SEANCE DU 23 OCTOBRE 2002


M. le président. Je suis saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 140 rectifié, présenté par MM. Lorrain et Arnaud, est ainsi libellé :
« Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 212-4-3 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 212-4-3. - Le contrat de travail des salariés à temps partiel est un contrat écrit.
« Il mentionne la qualification du salarié et les éléments de la rémunération. Par dérogation aux dispositions des articles L. 143-2 et L. 144-2, le contrat de travail peut prévoir que la rémunération versée mensuellement au salarié est indépendante de l'horaire réel et est calculée dans les conditions prévues par le contrat.
« Le contrat de travail mentionne la durée du travail hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle ou annuelle et, sauf pour les salariés des associations d'aide à domicile, la répartition des horaires de travail.
« Si le contrat de travail comporte un horaire hebdomadaire, il mentionne la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine.
« Si le contrat de travail comporte un horaire mensuel, il mentionne les semaines du mois au cours desquelles le salarié travaille et la répartition de la durée du travail à l'intérieur de ces semaines.
« Si le contrat de travail comporte un horaire annuel, il mentionne les périodes de travail ainsi que la répartition des heures au cours des mois et des semaines travaillés.
« Dans les cas exceptionnels où la nature de l'activité ne permet pas de préciser, dans le contrat de travail, les périodes travaillées au cours de l'année et la répartition des horaires de travail, ce contrat de travail fixera les périodes à l'intérieur desquelles le salarié sera susceptible de travailler. Le salarié sera informé de sa date effective de travail au moins sept jours calendaires avant celle-ci. Le salarié peut refuser deux fois les dates proposées par l'employeur si le volume de travail demandé entre dans le cadre de l'horaire contractuel annuel. Il peut les refuser quatre fois si le volume de travail demandé entre dans le cadre des heures complémentaires.
« Le contrat de travail peut aussi prévoir, dans le cas où il comporte un horaire annuel, que la durée hebdomadaire ou mensuelle peut varier dans certaines limites sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, la durée hebdomadaire ou mensuelle n'excède pas la durée moyenne hebdomadaire ou mensuelle stipulée au contrat.
« Le contrat de travail détermine les modalités selon lesquelles les horaires de travail de chaque journée travaillée sont communiqués au salarié.
« Le contrat de travail définit, en outre, les conditions de la modification éventuelle de la durée du travail en précisant les cas dans lesquels le contrat peut être modifié et la nature de la modification.
« Toute modification doit être notifiée au salarié sept jours au moins avant la date à laquelle elle doit avoir lieu.
« Un accord d'entreprise ou d'établissement n'ayant pas fait l'objet de l'opposition prévue à l'article L. 132-26 ou une convention ou un accord collectif de branche étendu peut faire varier ce délai en deçà de sept jours, jusqu'à un minimum de trois jours.
« Les horaires de travail des salariés à temps partiel ne peuvent comporter, au cours d'une même journée, plus d'une interruption ou une interruption supérieure à deux heures que si un accord d'entreprise ou d'établissement n'ayant pas fait l'objet de l'opposition prévue à l'article L. 132-26 ou une convention ou un accord collectif de branche étendu, ou agréé en application de l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles, le prévoit expressément, soit en définissant les amplitudes horaires pendant lesquelles les salariés doivent exercer leur activité et leur répartition dans la journée de travail. A défaut de convention ou d'accord collectif, un décret en Conseil d'Etat peut prévoir, pour les activités de transport de voyageurs présentant le caractère de service public, les conditions dans lesquelles des dérogations aux dispositions du présent alinéa peuvent être autorisées par l'inspection du travail.
« Le contrat de travail précise par ailleurs les limites dans lesquelles peuvent être effectuées des heures complémentaires au-delà du volume de la durée du travail de référence fixée par le contrat. Le nombre d'heures complémentaires effectuées par un salarié à temps partiel au cours d'une même semaine, d'un même mois ou d'une même année ne peut être supérieur au dixième de la durée hebdomadaire, mensuelle ou annuelle du travail prévue dans son contrat. Un accord d'entreprise ou d'établissement n'ayant pas fait l'objet de l'opposition prévue à l'article L. 132-26 ou une convention ou un accord collectif de branche étendu peut porter jusqu'au tiers de la durée stipulée au contrat la limite dans laquelle peuvent être effectuées des heures complémentaires. Les heures complémentaires effectuées au-delà du dixième de la durée du travail hebdomadaire, mensuelle ou annuelle, mentionnée au contrat de travail, donnent lieu à une majoration de salaire de 25 %.
« Les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail effectuée par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou de la durée fixée conventionnellement. »
« II. - Les articles L. 212-4-4, L. 212-4-6, L. 212-4-7, L. 212-4-12, L. 212-4-13, L. 212-4-14 et L. 212-4-15 du code du travail sont abrogés. »
L'amendement n° 26, présenté par M. Joly, est ainsi libellé :
« Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A l'article L. 212-4-3 du code du travail,
« 1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Le contrat de travail précise par ailleurs les limites dans lesquelles peuvent être effectuées des heures complémentaires, et notamment le nombre maximum d'heures complémentaires pouvant être effectuées au-delà de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail fixée par le contrat, dans la limite du tiers de cette durée. Le nombre d'heures complémentaires effectuées par un salarié à temps partiel au cours d'une même semaine ou d'un même mois ne peut être supérieur au nombre maximum prévu par le contrat conformément aux présentes dispositions qu'avec l'accord exprès du salarié.
