela, nous l'avons fait sans précipitation puisque la Haute Assemblée a eu le temps d'examiner longuement ce projet de réforme.
Ce projet est attendu, en particulier par les petites et moyennes entreprises, ainsi que par les artisans, qui ne se retrouvent pas dans l'organisation et le fonctionnement actuel des tribunaux de commerce.
Ce projet de réforme est également nécessaire. J'ai bien entendu, monsieur le rapporteur, que vous disiez qu'il fallait réfléchir aux perspectives d'une réforme pour assurer les conditions d'une régulation de la vie économique par le droit, et ce par une justice impartiale au sens de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Je crois qu'il s'agit là d'une exigence internationale.
Cette réforme n'est pas une réforme « sanction » : il ne s'agit pas de mettre en accusation les juges consulaires. Elle est équilibrée. Elle n'est pas inspirée par une question de pouvoir. Elle ne vise qu'à permettre de rendre un meilleur service aux justiciables, en associant les compétences juridiques et procédurales des magistrats professionnels à la connaissance du monde économique des juges consulaires. Je crois que cette complémentarité est une richesse.
Dans l'esprit du Gouvernement, cette réforme doit se poursuivre, et tout le monde s'accorde sur cette nécessité.
Il faudra avancer sans arrière-pensée.
A ce propos, permettez-moi d'ouvrir une parenthèse.
Le mouvement de grève actuel qui paralyse certains tribunaux va à l'encontre de l'intérêt des entreprises et de leurs salariés. J'ai reçu une délégation de magistrats du tribunal de commerce de Lyon qui n'étaient pas d'accord avec ce mouvement, lequel induit des retards dans l'examen de certains contentieux ; ce n'est pas en effet une bonne manière de valoriser la justice commerciale.
Il faudra avancer, disais-je sans arrière-pensée ; ce sera la tâche de la prochaine législature. En effet, le chantier ouvert sur les tribunaux de commerce devra être poursuivi. C'est pourquoi je pense que, faisant preuve d'un bon état d'esprit, le Sénat devrait rejeter la motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. Je vais mettre aux voix la motion n° 1.
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Je tiens tout d'abord à saluer la compétence et le dévouement de nombreux juges consulaires, ce qui n'a pas été assez dit, selon moi, lors des débats qui se sont déroulés à l'Assemblée nationale, et je ne parle pas d'un certain rapport.
Certes, il faut faire évoluer les tribunaux de commerce, tout le monde en convient. Mais il faut avant tout faire évoluer la carte judiciaire, comme l'a dit M. le rapporteur, et tenter d'améliorer les conditions de recrutement des magistrats et de fonctionnement des tribunaux de commerce.
Or ces réformes ne peuvent se faire que dans un climat de sérénité. Aussi, comme M. le rapporteur l'a longuement exposé, les conditions dans lesquelles nous travaillons justifient pleinement le vote de la motion tendant à opposer la question préalable. Monsieur le ministre, on ne peut pas en effet légiférer sérieusement de cette manière. Seuls la concertation et le consensus permettront de faire évoluer les juridictions consulaires.
J'ai rappelé combien la réforme des procédures collectives me paraissait importante. D'ailleurs, elle faisait l'objet du premier volet du triptyque que le Gouvernement avait prévu de présenter. Adopter un triptyque amputé de sa partie la plus importante ne me paraît pas être de bonne méthode.
Le groupe de l'Union centriste votera donc la question préalable, compte tenu des conditions dans lesquelles nos débats sont organisés. Il faut que cette réforme nécessaire se fasse dans la plus grande concertation et la plus grande sérénité.
M. Jacques Blanc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Je suis heureux de prendre la parole ce soir, tout d'abord pour remercier M. le rapporteur de la qualité de nos débats, ensuite pour pouvoir redire ici ce que j'indiquais le 27 mars 2001 à l'Assemblée nationale, où j'étais intervenu, au nom de mon groupe, pour défendre la position que je vais exposer à l'instant.
M. le ministre avait alors annoncé un bloc de réformes comprenant, en particulier, la réforme des procédures collectives. On pouvait espérer que le Gouvernement tiendrait compte de ce que nous disions et que nous pourrions améliorer les choses. Que s'est-il passé ? Non seulement il n'y a pas eu d'amélioration, mais nous avons assisté à une aggravation de la situation, et la réforme d'ensemble, qui supposait la réforme des procédures collectives, est dans l'impasse.
On finit par penser que le Gouvernement est un peu contraint dans cette affaire. Monsieur le ministre, ce ne sont pas les entreprises qui étaient demandeuses. Ce sont peut-être certains députés comme Arnaud Montebourg. Ils font des procès qui gênent un peu M. Jospin. Aussi, on leur donne un petit os, sans d'ailleurs beaucoup de conviction. Tout cela n'est pas raisonnable, parce que, parallèlement, on montre du doigt une juridiction.
Vous nous dites, monsieur le ministre, qu'un mouvement de grève a lieu dans les tribunaux de commerce. Mais il est dû à l'exaspération ! En effet, des juges qui ont exercé bénévolement une mission difficile se voient mis en cause dans des rapports dont le contenu mériterait d'être analysé ! Ainsi, dans ces rapports, il est fait reproche aux tribunaux de commerce et aux mandataires du faible pourcentage - 6 % - des redressements d'entreprises. Tout d'abord, ces 6 % sont calculés à partir d'un groupe d'entreprises qu'il faudrait diviser par deux. Ensuite, est-ce la faute des tribunaux, ou celle des mandataires si telle entreprise ne s'en sort pas ? C'est comme si, un malade ne guérissant pas, on accusait le médecin !
M. Jean-Jacques Hyest. Cela se fait de plus en plus !
M. Jacques Blanc. On casse le thermomètre pour ne pas voir qu'il a de la température.
M. Claude Biwer. C'est fréquent !
M. Jacques Blanc. Ce n'est pas sérieux, ce n'est pas raisonnable ! Si des manquements ou des dérapages ont eu lieu, il faut modifier les dispositions en cause. Nous ne sommes pas hostiles, M. le rapporteur l'a dit, à certaines évolutions, vers la mixité, par exemple.
De toute façon, monsieur le ministre, l'important est que nous puissions légiférer dans la sérénité. Ce sujet mérite mieux qu'un examen précipité en fin de législature dans le seul objectif de calmer les ardeurs non maîtrisables de certain député socialiste...
M. Claude Estier. Oh !
M. Jacques Blanc. Il est inutile de se voiler la face, mon cher collègue. Vous avez lu le rapport de M. Montebourg : il est excessif, vous en conviendrez.
M. René Garrec, président de la commission des lois. Nous avons lu Le Monde .
M. Jacques Blanc. Tout cela n'est pas raisonnable. Pour ma part, je tiens à rendre hommage à tous ceux qui se mobilisent pour sauver des entreprises et pour assurer le bon fonctionnement des tribunaux de commerce. Cette mission, difficile, majeure exige des compétences étendues et la maîtrise de nombreux domaines. J'associe d'ailleurs à cet hommage les mandataires de justice, dont nous aurons à traiter mardi, je pense.
Cela ne signifie pas pour autant que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il faut réfléchir, écouter les intéressés, sans se laisser enfermer dans une idéologie, comme c'est votre cas, ce qui est un peu triste, monsieur le ministre ; je suis d'ailleurs persuadé que vous le ressentez ainsi.
En fait, vous raisonnez dans un système dans lequel on fait systématiquement confiance à tout ce qui est collectif, au détriment des initiatives individuelles.
Ce débat est marqué par un choix fondamental de société : peut-on faire confiance à des chefs d'entreprise ou à des commerçants qui se mobilisent pour le service de l'intérêt commun ? Peut-on reconnaître aux membres de professions libérales la capacité d'agir dans l'intérêt supérieur du pays ? Nous affirmons que oui et vous, dans vos projets de loi, vous faites comme si la réponse était négative.
M. Jean-Pierre Schosteck. Eh oui !
M. Jacques Blanc. Le débat fondamental méritera d'être repris ; il ne peut être escamoté. Comme je le disais en mars dernier à l'Assemblée nationale, voilà déjà longtemps que l'on parle de cette réforme. Il fallait prendre le temps de l'examiner dans la sérénité, et non dans l'urgence en se laissant emporter par les excès de certains. C'est avec sérénité que le Sénat, dans sa sagesse, engagera, dans quelques mois, le dialogue avec une nouvelle majorité à l'Assemblée nationale...