« 2° Le septième alinéa est supprimé. »
« II. - A l'article L. 212-4-4 du code du travail,
« 1° Dans la première phrase du premier alinéa, après les mots : "une convention ou un accord collectif de branche étendu" sont insérés les mots : "ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement".
« 2° Dans la deuxième phrase du premier alinéa, après les mots : "La convention ou l'accord collectif de branche étendu" sont insérés les mots : "ou la convention ou l'accord d'entreprise ou d'établissement".
« 3° Dans la troisième phrase du premier alinéa, le mot : "tiers" est remplacé par le mot : "moitié". »
L'amendement n° 108, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le troisième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : "Dans le cas contraire, le contrat est requalifié." »
L'amendement n° 107, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« La seconde phrase du quatrième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail est complété in fine par les mots suivants : "ou si ces heures ne peuvent être accomplies pour des raisons familiales, de santé, scolaires ou universitaires". » L'amendement n° 109, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le quatrième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les heures complémentaires donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour les quatre premières et de 50 % pour chacune des heures suivantes. »
L'amendement n° 106, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Fischer et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article L. 212-4-4 du code du travail est supprimé. »
La parole est à M. Jean-Louis Lorrain pour présenter l'amendement n° 140 rectifié.
M. Jean-Louis Lorrain. Le régime du travail à temps partiel a été totalement bouleversé par la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail.
Alors qu'il n'existait qu'un seul régime de travail à temps partiel, dont l'horaire pouvait être décompté à la semaine, au mois ou à l'année, il existe désormais quatre régimes de travail à temps partiel : le temps partiel dont l'horaire est décompté à la semaine ou au mois ; le temps partiel dont l'horaire est apprécié sur l'année ; le temps partiel familial ; un régime de travail intermittent.
Ces régimes n'obéissent pas aux mêmes règles, mais chacun d'entre eux est soumis à des règles d'application très complexes qui dissuadent les entreprises d'y recourir.
Ainsi, le régime du travail à temps partiel dont l'horaire est décompté à la semaine ou au mois peut être institué directement par le contrat de travail. Cependant, les mentions devant figurer dans le contrat de travail, notamment celles qui portent sur la répartition des horaires, sont si contraignantes qu'il est impossible d'adapter, sans l'accord du salarié, la répartition des horaires à l'évolution des besoins de l'entreprise.
Quant au régime du travail à temps partiel dont l'horaire est décompté à l'année, il ne peut être institué que par un accord collectif de branche ou d'entreprise et les règles de sa gestion sont si contraignantes qu'il présente rarement un intérêt.
En ce qui concerne le travail à temps partiel pour raisons familiales, il est possible d'alterner les périodes travaillées et les périodes non travaillées sur l'année. Néanmoins, pendant les périodes travaillées, le salarié devra avoir des horaires d'un volume et d'une répartition identiques à ceux de salariés à temps plein.
S'agissant du régime du travail intermittent, il permet d'alterner les périodes travaillées et les périodes non travaillées sur l'année, mais uniquement pour les salariés qui occupent un emploi comportant par nature une telle alternance.
Compte tenu de la complexité de cette réglementation, un retour à un régime unique de travail à temps partiel s'impose si l'on ne veut pas voir disparaître cette forme d'aménagement du temps de travail. M. le président. La parole est à M. Bernard Joly pour présenter l'amendement n° 26.
M. Bernard Joly. La loi reconnaît la possibilité, pour le salarié à temps partiel, d'effectuer des heures complémentaires au-delà de la durée fixée par son contrat.
Cette faculté répond tant à la nécessité de permettre aux entreprises de faire face à des surcroîts d'activité qu'au souci de permettre à certains salariés de travailler plus pour gagner plus.
C'est pourquoi il est impératif de lever les restrictions apportées au recours à ce mécanisme par la loi du 19 janvier 2000, en augmentant le volume d'heures complémentaires susceptibles d'être effectuées par les salariés et en ouvrant la possibilité de fixer ce volume par le biais des accords d'entreprise.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine pour présenter l'amendement n° 108.
Mme Michelle Demessine. Je défendrai simultanément les amendements n°s 108, 107, 109 et 106, qui ont tous trait au temps partiel.
Même si le projet de loi ne modifie pas directement les dispositions du code du travail relatives au temps partiel, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'est pas pour autant neutre vis-à-vis de ce mode de travail particulièrement précaire.
Vous entendez, monsieur le ministre, inciter au développement du travail à temps partiel, qui enferme pourtant nombre de salariés dans la pauvreté, dans la mesure où il concerne bien souvent des personnes peu qualifiées et très faiblement rémunérées.