M. Claude Estier. Ce n'est pas sûr.
M. Jacques Blanc. De toute façon, il y aura un nouveau gouvernement et nous pouvons espérer qu'il y aura une nouvelle majorité. Ainsi, menant une action conjointe avec l'Assemblée nationale, le Sénat n'étant plus considéré comme anachronique ou sans intérêt, mais étant reconnu dans son rôle de sagesse, nous pourrons aller de l'avant de telle sorte que tous les bénévoles, commerçants, industriels, membres des chambres de commerce, désignés au sein des tribunaux de commerce et associés à un certain nombre de magistrats puissent oeuvrer dans les meilleures conditions possibles au redressement des entreprises en difficulté et donc au maintien de l'emploi.
Il était urgent d'attendre, et je vous remercie, monsieur le rapporteur, de nous permettre d'exprimer cette nécessité. Le vote de cette question préalable ne signifie en aucune façon que nous fermons la porte ; au contraire, nous voulons qu'elle s'ouvre, mais sur un débat serein, débarrassé d'une idéologie dangereuse ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Laurent Béteille. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Béteille.
M. Laurent Béteille. Je souhaite expliquer brièvement la position du groupe du RPR sur cette motion tendant à opposer la question préalable, opportunément déposée par la commission.
Sur le plan de la méthode, d'abord, nous ne comprenons pas la manière dont le Gouvernement a géré la mise au point de cette réforme.
Depuis trois ans que nous entendons parler de la réforme des tribunaux de commerce, nous avons vu se succéder les pas en avant et les mises en sommeil, pour nous retrouver finalement devant un texte que le Gouvernement nous demande d'examiner en urgence, et cela une semaine avant que ne soient suspendus les travaux du Parlement.
Nous ne voyons vraiment pas comment, dans ces conditions, il serait possible d'examiner sereinement et surtout sérieusement ce texte.
Si le Gouvernement avait réellement souhaité que le Parlement adopte ce texte, il lui aurait été loisible de l'inscrire à l'ordre du jour des deux assemblées et de respecter la navette. Je suis persuadé que, après deux lectures à l'Assemblée nationale et au Sénat, nous aurions pu disposer d'un texte satisfaisant et susceptible d'être définitivement adopté. Ce n'est manifestement pas le cas de ce texte-ci, compte tenu de la méthode à laquelle, contre toute logique, le Gouvernement a eu recours.
Sur le fond, maintenant, ou bien on considère que l'institution des tribunaux de commerce est une mauvaise chose, et il faut en tirer les conséquences, ou bien on tente de faire progresser cette institution, mais il convient alors de ne procéder à sa réforme qu'après une concertation véritable avec ceux qui siègent dans ces tribunaux, au lieu de commencer par leur adresser toutes sortes de reproches qui ne sont pas fondés.
Mme André nous disait tout à l'heure à juste titre que la quasi-totalité des magistrats consulaires étaient des gens honnêtes, compétents, qui rendent un véritable service. En fait, on a manifestement monté en épingle un certain nombre d'affaires, certes tout à fait déplorables, mais qui ne représentent qu'une infime partie du contentieux, et cela pour mettre la justice consulaire sous tutelle, pour placer un magistrat professionnel à la tête des chambres qui jugent les contentieux les plus importants, confinant les juges consulaires dans un rôle subalterne, car ils n'auraient plus qu'à écouter la bonne parole venue du juge professionnel.
Il y a là, indiscutablement, une marque de défiance qui n'est pas admissible.
Il faut écouter les juges consulaires, qui ont d'ailleurs eux-mêmes proposé une réforme dès 1997. C'est ainsi que l'on pourra bâtir un texte susceptible de résoudre les difficultés qui ont été constatées et de faire vivre une institution dont la grande utilité a été démontrée et qui mérite donc manifestement d'être conservée.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons la question préalable. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1 tendant à opposer la question préalable, repoussée par le Gouvernement.
Je rappelle que l'adoption de cette motion aurait pour effet d'entraîner le rejet du projet de loi.

(La motion est adoptée.)
M. le président. En conséquence, le projet de loi est rejeté.

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