En effet, votre texte prévoit de donner un avantage supplémentaire aux entreprises en rétablissant la possibilité de cumuler l'abattement spécifique au travail à temps partiel et l'allégement des cotisations sociales patronales institué à l'article 6. Les amendements, présentés par nos collègues Bernard Joly et Jean-Louis Lorrain nous montrent d'ailleurs que, au sein de la majorité, les tentations sont fortes de généraliser le recours au temps partiel, de préférence annualisé, bien sûr.
Au rebours de ce qui nous est proposé, à savoir, notamment, l'augmentation du volume des heures complémentaires et la fixation de ce volume par le biais d'accords, les amendements du groupe communiste républicain et citoyen visent non pas à lever ce que l'on a appelé des restrictions posées par la loi « Aubry II », mais à renforcer la protection des salariés travaillant à temps partiel, et surtout à empêcher la banalisation de ce qui est, aux yeux de la majorité et du Gouvernement, une fatalité de l'ère moderne.
Je n'aime pas cette expression, mais c'est bien de la « France d'en bas » qu'il s'agit ici. Le travail à temps partiel concerne, dans la grande majorité des cas, des femmes, bien souvent à la tête de familles monoparentales et qui n'ont d'ailleurs pas du tout choisi ce type de contrats. Je vous renvoie à cet égard à l'enquête de l'INSEE intitulée « Economie et statistiques » de septembre 2001, qui dresse un portrait éloquent des femmes actives travaillant à temps partiel, confirmant, s'il en était encore besoin, que le temps partiel est subi dans plus de 80 % des cas.
Ces femmes actives occupées à temps partiel cumulent tous les facteurs de précarité : elles ont, davantage que d'autres salariés, connu le chômage depuis la fin de leurs études ; elles sont nettement plus nombreuses à travailler sous CDD ; leur salaire moyen est inférieur de 25 % à celui des femmes actives travaillant à temps plein.
Que proposez-vous à ces salariées qui, pour la majorité d'entre elles, subissent le travail à temps partiel et souhaitent par conséquent travailler plus et gagner plus ? Rien, si ce n'est d'aller plus loin encore dans la déréglementation !
Pour notre part, nous envisageons de permettre aux salariés qui ont des emplois à temps partiel « long », en raison d'un très grand nombre d'heures complémentaires, de voir requalifier, s'ils le souhaitent, leur contrat en contrat à temps plein.
Nous souhaitons également protéger le salarié ou la salariée à temps partiel en lui permettant de refuser les heures complémentaires proposées lorsque celles-ci sont incompatibles avec ses obligations familiales. Nous prévoyons notamment de supprimer la possibilité de déroger par convention à l'obligation de notifier dans un délai de sept jours une modification de la durée du travail.
Enfin, nous proposons de rémunérer à leur juste valeur les heures complémentaires.
Tels sont les objets des amendements que nous soumettons au Sénat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Je voudrais tout d'abord soulever un point d'ordre : ces six amendements ont trait au travail à temps partiel, or la commission, qui a étudié le projet de loi qui nous est soumis, et uniquement ce texte, n'a souhaité ni assouplir ni durcir le régime du travail à temps partiel.
Elle ne peut donc que demander à nos collègues de bien vouloir retirer leurs amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. La majorité s'est engagée, notamment à l'occasion des élections présidentielle et législatives, à ne pas mettre en oeuvre de réformes dont les répercussions sociales seraient importantes sans une concertation préalable avec les partenaires sociaux.
Nous avons engagé une telle concertation à propos de l'assouplissement du dispositif des 35 heures, mais nous ne l'avons pas fait, évidemment, s'agissant de la réforme du travail à temps partiel. Or il s'agit d'une question très importante, qui suscite des interrogations dont on s'est fait l'écho sur les différentes travées de cet hémicycle. En effet, le travail à temps partiel est un facteur de souplesse, une forme d'activité qui correspond à un certain nombre de besoins modernes.
Il est toutefois vrai que beaucoup de salariés ne sont pas du tout satisfaits de la situation qui leur est faite par le biais du travail à temps partiel. Je crois donc qu'il convient d'ouvrir un autre débat, d'abord avec les partenaires sociaux, puis avec le Parlement, sur la modernisation et l'amélioration du régime du travail à temps partiel, mais non pas de le faire à l'occasion de l'examen de ce texte, sans que la moindre concertation avec les partenaires sociaux ait été organisée sur un sujet extrêmement sensible à la fois pour les entreprises et pour les organisations syndicales.
C'est la raison pour laquelle je ne crois pas étonner le Sénat en indiquant que le Gouvernement ne souhaite pas que l'on s'engage dans un tel débat et que ces amendements soient adoptés.
M. le président. L'amendement n° 140 rectifié est-il maintenu, monsieur Lorrain ?
M. Jean-Louis Lorrain. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 140 rectifié est retiré.
Monsieur Joly, l'amendement n° 26 est-il maintenu ?
M. Bernard Joly. Non, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 26 est retiré.
Madame Demessine, les amendements n°s 108, 107, 109 et 106 sont-ils maintenus ?
Mme Michelle Demessine. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 108.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 107.

(L'amendement n'est pas adopté).
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 109.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 106.

(L'amendement n'est pas adopté.)

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